Carnet de traversée du Kalahari (6)

Publié le par Jérôme Voyageur

Carnet de traversée du Kalahari (6)

Mercredi 9 avril 2008, bush camp au nord de Nata

 

Dernier réveil sous la tente au milieu du bush. A priori pas de visite nocturne si ce n’est Christian qui a vu passer un éléphant derrière les tentes. Après le démontage du camp, Fred essaie un dernier détour par les trous d’eau, sans succès. C’est à peine si quelques canards à bec rouge se sont montrés. Il ne nous reste qu’à faire demi-tour pour retrouver la route goudronnée qui file vers le nord. Aujourd’hui comme hier, elle est constellée de trous dont certains sont particulièrement larges et profonds. Néanmoins, après Pandamatenga, la situation semble s’améliorer.

Après avoir traversé la zone forestière, nous sommes surpris de découvrir d’aussi grands champs de cultures : soja, sorgho, tournesol, … Plus loin, nous trouvons même des bananeraies, une plantation de manguiers et une autre de canne à sucre. Ces quelques heures de route ont été avares en faune sauvage. Pas l’once d’une trompe d’éléphants.

En fin de matinée, nous atteignons Kazungula, le poste frontière puis Kasane à une dizaine de kilomètres de là. C’est une étape indispensable pour faire le ravitaillement pour le prochain circuit, vu les difficultés d’approvisionnement au Zimbabwe. En cinq ans, les lieux ont particulièrement changé. C’est tout juste si je m’y reconnais. Plus la moindre trace des quelques boutiques de souvenirs. Nous rencontrons aussi Ashley, le frère aîné d’Inno et Dout, lui aussi dans le même métier. Les Toyota à nouveau remplis, nous dénichons un coin au bord de la rivière Chobe, bien haute, pour pique niquer.

Sur la route du poste frontière, nous stoppons à nouveau devant un large étang recouvert de centaines de magnifiques nénuphars aux teintes bleutées. Enfin, nous atteignons le poste de Kazungula. La sortie du Botswana se fait le plus simplement du monde. Côté entrée au Zimbabwe, cela commence bien. Ils n’ont plus de formulaires à faire remplir donc le visa se fait directement (seulement 30 US dollars là où l’ambassade à Paris le vend à 70 euros). Par contre, au moment de franchir la frontière, deux « policiers » en civil, un peu dépenaillés, font du zèle et veulent se faire mousser devant les autres en essayant de fouiller nos véhicules. Il faut savoir qu’on ne peut pas importer de nourriture pour plus d’une journée au Zimbabwe. Alors vu notre chargement … Heureusement, ils n’ouvriront pas la plus chargée. Après de longues minutes passées sous un soleil de plomb à bord, nous finissons par pouvoir passer.

Au Zimbabwe, les routes semblent en état, au moins celle menant à Victoria Falls. Les traces d’éléphants sont nombreuses. Mais il nous faut parcourir pas mal de kilomètres avant d’apercevoir toute une famille (environ une dizaine d’individus) avec plusieurs jeunes dont un très petit. L’un des éléphants qui mangeait à droite de la piste nous gratifie même d’une traversée de la route. Tous sont rassemblés dans le sous-bois, partiellement dissimulés. Petit à petit, ils s’enfoncent dans la végétation jusqu’à disparaître. Il nous faut tout autant de temps pour apercevoir le gros mâle qui nous accueille à l’entrée de Vic Falls, juste au niveau du panneau qui marque l’arrivée dans la ville des chutes. Nous apercevons aussi un impala ainsi qu’une famille de phacochères.

Enfin, nous arrivons à Victoria Falls. La ville est bien plus calme que dans mes souvenirs mais je m’y reconnais assez bien. Nous nous installons au Rest Camp& Lodge, en plein centre, dans trois maisonnées au fond du camp, avec vue directe sur les nuées humides des chutes.

Une des premières activités est le passage sous la douche même si la précédente n’est pas très lointaine. Nous sommes quelques-uns à aller marcher un peu dans la ville. Les vendeurs à la sauvette sont toujours là, plus ou moins collants, toujours prêts à vous échanger qui votre tee-shirt, qui vos sandales. Nous descendons vers l’antique voie ferrée, toujours en fonction. Nous entrons ensuite au frais des grands hôtels, d’abord le Kingdom bien désert, puis ensuite le fameux hôtel Victoria. La bibliothèque propose un havre de fraîcheur presque de froid. Nous poussons jusqu’à la terrasse pour profiter de la vue unique face aux chutes.

Le dernier repas préparé par le staff ne déroge pas à la règle : un filet de bœuf toujours aussi bon mais pas autant que celui de Lethlakane. La soirée s’arrose petit à petit et les bêtises arrivent … Nous nous lançons enfin dans l’irish coffee dont certains parlaient depuis un bon moment déjà. Ceux qui n’aiment pas le café ou le whisky se lancent dans des improvisations sur le thème de la crème fouettée ! La soirée se conclut par un agréable vers d’Amarula glacé.

La vie n’est elle pas belle ?

 

Jeudi 10 avril, Vic Falls Rest Camp

 

Encore un réveil aux aurores. N’ayant pas mis le réveil, c’est Patrice qui vient me secouer si tôt. Ce petit déjeuner à 5h30 se justifie par l’envie d’aller voir le lever du soleil sur les chutes.

A cette heure-là, nous n’apercevons pas grand monde dans la rue. Pas plus qu’à l’entrée du parc national des chutes. Bien que les grilles soient sensées ouvrir à 6h, nous ne trouvons que le garde de nuit. Il nous faut attendre un bon quart d’heure avant que l’équipe de jour n’arrive. Mosi-Oa-Tunya (littéralement la fumée qui tonne) n’est plus très loin !

Du coup, nous courons un peu pour être en place avant que le soleil n’émerge. Depuis le point de vue situé face à Devil’s Cataract, la partie la plus à gauche des chutes, nous avons une parfaite position pour voir le disque solaire émerger, voilé par les embruns qui remontent très haut au-dessus du Zambèze. Les appareils commencent à crépiter et ce n’est qu’un début dans un tel lieu aussi magique et impressionnant. Nous commençons à flasher les chutes. La Devil’s Cataract, que je ne connaissais pas, est étonnante. La chute se fait par paliers et le moutonnement est énorme. Une vraie machine à laver lancée à pleine vitesse. C’est une quantité d’eau incroyable qui déferle de près de 70 mètres de haut dans la faille.

Nous progressons alors de point de vue en point de vue, remontant ainsi les diverses cataractes (Devil’s Cataract, Main Falls, 93 m, Horse Shoe Falls, Raimbow Falls, 108 m). Les premiers sont encore préservés des embruns, peut être q’un petit souffle de vent nous aide. En revanche, la végétation qui nous entoure fougères, palmiers, …) est luxuriante. La faune est, elle, totalement inexistante au moment où nous passons. Il est pourtant possible de voir quelques mammifères et des oiseaux dans le parc.

Toujours nous progressons. De temps en temps, une rafale d’embruns nous mouillent mais cela reste léger. Quant aux prises de vue, il faut être patient et viser entre deux voiles d’eau sinon la photo ressemble juste à un mur blanc. Nous approchons ainsi des « Main Falls » qui sont à cent mètres. C’est la hauteur de chute la plus importante. Au sortir de la saison des pluies, le débit est maximal. Avec le soleil qui s’élève, les chutes prennent plus de luminosité. Les chemins sont nombreux pour profiter du spectacle sous tous les angles. Un vrai régal de pouvoir être là.

Avec Rebecca, nous tentons d’aller jusqu’à l’extrémité du parc là où la faille s’ouvre en deux pour laisser s’écouler le Zambèze. C’est aussi là que les embruns sont les plus denses. Je devrais même parler de pluies tellement les gouttes sont grosses. D’ailleurs, elles vont dans tous les sens : vers le ciel et vers le sol. Malgré la cape de pluie, je me retrouve vite humide. Finalement, je suis contraint de rebrousser chemin à quelques dizaines de mètres tant je me fais arroser.

Il ne me reste qu’à poursuivre le chemin plus au sec car plus en retrait. Il mène jusqu’aux abords du pont qui enjambe le fleuve, reliant le Zimbabwe et la Zambie. En plus, il est parfaitement éclairé par le soleil du matin ce qui ne gâche rien. Ne pouvant plus avancer, je fais demi-tour pour retrouver un endroit où je puisse sécher. La terrasse de Livingstone est idéale pour cela : dégagée et au soleil. C’est à cet endroit qu’a été installée la statue monumentale de l’explorateur, coiffé de sa casquette, appuyé sur sa canne et avançant vers les chutes. Après les avoir découvertes et consacrées à sa reine, il les veille à tout jamais. Je retrouve là une bonne partie du groupe. J’ai fait l’impasse sur l’escalier juste avant, qui permet de descendre un peu vers la faille. Un peu trop glissant à mon goût à cette période de l’année.

Sur le coup des 8 heures, nous ressortons du parc laissant seul sur place. Les premières vagues plutôt vaguelettes) de touristes arrivent à peine. Autant dire que pendant 1h30, nous avions le parc national des Chutes Victoria juste pour nous. Sympa ! Nous rejoignons donc en 4*4 le camp. Certains poursuivent pour un survol en hélicoptère des chutes. Pour les autres, le programme est quasi unique : écumer les boutiques de Victoria Falls. Certaines sont désormais bien vides mais en ce qui concerne les articles artisanaux, pas de souci à se faire, il y a du choix à tous les prix, sans oublier le marché (à condition de supporter d’avoir des tas de personnes à ses basques). Décidément, la ville a changé en cinq années. Espérons que la situation finisse par évoluer. Finalement, en quelques heures, je me surprends à trouver à peu près tout ce que je voulais.

L’après-midi est bien plus tranquille et reposante. Farniente, piscine, tarot. Et d’autres activités moins passionnantes comme le sac à refaire avant de repartir. Et puis Fred nous a demandé d’être prêts pour 18h. Bizarre, bizarre ! En arrivant devant le chalet du staff, je suis surpris de trouver toutes les chaises alignées sous un des frangipaniers. L’apéritif est dressé artistiquement sur la table. C’est le moment des discours, des remerciements, des photos de groupe, … Tout cela jusqu’à ce que Fred nous demande de nous installer et de profiter de la surprise qu’il nous a réservée.

C’est tout d’abord la silhouette d’un jeune homme que nous apercevons, passant derrière le chalet. Puis soudain retentissent des chants africains. Arrive ensuite la troupe des chanteurs devant nous. Un tambour les accompagne. Ils sont une douzaine à évoluer sous nos yeux. Les chants d’origine Ndebele (l’ethnie locale apparentée à l’ethnie zouloue) se mêlent aux adaptations de chansons anglaises. Un superbe « In the Jungle », « Le lion est mort ce soir » en français, ainsi qu’un prenant « Swing Low, Sweet Chariots » que je me surprends à fredonner, chose impensable jusqu’à présent. Les chants s’accompagnent de danses tribales particulièrement physiques. Ces jeunes gens surprennent par leur souplesse tout autant que pour leur talent. Les frissons me viennent de même qu’une petite larme au coin de l’œil. Ces chants africains sont tellement porteurs d’émotions. Voici vraiment une splendide surprise que nous a offert Fred, tellement émouvant. Trente minutes de vrai bonheur.

Ce soir, nous avons décidé daller au restaurant pour finir en beauté un circuit réussi. Mais pour cela, Fred continue à se faire mystérieux. Il commence par nous faire traverser la ville vers le chutes avant de s’engager sur la route sombre qui longe le parc national ; nous avançons ainsi dans la nuit sans trop savoir ce que nous faisons là. Plus nous progressons « gentiment », plus la nuit se fait sombre. Et soudain, Fred laisse éclater sa joie, il a trouvé ce qu’il cherchait : il vient de nous dénicher un éléphant au bord de la route, en pleine nuit, juste en face du Big Tree, un immense baobab au diamètre énorme, probablement âgé de plusieurs millénaires.

Maintenant, il peut nous conduire au restaurant, le Victoria Falls Safari Lodge, situé un peu à l’écart de la ville dans un cadre magnifique avec vue sur un trou d’eau, ce qui explique le conseil d’amener les jumelles. L’architecture est très réussie avec un mélange de structures de bois et toits de chaume, sur quatre niveaux avec vue directe sur la nature, sans la moindre fenêtre. La cuisine est aussi très fine, très joliment présentée et particulièrement copieuse pour certains plats. Pour ne rien gâcher, le serveur se trompe sur la note au moment de la convertir en euros, nous faisant ainsi un taux de un euro pour deux dollars US. Nous n’allons pas nous plaindre.

Le retour au bercail se fait par le chemin le plus direct, bien moins sauvage. Cette fois, c’est vraiment la dernière nuit africaine du voyage. Mais avant de nous coucher, nous faisons quelques pas dans le parc du camp pour digérer un peu. Je jette un dernier regard au ciel tout en écoutant le grondement des chutes : la Croix du Sud est toujours là au-dessus de nos têtes.

 

Vendredi 11 avril, Victoria Falls Rest Camp & Lodge

 

Pas de dernier réveil aux aurores pour cet ultime jour. Néanmoins, les habitudes étant prises, pour la plupart, nous sommes levés aux alentours de 6h, profitant du soleil qui se lève juste en face de nous, de l’autre côté du Zambèze. Chacun se réveille tranquille, à son rythme et se prépare au départ. Puis vient l’heure des adieux avec Dout qui reste au camp pendant que Fred et Inno nous conduisent à l’aéroport « international » de Victoria Falls, distant d’une vingtaine de kilomètres.

Il n’y a pas foule sur la route ; nous croisons surtout une grosse famille de babouins éparpillés sur la route et ses abords. Nous franchissons aussi un barrage sans encombres ; les touristes n’ont aucun souci. Néanmoins, la présence de ces hommes en armes me surprend un peu. Inno me précise que c’est habituel. L’aéroport est toujours aussi artisanal. Les ordinateurs sont là mais ne semblent toujours pas fonctionner ; tout se fait à la main, ticket bagage comme carte d’embarquement. Les bagages passent sur une balance à l’ancienne. Nous nous rendrons même compte un peu plus tard dans la journée que le second vol que certains d’entre nous devaient prendre était annulé sans qu’ils le sachent !! Il faut rester zen.

Quelques boutiques résistent encore avec quelques articles à vendre. Mais pour combien de temps ? Le café au bar de l’aéroport constitue un moment de rigolade, d’abord le temps d’attente, puis les tasses dépareillées et enfin l’arrivée de la note : un demi milliard de dollars zimbabwéens pour six cafés et deux thés !! Le contrôle des bagages cabine est l’occasion d’un autre délire : ils confondent métal et pierre dans mon sac.

Malgré tout, nous parvenons à l’avion largement sous rempli. Une heure et demie plus tard, nous sommes de retour à l’aéroport de Johannesburg pour cinq heures d’escale. De longues heures qui sont mises à profit pour écumer les belles boutiques comme à chaque passage ici. Rolande et Jean-Claude nous rejoignent quelques heures plus tard. Un dernier verre pris ensemble et nous commençons à nous séparer, Rebecca partant par un vol différent du nôtre.

L’heureuse surprise de l’aller ne se reproduit pas ; cette fois, l’avion est plein. Aucune chance de pouvoir prendre ses aises. D’ailleurs, je ne vais pas beaucoup dormir, juste somnoler un peu. La demi heure de retard au décollage n’a pas été récupérée ; du coup, nous débarquons à Francfort vers 6h30, sachant que l’embarquement du vol suivant commence à 6h50. Pour ceux qui connaissent l’aérogare de Francfort, ils savent qu’il faut du temps pour le traverser tant il est grand. Il faut donc marcher promptement. Le contrôle est toujours aussi long ; il le faut même vider mon sac à dos : il restait un couteau suisse dedans (bonne blague, il a fallu trois contrôles dans trois aéroports pour qu’il soit vu !). Et la course reprend pour les quatre qui repartent sur Paris, les autres ayant un peu plus de temps devant eux. Nous nous quittons d’ailleurs au duty-free. Nous finissons par embarquer à l’heure. Mais à bord, nous apprenons que nous décollerons avec trente minutes de retard. Grrr ! Nous craignons le pire pour nos bagages vu la durée très courte du transit mais ce retard a peut être permis de les transférer.

Il ne manquera finalement qu’un seul bagage à l’arrivée à Roissy. C’est là que nous nous séparons. Je n’ai plus qu’à sauter dans le RER, sans même regarder si c’est le bon, pour rentrer à la maison en pensant déjà repartir sous ces latitudes australes tellement magiques et passionnantes.

 

Cette expédition, c’était aussi au départ :

 

  • 3 Toyota Land Cruiser
  • 3 conducteurs
  • 8 gentils aventuriers

 

  • 2200 km au total, dont 1600 de pistes, et 1350 uniquement dans le parc

 

  • 780 litres d’eau au départ, plus 500 litres rajoutés à Xade et encore 300 à Matswere
  • 860 litres de carburant
  • 260 kg de nourriture (fruits, légumes, conserves, …)
  • 60 litres de liquide dont 25 de vin
  • 100 kg de bois
  • 50 kg de charbon

 

  • 6 crevaisons
  • 1 joint de maître-cylindre d’embrayage

 

A TOI PAPI (R.I.P.)

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