A la découverte des trésors du Levant (7)

Publié le par Jérôme Voyageur

Au débouche du Siq surgit le Khazneh
Au débouche du Siq surgit le Khazneh

Mercredi 20 octobre 2010, Wadi Musa

Le soleil se lève sur un grand jour pour nous. Après avoir préparé les bagages et les avoir confiés à la réception, nous rejoignons le centre des visiteurs du site de Petra. Le billet deux jours s’élève à 38 JD, avant d’augmenter à presque cinquante dès la Toussaint. Vu la forte affluence, les recettes quotidiennes doivent être faramineuses, largement de quoi l’entretenir, le fouiller ou le restaurer. Nos billets sont scannés avant que nous franchissions le portail. Pour les amateurs, carrioles et chevaux les attendent pour éviter la marche.

La première portion se fait à ciel ouvert et déjà les premiers signes de la fameuse nécropole nabatéenne. Il s’agit de trois tombeaux tours, quasi cubiques, appelés blocs des Djinns, sur la droite du chemin. Certes ils sont de dimensions modestes par rapport à ce qui suit mais il donne la toute première impression. L’un d’eux est d’ailleurs en cours de fouilles. Quelques dizaines de mètres plus loin, de l’autre côté, nous apercevons un premier tombeau dit aux obélisques, qui surprend par la présence de quatre petites pyramides au niveau supérieur. C’est comme si deux tombes étaient superposées.

Nous parvenons ainsi jusqu’au barrage d’où nous apercevons le départ du tunnel, d’une longueur de quatre vingt mètres. Ici commence vraiment le long défilé du Siq. Un premier attroupement s’y forme ; l’occasion pour les guides de commencer leurs explications. Sa largeur varie entre trois et douze mètres. Quant aux parois, elles s’élèvent jusqu’à cent mètres. Autant dire que nous nous sentons tout petits dans cet étroit boyau. Il faut en plus prendre garde aux chevaux et carrioles. Il faut aussi avoir l’œil pour détecter telle ou telle sculpture sur les parois. Rapidement, je me rends compte de la présence d’une petite rigole le long de la paroi, ce qui permettait d’acheminer l’eau jusqu’à la ville. Même les parois brutes assurent le spectacle : les mélanges de couleur rouge, ocre, jaune et noir, forment de très beaux tableaux.

Environ aux deux tiers de ce corridor minéral long de 1,2 kilomètres, les gens ralentissent et font silence avant que des exclamations surgissent. Les parois se sont resserrées mais nous commençons à apercevoir des éléments sculptés, superbement éclairés par le soleil matinal. Nous sommes tout près du trésor de Petra, le Khazneh. Voici la première image que les visiteurs, de tous temps, avaient de cette cité. Ce sublime tombeau est une perfection de couleurs et de formes. Seules les sculptures dégradées au fil du temps pourraient gâcher une telle harmonie. Certains ont même essayé de tirer sur l’urne pensant y trouver un trésor. Dans cette lumière, la pierre rose-rouge resplendit. Tout le monde reste de longues minutes sur l’esplanade sablée face à lui. Malheureusement c’est un brouhaha incessant qui baigne ce magnifique spectacle. Heureusement que les parois sont suffisamment éloignées pour accueillir tout cette foule bigarrée, en plus des dromadaires et d’un stand boutique-bistrot. Impossible par contre de pénétrer dans le tombeau. Des grilles au sol en empêchent l’accès et surtout deux gardes bédouins en tenue traditionnelle. Il va sans dire que les appareils photos crépitent et surchauffent. Rares sont ceux qui vont jeter un œil au petit tombeau creusé en face du Khazneh, accessible lui. Pourtant, Petra c’est aussi autre chose. C’est ce que nous allons découvrir ensuite.

Le Siq se rétrécit à nouveau. Puis apparaît une multitude de tombeaux, souvent fortement érodés par le temps. Il y en a de toutes sortes et de toutes tailles. C’est réellement impressionnant ! D’un regard à l’autre, il est possible d’en découvrir de nouveaux. Je finis par remarquer une constante : beaucoup d’entre eux sont couronnés d’un fronton formant deux petits escaliers. Peut être une symbolique de la montée vers le ciel ? Un peu plus loin s’ouvre le théâtre creusé dans la paroi gauche. Il n’a évidemment pas le lustre de ceux vus jusque là, d’une part à cause de l’érosion mais aussi par sa fonction d’origine, non pas divertissante mais religieuse.

Le paysage commence à s’élargir alors que nous approchons de la ville basse. Les tombeaux de toutes sortes continuent à se montrer où que je tourne la tête. Mais avant de rejoindre la cité, nous nous dirigeons vers les tombeaux royaux. Le premier se remarque de loin avec ses deux niveaux de voûtes sous la terrasse principale. Parvenus là-haut, nous découvrons le tombeau à l’urne, remarquable pour la taille de sa chambre funéraire et par la présence de deux portiques à colonne de part et d’autre de la cour. Un peu plus loin se trouve le tombeau corinthien qui ressemble un peu au Khazneh sauf que celui-ci a été très abîmé par le temps. Quant au tombeau à étages, qui vient juste après, il attire l’œil par sa façade interminable à cinq niveaux. Le résultat est grandiose. Direction le dernier de la série, celui de Sextius Florentinus. Contrairement aux autres, il n’est pas intégralement construit dans la roche. Visiblement, les architectes avaient vu un peu trop grand : il a fallu ramener des blocs sculptés pour terminer le fronton.

Nous bifurquons alors vers l’ouest en direction du centre de la ville basse là où l’ombre n’existe pas. Sur la petite colline, le toit métallique, à moins que ce ne soit une bâche, qui nous intriguait, recouvre ce qu’il reste d’une église byzantine. Si les structures ont souffert, les mosaïques du 5ème siècle, restaurées, sont magnifiques, représentant les quatre saisons et de nombreux animaux. Nous redescendons ensuite vers l’ancien cardo maximus, toujours pavé, au moins partiellement, et possédant encore quelques colonnes. Divers bâtiments antiques se devinent sur notre gauche dont l’imposant grand temple. Après l’arc monumental apparaît un édifice cubique miraculeusement debout. Il s’agit Qasr al-Bint al-Firaoun, aussi appelé palais de la fille de pharaon. Des pièces de bois insérées dans les murs ont servi de dispositif antisismique. Malheureusement cette maison d’Isis n’est pas accessible aux visiteurs.

Nous avons atteint ici sur cette esplanade la zone de pause. Deux restaurants, usines à touristes, y sont installés ainsi que deux micro-musées aux collections très limitées. Celui de la grotte dispose d’une terrasse offrant un beau point de vue sur la vieille ville et les tombeaux royaux. C’est aussi le point de rassemblement des mules, pour ceux qui ne peuvent pas poursuivre à pied.

Une fois le ventre plein, après avoir abusé des sucres lents proposés au buffet, nous repartons en plein cagnard à l’assaut du Deir. Nous laissons notre guide rebrousser chemin pour continuer le reste de la journée à notre guise. A midi passé, le chemin est souvent en plein soleil, entre les parois rocheuses. Heureusement, de nombreuses petites tavernes de fortune sont réparties tout le long du chemin, assurant le ravitaillement, de même qu’un grand nombre de vendeurs de babioles en tout genre. Peu de temps après le départ, une bifurcation conduit au triclinium aux lions. Suite aux effets de l’érosion, la porte du tombeau ressemble désormais à un trou de serrure. Retour sur le chemin principal. Il faut compter trois bons quarts d’heure de montée hors arrêts pour atteindre l’esplanade du Deir. Celui-ci apparaît comme un Khazneh en plus grand mais aussi plus sobre. Pas la moindre sculpture. En revanche, l’ensemble est en parfait état. Pas la moindre trace de balle ici ! Tant qu’à être sur l’effort, autant continuer un peu plus haut vers un des points de vue qui encadrent le site, pour un panorama vers le sud, avec le Wadi Araba en contrebas ou le mont Haroun sur la gauche, où serait enterré le frère de Moïse.

Après l’effort, le réconfort dans la grotte aménagée face au monastère (Deir). C’est qu’il commence à faire sacrément soif. J’ai l’impression d’être une véritable éponge ; jus de fruits et thés à la menthe se succèdent. Et les banquettes sont parfaites pour reposer les jambes. J’en viendrais presque à faire la sieste. Nous ne pouvons néanmoins pas rester. Il y a encore pas mal de marche qui nous attend. Surtout qu’avec le mouvement du soleil, toutes les façades des tombeaux royaux sont désormais parées de belles et chaudes couleurs.

Sans qu’il n’y paraisse, il y a un sacré bout de chemin jusqu’à l’entrée des visiteurs. Les loueurs de cheval sont nombreux à attendre tant au niveau de la ville basse qu’à la sortie du Siq. Nous finissons la journée à l’hôtel Oscar sur les hauteurs de Wadi Musa et juste au-dessus du site. Nous avons du temps devant nous et j’en profite pour discuter un bon moment avec Adnan avant un bon repas et un bon nid douillet.

Jeudi 21 octobre, Wadi Musa

Nouvelle journée à Petra. Après la visite guidée d’hier, nous avons droit à une journée libre. Du coup, nous commençons un peu plus tard. En tout cas clairement après le premier flot de touristes et de bus. J’en arrive même à me retrouver seul sur quelques portions du Siq. Après l’expérience d’hier, cela me semblait impensable et j’en profite pleinement. Je ne traîne pas dans la descente sauf quand je remarque un détail zappé hier. Evidemment, je fais une petite pause devant le Trésor : c’est inévitable et indispensable.

L’épreuve du jour approche. Le départ est situé juste après la première série de façades funéraires, lorsque le théâtre est en vue. Un panneau signale l’autel des sacrifices. C’est là que débute le tour dans le djebel al-Madhbah. Mieux vaut l’emprunter le matin, le plus tôt possible car cela commence par une longue série d’escaliers bien raides. D’ailleurs, contrairement à la montée au Deir, celle-ci est bien peu fréquentée. Même les vendeurs ne sont pas légion, c’est dire ! La montée n’offre aucun intérêt particulier. Même la vue vers la sortie du Siq a tôt fait de se fermer. Une seule option, avancer, et surtout, ne pas manquer l’épingle à droite à quelques mètres du sommet. Avec un peu de chance, le vendeur installé là vous remet dans le droit chemin en cas d’erreur. Un dernier effort avant d’atteindre une terrasse naturelle. Sur la gauche se dressent deux obélisques taillés directement dans la roche. Juste à côté le petit café tarde à ouvrir. Certes il n’a pas manqué beaucoup de clients. Juste en face, il est possible d’apercevoir le mont Haroun. Et sur la droite, j’aperçois un monument en ruine. C’est vers là qu’il faut monter pour parvenir à un beau point de vue, tant sur la ville basse que sur les tombeaux royaux. La vue est plongeante. Gare à ne pas trop s’approcher du bord. C’est là un des points les plus hauts de Petra. Il ne reste plus qu’à redescendre vers le Wadi al-Farassa, tranquillement, en profitant de la vue sur un secteur de Petra que nous n’avions pas vu jusqu’à présent.

Je commence à deviner une nouvelle série de tombeaux de l’autre côté de la vallée. A mi-descente, je m’arrête sous ce qui ressemble à un immense champignon rocheux, taillé par l’érosion. Cette petite terrasse sera un endroit idéal pour casser la croûte et faire une pause bien méritée. En repartant, de l’autre côté du champignon, je découvre un bétyle dédié au dieu nabatéen Dushara. Peu après, c’est la majestueuse fontaine au lion qui apparaît. Seul son corps est toujours visible mais j’imagine assez bien ce que cela devait donner. La conduite qui amenait l’eau à travers sa gueule est donc bien visible. Parvenu au fond du wadi, je découvre le triclinium du jardin avec ses deux colonnes et sa citerne devant l’entrée. J’imagine qu’il pouvait y avoir un jardin dans cette partie du défilé. Un peu plus loin, de nouvelles tombes apparaissent. Je devine une série de colonnes qui devaient les relier. Apparaît aussi la tombe du Soldat reconnaissable aux sculptures de la façade. Un dernier tombeau a été baptisé de la Renaissance pour l’élégance de sa façade tout en simplicité.

Désormais sorti du wadi, il faut identifier le bon sentier. Les marques ne sont plus du tout évidentes. Je fais ça au feeling ce qui m’amène à aller tout sauf droit, en pleine chaleur. Mais je parviens néanmoins à rejoindre le grand temple par le haut, non sans avoir jeté auparavant un coup d’œil aux restes d’habitations présents sur la colline. Ce temple est tout simplement immense et rejoint en plusieurs niveaux le cardo maximus. D’énormes colonnes ceignent la partie supérieure où je découvre un petit théâtre qui devait avoir un rôle religieux ou politique. Puis un large escalier conduit à la grande esplanade pavée de carreaux hexagonaux et flanquée de deux colonnades sur les côtés. J’imagine l’effet que devait faire un tel édifice aux gens qui arrivaient par le cardo. Ici se boucle ma promenade à Petra. Il est temps de retourner vers l’entrée. Comme hier, je croise toujours autant de groupes qui arrivent. Petra, c’est le mouvement perpétuel !

Petra dans toute sa splendeurPetra dans toute sa splendeurPetra dans toute sa splendeur
Petra dans toute sa splendeurPetra dans toute sa splendeur
Petra dans toute sa splendeurPetra dans toute sa splendeurPetra dans toute sa splendeur
Petra dans toute sa splendeurPetra dans toute sa splendeur

Petra dans toute sa splendeur

Les multiples trésors de la cité nabatéenneLes multiples trésors de la cité nabatéenne
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