De Lilongwe à Dar-Es-Salaam (1)
Vendredi 19 septembre 2008, Paris
Nouveau départ vers les latitudes australes. Direction Lilongwe au Malawi. Mais pour cela, il faut d’abord rejoindre l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle ; cela passe par une bonne heure de RER, bien rempli alors qu’il n’est que 14h30. Franchement, c’est bien plus supportable quand cela préfigure de vacances au soleil alors que la fraîcheur s’installe sur la région parisienne.
Surprise en arrivant à l’enregistrement : je ne suis pas inscrit sur le vol. Après plusieurs minutes, j’apprends que je ne passerais pas par Amsterdam. A la place, ce sera un direct Paris-Nairobi. Heureusement que ce vol part plus tard que celui d’origine puisque personne ne m’a prévenu. Nouvelle banque d’enregistrement : l’hôtesse ne me trouve pas plus alors que l’agence Air France vient de me confirmer mon itinéraire. Après un peu d’insistance, je finis par obtenir ma carte d’embarquement et l’enregistrement de mon sac jusqu’à destination (après avoir constaté que ce n’était pas fait ! Grrr !). Mais que cela fut difficile ! Ce genre de personnage à l’enregistrement augure mal d’un bon voyage. Elle m’a même exigé un visa pour le Malawi alors qu’il n’est pas nécessaire. Sans oublier qu’elle n’a pas voulu m’éditer la carte d’embarquement pour le dernier tronçon du voyage.
Il est grand temps de rejoindre la salle d’embarquement pour être tranquille. Il n’y a plus qu’à tuer le temps ; attente qui a été allongée avec ce changement de plan de vol. Comme quoi il faut toujours prendre des marges avec les avions pour pallier ce genre d’imprévus.
L’embarquement se déroule à peu près à l’heure. Nous avons alors l’agréable surprise de constater que l’avion est loin d’être rempli. A peine un tiers de sa capacité, ce qui signifie qu’à peu près tout le monde dispose de trois sièges pour lui, l’idéal pour s’étendre pendant la nuit. Mais il ne fallait pas se réjouir trop vite. Après avoir roulé jusqu’à la piste puis y avoir stationné quelques minutes, voilà que l’avion retourne vers l’aérogare. Ce n’est qu’après de longues minutes de roulage que le commandant de bord nous indique que deux témoins de valves de kérosène ne fonctionnent pas correctement. Nous allons ainsi rester près de deux heures sur un coin de parking sans trop savoir si nous partirons. Finalement, après avoir refait les niveaux de carburant, nous bougeons à nouveau. Il est 22 heures passées, soit plus de deux heures de retard. Pour la première fois dans un avion, je croise les doigts. Par chance, cette fois, nous décollons enfin vers le Kenya, et pas de demi-tour malgré un début de vol hors trajet théorique. Heureusement que la marge pour l’escale à Nairobi est suffisante pour absorber ce contretemps.
Malgré la place, comme à mon habitude, j’ai seulement somnolé, point dormi. Notre avion mettra finalement 7h30 pour nous mener à bon port, gagnant ainsi une bonne demi-heure. Mais du fait de notre retard, nous débarquons dans un coin du parking. Il ne nous reste qu’à rejoindre l’aérogare à pied en prenant garde tant aux avions qu’aux véhicules en tous genres. Mais comme nous l’a précisé le commandant de bord, « ce n’est pas un exercice habituel » ! Le cirque continue ; c’est loin d’être terminé. Désormais, il s’agit de récupérer la carte d’embarquement pour poursuivre jusqu’à Lilongwe. Une trentaine de personnes font la queue, et cela n’avance pas le moins du monde. Evidemment, il reste moins d’une heure avant mon vol. Il faut donc jouer des coudes et se faire entendre pour accéder à un des deux seuls comptoirs et obtenir in extremis le sésame. Cinq minutes plus tard et l’enregistrement était fermé.
Une fois monté dans l’avion, les péripéties se poursuivent. Nous restons une cinquantaine de minutes dans l’avion au contact de l’aérogare sans la moindre explication. Kenya Airways serait elle en train de défaillir ? Enfin l’avion décolle, encore un Boeing 777, cette fois bien plus rempli. En vol, nous apercevons le majestueux Kilimandjaro, toit de l’Afrique. Et après deux heures de vol, nous atterrissons enfin à Lilongwe, sans passer par la case Lusaka comme c’est l’habitude ! O surprise, les formalités se déroulent à vitesse grand V et mon sac arrive dans les premiers. Enfin l’épilogue d’un voyage galère. Dans le hall d’arrivée je retrouve avec plaisir Inno venu me chercher pour me conduire jusqu’à l’hôtel Kiboko au centre de la ville. La douche et une Kuche-Kuche bien fraîche sont les bienvenues pour me remettre du voyage en attendant les autres.
A midi, nous nous retrouvons là pour déjeuner ensemble avec Fred, Inno et Isabelle arrivée la veille. Patience de rigueur pour cette table au service « rapide ». Nous voilà de suite dans le bain africain. Par contre, les plats sont copieux et appétissants. La digestion et la fatigue me sont fatales : je comate pendant deux bonnes heures sur mon lit. Ce n’est que vers 16 heures que je me bouge un peu pour aller voir ce qui se passe en ville. Lilongwe ne présente aucun attrait particulier. Par contre, en ce samedi après-midi, elle fourmille d’activités. Là encore, je suis vite replongé dans le bain. Et puis je suis à peu près tranquille : très peu de personnes m’interpellent. Je ne me sens même pas dévisagé alors que je suis le seul blanc dans la rue. Voilà une chose bien appréciable. Mais il faut reconnaître que les malawis sont des gens accueillants.
Robert et Marielo ont rejoint l’hôtel en début d’après-midi en provenance de Senga Bay au bord du lac Malawi. Mais ce n’est que vers 18 heures que je fais leur connaissance lorsque Fred vient nous chercher pour aller au restaurant. Une bonne ambiance s’installe de suite !
Voici que cette longue journée se termine enfin.
Dimanche 21 septembre, Lilongwe
Réveil tranquille à l’hôtel Kiboko. Dès le premier jour, je commence à me réveiller bien avant l’heure. Surtout qu’on débute tranquillement à 7 heures, les petits-déjeuners ayant été commandés la veille. Bien copieux pour commencer cette journée de route qui doit nous mener au nord du pays.
La M-1 file droit vers le Nord montant insensiblement mais régulièrement sur le plateau. Nous traversons de nombreux villages, tous très animés en ce dimanche. Et ne parlons pas des bords de route occupés tout à la fois par les piétons, les vélos, les chèvres, quelques chars à bœufs, accessoirement des camions en panne. Autant dire que pour les conducteurs, la vigilance est de rigueur. La première partie du plateau est égayée par de nombreux arbres aux fleurs rouges, des arbres à liège.
Lorsque le relief s’élève apparaissent alors des acacias des montagnes parfaitement reconnaissables avec leur forme en parasol. Le plateau commence aussi à se parsemer d’immenses blocs rocheux qui semblent être posés là par hasard tant ils détonent avec le relief environnant. Nous continuons à monter de même que le relief devient plus montagneux. Ce sont les conifères et le fougères qui ont remplacé tout autre végétation. Nous passons ainsi à près de 2000 mètres d’altitude dans un climat doux et agréable.
Nous sommes entrés dans le domaine des forestiers. Des parcelles entières sont déboisées. Ici, une mini-pépinière fait pousser les plants de remplacement ; là un mini-village de baraques de bois abrite les ouvriers des exploitations. Plus loin, ce sont des piles de planches qui attendent qu’un camion vienne les charger.
C’est ainsi que nous redescendons vers la « grande » ville du Nord, Mzuzu. Celle-ci nous accueille par ses superbes allées de jacarandas, tous en fleurs. Ce spectacle violet est magnifique. Après avoir profité de ce qu’une station avait du gazole, nous repartons vers le Nord laissant derrière nous la route qui descend vers le lac. Au passage, nous nous moquons un peu de l’aéroport dont la piste semble plus étroite que la route qui la longe !
A la sortie de la ville, nous retrouvons un paysage montagneux mais encore différent des précédents. Sur les flancs s’accrochent quelques cases. Au fond de la vallée coule une rivière finalement assez importante. Et de part et d’autre, la végétation se régale. Les bananiers sont bien verts et chargés de régimes. La route sinue ainsi pendant de longs kilomètres suivant les pérégrinations de la rivière. Ici un pont suspendu « traditionnel » constitue l’attraction touristique du coin à en croire le panneau ; là ce sont des chutes que nous peinons à distinguer depuis la route. Nous passons même devant une mine de charbon.
A partir de là, la route commence à redescendre mettant à rude épreuve conducteurs et véhicules. Gare à celui qui se retrouve derrière un semi-remorque descendant au pas. Finalement, au détour d’un lacet apparaît enfin le lac Malawi. Ici, il présente une étroite plage continue. En revanche, la présence d’un léger voile nous empêche de voir l’horizon de même que la côte tanzanienne en face. La rivière finit par former un petit lagon avant de se jeter dans le lac.
Désormais nous le longeons sur une trentaine de kilomètres jusqu’aux abords de Chitimba. Les pêcheurs semblent de sortie sur leurs pirogues. Leurs villages sont installés entre la route et la plage. Enfin, nous atteignons la piste qui remonte vers Livingstonia. A n’utiliser que par beau temps, tant elle est difficile à franchir. 4*4 indispensable. Comme à l’Alpe d’Huez, on y compte les virages. Les portions les plus dégradées ont reçu un revêtement qui accroche plus. Rarement elle s’élargit et les croisements peuvent devenir particulièrement scabreux entre précipice et mur rocheux. Et nous remontons. Quelques 400 mètres de dénivelé en une douzaine de kilomètres. Et nous nous élevons au-dessus du lac, à l’ombre des arbres qui couvre la montagne. Nous négligeons le Mushroom Lodge, certes doté d’une belle vue mais bien peu adapté pour nos tentes et nos véhicules, pour lui préférer le Lukwe Eco Lodge situé un peu plus haut dans la montagne. Installé sous les arbres, il offre à la fois chalets et emplacements pour camper, le tout face au lac en contrebas. Tout y est fait pour recycler et préserver la nature au maximum.
Après le brouhaha de la ville, le calme des lieux, où nous sommes seuls avec le propriétaire et le personnel, est un vrai bonheur. Nous entendons, pas très loin, le bruit d’une chute d’eau. A la tombée de la nuit viennent s’y ajouter les grillons, quelques crapauds et une chouette. Que nous sommes bien dans ces lieux rustiques mais où tout est prévu, des sanitaires aux paillotes pour manger sur une solide table, installés sur de confortables coussins. Autour du feu, il y a même des petits bancs pour siroter son café autour des flammes tout en croquant des friandises lyonnaises.
Voici qui clôt une journée qui sera passée bien vite malgré les kilomètres parcourus, faites de hauts et de bas. Les montagnes malawies n’ont rien à envier à leurs consœurs russes.
Lundi 22 septembre, Lukwe Eco Lodge, Livingstonia
Nous continuons dans les réveils tranquilles. De toute façon, je suis réveillé bien avant. Le boulanger nous a gâté ce matin : pour le petit-déjeuner, nous trouvons des croissants sur la table. Nous testons la vue sur le lac depuis la terrasse d’un des chalets mais l’horizon est toujours bouché par la même brume.
Une fois n’est pas coutume, nous partons marcher. Les sacs sont allégés pour emporter le minimum. Un employé du lodge nous sert de guide, ce qui se révèlera indispensable pour trouver les bons passages. A commencer par le jardin du voisin, un véritable jardin d’Eden. Tout n’est que verdure luxuriante : fleurs, légumes, caféiers mais aussi canards, poules et pintades, et trois mares avec leurs nénuphars. Ceci n’est possible que grâce à un ingénieux système d’irrigation qui fait serpenter l’eau à travers tout le jardin.
A travers de petits chemins assez peu marqués, nous arrivons vers quelques bâtiments dont un est sensé être un restaurant, visiblement à l’abandon. Ils font face à la cascade de Manchewe, assez fine mais haute de plus de 115 mètres si on doit en croire le panneau. Ce point de vue est déjà vertigineux avec un à-pic plus que vertical.
Un peu plus loin, nous approchons d’une petite cascade annexe. Là encore, le rebord du bassin inférieur ouvre sur le vide. Il vaut mieux ne pas avoir le vertige. Pour continuer, il faut passer au-dessus de celle-ci. Pour les premiers, les pierres sont encore sèches mais deviennent rapidement glissantes. Avec Isabelle, nous optons pour le bain de pieds, plus sûr. Quelques mètres plus loin, nous atteignons enfin le sommet de la chute d’eau. Elle ne ressemble pour l’instant qu’à un petit ruisseau. Les vasques creusées dans la roche offrent d’ailleurs un parfait lavoir. Nous laissons cette dame à sa corvée pour descendre plus bas. Le raccourci est efficace mais particulièrement pentu. Pour certains, nous remonterons par le second chemin, plus long et plus chaud, mais moins escarpé. Nous approchons ainsi tout près de la chute. La grotte creusée permet même de passer derrière le rideau aquatique pour se retrouver de l’autre côté de la cascade. Avec la végétation luxuriante alentour, nous pourrions presque nous croire dans une forêt équatoriale.
Après cette attraction naturelle, nous rejoignons Marielo restée avec la lavandière. Ensembles, nous rejoignons la piste pour reprendre notre randonnée matinale. Elle ne cesse de monter sans vraiment offrir de moments plats. Et même à seulement huit heures, le soleil tape déjà bien. Moi qui n’avais pas marché depuis un bon moment, je comprends vite ma douleur. Dérouillé direct !
Le paysage a lui aussi complètement changé. Alors que du lac jusqu’à la cascade la montagne était couverte d’une végétation assez dense, le milieu devient plus ouvert en approchant des cimes. Où que le regard porte apparaissent des cases et de nombreuses parcelles cultivées, même à flanc de montagne. Il y a de suite plus de vie. Tous ces efforts pour rejoindre Livingstonia si haut perchée. L’histoire de cette mission fut très mouvementée puisque nous atteignons là son troisième emplacement après le cap Maclear au sud du lac et Bandawe à mi-distance ; deux lieux abandonnés tour à tour car pas assez sains. Une longue allée arborée accueille les visiteurs ; elle alterne eucalyptus, conifères et jacarandas.
Nous sommes d’abord accueillis par une nuée de gamins en pleine récréation. Ils sont plusieurs centaines dans la cour et dans l’allée. Nous les reconnaissons aisément à leur chemise jaune et bleue. Nos pas nous mènent ensuite devant l’hôpital Gordon puis l’université. Un endroit bien reculé pour un tel lieu ; mais peut être plus propice aux études. Quelques maisons de brique apparaissent avec leur terrasse, leurs pots de fleurs et leur carré d’herbe. Plus loin encore, nous atteignons « Stone House », effectivement la seule bâtisse à ne pas utiliser la pierre. Désormais, elle abrite le musée du village. Pour deux cent kwachas, il retrace l’histoire de la mission et sa vie sous la conduite du docteur Robert Law, en autre écossais ayant marché dans les pas du grand Livingstone. Depuis la pelouse du musée, on obtient une belle vue sur la vallée et même le lac si la brume est levée. De l’autre côté de l’allée apparaît le collège technique apparemment très réputé dans le pays. Encore une installation inattendue. Il faut atteindre l’extrémité de ce long village pour enfin découvrir l’église. Ses dimensions paraissent bien disproportionnées par rapport à la taille des lieux. Intérieurement, elle ne présente pas grand intérêt si ce n’est le vitrail au-dessus du portail qui figure le Docteur Livingstone au milieu des autochtones.
Il ne reste qu’à faire demi-tour pour retourner au lodge. La descente est presque aussi pénible que la montée bien que la température n’ait pas continué à grimper. La piste devient même déprimante lorsque sur la fin, elle se transforme en trois raidillons casse-pattes. Heureusement qu’à l’issue du troisième apparaît le panneau du lodge : il ne reste plus que de la descente. Nous aurons bien marché trois heures.
La salade « Livingstonia » est la bienvenue après ces efforts. Il fait bon à l’ombre de la paillote à ne rien faire. Mais pour une fois la pause ne sera pas très longue. Vers 14 heures, nous montons dans un des véhicules pour descendre au bord du lac nous baigner, douze kilomètres plus bas, une vingtaine de virages plus tard, et une heure de trajet. La descente est tout aussi vertigineuse que l’était la montée. Gare aux sujets au vertige ! Mais les points de vue sont sympathiques sur le lac et ses abords. En plus, en redescendant, la brume a tendance à disparaître.
Parvenus au bord du lac, nous parcourons encore quelques kilomètres vers le sud pour rejoindre une plage que nous a recommandée Bruce, le patron américain de notre lodge. Nous y sommes tranquilles. Pas très loin, les locaux vaquent à leurs occupations, qui à l’entretien des filets, qui à la vaisselle ou la lessive. Nous prenons un grand plaisir à piquer une tête dans cette eau douce, à la température agréable. Quelques cormorans en quête de poisson ne passent pas très loin de nous.
Après la baignade, nous allons marcher au bord de l’eau en direction des pêcheurs affairés autour de leurs pirogues. Nous ne verrons pas de poisson, mais deux porcelets et des poules, sur la plage ! De retour à notre coin de plage, nous continuons à nous rafraîchir à la terrasse du lodge où nous sommes venus faire trempette.
Il ne reste ensuite plus qu’à affronter à nouveau la montée pour retrouver Inno resté au lodge pour commencer à préparer le repas. Encore une bonne soirée de rigolade !