Ronde bolivienne (3)

Publié le par Jérôme Voyageur

Jeudi 20 mai 2010, Culpina K

 

La nuit ne fut pas si froide qu’attendu. Nous nous levons frais et dispos mais ralentis par un 4*4 en panne qui nous empêche de sortir de la cour de la pension. A force d’attendre, nos chauffeurs utilisent leur roue de secours et nous poussons le véhicule dans la ruelle. Nous pouvons enfin prendre la piste. Pas pour longtemps en fait. A quelques kilomètres, nous tombons sur un gros 4*4 renversé dans le fossé. Et c’est reparti : nous nous y mettons tous pour le remettre sur ses roues mais il n’ira pas plus loin. Ernesto pense qu’il s’agit d’un véhicule volé au Chili, comme en atteste sa plaque minéralogique. Nous pouvons vraiment partir à la découverte de cette magnifique région de Bolivie. Nous sommes au cœur des grands espaces. Les sommets nous entourent. Certains sont même encore enneigés. Nous en prenons plein les yeux. Les paysages sont changeants : tantôt des déserts de pierre, tantôt de sable. Parfois, un peu de végétation, la plupart du temps de la puna. Les couleurs sont aussi magnifiques : de superbes mélanges de rouges, d’ocres, de bruns, de gris, … Au loin, parmi de nombreux sommets, nous pouvons voir l’Ollagüe, le seul volcan actif dans cette zone. Il est possible d’apercevoir quelques fumerolles s’élever à son sommet.

Nous faisons une première pause au cœur de la forêt de pierres. La piste traverse un massif rocheux particulièrement érodé. Du coup, le jeu consiste à imaginer à quoi peut bien ressembler tel ou tel bloc. Le premier figure sans hésitation un condor. Nous poursuivons à pied, chacun à son rythme. Le ciel bleu en arrière-plan offre de superbes contrastes. Ici et là, je trouve quelques belles llareta bien vertes et bien rondes.

Nous remontons à bord des véhicules après cette petite marche agréable pour rejoindre la lagune Hedionda. Les paysages sont toujours aussi grandioses. Quelques pistes pierreuses sont particulièrement aventureuses. Sans véhicule tout-terrain, aucun espoir d’aboutir. Cette première lagune est balayée par un vent froid et les flamants roses se sont faits rares. Il faut les jumelles pour en voir un peu plus de l’autre côté. J’essaie de marcher sur la croûte de sel près de la rive mais je me ravise bien vite vu sa faible solidité. Nous remontons le long du bord, à pied, jusqu’au refuge où nous ont devancé nos chauffeurs pour commencer à préparer le repas. Celui-ci, comme les autres disséminés dans la zone, sert de point de ralliement aux 4*4 qui sillonnent le coin avec leurs touristes. Accessoirement, on peut y acheter quelques boissons. Tables et toilettes y sont systématiquement payants.

L’après-midi, nous poursuivons notre progression vers le sud dans des cadres naturels toujours aussi grandioses. Régulièrement, nous nous prenons à imaginer des scènes de films tournées dans des cadres naturels. Les grandes plaines de l’altiplano sont sillonnées par de multiples traces, à se demander comment les chauffeurs s’y repèrent sans le moindre panneau. De temps en temps, j’arrive à apercevoir quelques lamas ou de rares vigognes. Ici ou là, nous surplombons une lagune secondaire qui apporte toujours une touche de couleur supplémentaire à ce patchwork déjà riche.

Nous faisons une nouvelle halte à l’arbre de pierre. Ce rocher a tellement subi l’érosion qu’il ressemble désormais à un arbre. Depuis quelques mois, il est cerné par une clôture qui gâche un peu le cliché ; il faut alors feinter. Tout à côté, il est possible de se promener au milieu d’un champ de roches, elles aussi érodées, mais avec moins d’imagination. Nous chauffeurs dépannent pour la seconde fois de l’après-midi un de leurs confrères qui n’a pas l’air bien efficace pour mener à bien son groupe international. Nous traversons ensuite une zone encore plus aride : le désert de Siloli est une immensité de pierres ocres. Et bien sûr, les montagnes. Depuis le matin nous évoluons entre 3000 et 4000 mètres d’altitude.

Alors que la fin d’après-midi approche, nous apercevons une lagune à la couleur particulière. Nous sommes au-dessus de la Laguna Colorada et de ses eaux rougeâtres du fait de la présence de micro-organismes. Mais avant de l’atteindre, il faut d’abord s’acquitter d’un droit d’entrée de 150 bolivianos (soit environ 15 euros) à la réserve nationale d’Avaroa qui couvre le territoire du Sud Lipez. Nous filons ensuite sur l’avancée de terre qui tend à la séparer en deux. Située en hauteur, elle offre  un panorama intéressant sur les lieux. La lumière de fin d’après-midi n’est pas parfaite pour mettre en valeur les eaux de la lagune mais nous distinguons bien la dominante rouge. Nous descendons ensuite au bord de l’eau pour essayer d’apercevoir d’un peu plus près les quelques flamants restés là. A les voir se déplacer, nous comprenons vite que la lagune n’est pas profonde, tout au plus cinquante à soixante centimètres. En contournant cette langue de terre, nous tombons nez à nez avec un beau troupeau de lamas couchés en travers du passage.

Après cette dernière marche dans un vent glacial, alors que Jean et Jocelyne traînent au sommet de la butte, obligeant les chauffeurs à retourner les chercher, nous rejoignons notre refuge situé à quelques kilomètres. Il y fait tout aussi froid. Il faut dire que nous sommes à 4200 mètres d’altitude. Pas de douche et des dortoirs non chauffés. En revanche, l’ambiance est chaude ce soir : une conséquence du whisky ? La nuit est par contre moins douce. Rechute du mal de l’altitude.

 

Vendredi 21 mai, Laguna Colorada

 

Après une nuit agitée et glaciale, la sortie du sac de couchage est bien difficile. Les nombreuses couches ont assuré une bonne température, mais au prix d’un poids non négligeable sur le dos ; la boisson chaude du matin est la bienvenue.

A une grosse demi-heure de notre refuge, nous faisons une première halte à Sol de Mañana. Il s’agit d’une zone de geysers située à 4850 mètres d’altitude. Sur la droite de la piste une colonne de vapeur monte vers le ciel azur dans un sonore sifflement. Il s’agit de la relique d’une ancienne tentative d’exploitation géothermique du sous-sol. Sur notre gauche, des fumerolles s’élèvent au-dessus de divers cratères de tailles variables, certains de quelques centimètres de diamètre à peine. Ici pas de projection d’eau mais seulement de vapeur, ou plutôt de gaz soufrés si on en croit l’odeur ressentie d’œuf pourri. En approchant des marmites, nous constatons que les boues bouillonnent. Selon les minéraux en suspension, elles sont grises, noires ou encore roses, avec souvent les dépôts jaunes du soufre. Il ne ferait pas bon y tomber dedans même si la boue est sensée être bonne pour la peau.

Après avoir promené au cœur des fumerolles, nous reprenons notre progression dans le Sud Lipez, toujours aussi désertique et froid. Souvent la piste est bordée de plaques de neige. Une heure plus tard environ, nous débouchons au-dessus d’une longue étendue blanchâtre qui semble encore en eau. Il s’agit du salar de Chalvin. Il n’a pas l’air d’accueillir beaucoup de faune. En revanche, en le contournant, nous arrivons au refuge de Polques. Un arrêt s’impose pour en profiter. En effet, à cet endroit, juste au bord du salar, a été aménagé un bain d’eau chaude naturelle. Ce bassin d’une dizaine de mètres de diamètre, à ciel ouvert, est rempli d’une eau à plus de 30°C. Un vrai régal dans la fraîcheur ambiante. Il faut juste affronter le froid pendant les phases d’habillage et de déshabillage. Ainsi immergés, nous pouvons admirer le salar qui s’étend sous nos yeux, cerné par les crêtes rocheuses. Malheureusement, cette étape bien délassante doit se terminer. Il faut ressortir et se recouvrir chaudement.

La piste se poursuit, mi-sable, mi-pierres, sinuant entre les différentes montagnes aux coloris toujours aussi variés. Les mélanges restent surprenants : dignes de la palette d’un peintre. D’ailleurs, c’est d’un peintre qu’il est question un peu plus loin. Une zone a été baptisée désert de Salvador Dali. Cette longue langue de sable beige piquée de divers rochers n’est pas sans rappeler certains tableaux de l’excentrique artiste.

Et c’est reparti en direction du point extrême de notre voyage. En nous rapprochant de la frontière chilienne, nous nous rapprochons aussi de la chaîne montagneuse qui sépare les deux pays. Au hasard d’une boucle de la piste, nous découvrons une nouvelle lagune, la Laguna Blanca. Nous nous en approchons sans vraiment l’atteindre. Le but est un peu plus loin, juste au pied du massif Licancabur que nous apercevons depuis quelques minutes. D’abord sous forme d’un long ruban bleu-vert, la Laguna Verde apparaît enfin. Cet ovale aux teintes bleutées et vertes ourlées du blanc des sels et des vaguelettes soulevées par un vent continu. Ce décor est magnifique sous le regard protecteur du volcan éteint. En montant sur l’éminence qui surplombe la lagune, nous bénéficions d’une belle vue sur le joyau du Sud Lipez. Nous sommes saisis par le vent glacial mais contents d’être là devant cette merveille de la nature. Malheureusement nous ne pouvons pas non plus nous attarder pendant des heures. Il faut faire demi-tour. Nous refaisons ainsi la piste en sens inverse jusqu’au refuge de Polques où nous faisons la pause pique-nique à l’abri.

Avant de quitter le Sud Lipez, nous refaisons une dernière halte à la Laguna Colorada, cette fois au bord de l’eau. Malheureusement les nuages qui approchent et voilent l’astre solaire, ne permettant pas à la couleur rouge de prendre toute sa puissance. Nous la quittons en prenant une nouvelle piste plus à l’est de celle de l’aller. Toujours ces paysages aussi grandioses. Nous retrouvons aussi quelques immenses étendues vertes ceintes de montagnes aux teintes claires. Sur la gauche, nous apercevons une chaîne rocheuse qui semble être la face arrière de la forêt de pierres.

Nous sommes sidérés par la capacité de nos chauffeurs choisir systématiquement les bonnes pistes alors qu’elles se démultiplient, et qu’il n’y a pas la moindre indication. Ainsi, nous débouchons tout naturellement au sud du village de Villa Alota où nous allons passer la nuit à l’Hospedaje dos Andes, là même où nous avions déposé une partie de notre réserve de carburant à l’aller. Déco, peinture rose et dessus de lit sont des plus kitsch pour ne pas dire enfantins mais nous devrions être bien, en tout cas moins refroidis qu’au bord de la lagune. Petit plus, la chaudière est allumée pour nous : cette douche chaude est la bienvenue. Je ne rate pas l’occasion de passer le premier. La soirée se passe cette fois encore dans la bonne humeur.

Féerique Sud Lipez
Féerique Sud LipezFéerique Sud LipezFéerique Sud Lipez
Féerique Sud LipezFéerique Sud Lipez

Féerique Sud Lipez

Samedi 22 mai 2010, Villa Alota

 

Pour la première fois nous sommes tous réveillés avant l’heure du petit-déjeuner prévu à 8h. La température a fraîchi dans la nuit mais c’est un chaud soleil qui nous réchauffe dès que nous sortons dans la cour.

Nous nous dirigeons ensuite vers le nord pour rejoindre le salar de Uyuni. Peu de temps après le gîte, nous quittons la grande piste pour une plus petite et plus sauvage qui file plein nord. Rapidement nous circulons dans une vallée encaissée qui s’élargit petit à petit. Les falaises rocheuses s’écartent progressivement laissant plus de place à la rivière, remplacée par une zone humide et végétale que semblent affectionner de nombreux lamas. D’ailleurs nous passons devant quelques habitations utilisées par les bergers. A milieu des camélidés, nous apercevons aussi plusieurs couples d’oies andines ainsi que des canards. Côté falaise, malgré l’heure matinale, il est déjà possible de distinguer quelques viscaches bien camouflées dans le décor. La petite ballade à pied au fond de cette vallée est parfaite pour profiter du cadre. Au moment de prendre un peu de hauteur, j’aperçois dans un pré sur la gauche le premier nandou du voyage, ce qui me vaut les remerciements du reste de l’équipage. Du sommet du col, le panorama est magnifique sur la piste que nous venons de parcourir. Nous distinguons encore mieux les mélanges de couleurs de la végétation.

Nous basculons ensuite dans une seconde vallée qui semble moins sauvage et peut être aussi un peu plus desséchée, bien qu’irriguée elle aussi par une rivière. L’impression de sécheresse vient du fait que les champs de quinoa viennent d’être récoltés laissant des carrés de terre nue sur les flancs des montagnes, avec parfois une tache colorée, rose, signalant la présence de tiges de la plante. Et quand ce n’est pas de la quinoa, c’est du lama. Une mère et son petit vont même nous ralentir un moment, persistant à rester sur la piste malgré notre présence instante sur leurs talons.

Au petit village de San Agustin, aussi désert que les autres, nous tombons sur des gens en train de trier la quinoa pour séparer le grain des pailles et autres bouts de tige. Deux techniques s’affrontent  à quelques mètres. Un homme, approvisionné par 4* 4, utilise une machine électrique qui fait le travail. Il a juste à charger la trémie et changer les sacs en sortie lorsque ceux-ci sont pleins. De l’autre côté, une vieille dame, qui trimbale ses sacs de céréale avec une simple brouette, procède manuellement, versant le contenu de son sac dans le vent avec une banale assiette. Le vent joue son rôle  en séparant les déchets inutiles des graines. Dans les campagnes, les sacs de 45-50 kilos sont revendus environ 100 dollars aux grossistes.

Nous poursuivons jusqu’au village de San juan de Rosario dans un environnement de plus en plus sec et désertique. Le bourg semble mort. Nous trouvons porte close au refuge où nous devions faire halte. Ernesto et nos chauffeurs finissent par dénicher la seule et unique alternative : une petite épicerie dans le village. Les bancs qui étaient sur le trottoir sont rentrés, des tables installées et voilà comment un petit commerce bolivien se transforme l’espace d’une heure en refuge pour touristes affamés. Il est plaisant de voir la surprise sur le visage des gens lorsqu’ils entrent et nous découvrent ainsi attablés. Là encore, tout semble éteint, rien ne bouge, tout est fermé. Les autochtones sont très rares.

Après quelques nouveaux passages un tantinet montagneux, les sommets semblent s’éloigner et l’horizon s’aplanir, tout du moins s’adoucir. Nous approchons du salar de Uyuni : quelques mirages commencent à apparaître. Certains donnent l’impression que la base des différentes montagnes est rongée. D’abord d’apparence grisâtre, l’étendue saline change rapidement de couleur. A 15 heures pile, comme prévu le matin, nous posons les roues sur le salar. C’est parti pour une soixantaine de kilomètres au milieu de cette immensité blanche à 360° à l’horizon. En peu de temps, nous n’apercevons plus les bords. Seule l’imposante stature du volcan Tunupa nous sert de phare. Cet endroit semble irréel, unique. Nous pourrions nous croire sur une autre planète. Au bout d’une quarantaine de minutes, les véhicules nous débarquent. Nous poursuivons à pied : nous sommes réduits à de simples points colorés dans cette immensité de 12000 km², dont l’épaisseur maximale est de 180 mètres. Bien évidemment, le vent souffle continûment. Mais cela n’est pas suffisant pour nous arrêter. Il en faudrait bien plus que cela ! Nous savourons ces moments même si le milieu est hostile. Les appareils photos crépitent un bon moment avant que nous nous mettions réellement en marche. Quelques rares véhicules circulant au loin troublent cette monotonie de l’horizon. Dans le groupe de tête, nous avons la désagréable impression de patiner, de ne pas avancer, de voir le but s’éloigner, telle cette île couverte de cactus. C’est ainsi qu’après une bonne heure de progression, nous sommes contents de voir revenir les véhicules vers nous. Sans qu’il y paraisse, nous avons dû couvrir trois ou quatre kilomètres sur le salar.

Fin du voyage au pied du volcan Tunupa et non loin des rives du salar dans le petit village de Jirira. Un gîte nous y attend même si le premier abord par l’arrière-cour est un peu déconcertant, sans compter la traversée de la cuisine des propriétaires. En fait, nous disposons de toute une aile du bâtiment juste pour nous, deux par chambre, chacune ayant sa salle d’eaux. Nouvelle dégustation de Singani Sour ce soir : résultat encore meilleur que d’habitude, et que dire de la sauce des spaghettis. Pendant le repas, le poêle à bois nous réchauffe bien. Il faut juste que je le surveille de près pour qu’il ne s’éteigne pas trop tôt. Il ne reste plus qu’à affronter les vents nocturnes qui semblent vouloir tout arracher.

 

Dimanche 23 mai, Jirira

 

Le démarrage de la journée est tranquille. Il faut dire que le programme n’est pas trop chargé vu que nous restons dans les environs. Néanmoins, le groupe se sépare en deux. Marie et Ernesto partent à l’assaut du volcan Tunupa jusqu’au belvédère situé 700 mètres plus haut que le village déjà à 3700 mètres d’altitude. Les autres, nous partons explorer les environs en commençant par le salar. Nous rejoignons l’île corallienne la plus proche, à quelques kilomètres au sud-est du village.

La croûte de sel est humide comme si il avait plu cette nuit. Les véhicules nous déposent à une centaine de mètres de l’îlot. Celui-ci est recouvert de cactus de toutes tailles et de toutes formes. En approchant, nous sentons la croûte de surface s’affaisser sous nos pas. Il faut faire plusieurs essais avant de trouver le bon passage pour grimper sur l’île et atteindre enfin les cactus. Nous les mitraillons sous tous les angles, au moins quand le soleil est dans une trouée de nuages. Certaines prélèvent des échantillons ! Nous repartons ensuite vers l’ouest en longeant la rive nord du salar.

Un à un, les petits villages défilent. A hauteur de Coqueza, nous retrouvons la terre ferme. On se croirait presque sur un lac ou en mer : la sortie est repérée par deux poteaux qui marquent l’entrée d’une piste, comparable à un ponton, qui rejoint la « côte ». Ce village comme ses voisins est en grande partie déserté par ses habitants partis à la ville. Certaines maisons sont totalement abandonnées ; il n’en reste que les murs. Du coup, le village a l’apparence d’un champ de pierres, entre murets et restes de bâtiments. En plus de jeter un œil à la petite église, caractéristique de l’altiplano (je revois là la même architecture qu’au Chili), nous profitons de sympathiques points de vue sur l’étendue salée.

Nous continuons par voie terrestre jusqu’au village de Chantani, un peu plus à l’ouest. Hormis son petit musée, il ne semble rien y avoir d’autre. Même apparence que le voisin. Quant au musée, avec de petits moyens, il cherche à présenter aux visiteurs tout ce qui a pu être découvert dans les environs et qui caractérise la vie au bord du salar, sur les flancs du volcan. Nous y trouvons pêle-mêle des silex, des outils agraires, des instruments de musique, des poteries, un échantillon de faune andine empaillée (puma des montagnes, chat andin, renard, flamant, nandou, …). Dans la cour ont été dispersées quelques pierres et une série de meules individuelles, probablement utilisées pour la quinoa. De l’autre côté de la rue, l’annexe renferme une collection de cactus et de statues anthropomorphes et zoomorphes, toutes en pierre grise. Certaines sont complétées de petits galets de couleurs, ou même de crâne pour les lamas. Quelques-unes semblent avoir une symbolique rituelle. Dans un coin, une petite trappe dissimule deux momies figées probablement par le froid et le sel. Nous terminons la visite de Chantani par sa petite église cette fois fermée. Une jolie porte est cachée à l’arrière de l’édifice.

Nous repartons alors vers Cozaque où les véhicules nous laissent pour que nous marchions de village en village. Avec une unique piste, il n’y a aucun risque de se perdre. Peu après la sortie du village, avant que toute construction ne disparaisse, je repère un enclos de pierres qui devrait pouvoir tous nous abriter du vent le temps d’avaler notre pique-nique. Ensuite, chacun repart à son rythme. Bien que majoritairement plat, le parcours présente quelques montées qui se font sentir, en particulier à l’approche du village quasi-désertique de Pukhara de Ayque. C’est le plus triste de tous. Même la petite église est quelconque. Seule sa clôture vaut le coup d’œil. A la sortie, on peut aussi voir un imposant cactus solitaire à quelques mètres de la piste. Je poursuis ma progression désormais solitaire entre enclos à lamas et champs de quinoa. De l’œil gauche, je surveille le volcan, du droit le salar.

Le dernier tronçon est ennuyeux du fait que le but n’apparaît qu’au dernier moment. La piste devenue très sablonneuse est pénible. Et pour couronner le tout, des rafales de vent descendent du Tunupa, soulevant des volutes de poussières quand ce ne sont pas des mini tornades qui traversent vers le salar. Après la dernière petite colline, je reconnais Jirira contrairement aux indications erronées de nos chauffeurs. Ceux-ci ont d’ailleurs disparu alors qu’ils devaient récupérer éventuellement du monde au village intermédiaire. Nous ne les reverrons d’ailleurs que vers 18h30, ce qui nous fait manquer le coucher de soleil sur le salar. Mais revenons à Jirira qui semble le village le plus peuplé du coin sans non plus que ce soit la grande foule. Une belle église domine les lieux avec son clocher extérieur et ses deux dômes, sans oublier la façade peinte. Malheureusement son accès est fermé, comme souvent. Il faut se contenter de clichés extérieurs ; et encore en rusant, car elle est engoncée dans les habitations du centre. Ce faisant, je tombe sur une scène amusante. Un troupeau de moutons se rue sur le poste de tri de la quinoa et la vieille bergère n’arrive pas à les faire déguerpir, pas même avec l’appui d’une seconde petite vieille. Elles se débattent un long moment avant que les bêtes ne bougent. Et les chiens arrivés plus tard ne s’en occupent même pas. Je finis donc au refuge où j’attends l’arrivée des autres, ce qui me vaut la compagnie du perroquet et de la chatte de la maison. Petit à petit, le groupe se reforme au fil des arrivées. Il ne manque plus que les chauffeurs.

 

Lundi 24 mai, Jirira

 

Réveil nocturne ce matin pour rattraper le raté de la veille. Nous nous réveillons à 5h30, ce qui se révèlera trop tôt, pour aller admirer le lever de soleil sur le salar. Pour cela, nous roulons un bon quart d’heure pour dépasser la pointe rocheuse voisine.

Dès la descente des véhicules, nous sommes saisis par le froid au milieu de l’étendue salée. Les couleurs sont saisissantes. Le salar est déjà bien blanc mais un blanc nocturne. Le ciel commence à peine à bleuir, surtout à l’opposé du soleil. Lui a décidé de se cacher derrière la couche de nuages qui couvre l’horizon oriental. Néanmoins, il lui fait prendre de chaudes teintes dorées, tandis que vers le sud, l’horizon se met à rosir, rose qui vient se mêler au bleu enveloppant les montagnes. Malgré l’absence du spectacle du lever du soleil, cela valait la peine de venir là si tôt. Maintenant, il est temps de rentrer pour enfin prendre le petit-déjeuner.

Après avoir tout chargé, nous retournons sur le salar vers l’île corallienne d’Incahuasi, à environ une demi-heure, à peu près au milieu de l’étendue saline. Cet îlot aux dimensions modestes est recouvert de cactus, principalement sur sa face occidentale. Un chemin y a été aménagé. Son accès est tarifé à hauteur de 15 bolivianos, soit environ 1€50. On y trouve aussi un hôtel, une cafétéria, et visiblement un petit musée mais celui-ci avait l’air fermé. Au bord du salar, des tables et des bancs en sel ont été aménagés pour organiser des pique-niques dans un cadre unique. L’endroit est incontournable. Sans le moindre souffle de vent, nous profitons d’un superbe silence en sinuant au milieu d’immenses cactus. Ils ont en moyenne 700 ans. La base corallienne est parfaitement visible. Nous parvenons ainsi jusqu’au sommet d’où nous profitons d’un génial panorama à 360° sur le salar de Uyuni. Un vrai bonheur que d’être là en ce moment-là. Quelques oiseaux chantent mais impossible d’apercevoir la moindre viscache. Au cours de la descente, il est possible de voir un arc corallien naturel. C’est l’occasion de faire des clichés originaux avec un tel arrière-plan.

Après une pause café, nous repartons, cette fois vers l’est, vers la sortie. A mi-chemin, les véhicules stoppent dans une zone truffée de trous, dont certains pourraient se révéler dangereux pour qui y roulerait dessus. Nous allons essayer de récupérer des cristaux de sel. Ceux-ci se logent dans les trous d’eau (glacée) sous la surface. Autant dire que l’opération n’a rien d’aisé. Ma main en restera provisoirement marquée mais la récolte est de qualité. Et il y en a pour tout le monde. Certains affichent des reflets roses, d’autres des veines grises de lithium. Nous refaisons une halte quelques kilomètres plus loin devant l’hôtel de sel, entièrement bâti dans cette matière. Nous avons la surprise de voir, alors qu’il ne fait pas chaud, quatre israéliennes en train de se photographier les fesses à l’air avec des inscriptions sur le postérieur ! A la sortie du salar, à hauteur de Colchani, nous passons au milieu des exploitations de sel. Ici, il suffit de gratter et de faire des monticules qui seront ensuite récupérés par des camions. Un ajout d’iode est réalisé avant commercialisation.

Il est alors temps de rejoindre Uyuni à une demi-heure de piste. Après un repas local « étrange », nous explorons cette cité du bout du monde sans le moindre attrait. Certains la comparent à un avant-poste du far west. Heureusement, il y fait doux. Dans l’après-midi, nous partons à la lisière de la ville. Là, sur deux anciennes voies ferrées, ont été entreposées locomotives et wagons. Désormais c’est un cimetière ferroviaire attaqué par la rouille en l’absence du moindre musée.

Ceci fait, nous retournons une dernière fois sur le salar pour essayer de profiter du coucher de soleil, quelques kilomètres au sud de Colchani. Quelle surprise de voir peut-être le seul panneau du salar : il indique le début d’une piste. Nous jouons avec nos ombres en attendant que le soleil ne décroisse. Cette rapide descente s’accompagne d’une brutale chute de température. Quant au coucher, il est bizarre : aucun reflet sur la surface salée ; il se contente de disparaître derrière l’horizon et en l’absence de nuage, il ne se passe pas grand-chose. Retour en ville pour attendre le bus qui doit nous conduire pendant la nuit jusqu’à la capitale La Paz. A 20 heures, nous nous mettons en route, pour une bonne portion de piste jusqu’à Oruro.

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