Zambie, à la recherche du bec en sabot (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

Lever de soleil dans la brume de Kasanka
Lever de soleil dans la brume de Kasanka

Du coup, il ne reste qu’à rejoindre le parc de Kasanka non loin de là. Le garde à l’entrée nous reconnait mais nous annonce qu’il y a eu du surbooking. Du coup, les seules places disponibles seraient au centre de conservation près de l’entrée mais loin de la vie sauvage. Après négociations, Fred obtient que nous puissions utiliser le camp démantelé de Fibwe Hide. Nous ne restons au centre que le temps du pique-nique, après avoir fait un tour rapide de l’exposition animale qui y est installée dans un but éducatif.

Le camp de Fibwe se révèle agréable, caché sous les arbres et quasi intact. Le garde en poste juste à côté est venu le balayer avant notre arrivée et nous pourvoit en eau. Une fois le campement monté, chacun vaque à ses occupations jusque vers 16 heures, où nous montons à la plateforme dans le figuier. Pas la moindre trace d’un sitatunga. Seulement les colious et le bagadais déjà vus l’autre jour sont toujours dans leur arbre en contrebas.il faut attendre que le soleil soit couché pour entrapercevoir fugacement deux femelles sitatungas tandis que nous entendons le mâle aboyer sans se montrer.

En bas de l’échelle, il faut vite se couvrir car le froid tombe d’un seul coup, sûrement un effet de l’humidité. Sur le feu du camp nous attend la recette traditionnelle d’Inno.

Lundi 4 juillet 2011, Fibwe Hide Camp

Que cette nuit fut fraîche et agitée (jamais je n’étais sorti autant). Mais je suis rassuré en constatant que le phénomène a été général. Le réveil est tout aussi saisissant surtout que le feu peine à nous réchauffer. Du coup, il y a peu de candidats à la plateforme. Seul Bruno s’y risque. Avant de partir vers 7 heures, un couple de calaos à joues argent reconnaissables au casque surmontant leur bec nous gratifie d’un concert bruyant avant de nous survoler à deux reprises. Puis nous nous mettons en route. Finalement pour quelques centaines de mètres seulement. Non loin de nous, un mahogany fourmille de vie. Des oiseaux ne cessent de décoller et d’atterrir. Il y a les classiques bulbuls et merles métalliques. Mais surtout, nous apercevons de superbes touracos à huppe splendide. Il nous faut un certain temps avant de bien les observer, surtout en vol lorsque toutes les couleurs (vert, rouge et bleu) ressortent de manière éclatante.

En épluchant l’arbre au peigne fin, nos jumelles finissent par dénicher une forme sombre. Il s’agit d’un cercopithèque à diadème en train de picorer sur les branches les plus hautes, la plupart du temps bien visible. Quelques mètres plus loin ce sont plusieurs dizaines de « petits » babouins qui occupent la série d’arbres qui bordent la piste. Ils semblent tous être à la fenêtre. Est-ce pour nous observer ou pour prendre le soleil ? Mystère. Peut être que la chercheuse américaine saurait nous répondre. Certains sont en pleine séance d’épouillage.

Nous reprenons notre progression vers le ponton puis le long de la rivière. Les pukus sont déjà présents en nombre. Nous identifions avec Inno un épervier de l’Ovambo, petit rapace de couleur grise, branché sur un arbuste près de la piste. Quelques vervets peinent à se réveiller en lisière de forêt.

Un peu plus loin, une boule de poils sombres attire notre attention au milieu des pukus. Il faut attendre un moment que la tête apparaisse. Il s’agit d’un jeune mâle sitatunga avec ses petites cornes. Enfin nous avons l’occasion de l’observer un petit moment et dans son intégralité. Il est en train de brouter près des bosquets de joncs. Quelques oiseaux complètent le tableau. Il ne faut pas longtemps pour en observer d’autres. Cette fois il s’agit de trois jeunes, bien sombres, d’une femelle au pelage beaucoup plus clair et finalement d’un gros mâle qui surgit des bosquets avec ses superbes cornes. Nous voici gâtés ! Nous en verrons même deux derniers beaucoup plus lointains. Cette rivière Kasanka est finalement riche en faune : quelques hippopotames semblent se prélasser au loin ; deux jabirus pêchent tandis que deux crocodiles prennent le soleil. Arrivés au bout de la piste, nous sommes contraints de rebrousser chemin et de rentrer au camp non sans avoir fait une petite pause gourmande sous le soleil qui commence à chauffer.

La pause de « l’heure chaude » est plus longue qu’habituellement. Certains optent pour une douche sommaire avec un seau d’eau et un verre. Certaines nattes sont sorties pour s’étendre tranquillement à l’ombre. Evidemment la partie de tarot se poursuit. On les entend à des kilomètres à la ronde. Il n’y a guère que sur la plateforme du figuier que je ne les entends plus. Malheureusement, sorti du paysage, il n’y a rien d’autre à voir ou observer. Nous attendons 16 heures pour retourner sur la plaine bordant la rivière Kasanka. Nous franchissons donc une nouvelle fois le gué, toujours sans encombre.

Ce sont toujours les pukus qui dominent largement les observations. Quelques oiseaux observés par Inno et moi nous déroutent un peu pour leur identification. Ce n’est que sur le retour que nous apercevons une femelle sitatunga bien plus claire que son partenaire. Je crois même distinguer traits et points blancs sur sa robe.

Peu avant le ponton, nous observons enfin d’assez près quelques hippopotames dans le lit étroit de la rivière. Aux abords du camp, Fred part inviter nos voisines chercheuses à prendre un verre. Anna, Sheila et Fabien répondent présents, histoire de partager quelques informations. Les deux filles effectuent des recherches sur les babouins dans le cadre de leur thèse tandis que le garçon, néerlandais né au Bénin maitrisant le français, ‘est l’écologiste du parc depuis neuf mois. La potée africaine est enfin au menu. Toujours aussi bonne. Et nous atteignons même les quatre services.

Mardi 5 juillet, Kasanka National Park, Fibwe Hide Camp

Il n’y a même plus d’heure de petit-déjeuner vu que nous sommes tout le temps levés avant. La preuve : à 5h30, je suis déjà debout vite rattrapé par les autres. Nous nous arrêtons aux abords puis au milieu de la plaine la plus proche. Elle est encore couverte de nappes de brumes ce qui crée une ambiance assez particulière. Derrière nous le soleil commence à se lever et à modifier encore plus le décor. Du coup, nous restons sur place un petit moment.

Puis nous nous dirigeons vers le ponton pour rejoindre la piste qui longe à distance la rivière Kasanka, assurément la zone la plus propice aux observations. Et nous ne sommes pas déçus. Si les pukus restent majoritaires, nous avons la chance d’observer divers groupes de sitatungas à découvert mais lointains. Les deux fois, les gros mâles impressionnent par leur prestance et leur port de tête. Une fois encore, nous nous étonnons de la capacité de cette espèce à se volatiliser dans la végétation aquatique. Un couple de jabirus nous propose une exhibition aérienne tandis qu’un gros crocodile semble profiter des premiers rayons de soleil. Les hippopotames sont toujours visibles au loin. Quelques oies de Gambie et des cigognes à bec ouvert complètent la matinée.

Après trois heures de ballade, nous revenons plier le camp avant de progresser jusqu’au lodge puis au centre de conservation où nous pique-niquons à nouveau. A pied nous rejoignons l’entrée du parc ce qui a le don d’étonner et de faire rire le garde que nous croisons depuis notre premier passage.

Cette fois c’est la route du retour qui débute. Nous retrouvons le bitume et nous n’allons plus le quitter. Après quelques menues emplettes au bord de la route et un plein, nous faisons halte pour la nuit du côté de Mkushi, pas tout à fait à mi-distance. Fred nous invite à dormir dans un lodge bien agréable, le Forest Inn. Au départ un repérage, notre visite se mue en une nuit en chalet. La douche chaude est un réel bonheur. La soirée se poursuivra par l’inévitable partie de tarot avant de passer à table sur la terrasse du restaurant. Les plats sont succulents, autant le velouté de butternut que les spaghettis bolognaise. Après un café nous rejoignons la salle de billard jusqu’à une heure avancée de la nuit. Nous opposant par équipes de deux, nous ne voyons pas le temps passer. Probablement que les nombreux fous-rires y sont pour quelque chose.

Mercredi 6 juillet, Mkushi

Le confort a une contrepartie : on se trouve bien dans le lit. Résultat, malgré un réveil matinal, je ne réussis à me lever qu’à 7 heures, heure du petit-déjeuner. Du coup c’est un peu la course pour plier le sac. Heureusement que je n’avais pas sorti trop d’affaires hier soir. Je suis vite rassuré : je n’étais pas le seul. Et puis le service est à l’africaine : tranquille et ce malgré l’insistance de Fred qui va jusqu’en cuisine les secouer. Cela dit, nous avons le ventre plein en partant.

Direction Lusaka sur une route goudronnée sans grand intérêt. Nous faisons quelques haltes plus ou moins prévues : d’abord pour le sac de toit de Fred qui s’ouvre en route, puis pour quelques produits frais. Fred en profite aussi pour repérer un lodge en prévision d’un prochain voyage. Nous progressons ainsi jusqu’à la capitale où nous retrouvons la civilisation dans tous ses travers : bruit, pollution, embouteillages, … Un vrai bonheur après plus de dix jours de brousse.

Vu l’heure avancée, Fred nous invite au restaurant, Ocean Basket, dans le centre commercial Arcades, celui là même où nous avions fait halte à l’arrivée. Conformément à ses recommandations, il s’agit d’une excellente adresse. Poissons et fruits de mer y sont succulents et les portions généreuses.il ne reste plus que quelques courses à faire avant de rejoindre pour une dernière fois le Pioneer’s Camp.

Nous nous étalons un peu de trop comme si nous étions seuls. Il va d’ailleurs falloir bouger la tente de Rebecca lorsqu’arrive une famille allemande. Le tripot s’ouvre assez classiquement une fois tout le monde installé. Ainsi s’écoule cette journée pré-départ toujours aussi particulière, fin d’une nouvelle aventure et de certaines émotions et ambiances. Un second filet de bœuf avec ses butternuts a été prévu par Fred pour clore cette reco. Toujours aussi délicieux et succulent. Juste après la soupe, un bruit dans l’arbre au dessus de nos têtes attire l’attention de Christophe. Nous finissons par apercevoir son auteur : un mignon galago à queue épaisse qui saute de branche en branche jusqu’à ce que nous le laissions tranquille avec notre torche. Une première pour nous tous !

Tout au long du repas nous devons aussi essayer de trouver comment faire sortir un bouchon enfoncé à l’intérieur d’une bouteille. Et Fred qui nous fait son cinéma avec Doubt. Deux parfaits comédiens, soit disant pratiquant la magie africaine ! Il nous faudra insister pour voir la solution plus tard dans la soirée. Je n’ai pas souvenir d’avoir vu Fred se lâcher ainsi et cela fait plaisir surtout que ça continue avec le jeu de la poule. Nos voisins allemands doivent nous prendre pour des fous furieux. Vivement le prochain voyage sous ces latitudes australes toujours aussi magiques. Le bilan de la reco est surprenant : pas une seule avarie technique pas même une crevaison, pas un seul bivouac totalement sauvage et un stock de bois transporté tout le voyage pour être finalement brûlé ce soir à Lusaka.

Jeudi 7 juillet, Lusaka, Pioneer’s Camp

Le programme est tranquille : petit-déjeuner à la carte entre 7heures et 9 heures. J’évite donc de me lever trop tôt, me lovant au fond du sac de couchage. Puis vers les sept heures, je termine les sacs en vérifiant que tout est à sa place. Les autres, me croyant endormi (il faut dire que je suis habituellement un des premiers levés), ne trouvent rien de mieux que de venir secouer ma tente en chantant Hungawana. Peine perdue pour eux. Depuis 5 heures les chants et sermons des adventistes en rallye ont repris. C’est loin d’être agréable et tellement moins bien que ce que nous avions entendu à Chiundaponde. Après un début de matinée bien doux, nous sommes vite refroidis par le vent qui se lève, amenant au passage les premiers nuages. Comme il reste encore du temps à tuer, le tripot est rouvert à 9 heures pour les dernières parties du voyage.

Mais à 10 heures, il faut se résigner à quitter le camp en disant au revoir à Doubt. Une grosse demi-heure plus tard, nous atteignons l’aéroport international de Lusaka. C’est au tour d’Inno qui reste sur le parking pour surveiller les véhicules. C’est encore une fois avec une certaine émotion que je quitte les frère Muhangiri même si je sais que je le reverrai bientôt. Dans l’aérogare nous devons abandonner Fred de suite vu que l’enregistrement a lieu après un premier contrôle des bagages et des passagers. Il ne reste plus qu’à attendre en écumant la petite poignée de boutiques de la salle d’embarquement située à l’étage, commerces où on ne trouve quasiment rien de local. Notre première étape nous mène à Johannesburg pour une escale de cinq heures. Largement le temps de faire le tour des boutiques et de découvrir une aérogare totalement rénovée. Heureusement que nos principaux repères n’ont pas bougé. Comme c’était prévisible, je croise trois collègues rentrant à Paris aussi.

Nous décollons avec un peu de retard à bord d’un Boeing 747 de British Airways à destination de Londres. Le vol se passe bien même si le sommeil n’est pas parfait. Question d’habitude ! J’ai l’impression que nous atterrissons avec un peu d’avance. Et pour une fois, j’ai de la chance. Pas besoin de courir après la navette automatique du terminal 5. Je dois repartir du même terminal. Mais vu l’heure bien matinale, il n’y a personne au contrôle de sécurité. C’est tout juste si je ne les réveille pas. Idem dans les salles d’embarquement où je me sens bien seul. Un dernier saut de puce pour rejoindre Paris puis mon nid douillet après avoir affronté la corvée du RER.

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