Plongez dans la machine à remonter le temps

Publié le par Jérôme Voyageur

Guédelon, Avril 2007

 

Ces longs week-ends du mois de mai, hors ceux consacrés au devoir citoyen permettent d'aller se balader, s'aérer, découvrir de nouveaux endroits. J'ai pour ma part profité du premier pont de ce fameux mois de mai pour visiter quelques coins de Bourgogne, une région proche de Paris mais que je connaissais finalement assez peu. Direction donc l'ouest de cette région pour découvrir une expérience surprenante et fascinante, le chantier médiéval de Guédelon.

Géographiquement parlant, le chantier se situe non loin de Saint-Fargeau, dans une région appelée Puisaye. De Paris, il faut compter deux heures de voyage en empruntant l'A6 puis l'A77 jusqu'à la sortie Saint-Fargeau. Arrivé dans la région, il est facile de trouver le chantier, des panonceaux étant parsemés un peu partout pour guider les visiteurs. Il est aussi possible d'y arriver depuis le nord-ouest en provenance d'Auxerre. Il ne vous restera plus qu'à trouver la départementale 955 entre de Saint-Sauveur en Puisaye et Saint-Amand en Puisaye. Là dans les bois vous apercevrez comme une clairière qui sert de parking aux visiteurs. Vous y êtes. Bienvenue à Guédelon, en l'an 1238. Oui, vous avez bien lu : bienvenue au 13ème siècle époque où on construisait des châteaux-forts. Ici s'élève lentement celui de Guédelon.

Mais pourquoi une telle folie ? L'illuminé se nomme Michel Guyot. Il est le propriétaire du château de Saint-Fargeau : c'est à cet endroit qu'il s'est lancé dans un fastidieux programme de restauration. Désormais, le château se visite, un spectacle son et lumières fait revivre 10 siècles d'histoire et la ferme du château sert de conservatoire vivant du monde rural. Néanmoins, ce château a perdu son apparence médiévale engoncé qu'il est par d'épais murs de briques. C'est dit on ce qui a poussé son propriétaire à lancer le projet de Guédelon : retrouver le Saint-Fargeau d'origine, celui du 13ème siècle, de l'époque de Philippe Auguste. Il a pour se faire fait l'acquisition du bois de Guédelon où il disposait à la fois de bois et de pierres grâce à la présence d'une carrière sur le site. Mais ce n'est pas tout : dans son idée, il fallait construire ce château avec les techniques du 13ème siècle. Rien que ça ! Ainsi était né le projet du chantier médiéval. Après quelques années de démarches administratives pour obtenir toutes les autorisations (il paraît d'ailleurs que le dépôt du permis de construire fut assez comique !!) et de recherches de subventions pour financer les travaux, la première pierre fut posée en juin 1997 ; l'année suivante, le site ouvrait ses portes aux visiteurs. Plus de 250000 par ans désormais, ce qui permet au projet de s'auto-suffire et de faire vivre 48 permanents.

Pour assurer le sérieux du projet, un comité scientifique valide tous les choix de constructions, qu'il s'agisse des plans, des techniques ou des matières. A ce titre tous les autres châteaux de la même époque servent d'exemple ; les études universitaires sont elles aussi bien utiles pour ne pas faire n'importe quoi ! De même, le chantier évolue avec son temps. Hormis les obligations légales de sécurité actuelles, seules les techniques en usage à l'époque (c'est-à-dire avant 1238 en 2007 !) sont utilisées. Les oeuvriers savent qu'au fil des années, ils pourront en utiliser de nouvelles qui auront alors été découvertes ! Pédagogiquement parlant, Guédelon est l'endroit idéal pour expliquer le Moyen-Age et les châteaux forts à nos têtes blondes. Chaque année, un objectif de construction est décidé. Cette année, c'est le logis seigneurial qui est au centre des activités. Le château s'élève ainsi lentement, très lentement. On en discerne néanmoins les grandes structures avec la tour de la Chapelle et celle du Donjon élevées jusqu'au premier étage et reliées par la muraille nord et sa poterne, la base des deux autres tours ainsi que le châtelet, sans oublier le pont de bois qui permet de franchir les douves.

Tout autour du château sont installés les différents « ateliers » : on peut ainsi découvrir à l'œuvre les carriers, les charpentiers, les tailleurs de pierre, les maçons, les forgerons, le cordeur, … Les carrioles mues par des chevaux transportent les charges d'un lieu à l'autre. Pour atteindre le haut des murs, c'est la cage à écureuil qui est mise en œuvre : un des ouvrier est désigné pour monter dedans et la faire tourner. C'est alors le cérémonial pour tous les visiteurs présents. Cérémonial renforcé par le fait que tous les oeuvriers de Guédelon sont habillés avec des tenues d'époque : le bliaud et la ceinture corde à nœuds bien utile sur le chantier. Si le cœur vous en dit, vous pouvez vous proposer comme volontaire et apporter votre pierre à l'édifice. Dans les bois voisins, des tuiliers se sont installés pour faire les premiers tests de fabrication de tuiles et de carreaux de pavement qui seront nécessaires en nombre dans quelques années. Dans ce qui ressemble à un village d'époque, il est possible d'observer divers animaux domestiques : cochons, moutons, …

Dès l'entrée du chantier, après être passée par le bâtiment d'accueil construit lui aussi dans l'esprit médiéval, le visiteur peut observer diverses maquettes dans le sous-bois qui illustrent les évolutions des fortifications au fil des années jusqu'au 13ème siècle. Ces quelques pas permettent de franchir la petite butte qui révèle enfin le chantier et ses ateliers. En prenant garde à la circulation des carrioles, il est possible de déambuler un peu partout sur le site. Les différents ouvriers répondent volontiers aux questions des visiteurs, un bon moyen d'approfondir ses connaissances de cette histoire lointaine. Près des maçons, il vaut mieux faire attention : ils sont plutôt joueurs et il n'est pas rare que de l'eau tombe depuis les échafaudages !! Près de la palissade qui sépare le site du parking, une taverne propose divers plats influencés eux-aussi par l'époque ! A la sortie, une librairie-boutique installée dans le bâtiment d'accueil propose divers articles déclinant le thème moyenâgeux. Il est même possible de repartir avec des terres cuites produites sur place.

La construction à l'identique a tout de même ses limites. Ainsi, seul le bois destiné aux poutres est prélevé dans la forêt alentour ; tout le petit bois vient de l'extérieur. Idem pour le charbon qui n'est pas produit sur place. Sinon la forêt aurait disparu à la fin de la construction. Quant au mortier, il nécessite de la chaux vive ce qui est interdit par la législation. Le site est donc livré régulièrement en chaux éteinte qui est simplement mélangée avec de la terre tamisée pour produire le mortier. Tout les matins, la corvée des gâcheurs permet de préparer le mortier pour la journée. Pour le déblaiement de la carrière, on fait appel à des machines : cela n'apporterait rien au projet de creuser pendant des jours pour mettre au jour de nouvelles roches.

Le chantier ouvre seulement une partie de l'année, l'hiver se prêtant assez peu à ces travaux. C'est donc à partir du mois de mars qu'il ouvre ses portes mais seulement quatre jours par semaine, le mercredi et les week-end étant fermés. Il faut attendre le mois d'avril pour que l'accès soit possible six jours sur sept, le mercredi restant le jour de repos. Il en est ainsi jusqu'au début du mois de novembre. En revanche, pendant les mois de juillet et d'août, l'accès est possible tous les jours. Globalement, le chantier ouvre ses portes de 10h à 18h, un petit peu plus en été, un petit peu moins en automne. Le tarif d'accès est de 9 euros pour les adultes en individuel. C'est un peu élevé, mais il faut se dire qu'on contribue ainsi à la construction. Pour deux petits euros de plus, vous pouvez bénéficier d'une visite guidée ; ce sont les ouvriers même du chantier qui les assurent. Et cela vaut vraiment le coup. Ils sont très compétents, tant sur le chantier et ses techniques que sur l'histoire médiévale. Leur humour ne gâche rien !

Par temps de pluie, je vous invite à bien choisir vos chausses : le terrain terreux doit alors se transformer en véritable pataugeoire de boue. Par temps ensoleillé, il faut par contre bien se couvrir car le soleil tape fort tandis que l'ombre offerte par les murs reste encore très minime.

Alors si vous souhaitez prendre une leçon d'histoire mais aussi de technique, de mathématique et que sais-je encore, n'hésitez pas à aller faire un petit tour en Puisaye. Et revenez-y pour voir l'évolution des travaux. Il est prévu que le chantier se termine vers 2025. Mais d'autres projets seraient déjà dans les cartons : construction d'un village, construction d'un prieuré. Autant dire qu'il y en aura encore pour quelques générations !!

Pour préparer votre voyage, vous pouvez aller faire un tour sur le site du projet : www.guedelon.fr.

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Publié dans Carnet de voyage, Europe, France

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