Flâneries vénitiennes, jour 2

Publié le par Jérôme Voyageur

Le Squero San Trovaso
Le Squero San Trovaso

Mardi 7 avril 2015

Premier réveil au coeur de la Sérénissime. C'est tout de même bien pratique d'avoir déniché cette chambre d'hôtel aussi bien placé, tout en étant confortable et calme. Paré pour trotter toute la journée.

Peu avant 9 heures, c'est encore un plaisir de traverser la place Saint-Marc. Elle est encore largement clairsemée alors que le soleil commence à bien l'éclairer. Etant donné que la basilique ne daigne ouvrir ses portes avant 9h30, je ne m'attarde pas et je file jusqu'aux quais. Je bifurque devant le palais des Doges, dépasse le pont des Soupirs jusqu'à rejoindre la station dite San Marco - Zaccaria. De là, je peux embarquer en quelques minutes à bord du vaporetto qui dessert les îles de l'autre côté du canal de la Giudecca. En l’occurrence il s'agit d'une des deux lignes 4.

Direction l'île hébergant San Giorgio Maggiore. Si les gens ne connaissent pas forcément son nom, ils la connaissent souvent de vue. Il faut dire que cette massive église fait face à la place Saint-Marc. Si j'osais, je dirais qu'on ne voit qu'elle. En cette heure encore matinale, il n'y a guère foule à descendre du vaporetto. Si l'île abrite un ancien et vaste complexe religieux, seule l'église reste accessible en permanence, le monastère ayant été transformé en une fondation artistique. Sa façade d'un blanc immaculé en impose par sa taille mais propose un décor assez austère. L'intérieur de l'église ne présente pas un intérêt particulier. En revanche, en suivant le couloir menant au pied du campanile, une porte ouverte permet de passer derrière le choeur et ainsi profiter d'un superbe chapitre constitué de belles stalles en bois.

Contre un paiement de 6 euros, on peut monter dans l'ascenseur qui permet d'atteindre le sommet du campanile. En ce début de matinée, il est fortement recommandé d'être bien couvert. La bise qui souffle est particulièrement fraiche. Si haut perché, le panorama est complet à la fois sur la ville mais aussi sur toutes les îles "mineures", le Lido côté mer et les Alpes enneigées en tableau de fond. Contrairement à son alter ego de San Marco, celui-ci est quasiment désert. Autant dire qu'on peut en profiter autant qu'on veut. Passer d'une face à l'autre quand on veut, revenir sur ses pas, ... En contrebas immédiat s'étire le petit port de plaisance qui s'ouvre par un petit phare tout aussi blanc que l'église. J'en profite aussi pour jeter un coup d'oeil sur la suite de ma ballade. L'île de la Giudecca s'étire longuement dans le prolongement immédiat de San Giorgio. Une fois revenu sur le parvis et quelques clichés supplémentaires, il ne reste qu'à retourner au ponton et attendre le prochain bateau pour rejoindre l'arrêt suivant sur la Giudecca.

Il ne faut que quelques minutes pour ce saut de puce (d'eau) qui me dépose devant la maison dite aux trois yeux. Certes, il faut beaucoup d'imagination pour assimiler ces trois grandes ouvertures à des yeux, mais bon. En revenant en arrière, en fait en direction des navires de la garde financière, on peut admirer la façade de l'église dite "Zitelle" qui s'insère finalement assez discrètement dans les façades voisines. Ce surnom de Zitelle vient de l'institut qui lui est adjoint depuis le début, destiné à accueillir et former les jeunes filles sans dot (les Zitelle). En réalité, elle a été consacrée Sainte Marie de la Présentation. Malheureusement le lieu ne se visite pas.

Je reprends donc ma progression le long du quai. Régulièrement, j'emprunte les petites ruelles perpendiculaires qui traversent la Giudecca de part en part. C'est le meilleur moyen de découvrir le vrai Venise actuel. Ici le tourisme n'est pas l'occupation première. Je qualifierai plus la Giudecca de quartier résidentiel. Quel meilleur moyen de s’immerger dans la vie quotidienne des vénitiens. Une image m'a flashé : les installations complexes de fils à linge à travers les façades avec tout un système de poulies. Hallucinant mais efficace! D'autre part en cette matinée un peu fraiche, il est bien agréable de passer de l'autre côté de l'île pour profiter de la chaleur des rayons du soleil tandis que les quais sont encore à l'ombre.

Approche enfin cette massive église blanche qu'on voit depuis à peu prés partout. Tout a été fait dans ce but. Il Redentore a été édifiée au 16ème siècle pour conjurer l'épidémie de peste qui ravageait la ville. Tout est fait dans le monumental, y compris l'escalier, mais pas forcément dans le tape-à-l'oeil du style baroque. On notera tout de même la présence de frontons imbriqués. Cette église se visite moyennant finance.

Au hasard d'un pont, ici comme partout dans Venise il y a aussi de canaux, je découvre la présence d'un hangar à bateau. Étonnamment c'est le seul que je verrai à Venise. Je poursuis ainsi jusqu'à l'avant-dernier arrêt, Palanca. En attendant le prochain bateau pour retraverser le canal, je jette un dernier regard à cette massive bâtisse rouge qui trône au bout de l'île. A la fois par sa taille et sa couleur, elle tranche nettement avec l'ambiance globale de l'île de la Giudecca. Ce bâtiment appelé Molino Stucky est une ancienne minoterie reconvertie en hôtel de luxe.

Quelques minutes suffisent pour rejoindre les Zattere, ces larges quais qui longent toute la partie sud du quartier de Dorsoduro. Dans une ville normale, on dirait que c'est retour sur la terre ferme, mais pas à Venise. La façade d'I Gesuati accueille les passagers qui débarquent du vaporetto. Je me laisse tenter de ces grandes terrasses pour déguster un expresso au soleil, face à la Giudecca.

Petite pause réparatrice avant de reprendre ma promenade. Grâce à mon guide touristique, j'ai identifié un petit coin à ne pas manquer. Il s'agit du Squero San Trovaso lui même adossé à l'église du même nom. Autant cette dernière est assez banale, et ne mérite qu'un simple regard, autant le Squero mérite vraiment de s'y attarder. Il s'agit en fait d'un chantier de réparation et de fabrication de gondoles. C'est même le dernier de Venise. Au delà de ça, l'endroit est vraiment photogénique avec son bâtiment façon chalet alpestre.

Retour vers les Zattere pour poursuivre ma découverte du quartier de Dorsoduro. Je décide de les suivre jusqu'à l'extrémité de la pointe de la Douane. Je profite ainsi totalement du soleil qui chauffe ce côté du quartier. En chemin, je tombe sur ce spectacle affligeant des paquebots géants. Ce monstre de métal est tracté à travers le canal de la Giudecca par un tout petit remorqueur jusqu'à la gare maritime implantée à l'entrée de Venise. Quelle mouche a piqué les autorités pour laisser faire cela si ce n'est l'argent? Il faut s'imaginer un mur de métal qui dépasse en hauteur tous les bâtiments de la ville sans exception. On ose à peine imaginer si un navire basculait.... Alors qu'il serait plus sain de faire accoster ces monstres directement au port sans traverser la ville.

De la pointe de la Douane, je ne profiterai que de la statue avec son fameux globe et de sa petite façade blanche. Mr Pinault n'ouvre sa fondation qu'à partir de la mi-mai. Comme si Venise avait une basse saison .... Passons, il y a bien plus beau et intéressant tout près : l'église Santa Maria della Salute. Encore un édifice incontournable avec son dôme haut perché et voyant. L'accès gratuit permet de découvrir un lieu bien éclairé grâce au dôme et un joli sol fait de mosaïques concentriques. La suite nécessite d'emprunter les ruelles du quartier, fini les quais. Au hasard d'un angle de ruelle, je tombe sur une porte grillagée dans laquelle sont prises comme des gouttes de verre coloré. Il s'agit en fait d'un des accès à la fondation Peggy Guggenheim fermée ce jour-là.

Petit à petit je rejoins la galerie de l'Accademia. Je me décide à visiter ce qui est considéré comme un des musées principaux de Venise. L'accès est de 9 euros, et là encore il faut laisser tout sac à dos à la consigne, située derrière le comptoir d'accueil. La visite se déroule à l'étage où sont rassemblées toutes les salles, qu'on rejoint par un grand escalier. La pinacothèque est dédiée à la peinture vénitienne des 14ème au 18ème siècles. C'est peut être la fatigue, mais j'ai trouvé toutes ces oeuvres bien trop classiques. J'ai vite saturé.

Poursuivant mon périple dans le quartier, je traverse le campo San Barnaba. J'aperçois alors une enseigne que mon guide m'avait signalée. Le glacier Grom. La devanture indique l'usage d'eau de montagne et de fruits de saison. Ni une, ni deux, ma gourmandise prend le dessus. Cela aurait été une erreur de ne pas l'écouter. La double chocolat-vanille est un pur délice. A tel point que j'ai failli en reprendre une seconde sur le champ. Mais la raison l'a emporté !

Se présente un peu plus loin le Campo Santa Margherita, grande place plantée de quelques arbres et cernée de façades majoritairement colorées ou bien de style ancien. Mais sur le chemin, quelle n'est pas ma surprise de découvrir un bateau-maraicher. Au lieu d'une boutique, fruits et légumes sont vendus directement depuis un bateau amarré dans le canal. Pour en revenir au campo, il me fait l'effet d'un lieu de vie locale en plus de la présence des touristes, quoi que moins dense dans cette partie de la ville.

A partir de là, je décide de tracer à travers les quartiers San Polo et San Croce qui présentent beaucoup moins d'intérêt pour filer jusqu'à la Piazzale Roma. D'ailleurs petit à petit, les canaux se font plus larges et les habitations plus modernes. Il faut dire que je me dirige vers l'entrée de la ville. Léger choc en retrouvant le bruit des véhicules à moteur, voitures et bus qui déversent leurs contingents de visiteurs. Mais là n'est pas la raison de ma venue dans ce lieu bruyant et inintéressant culturellement parlant. En revanche la ligne 1 du vaporetto, celle qui descend le grand canal part d'ici. Je découvre néanmoins, que même au point de départ, les bateaux sont pris d'assaut, les places extérieures en premier lieu. Cette étape en forme de mini-croisière permet de découvrir tranquillement tous les palais et façades exceptionnelles qui bordent ce fameux bras aquatique qui fait l'attrait de Venise. Il faut compter environ quarante minutes pour rejoindre la place San Marco. Pour les photos, soleil et vitres sales n'ouvrant qu'en partie ne vous aideront pas ...

Vu l'heure, je décide de descendre un peu plus loin pour continuer par la visite du quartier de l'Arsenal. Le pont menant à la large avenue Garibaldi semble constituer une frontière invisible. En effet, dès qu'on le franchit, il y a beaucoup moins de foule. Laissant sur ma gauche le musée naval qui n'ouvre que le matin, je file droit devant jusqu'au bout, c'est à dire l'île de San Pietro Castello. C'est là que résident les derniers pêcheurs et que s'élève celle qui servit longtemps de cathédrale à la ville. Aujourd'hui son campanile a des airs de Tour de Pise. Face à elle se dresse une partie de la muraille qui ceint l'Arsenal. Encore un quartier serein et calme où va la vie des vénitiens de maintenant. Le retour se fait le long des murs de brique qui enserrent cette zone encore réservée aux militaires. L'entrée piétonne de celle-ci est encadrée par deux lions géants. Encore et toujours le symbole de la ville. Quant à l'accès naval, il est lui surveillé par deux tours.

Après toutes ces pérégrinations, je commence à fatiguer tout particulièrement. il est temps de retourner à l'hôtel en serpentant derrière la place Saint Marc pour éviter autant que possible la foule.

Publié dans Carnet de voyage, Europe, Italie

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