A la découverte des trésors du Levant (5)

Publié le par Jérôme Voyageur

A la découverte des trésors du Levant (5)

Dimanche 17 octobre 2010, Damas

Cet hôtel Salam, implanté un peu à l’écart de l’effervescence, nous a offert une bonne nuit de sommeil dans le calme. Nous avons la journée pour découvrir le centre ancien de la capitale syrienne.

A quelques centaines de mètres seulement, nous débouchons devant l’ancienne gare du Hedjaz, édifiée par les ottomans pour conduire les pèlerins à la Mecque. Une locomotive est toujours installée devant le bâtiment. L’intérieur a été transformé en bibliothèque. Nous pouvons néanmoins encore y voir les boiseries d’époque, les anciens guichets ainsi que des vitres très colorées. A l’étage, dans les escaliers et couloirs, des photos rappellent la vie de cette gare et de cette ligne.

Au bout de la rue al-Nasr, nous débouchons au pied de la citadelle, actuellement fermée pour restauration. Juste à droite, une grande arche moderne et large marque le début du souk Hamidiyé. Il est encore tôt et toutes les échoppes n’ont pas encore ouvert leur rideau. Du coup, il est assez facile d’avancer. Certains contrastes sont saisissants : un vendeur de voiles jouxte un vendeur de tenues très légères et affriolantes, et devant passent des femmes voilées de noir de la tête aux pieds. Nous progressons ainsi jusqu’à apercevoir la lumière du jour. Et, surprise, des colonnes corinthiennes ainsi qu’un bout de fronton font leur apparition. Un temple dédié à Jupiter s’élevait là.

Désormais les lieux sont occupés par la grande mosquée des Omeyyades. Son mur ouest nous fait face ainsi qu’un des trois minarets, celui de style mamelouk. L’accès des touristes se fait obligatoirement à l’angle nord-ouest. Outre un droit d’entrée, il faut endosser une cape pour les femmes et une jupe pour les hommes en short ou en bermuda. En nous dirigeant vers la porte nord, nous passons sous le minaret dit de la fiancée, édifié sur la base d’une tour romaine. Nous débouchons dans l’immense cour intérieure, déjà bien remplie par les visiteurs de tous horizons. Les accès sont particulièrement surveillés. Nous sommes tout de suite surpris par les immenses mosaïques dorées, tant au centre de la façade sud que dans le couloir de la façade ouest. Elles sont pour partie d’origine. A gauche de la coupole, nous apercevons le dernier minaret, de style ottoman, dit minaret de Jésus. Les textes racontent que c’est par là qu’il redescendra du ciel. Un rapide tour d’horizon révèle une partie de sa structure d’origine en pierres. Au centre de la cour est installée la fontaine aux ablutions couverte d’un toit. Vers l’ouest s’élève un édicule octogonal, perché sur huit colonnes et couvert d’une petite coupole. On y conservait le trésor de la mosquée. A l’opposé, une troisième coupole a été élevée, formant un petit kiosque. La salle de prières occupe trois nefs dans la partie sud. Au centre, elle est surmontée d’une grande coupole. Presque en-dessous est installé le tombeau de Saint Jean-Baptiste, révéré par les pèlerins chrétiens et musulmans. Il y a beaucoup d’effervescence avec tous ces groupes. Certains semblent prêcher de manière très vindicative. Cela laisse d’ailleurs un sentiment bizarre que je n’avais pas ressenti à Alep. Mais la frénésie est à son comble dans une autre salle à l’est. Beaucoup plus petite, elle abrite le tombeau d’Hussein. Le prophète des chiites provoque une quasi hystérie, tant pour pénétrer dans la pièce que devant le catafalque. Certains pleurent carrément. Les nombreux bus d’Iran aperçus depuis ce matin ne viennent que pour cela. En ressortant, nous jetons un œil au mausolée de saladin, bâti tout près de la mosquée.

Après cette expérience assez particulière, nous continuons notre progression à travers les souks. Au hasard d’une porte ouverte ou d’une arche, nous devinons la présence d’un hammam ou d’un caravansérail. Nous débouchons assez rapidement devant le palais Azem. Cette ancienne résidence du pacha a été transformée en musée des traditions populaires. Les cours intérieures invitent au repos et à la détente à l’ombre des arbres, non loin des bassins et des jets d’eau. Chaque pièce cherche à reproduire une scène de la vie quotidienne. Autour de la seconde cour, ce sont les métiers artisanaux qui sont mis en valeur.

Encore quelques pas et nous retrouvons la Via Recta déjà empruntée à diverses reprises depuis notre arrivée dans le pays. Nous la remontons quasiment jusqu’au bout, près de Bab Charqui, l’occasion d’apercevoir quelques rares vestiges de l’époque romaine. Le plus visible reste cet arc, tout proche d’un très ancien minaret. Peu avant la muraille, une ruelle sur la gauche nous mène jusqu’à l’église Saint Ananie. L’histoire raconte que c’est ici que le saint baptisa Saint Paul. Dans ce quartier chrétien, le dimanche se fait ressentir : nombre de boutiques sont fermées. Le contraste est flagrant avec les autres quartiers de la vieille ville. Après un repas léger pris dans un café non loin de l’église, nous optons pour un quartier libre pour le reste de l’après-midi. Je ne traîne pas à partir seul, d’abord pour remonter la « rue droite » avant d’explorer le souk, en privilégiant les petits axes que nous n’avons pas empruntés le matin. Mais comme depuis le début, je ne trouve pas grand-chose d’intéressant. Du coup, je rentre vers le quartier de l’hôtel où se trouve le musée national. En chemin, je traverse le souk artisanal dans le complexe de la Takiya Soulaymania.

Malheureusement, le musée est partiellement fermé pour cause de rénovation d’envergure. Du coup, les pièces des sites que nous avons visitées sont exposées en tout petit nombre. En revanche, je découvre avec intérêt de très beaux objets de lieux comme Ougarit, berceau de l’écriture cunéiforme, la première au monde ou Mari. D’ailleurs une file d’attente se forme devant la loupe permettant d’observer de près la tablette ainsi gravée. La section islamique est plus hétéroclite mais néanmoins plaisante. L’ultime salle est la reconstitution d’un intérieur damascène, tout en bois. En me dirigeant vers la sortie, je suis interpellé par un gardien qui me demande de le suivre à l’étage dans une salle sensée être fermée au public. Il essaie même de me servir de guide mais il est bien difficile de le comprendre. Pourquoi moi ? Je l’ignore. Après une ballade dans le jardin entre les statues, stèles, portes en pierre et autres œuvres, je retourne à l’hôtel tout proche pour me reposer un peu.

Pour le repas, nous repartons vers le quartier chrétien, dans la maison Jabri, une demeure classée et magnifique. La petite porte dans la ruelle ne laisse pas présager une telle cour intérieure et une terrasse sur le toit. C’est ici que nous quitte Khedar qui doit repartir pour Alep. Encore une fois, le repas se révèle bien bon mais toujours trop copieux. Et pour couronner le tout, nous prenons une glace parsemée de pistaches chez Bakdash, une institution du souk de Damas.

Lundi 18 octobre, Damas

Réveil matinal ce matin sur les ordres du chef Carrol. Le soleil brille pour notre dernière journée en Syrie. Nous descendons droit vers le sud. A quelques kilomètres de la frontière, nous bifurquons vers l’est en direction de Bosra. Derniers vestiges pour la partie syrienne. Ici, les ruines sont complètement incrustées dans la ville actuelle, à tel point que certains habitent encore au milieu des vieilles pierres (un programme de réhabilitation est en cours pour déplacer ces habitants dans des logements plus modernes).

Laissant le théâtre pour la fin, nous nous engageons dans un petit jardin qui nous conduit droit à une immense citerne à ciel ouvert. Sa couleur verte n’incite pas à la baignade, loin de là. Après quelques habitations sans importance historique, nous débouchons devant le palais dit « de Trajan », en fait une riche maison. Il faut pas mal d’imagination pour visualiser à quoi il pouvait ressembler. Depuis que nous sommes arrivés, nous avons découvert qu’une bonne partie de l’antique cité était construite en basalte, ce qui lui donne cet aspect sombre.

Un peu plus loin apparaît sur notre droite et en léger contrebas la porte Nabatéenne. Il s’agit d’un arc monumental. Ici et là quelques vendeurs proposent des babioles hétéroclites sur un bout de planche posé sur des tréteaux. Certaines sont vraiment vétustes et n’incitent pas vraiment à l’achat. La ruelle mène ensuite à la cathédrale Saint Serge. Il n’en reste que l’abside dans laquelle sont encore visibles quelques fresques. Difficile là aussi d’imaginer qu’elle était coiffée d’un dôme. Il semblerait qu’elle ait servi de modèle pour l’église Sainte Sophie de Constantinople. Nous apercevons tout près une tour carrée et rustique. C’est tout simplement le minaret de la mosquée de Fatima. Celle-ci fait face à une seconde église, la basilique du moine Bahira (celui-ci entrevit le destin du prophète Mahomet alors qu’il n’était qu’un enfant).. Elle a un style très simple et austère, sans la moindre fioriture, un simple bâtiment rectangulaire. Nous remarquons tout de même une clé de voûte finement sculptée dans la partie inférieure de l’arche : on dirait un nœud de cordes. Sur la façade, nous distinguons aussi une immense arcade comblée. Il est amusant de voir quelques pierres utilisées au mauvais endroit, telle cette autre clé de voûte insérée au milieu du mur. Non loin de là, de l’autre côté de la rue, une pièce semi enterrée, sans panneau explicatif, révèle de jolies sculptures, en forme de grandes coquilles.

De l’angle de la mosquée, nous approchons d’un bâtiment en contrebas dont nous devinons vite l’utilité. En l’absence des coupoles, il est facile de reconnaître le hammam Manjak, surtout avec les conduites qui débouchent dans les niches du tepidarium. Virage à gauche pour emprunter une allée pavée à colonnade. Celle-ci est bordée sur notre droite par la mosquée Omar. A l’intérieur, nous remarquons la réutilisation d’une partie romaine avec les colonnes corinthiennes, à laquelle a été rajoutée une partie basaltique à la période islamique. En ressortant, nous découvrons que l’accès au hammam est ouvert. Nous pouvons ainsi découvrir le vestiaire, invisible de l’extérieur, avec ses banquettes périphériques, son bassin central et ses niches qui servaient de casiers. Grâce à la large ouverture dans la coupole, le minaret voisin est immanquable, avec ses superbes contrastes sur fond de ciel bleu parfaitement pur. Dans le prolongement de la mosquée se tenait le marché romain. C’est à peine si nous devinons quelques pans de voûtes qui devaient couvrir les entrepôts.

Face à nous s’élèvent de belles colonnes dotées de leurs chapiteaux. Elles constituaient la façade du Nymphée. De l’autre côté de la voie, une autre colonne marque l’emplacement du Kalybé. Cette intersection constitue une originale place triangulaire. Face à nous un vaste champ de pierres constitue les thermes sud. Des travaux de déblaiement sont en cours dans le cadre d’une campagne de fouilles. Nous les longeons sur la trace de l’antique decumanus jusqu’à la porte de la Lanterne. Celle-ci est un arc de triomphe qui mène à l’arrière du théâtre, le long du mur de scène. Nous approchons du monument majeur et emblématique de la ville.

Extérieurement, nous pensons d’abord à une citadelle en voyant les hauts murs sur tout le pourtour, un semblant de fossé et un pont de pierre pour le franchir. A vrai dire c’était la dernière fonction de l’édifice, modifiée en ce sens. Après la caisse, les premiers couloirs sont très sombres et les escaliers se multiplient dans tous les sens sans qu’aucune indication de circuit n’en privilégie un. Un vrai dédale ! Je prends l’option de prendre ceux qui montent le plus directement. Ainsi, je parviens assez rapidement au sommet de l’édifice, au niveau du dernier rang. Derrière moi s’élève encore un peu les murailles de la citadelle. La vue plongeante depuis ce point haut est époustouflante sur ce théâtre intégralement conservé. Ses dimensions m’ébahissent : je ne me souviens pas d’en avoir vu un d’aussi grand. Qui plus est, contrairement à l’habitude, il n’est pas adossé à une colline mais élevé au milieu d’une plaine. Des sommets, nous apercevons la vieille ville. Il ne reste plus qu’à descendre la pente abrupte par les escaliers des gradins. Le mur de scène est majestueux. Les colonnes restaurées y sont certainement pour quelque chose. Une fois parvenu en bas, je tombe sur une allemande qui se met à chanter pour tester l’acoustique des lieux. C’est sympa pour tous les autres qui visitent tranquillement. Derrière le mur, je déniche un nouvel escalier qui semble monter. Finalement, je débouche sur une terrasse aménagée entre le théâtre et la citadelle. Toute une série d’éléments sculptés y sont rassemblés ainsi qu’une mosaïque. En revanche, il est impossible d’accéder au sommet des deux tours. Toutes sont verrouillées. Direction donc le rez-de-chaussée puis l’esplanade où nous attend Carrol.

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