Au bout du bout du bout ...
4 mai 2009
Plus de 30 ans me séparent de ma précédente visite au bout du monde, ainsi que certains nomment la Pointe du Raz, le point le plus occidental de la France métropolitaine. Autant dire que je n’avais que de très très vagues souvenirs. Un nouveau passage s’imposait. Surtout que les cieux étaient avec moi ce jour là. Par miracle, un beau soleil brillait au-dessus de la pointe. A tel point que j’ai même pris un coup de soleil. Si, si, cela arrive même en Bretagne, même au mois de mai.
Deux options sont possibles pour l’approcher. Soit arriver par le nord du cap Sizun en provenance de Douarnenez, soit au contraire par le sud en longeant la baie d’Audierne depuis la pointe de Penmarc’h et son phare d’Eckmühl. C’est cette seconde option qui a trouvé ma faveur étant donné que j’arrivais du Guilvinec. Quoi qu’il en soit ce site naturel classé est fléché de si loin qu’il est difficile de se perdre en chemin.
A l'abord du site, vous passez une barrière où on vous donne un ticket pour aller retirer votre dépliant. Les panneaux vous rappellent que l’accès est payant. En fait, c’est à la sortie qu’il faut s’acquitter d’un écot de 6 euros pour les voitures (que les choses ont bien changé : avant de partir, je suis tombé sur un vieux Guide Vert datant de ma précédente visite, il y a une trentaine d’années ; à l’époque, il fallait payer seulement 2,50 francs !!). Une fois votre carrosse posé sur la vaste aire de parking découpée d’épais murets de pierres, il est recommandé de passer au centre d’accueil où vous sera délivré un petit dépliant. Une exposition permanente est là pour comprendre le site. On vous indiquera les différentes options qui s’offrent à vous pour rejoindre la pointe. Je ne saurais trop vous recommander d’éviter la navette en bus ainsi que le chemin direct.
Pour une dizaine de minutes de plus, je vous invite à emprunter le sentier côtier qui part à l’angle du centre. Vous progresserez ainsi plus près des falaises, tout en restant à bonne distance pour les sujets au vertige. A votre gauche l’eau de l’océan, à votre droite les bosquets fleuris de jaune, typiques de la lande bretonne. Pas de risque de s’égarer, le sentier est délimité de part et d’autre part des câble métalliques posés à quelques centimètres de hauteur pour tenter de préserver la flore et sa reconstitution. Par beau temps, cette approche est très agréable. Au loin, on aperçoit la baie d’Audierne jusqu’à la pointe de Penmarc’h. En contrebas, c’est la place des gros blocs rocheux. Plus loin, au-dessus des bosquets, on aperçoit déjà une bonne partie du sémaphore de la pointe du Raz. Petit à petit, on commence à voir le phare de la Vieille installé au large de la pointe du Raz, ainsi que la Plate voisine.
En l’approchant le sentier tend à ramener le promeneur vers le centre de la pointe. C’est ainsi que derrière le bâtiment du sémaphore, on découvre sur un haut piédestal une madone implorée par un marin agenouillé. Il s’agit là de Notre-Dame des naufragés. Pour la grande majorité, les visiteurs terminent leur visite sur l’esplanade naturelle qui s’étale devant la statue. De là, la vue est déjà bonne sur le phare et même sur l’île de Sein lorsqu’il fait beau. D’ailleurs des jumelles payantes ont été installées à cet endroit.
Mais il y a quand même mieux pour ceux qui ont l’âme randonneuse. Sur le flanc sud, un semblant de sentier sinue à flanc de falaise, tout à fait praticable. Certains y descendent un peu pour se poser à l’écart de la foule et profiter de la grandeur des lieux. De là, on se rend compte que le sentier continue le long des falaises. On arrive ainsi à un point en contrebas de l’esplanade. C’est à cet endroit qu’une borne indique qu’au delà, tout visiteur s’aventure à ses risques et périls. De quoi m’arrêter. Jusqu’à ce que j’aperçoive un groupe revenant de la pointe. Après quelques minutes de réflexion et d’observation, je me rends compte qu’un chemin très bien marqué continue vers la pointe, cette fois sur le flanc nord.
Ce serait dommage d’être venu au bout du monde et de s’arrêter si tôt. Un détail vient rapidement conforter les aventureux. En effet, ce sentier est balisé de marques rouges très régulières. De plus, les passages les plus délicats sont équipés soit de cordes, soit carrément de câbles d’acier. Autant dire que tout est prévu pour permettre de cheminer en parfait sécurité. On approche ainsi quasiment jusqu’à la pointe. Mais impossible d’aller plus loin, ni même de contourner la pointe. La falaise y est devenue trop abrupte. Néanmoins, le point de vue est exceptionnel. La Vieille est à portée de main. Sein étale ses terres juste derrière. Au nord-ouest, à quelques milles, le petit phare de Tevennec paraît bien seul sur son rocher au milieu des flots. Et surtout, rares sont ceux qui viennent jusque là. Autrement dit, on profite en pleine sérénité de ce moment. On prend aussi conscience, si c’était encore nécessaire que l’homme est bien peu de choses par rapport à la nature. Evidemment, tout ceci n’est possible que par beau temps. Au bout de ce sentier, on se trouve vraiment au bout du monde … français.
Trois quart d’heure à une heure après avoir emprunté ces sentiers de traverse, c’est le retour à la foule. Le changement est brutal. Pourtant, il n’y a que quelques centaines de mètres de différence. Mais un vrai gouffre !
Sur le chemin du retour, près du sémaphore, on aperçoit non loin la baie des Trépassés avec sa plage et son hôtel, baie refermée par la pointe de Van, bien moins pittoresque que sa glorieuse voisine. Sur l’horizon vers le nord, c’est la presqu’île de Crozon qui s’étire. Après une telle bouffée d’air pur, il est temps de retourner au véhicule. Pour faire plus simple, et plus rapide, le chemin direct s’impose. Quelle hérésie d’avoir tracer ce chemin rectiligne et de l’avoir empierré à ce point, le tout en parallèle d’une route bitumée !
Retour au centre et à ses boutiques de souvenirs. Il ne reste qu’à passer le péage et payer la taxe de parking. C’est pour la bonne cause : cet argent serait utilisé pour la protection et l’entretien du site, pour que les générations futures puissent en bénéficier aussi. Mais espérons que l’extension de tous les bâtiments est vraiment terminée.
Assurément une visite que je recommande au moins une fois dans sa vie. Et n’oubliez ce qu’on dit de ce passage maritime au large de la pointe : « Aucun navigateur ne le passe sans mal ni effroi ». C’est dire le côté sauvage des lieux.