A la découverte des trésors du Levant (2)
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Lundi 11 octobre 2011, Mar Marita
Nous restons sur les mêmes horaires, 7h30 pour le réveil, 8h pour le petit-déjeuner. Ceci nous a laissé le temps d’une bonne nuit de sommeil. Petite nouveauté, ce matin, nous avons le choix entre thé et café. Tout en prenant notre temps, nous réussissons à partir plus tôt que prévu. La route est toujours aussi vallonnée pour ne pas dire plus. Le paysage est aussi un peu plus vert. Les flancs des collines sont aménagés en terrasses où poussent bon nombre d’oliviers, quelques pommiers et grenadiers. En chemin, nous faisons une halte au bord d’une route devant le petit stand d’une dame en train de préparer des galettes. C’est l’heure du casse-croûte : nous goûtons à tout. Celle aux graines de sésame, celle au poivron, celle au fromage et la nature. Le petit-déjeuner n’est pourtant pas si loin ! Nous poursuivons ensuite jusqu’à la ville de Missiaf. Après avoir cheminé à travers un souk moderne mais néanmoins animé, nous apercevons au coin d’une rue ce qui ressemble à des murailles. C’est là que nous allons.
La citadelle est le château le plus connu des Hachichins ou Assassins, une secte ismaélienne qui menait des raids « terroristes » sur commande. Comme les croisés, il faudra attendre Baybars pour qu’ils soient délogés. Grâce à l’aide de l’Aga Khan, cette forteresse a été restaurée pour permettre une visite à travers les nombreux couloirs. Les terrasses offrent de beaux panoramas sur les environs, surtout vers le djebel Ansarié. Malgré un plan bien réalisé, il est préférable d’avoir un guide en particulier pour dénicher les sarcophages au bout d’un escalier plongé dans l’obscurité. Heureusement que je fais toujours suivre ma frontale. Sur ce coup-là, elle était indispensable. La terrasse implantée sur le toit du palais révèle le secret de la collecte d’eau : des rigoles strient le sol et convergent vers un tuyau qui descend vers les citernes souterraines. Nous retrouvons ce système à d’autres endroits dans les parois. Retour sur l’esplanade au pied des murailles pour retrouver notre véhicule.
Nous repartons dans un premier temps en direction de Hama avant de bifurquer vers le village d’Afamya, que les européens connaissent mieux sous le nom d’Apamée. Ce nom découle du prénom de l’épouse de celui qui fonda cette cité, Séleucos 1er, officier d’Alexandre le Grand. Ici se dressent des rideaux de colonnes grecques à chapiteaux corinthiens avec les feuilles d’acanthe. L’axe principal de ce qui reste de cette antique cité mesure presque deux kilomètres. Nous partons de la porte nord, dite des pèlerins. De ce point, nous pouvons déjà profiter de cette étonnante perspective au milieu de la campagne. Dommage que les motos pétaradantes des vendeurs de babioles viennent perturber la sérénité des lieux. Avant d’arpenter le pavement désormais largement disjoints, nous faisons un détour derrière le pan de mur qui se dresse sept mètres en retrait des colonnes. Là, nous pouvons apercevoir diverses conduites en argile qui convergent vers une citerne. Ici et là s’échappent de gros lézards. Il faut dire que les anfractuosités sont nombreuses. Toutes les pierres n’ont pas encore été relevées, loin de là ! Sous le soleil, le site révèle de belles couleurs mais l’ombre de ces colonnes est quand même la bienvenue. Sur la gauche, nous pouvons aussi découvrir quelques restes de thermes, le caldarium étant la salle la mieux conservée. Retour dans l’allée pour rejoindre l’unique colonne esseulée en plein milieu du passage, servant ainsi de mémorial.
Plus loin, nos yeux sont attirés par d’étranges colonnes. En effet, les cannelures sont torses. On dirait des vis géantes, soit couchées au sol, soit relevées avec des morceaux de frontons. Au départ de cette nouvelle colonnade, il est possible d’observer des stèles en hommage à Bacchus, peut-être le lieu d’une taverne. Du temple de Zeus, il ne reste pas grand-chose. Arrivés sur l’axe du decumanus, malheureusement goudronné, nous mettons fin à la visite. Le reste de la colonnade est difficilement accessible, toujours envahi par la végétation et les chardons. Néanmoins, les vestiges sont quand même visibles depuis la route. En redescendant vers le village, nous passons devant ce qui reste du théâtre. Il est difficile d’imaginer qu’il était plus grand que celui d’Orange, tant les dégâts sont nombreux.
Après un petit repas pris tardivement au village, nous retournons à Hama. Cette grande ville apparait d’abord impersonnelle avec ses immeubles modernes. Nous tournons un moment avant de dénicher notre hôtel dans une ruelle à l’extérieur du centre ancien. L’Orient House est joliment décoré et accueillant : patio servant de puits de lumière recouvert de plantes vertes, bassin au centre, mobilier en marqueterie pour patienter dans le hall en sirotant un jus de fruit offert en guise de bienvenue. Les chambres sont propres et assez grandes mais dépourvues de fenêtres. Une fois les sacs posés, nous nous rapprochons du centre. Avant que le soleil ne se couche, il est temps de découvrir les norias qui font l’attrait de cette cité. Installées sur les bords de l’Oronte, celles-ci servaient à pomper l’eau pour la déverser dans des aqueducs qui servaient à l’irrigation. Heureusement qu’elles ne sont pas toutes en fonction vu le son produit par chacune dès qu’elles tournent. Elles constituent un vrai spectacle : gerbes d’eau et couinements incessants. En revanche, les réglages n’ont plus l’air au point : rares sont les gouttes qui retombent vraiment dans la conduite. Le vieux centre passe du coup au second plan malgré un état de conservation impressionnant. A la nuit tombée, nous nous installons non loin de l’aqueduc pour déguster pâtisseries et narguilé pour certains. Tant qu’à y être nous prenons le repas sur une terrasse en surplomb de la noria Al-Jisriyé. Il ne reste qu’à retourner à l’hôtel à pied, une ballade qui se révèle finalement assez longue.
Mardi 12 octobre, Hama
Ce matin, c’est grand luxe. Nous ne partons que vers 9h ce qui laisse largement le temps de se préparer tranquillement. J’en profite pour faire le tour de cet agréable établissement décorativement et architecturalement parlant. Nous faisons aussi la connaissance de Carrol, notre nouveau chauffeur, libanais, et donc maîtrisant parfaitement le français. Nous quittons Hama vers le nord.
La première halte se fait dans le village de Taybet Al Imam. En théorie, nous ne sommes pas sensés être là. Rien n’est prévu au programme et, de plus, le mardi est le jour de fermeture hebdomadaire des musées en Syrie. Pourtant, Carrol a des connaissances. A peine sommes nous arrivés devant l’entrée que la porte du musée s’ouvre pour nous accueillir. Un véritable trésor se trouve à l’intérieur, protégé par un toit métallique. Nous sommes sur l’emplacement d’une ancienne église byzantine. Le sol est quasi intégralement recouvert de mosaïques dans un état de conservation très rare. Une passerelle métallique fait le tour du bâtiment afin de pouvoir observer l’essentiel de ce qui est une véritable œuvre d’art.
Le gardien récupère son pulvérisateur, fixé sur son dos, pour nous commenter tous les décors visibles. L’eau a le don de faire ressortir idéalement les couleurs pendant quelques minutes. Tout le long, le gardien nous décrit toute la symbolique religieuse, souvent figurée par des animaux. Dans ce qui devait être l’entrée du site sont représentées diverses églises dont celle de Saint Siméon. La matinée se poursuit dans sa loge où il nous fait voir une série de photos prises dans des conditions idéales avant de nous offrir un thé à la cannelle. Quelle riche idée que de passer dans cet endroit.
Nous reprenons notre progression vers le nord. Les pistachiers apparaissent de part et d’autre. Khedar en achète un paquet pour nous les faire goûter. Quelle surprise de découvrir une baie fraîche avec sa pulpe et sa coque interne un peu moins dure que ce que nous connaissons avec le fruit sec. Le goût est aussi un peu différent de celui que nos papilles connaissent. Cela ne nous empêche néanmoins pas d’en manger des tonnes. Nous quittons à nouveau la voie rapide en direction de l’ouest. Rapidement, le relief se transforme. Beaucoup de pierres font leur apparition. Je pourrais presque m’imaginer dans la garrigue. En contrebas de la route triment quelques charbonniers. Puis, subitement, apparaissent des pans de murs anciens surgis de nulle part. nous approchons de Sergilla, une des villes mortes les plus évocatrices.
Grâce à un gros travail de fouilles et de restauration, nous pouvons nous balader dans ce qui fut autrefois une prospère ville byzantine, désormais endormie à jamais, d’où l’expression de ville morte. Seuls les touristes apportent encore un peu de vie ainsi que les petites parcelles plantées d’oliviers. Certains bâtiments sont très reconnaissables à l’image des thermes de l’auberge. La carrière et ses sarcophages se devinent parfaitement, même ceux qui sont enterrés. Pour d’autres édifices aux rares pans de murs ou bouts de colonnades, il faut un peu plus d’imagination ou bien l’aide des panneaux mis en place par les missions archéologiques. Néanmoins ce champ de pierres reste une impressionnante plongée dans le monde byzantin, surtout lorsqu’on pense que ces maisons remontent au 5ème siècle de notre ère. Chacun flâne à sa guise sous ces arches, au milieu des tas de pierres à remonter ou à inventorier, …
Halte ensuite à Al-Bara, la ville voisine, pour la pause repas. Nous sommes accueillis chez le garde du site de la ville morte d’Al-Bara. Il nous accueille dans son salon à la manière traditionnelle, tous assis sur les matelas posés au sol autour du tapis central où sont posés les plats. Les filles de la famille sont là à la disposition du père pour assurer le service. Nous nous régalons de plats traditionnels, d’abord une soupe de lentilles, puis un plat à base de riz et de poulet, le tout légèrement épicé, à accompagner de yaourt, et un thé pour faire descendre le tout. Il faut faire honneur au plat et en reprendre. Dur, dur de décoller ensuite.
Pourtant le programme de l’après-repas est tout aussi intéressant que celui de la matinée. Il s’agit certes d’une autre ville morte sauf que celle-ci est dans un cadre tout à fait différent, en partie dissimulée par les nombreux oliviers, à quelques centaines de mètres de la nouvelle ville. De nombreux petits murets de pierres en rendent la visite plus sportive. Le véhicule nous dépose devant ce qui est peut être le plus beau bâtiment du site, une immense villa antique. Nous continuons à pied. C’est d’abord un tombeau souterrain creusé dans la roche, doté de six niches intérieures et d’arches et de colonnes à l’extérieur. Nous rejoignons ensuite un tombeau au toit pyramidal. Tout le pourtour est couvert d’une frise en feuilles d’acanthe. Grâce à la présence du garde, nous pouvons y pénétrer. D’énormes sarcophages ornés de croix variées y sont déposés. Il en sera de même pour le pressoir à huile parfaitement conservé, à l’inverse de celui à raisin. Ici et là nous devinons quelques bouts de maisons puis une église avec quelques colonnes en marbre. Le site s’étend ainsi sur près de deux kilomètres mais nous bifurquons avant pour rejoindre le véhicule retourné en ville.
Cette fois nous partons pour Alep où nous arrivons entre chien et loup. Le quartier des hôtels est devenu celui des mécaniciens et des vendeurs de pièces détachées. Sous nos fenêtres, ce ne sont que des vendeurs de pneus. A se demander si tout cela est bien sécuritaire. Vu l’heure, nous ressortons boire un verre à l’hôtel Baron, une ancienne adresse réputée de la ville, désormais sans grand attrait. Les années ont passé. Quant au repas, il reste dans la dégustation locale. A croire que nous sommes affamés : les assiettes de mezzé se vident à vue d’œil.