Costa Rica, Splendeurs naturelles (3)
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Mercredi 18 avril 2012, La Fortuna
La pluie a fini par cesser dans la nuit. A la place, nous découvrons une épaisse brume. Rares sont les oiseaux qui se risquent à sortir dans ces conditions. Malgré la mise en place de quelques fruits pour les attirer, nous attendons en vain leur approche. Donc nous nous rabattons sur la salle de restaurant pour prendre le petit-déjeuner.
Une fois n'est pas coutume, la journée ne commence pas par une visite mais par quelques courses pour le pique-nique de midi. Nous partons ensuite à la découverte de l'écosystème local, dans un lodge consacré aussi à la préservation et à la vulgarisation, l'Arenal Oasis. Nous sommes accompagnés par André le fils de la famille, et surtout spécialiste de la nature locale. Il nous guide dans le sous-bois planté et aménagé depuis trente ans. La vitesse de croissance du milieu est ahurissante: les arbres sont déjà énormes et la végétation très épaisse. Devant une termitière, il nous propose d'en déguster: nous laissons ce plaisir à Cyril; du côté de la mangeoire, les oiseaux ne se précipitent pas comme c'était déjà le cas à notre hôtel. Ici et là sont aménagés des vivariums, en bordure de l'allée, pour pouvoir observer de près la faune qui serait difficilement visible autrement: à chacun son thème, grenouilles, lézards, araignées et serpents. Il y aussi une serre aux papillons abritant une bonne dizaine d'espèces, dont le superbe Morpho. Mais même là il est quasiment impossible d'immortaliser ses belles ailes bleues. Simple plaisir des yeux. Nous pouvons même observer des chrysalides qui terminent leur éclosion. Après les avoir entendues plusieurs fois, nous finissons par apercevoir quelques spécimens de la petite grenouille Red Blue Jean. Il faut avoir l'œil pour distinguer ses deux centimètres sous les feuilles. Les mares se révèlent bien calmes: ici les grenouilles sont nocturnes. Néanmoins, nous entendons des craquements dans les environs. Il s'agit d'un manakin en train de commencer sa parade. Nous l'entendrons encore à plusieurs reprises sans pouvoir observer le manège. Sans qu'il n'y paraisse, nous déambulons près de deux heures dans ce paradis vert où la nature est exubérante. Juste avant la de rejoindre l'entrée, nous apercevons deux caciques de Montezuma, peu mis en valeur par la grisaille ambiante.
Nous partons ensuite vers le parc national du volcan Arenal. Celui-ci a été installé non loin de la coulée principale. Ici encore, la végétation est dense mais pas très variée dans sa première portion. Nous empruntons d'abord le sentier des Heliconias au milieu de la canne à sucre sauvage. Quelques grosses orchidées blanches semblent avoir adoré le déluge de la veille. Un effort a été fait pour planter des panneaux renseignant sur les différentes essences, sauf qu'elles sont parfois effacées et souvent incomplètes donc inutiles. Après un kilomètre nous croisons l'allée principale pour poursuivre sur le sentier de la coulée. Bien qu'il commence comme le précédent , petit à petit, nous cheminons dans une atmosphère plus tropicale sous un tunnel végétal. Nombre d'arbres ont multiplié les racines aériennes, ce qui leur vaut le surnom d'arbres marcheurs. Ici, toute la végétation est à une autre échelle. Tout peut être sujet d'intérêt. Quant au cône volcanique, il faut en profiter lorsqu'on l'entraperçoit à la faveur d'une courte éclaircie dans les nuages. La majorité du temps, il est noyé dans les brumes et nous ne le voyons pas fumer.
Nous parvenons finalement à un escalier naturel plutôt escarpé en bordure de forêt. En levant les yeux vers le haut des marches, nous apercevons un trouée lumineuse. C'est tout simplement la bordure ouest de la coulée de lave datant de vingt cinq ans. Nous cheminons sur des blocs sombres et déchiquetés. Autant dire que la démarche est mal aisée. De manière assez surprenante, nous constatons que la végétation a déjà commencé à reprendre ses droits. En creusant dans mes souvenirs, je me rappelle en effet d'une zone presqu'exclusivement rocheuse huit ans auparavant. D'un côté vue sur le volcan, de l'autre le lac. De retour, au bas des marches, nous empruntons un troisième sentier, celui de Ceibo. J'ai l'impression que cette boucle n'en finit jamais, sûrement l'effet de la fatigue. Il y a pourtant là encore tant de choses à voir. Le plus marquant reste l'énorme ceiba, à peu près à mi-parcours. Tout juste si nous apercevons sa tête. Sur son flanc se sont agrippées une poignée de chauve-souris. La fin du parcours se fait motivé par la faim! Johnny a eu l'appréciable initiative de venir nous récupérer à la sortie du sentier. Ainsi nous montons jusqu'au mirador implanté au pied du volcan. Toujours aucune visibilité mais un toit et des bancs pour pique-niquer tranquillement. Nous sommes accompagnés pendant tout le repas par un couple de magnifiques geais à face blanche, très reconnaissable avec leur plumage bleu et blanc, et surtout leur huppe sombre.
Pour digérer, il nous faut un petit café. Direction l'activité suivante: nous quittons le volcan, traversons la ville de La Fortuna et repassons le barrage de l'Arenal avant de monter sur les hauteurs jusqu'aux ponts suspendus. La terrasse du bar-restaurant offre un bon panorama sur la région tout en servant de perchoir à un ara jaune et bleu. Au moment de commencer le tour, la pluie refait son apparition mais il en faut plus pour nous arrêter. Ici, une quinzaine de ponts métalliques plus ou moins longs et hauts sont installés au fil du chemin qui sinue sous une épaisse forêt très luxuriante. les ponts permettent d'observer la canopée de plus prés et voir des choses insoupçonnables depuis le sol. Ces ponts ne sont pas recommandés pour les inquiets: ils bougent lorsqu'on chemine dessus et on voit à travers. Le temps ne se prête pas trop aux observations, néanmoins, nous sommes par deux fois accompagnés par un petit oiseau qui gambade quelques mètres devant nous. A l'abord d'un des ponts, nous avons le bonheur d'apercevoir un magnifique motmot roux. Au fil de la ballade, nous découvrons que l'endroit réserve des surprises. Le moindre trou peut se révéler habité. C'est ainsi que nous dénichons d'abord une araignée, genre tarentule, puis un tout petit oiseau qui finit par s'envoler quand je tente de le photographier dans son terrier. Plus loin, un guide que je croise alors que je marche devant le groupe me signale une grenouille Red Blue Jean au bord du chemin. A l'arrivée du sentier, nous nous trouvons nez à truffe avec un groupe de coatis, certains dans les arbres en train de faire tomber les fruits, d'autres au sol impatients de les déchiqueter et de dévorer la pulpe. Les boules de poils noirs avec leur queue toujours dressée sont adorables. Juste à côté, le jardin renferme diverses espèces d'héliconias, dont une surprenante avec des sortes de cheveux.
Cette fois, la journée est terminée, et à nouveau bien remplie. Avant de rentrer à l'hôtel, nous faisons une halte dans le centre de La Fortuna. Avec Cyril, nous optons pour une pause rafraichissement dès que les timbres sont achetés. Commence alors un long moment de rigolade. Car le repas pris un peu plus tard dans un restaurant typique sera à nouveau l'occasion de détendre les zygomatiques. Avant une bonne nuit de sommeil!
Jeudi 19 avril, La Fortuna
Ce matin, le petit-déjeuner a été décalé d'une demi-heure et la nuit de sommeil a aussi été plus longue que les précédentes. Nous sommes tout de même levés avant l'heure. La journée s'annonce un peu chargée en transfert. Notre première destination est Palo Verde. Pour s'y rendre, nous remontons vers l'ouest la rive nord du lac Arenal, une route particulièrement sinueuse et bosselée, le tout sous la grisaille et la bruine.
Climat et végétation changent totalement dès que nous quittons la proximité du lac. C'est comme si nous descendions d'un plateau; le vert et la luxuriance font immédiatement place au jaune des prairies sèches et à une végétation clairsemée, comme si nous avions changé de pays en un instant. Nous descendons ainsi jusqu'à la ville de Cañas, située sur la panaméricaine. Ici il fait chaud mais sans la moiteur des jours précédents. L'ombre est la bienvenue. Après une halte commerciale pour recharger le bar, nous reprenons la route vers le sud ouest en direction de Palo Verde, pour être plus précis jusqu'aux abords de la rivière Bebeduro. Après nous être équipés et protégés du soleil, nous embarquons pour un peu plus de deux heures de croisière. Celle-ci se déroule très lentement, ce qui nous permet d'observer attentivement tout ce qui se passe sur les berges. Les premiers à se montrer sont les crocodiles, pour la plupart amorphes, juste au ras de l'eau, jusqu'à ce qu'on les approche de trop près. C'est alors la plongée assurée. Les suivants sont les iguanes. Il y en a de toutes tailles et de toutes couleurs, du vert bien vif au gris camouflage en passant par le rayé marron et noir. Ils sont un peu partout, que ce soit au ras de l'eau, au sommet des berges, voir même sur les berges, à la verticale en équilibre totalement instable, sans oublier évidemment les arbres morts au-dessus de la surface. Un de leurs cousins bien particulier est aussi présent. Il apparait sur des petits "ilots" secs au milieu de l'eau. Mais cela ne le gêne pas puisque lui, le basilic, marche sur l'eau. Il suffit d'approcher le bateau pour déclencher son départ.
Pendant un bon moment, nous n'apercevons que ces reptiles avant que les oiseaux ne se montrent en force. Pêle-mêle, nous observons des motmots houtouc, magnifiques avec leur longue queue à plumet, diverses espèces de hérons de petite taille, quelques dizaines d'échasses d'Amérique qui stationnent sur une plage au ras de l'eau, des ibis blancs et trois groupes de spatules rosées. Les arbres où elles se posent se révèlent être de véritable nichoirs. Alors que nous stoppons au-dessous de l'un d'entre eux pour profiter du spectacle, nous sommes survolés par un ara rouge, espèce que nous ne reverrons plus par la suite. Beaucoup de petits oiseaux volètent autour de nous sans que nous puissions les identifier. Un coati solitaire fait son apparition dans les hautes branches mais tout de même de manière trop fugace. Il en est de même pour les quelques singes capucins dont on distingue la présence sans véritablement les voir, sauf un, perché au sommet d'un arbre. Au contraire, la dizaine de singes hurleurs se montre bien. Nous pouvons ainsi voir toute la technique dont ils font preuve pour se tenir aux branches et attraper un fruit un peu distant. La queue fait alors office de cinquième membre pour assurer l'ancrage. Par contre, nous ne les entendons pas crier. Cette observation est une des dernières avant que notre embarcation fasse demi-tour. Cette fois, nous rentrons plein gaz. Peu d 'observations possibles mais tout de même un martin-pêcheur en vol qui fait mine de nous survoler.
Revenus au point de départ, nous faisons la pause déjeuner sur place, agréablement nourris, sur terrasse à l'ombre bienvenue. En début d'après-midi, il faut déjà repartir vers le nord en repassant par Cañas, direction le volcan Rincon de la Vieja. Une bonne partie du chemin se fait sur une piste de qualité moyennant qui sinue entre les nombreux champs d'éoliennes. Notre nouvel hôtel se révèle moins loin que ce qu'annonçait notre guide. Arrivés au Rinconcito Lodge, nous retrouvons deux autres groupes de français. Mais nous sommes le seul qui se fasse remarquer autant. Nous sommes fidèles à notre réputation. Du fait de l'arrivée en avance, nous avons tout le temps d'observer la faune, dont quatre caciques de Montezuma magnifiques quand ils font leur parade.
Vendredi 20 avril, Rinconcito Lodge
Les nuits commencent à être normales. Néanmoins, nous sommes toujours réveillés avant l'heure. Après un petit-déjeuner traditionnel, nous pouvons partir le ventre plein. Encore que la question se discute vu que les efforts commencent de suite, à peine la clôture du lodge franchie. A peine Hervé et Cyril montés sur leurs chevaux, nous démarrons à l'arrière de l'établissement par une longue montée, parfaite pour casser les jambes d'entrée de jeu. Après avoir longé les prairies réservées aux vaches, nous commençons à sinuer en forêt, plutôt semblable aux nôtres dans un premier temps. Nous cheminons ainsi jusqu'à l'entrée du parc national de Rincon de la Vieja où nous pénétrons sous un beau soleil par le secteur Santa Maria. Les installations en bois sont plutôt anciennes quoi que proposant un certain cachet. Un simple bureau dans une pièce sombre sert à l'accueil et à l'encaissement des droits d'entrée. Ici nous nous séparons des cavaliers qui ne peuvent pas emprunter le même chemin que nous. A partir de là, nous retrouvons une ambiance plus tropicale. Par contre, le sentier est toujours aussi accidenté, les montées succèdent aux descentes, avec quelques passages de ruisseaux en bondissant sur les bonnes pierres. La plupart du temps, nous sommes aidé en cela par notre guide local, toujours souriant. Nous faisons un détour pour aller voir une petite cascade, rien non plus d'extraordinaire, mais parfait pour faire une petite pause apaisante à l'ombre, en regardant un Morpho passer dans les rayons du soleil. A environ trois kilomètres du poste de garde, nous approchons enfin de notre premier objectif.
Avant même d'y être, nous ressentons les émanations sulfurées typiques. Nous débouchons au bord 'une rivière plus large e plus dégagée que les autres. Sur l'autre rive, deux bassins se sont formés avec une couleur caractéristique. Il suffit d'y mettre un pied pour comprendre. Le contraste est saisissant avec la température de la rivière elle-même. Surtout qu'il faut la traverser pour atteindre ces bassins. Nous sommes dans des eaux thermales naturelles. Le bain doit tourner entre 36° et 40°C. Nous ne voyons même pas le fond pourtant peu éloigné. Un léger bouillon semble remonter. Cela fait un bien fou après la première partie de la randonnée. Pendant que nous barbotons, notre guide local nous déniche de la boue, histoire de tenter un soin de beauté en pleine forêt. En revanche, garder les bijoux était une mauvaise idée : ma gourmette a viré au noir après le bain. Le passage dans l'eau fraîche de la rivière est saisissante mais bienvenue pour se rafraichir et se rincer. Tout ceci nous a donné faim et nous ne tardons pas à attaquer les sandwiches avant de nous rendre compte qu'il est à peine onze heures. Trop tard! Après le léger repas, il fait renfiler la tenue de marcheur, chaussures incluses. Fin de la pause détente!
Vers midi, nous reprenons notre périple, toujours dans les mêmes conditions. Nous ne croisons pas âme qui vive. Les oiseaux ne sont toujours pas au rendez-vous. Par contre, le chemin reste toujours aussi vallonné. En franchissant les ruisseaux, nous croisons qui un crapaud, qui un gros crabe un peu surprenant si loin de l'océan. A force de les chercher, notre guide local finit par exciter les singes hurleurs en tapant sur un tronc. Cela a pour effet de les faire apparaitre et surtout de les faire hurler. En rapport à leur taille modeste, le son qu'ils produisent est impressionnant. Nous restons là à les écouter et les observer pendant de longues minutes. Un peu plus tard, nous devinons un capucin. Ils sont en fait plus d'une dizaine à secouer tous les arbres du coin sans trop se montrer. Nous sommes en fait tout près du but, du moins le croyions nous. Alors qu'un panneau annonce "Las Paillas" tout droit, nous partons sur la côté à droite. Et cela continue! Ce sentier annexe conduit au "volcancito", une émanation de vapeur du volcan principal. Plus de doute sur la nature volcanique du Rincon de la Vieja. A l'arrivée de Brigitte et Yves, nous apprenons qu'elle a posé la main juste à côté d'une vipère, manquant de peu de se faire mordre. Certaines pierres aux alentours fument aussi. Nous serions presque aux bouches de l'enfer. C'est encore plus vrai quelques minutes plus tard. En effet, nous continuons plus haut vers un second. L'ambiance est toute différente. Le gaz s'échappe dans une mare surchauffée et bouillonnante. Mais ce n'est pas tout. Le mirador est régulièrement noyé par les nuages de vapeur qui s'échappent des entrailles de la terre, créant ainsi une épaisse brume où il ne manquerait que les gorilles!
Pendant ce temps, une pluie tropicale a éclaté. Contrairement à ce que nous pensions, la sortie du parc est encore loin. La zone "Las Paillas", regroupant les puits de boue chaude, est particulièrement étendue. Nous profitons tout juste du premier avant que les cieux ne grondent encore plus. Pour nous, cela tourne au sauve qui peut tandis qu'il pleut d'énormes cordes. Le sentier s'est transformé en rivière boueuse. Evidemment, malgré toutes les protections, nous finissons par être trempés jusqu'aux os. Parvenus au poste de garde, nous repérons le véhicule avant d'y sauter littéralement dedans. Une fois à l'abri, nous retirons toutes les couches mouillées. Autant dire qu'il ne me reste pas grand-chose sur le dos. Johnny essaie tant bien que mal de voir la route à travers la buée et le rideau de pluie incessant.