Costa Rica, Splendeurs naturelles (4)
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Après quelques dizaines de minutes, le temps s'éclaircit un peu tandis que je m'endors, bercé par le véhicule. Ces seize kilomètres de marche m'ont usé. Il y avait longtemps que je n'avais pas autant crapahuté. Il nous faut à peu près une heure et demie pour rejoindre Cuajiniquil, terme de la journée. Nous sommes au large: quatre lits et un dressing pour trois, sans compter la terrasse. Le ventilateur se révèle parfait pour faire sécher les chaussures de rando tandis que la rambarde de la terrasse se transforme rapidement en étendoir. Et pour se relaxer, le bar mitoyen de l'hôtel se révèle idéal pour nous réhydrater. Nous aurions pu tomber plus mal! Après le repas, une envie de glace de certains nous mène à aller marcher dans le village plongé dans la nuit, comme si nous n'en avions pas fait assez. Mais c'est parfait pour trouver le sommeil rapidement.
Samedi 21 avril 2012, Cuajiniquil
Ce matin, nous serions presque en retard au petit-déjeuner. Cela aurait été dommage tant ces fruits sont succulents. Néanmoins, à huit heures pile, nous sommes sur le port de La Cruz à quelques kilomètres à peine de notre hébergement. Nous attendons une dizaine de minutes nos navigateurs, heureusement à l'ombre. La météo tranche sensiblement par rapport à hier. Nous essayons de deviner quel sera notre bateau parmi tous ceux au mouillage dans le port. Personne n'aurait pu le trouver! Il faut dire qu'il n'est pas vraiment grand, n'offrant pas de l'ombre à tout le monde. L'embarquement se fait les pieds dans l'eau, par les rochers situés au pied du quai. Et vogue la galère!
Nous commençons par un coin calme, abrité des vagues, non loin du port. L'endroit est idéal pour observer la variété de la faune sous-marine. Une fois les palmes, le masque et le tuba récupérés, je me jette à l'eau. Elle est sacrément chaude, aux alentours de 25°C, parfait pour barboter. Quelle surprise dès le masque sous la surface: des poissons un peu partout, la plupart bien colorés. J'en observe de toutes les tailles. Par moments, je me retrouve au milieu de bancs entiers de plusieurs dizaines de poissons. Je me croirais presque dans un aquarium. Près des rochers, ce sont quelques dizaines d'oursins particulièrement dotés en épines d'un fort beau gabarit. Nous resterions des heures ainsi mais le soleil est là avec ses rayons brûlants. Et puis j'ai envie de barboter alors je me débarrasse du matériel pour nager autour du bateau. Il fait si bon ainsi.
Puis nous remontons à bord pour rejoindre une plage plus au nord. En chemin, nous observons quelques oiseaux en train de pêcher dont des petits pélicans sombres. Par moments, ce sont des bonites qui jaillissent de l'eau. J'aperçois aussi un aileron, malheureusement, il se révèle être celui d'un dauphin mort. A quelques encablures de la plage, nous nous jetons à l'eau avec Jean-Paul pour finir à la nage, rapidement suivis par quelques autres. Arrivés près du bord, nous commençons par décharger le bateau avant de profiter de la baignade tandis que certains partent marcher sur la plage. On y trouve quelques poissons morts dont un fugu, ou poisson-lune. A l'extrémité est, des rochers forment comme une grande baignoire de sable clair. Nous nous croirions presque dans un jacuzzi. Puis nous nous installons à l'ombre tandis que la marée monte petit à petit. Puis nous devons bouger après l'arrivée de la carcasse sous le vent. Tout ceci nous a creusé et nous n'attendons pas l'heure pour profiter du pique-nique. La marée continuant à monter, notre plage se réduit à la portion congrue. Du coup, nous sommes contraints de rembarquer.
Direction une île voisine qui semble héberger de nombreux pélicans. Assez étrangement ils nichent massivement sur les arbres. De l'autre côté de l'île, face au large, nous découvrons deux colonnes rocheuses dont une ressemble particulièrement au buste d'une femme. Nous repassons ensuite là où nous avions fait du snorkeling le matin sans nous mettre à l'eau. Notre capitaine a une autre idée en tête. Il nous fait traverser la partie sud de la baie de La Cruz. De ce côté s'est développée une mangrove au cœur de laquelle nous naviguons. L'endroit est calme. Seuls pointent les chants des oiseaux et le bruit de quelques poissons qui font surface. Nous retrouvons une dizaine de spatules rosées branchées au-dessus de nos têtes ainsi que quelques ibis. Des crabes s'aventurent sur les milliers de racines aériennes qui forment un entrelacs quais infranchissable.
Sur le chemin du retour, nous faisons halte près d'un élevage expérimental réalisé dans la baie. Nous en profitons pour nourrir les poissons et ainsi les voir s'agiter à la surface. Cette fois, il ne reste plus qu'à retraverser pour rejoindre le port. Et comme d'habitude, Johnny est ponctuel pour nous ramener jusqu'à l'hôtel.
Ici commence un long coma dans la chambre alors qu'il n'est pas encore quinze heures. L'océan nous a littéralement usé. Je n'ai même pas le courage d'écrire quelques lignes après la sieste. Apéro et repas sont à l'identique! Une bande de loques humaines. Néanmoins, nous sommes quelques-uns à tenter l'expérience du karaoké au village voisin. Nous ne sommes pas déçus du voyage. Des morceaux mexicains ayant au moins quarante ans. Quelques amateurs qui braillent plus qu'ils ne chantent. Un système qui déconne avant de pousser le volume à fond. Autant dire qu'au bout d'une heure, nous rentrons dormir.
Dimanche 22 avril, Cuajiniquil
Grasse matinée ce matin: nous ne déjeunons qu'à 7h30. La matinée est consacrée à la route pour rejoindre Caño Negro. Entre route et piste, il nous faut près de quatre heures pour rejoindre notre but, juste à l'heure pour manger. Nous jetons nos bagages dans nos chambres sommaires sur pilotis, au milieu d'un beau jardin et nous filons au centre du village dans l'unique restaurant. Et là, nous sentons vraiment la chaleur locale. Pas le moindre brin d'air! Je me liquéfie à nouveau. Après cela, nous traversons la rue à l'arrière pour profiter de l'élevage de papillons réalisé par une association de femmes du village. Dans une grande serre du jardin, surchauffée en l'absence d'ombre, ils sont des centaines à voleter. Si c'est un plaisir pour les yeux, c'est un calvaire pour les photographes. Les morphos restent quasi impossibles à immortaliser en vol, ailes dépliées. Par contre, Carmen, en attrape quelques-uns pour nous les montrer de près. Nous restons ainsi un long moment à profiter de leurs belles couleurs au milieu des fleurs. Nous passons ensuite à la nurserie où grandissent les larves. Certaines sont de taille impressionnante.
Comme nous n'avions pas assez chaud, nous partons nous promener en plein cagnard le long de la rivière et des étangs. C'est l'occasion de quelques belles observations dont le martin-pêcheur d'Amazonie et le jacana local. Alors que quelques-uns s'amusent à traverser les fossés, nous trouvons refuge à l'ombre de l'arbre le plus gros. Un bruit plastique nous intrigue. Il s'avère finalement qu'il s'agit du chant d'un oiseau! Sur le chemin du retour, je m'esquive, desséché et assoiffé. La douche froide est un pur bonheur dont l'effet ne dure pas bien longtemps. Lorsque le soleil se couche, nous descendons au bout du jardin le long de la lagune qui borde notre lieu de villégiature. Les caïmans sont là à surveiller ce qui se passe. Nous apercevons juste les museaux et les yeux. Trois grandes aigrettes sont là aussi. Puis, à l'aide des jumelles, nous distinguons ici un couple de jacanas, là un grand héron. Nous restons là, paisibles, jusqu'à ce que la luminosité soit trop faible. Il est alors temps de remonter prendre un petit apéro sous nos chambres, tout en parlant de l'histoire récente du Nicaragua tout proche avant de retourner au restaurant: même manège, deux types de viande à partager entre le groupe. Après le repas, nous partons à quatre dans le noir, direction la rivière, espérant croiser quelques oiseaux nocturnes. En vain, mais au moins, il fait bon et cela a tué un peu le temps!
Lundi 23 avril, Caño Negro
Jamais nous n'avions démarré aussi tôt. Le rendez-vous est fixé à six heures et quart au pied des pilotis, direction le toujours unique restaurant pour un copieux petit-déjeuner. Ainsi, dès sept heures, nous sommes prêts à partir sur le bateau. Nous allons explorer le Caño Negro par la voie fluviale. A rythme très très lent, nous progressons d'arbre en arbre ou d'une rive à l'autre. Il faut dire que deux paires d'yeux scrutent les alentours, tant le père à la barre que le fils plus spécialiste d'ornithologie. Les centres d'intérêts se multiplient. Pour ne pas les citer, les nombreux iguanes, souvent dans les arbres, les caïmans sur les berges, les tortues perchées sur le moindre amas de bois, mais farouches, les multiples cormorans soit en train de pêcher, soit en train de sécher, parmi eux l'anhinga, les grandes aigrettes, cette fois en action, dans l'eau les gaspards qui se laissent deviner, divers hérons de toutes tailles, et une nuée de martin-pêcheur, soit le grand, soit celui d'Amazonie, plus rare un courlan brun de passage. Un ibis vert se laisse deviner sans toutefois convaincre Hervé! De temps en temps, notre capitaine semble s'échouer mais parvient chaque fois à s'en sortir tout seul. Je ne me serais pas vu sauter à l'eau pour pousser! En contrepartie, il a l'œil pour apercevoir certains spécimens quasi invisibles tout en barrant. Sur le retour, nous débarquons quelques minutes pour aller inspecter une lagune voisine. Au passage, nous dénichons un basilic vert vif mais du tout décider à marcher sur l'eau. L'étendue aquatique héberge évidemment quelques aigrettes, un autre courlan brun, une poignée de hérons et des canards, espèce peu vue jusqu'à présent. Notre dernière observation sera une talève violacée, sorte de poule d'eau très colorée, avant de rejoindre le ponton de départ.
Quelques heures de piste puis de route nous attendent pour rejoindre Aguas Zarcas. Les siestes sont incontournables pendant ce transfert. Nous atteignons notre but un peu après midi. Si bien que nous commençons à avoir faim. Le repas pris en ville se révèle très copieux et arrosé de succulents jus de fruits naturels. Le ventre plein, nous avons besoin de repos. Nous faisons donc quelques kilomètres pour aller aux Thermales del Bosque. Cet établissement hôtelier dispose au fin fond de la jungle d'une source d'eau chaude. Pour l'atteindre, il faut quitter les bungalows jusqu'à la forêt avant d'emprunter un sentier en dur aménagé en sous-bois. Des bains de température variable sont implantés sous les arbres, chacun se déversant dans le suivant. Il faut donc aller en bas pour trouver le moins chaud (ils s'échelonnent tout de même entre 30 et 48°C). Après être passés par le vestiaire en bas du complexe, nous commençons par le plus frais avant d'essayer de cuire. Avec mes coups de soleil sur les jambes, je suis vite calmé. Ce sera 43° et pas plus. Nous essayons aussi le sauna naturel mais il n'est pas bien chaud. Alors nous retournons dans les bains qui semblent tout d'un coup beaucoup plus chauds. De temps en temps, nous apercevons un motmot roux quasi domestiqué. Il se nourrit de cerises qu'on lui tend. Après deux heures de trempette, nous quittons cet endroit idyllique; je craignais la remontée. Mais au contraire, nous devons être détendus car nous grimpons assez facilement. Et comme le véhicule n'est pas là au rendez-vous, une fois n'est pas coutume, nous remontons à pied jusqu'à la réception où nous attendons Johnny.
Après quelques courses au centre-ville, nous nous mettons en quête de la coopérative, dont nous finissons par dénicher le chemin après quelques allers-retours. Celle-ci est bien isolée à dix sept kilomètres de la route bitumée. Au bout de la piste, nous débouchons dans une plantation d'ananas organisée en coopérative. On y cultive aussi du manioc. Nous traversons le village puis quelques parcelles avant d'atteindre notre lieu de résidence au sommet d'une petite colline avec vue sur les champs. Nous y sommes accueillis par Denya, une charmante dame, accessoirement présidente du conseil d'administration de la coopérative. L'ananas et le manioc occupent évidemment une bonne place sur la table. Après le repas, notre hôtesse nous raconte l'histoire et le fonctionnement de cette coopérative.
Mardi 24 avril, coopérative San juan, Aguas Zarcas
Ce matin, le petit-déjeuner est fixé assez tard, pourtant nous restons au lit à larver jusqu'au bout. Une belle table nous attend. Deux carretas traditionnelles ont été confectionnées en ananas. C'est succulent à dévorer tout autant que joli à regarder. La cure se poursuit. Mais un régime pareil avec des fruits d'une telle qualité, ça ne se refuse pas.
Après le petit-déjeuner, nous partons explorer la plantation avec le fils de Denya. Il va nous expliquer tout le processus de production: de la préparation des plants, en fait des rejets de pieds existants jusqu'à la récolte en passant par la mesure du taux de sucre. Nous cheminons ainsi à travers les divers lots. Il nous apprend qu'une plante produit trois fois avant d'être arrachée , la parcelle étant alors laissée au repos pendant un an. Ici, nous assistons à un mix d'agriculture responsable et de pratiques intensives avec l'usage de produits phytosanitaires, engrais et hormones. Dans les rangs, nous faisons un razzia sur les fruits murs, en plus de ceux ramassés par notre guide. Nous engloutissons par quart les fruits qu'il prélève pour nous: un vrai délice, directement du producteur aux consommateurs. Comment résister? Et que dire du spectacle de la machette : quelques gestes suffisent pour débarrasser le fruit de son écorce. Nous repartons les bras chargés. Mais ce n'est pas terminé.
En bas du jardin tropical qui cerne notre hébergement, notre guide du jour fait tomber une dizaine de noix de coco avant de les ouvrir à la machette pour que nous puissions en boire le jus. Cela ne vaut pas celui d'ananas mais c'est bon quand même. Puis nous déposons notre lourd chargement avant de poursuivre la ballade juste dernière notre logement sous un avocat malheureusement pas encore à maturité. Juste en dessous, notre guide déterre un tubercule de manioc pour nous montrer à quoi cela ressemble. Nous poursuivons par le sentier El Ceibo en contrebas. Il s'agit d'une boucle de neuf cents mètres, tracée dans la forêt. Sans les yeux de notre guide local, nous ne verrions pas tous ces détails tels cet insecte camouflé en feuille sèche ou ces multiples grenouilles minuscules. La fourmi balle est plus facile à repérer vu sa taille démesurée mais gare à elle; si elle attaque, vous risquez de vous en souvenir. Nous profitons aussi de la végétation très imaginative ici. Au pied d'un ceiba déjà d'un fort beau gabarit, nous apercevons un petite grenouille Red Blue Jean. La pauvre subit les assauts multiples et répétés de nos flashes. Juste avant de manger, nous avons la chance d'observer à courte distance un petit toucan que nous n'avions pas encore vu, l'aracari à collier, bien reconnaissable avec ses couleurs dominantes noir et jaune et surtout un bec plutôt sombre.
Après la pause repas, nous descendons au village. Son attrait principal est la chaine d'emballage des ananas; le règlement est très strict, et appliqué à la lettre. Entrée par quatre, charlotte sur la tête et désinfection obligatoire des mains et des chaussures, et interdiction des shorts et bermudas. La processus est simple mais mérite d'être connu. C'est l'occasion de constater que la plupart des postes sont physiques et répétitifs. Le reste de ce micro-village ne présente pas grand intérêt : le tour en est vite fait. L'état des livres de l'école est ahurissant, comme à l'abandon. Tout semble léthargique en fait. Nous partons donc nous promener sur les chemins sans trop savoir où ils mènent, passant diverses barrières. Nous franchissons même un pont de fortune fait de bric et de broc. Jusqu'à croiser un des rares âmes qui vivent là nous indiquant qu'il faudrait encore sept kilomètres pour rejoindre la coopérative par ce chemin. Du coup, vu l'heure, nous faisons demi-tour, tout en explorant un dernier sentier derrière notre logement. Malgré le silence, nous ne parvenons pas à dénicher ni oiseau, ni singe. Juste quelques chants. Un peu de repos et une bonne douche sont les bienvenus. Surtout que ce soir, Denya a sorti la chaine hifi pour nous faire danser. Nous ne sommes qu'une poignée à nous trémousser sur la piste en compagnie de nos hôtesses. Mais que cela fait du bien! Tant pis pour les autres qui attendent pour manger et n'ont d'autre choix que de nous regarder faire. Encore une fois le repas se révèle bien bon. Et après un bavardage avec Jean-Paul, nous partons nous coucher.