De Lilongwe à Dar-Es-Salaam (3)
Enfin, nous parvenons à la barrière. Les installations, une simple hutte ronde qui sert d’accueil. Un autre édifice plus adapté est d’ailleurs en cours de réalisation bien plus tôt sur la piste, en fait plus proche des limites réelles du parc. Pendant que Fred s’occupe des permis, nous profitons du spectacle offert par la rivière Great Ruaha voisine. Son lit est particulièrement rocheux. Ici et là se sont formées de petites plages de sable. Sous les arbres, nous pouvons même voir quelques espaces en herbe. A l’aide des jumelles, nous nous rendons compte que les lieux fourmillent de vie. Les plus immobiles sont les crocodiles sous l’eau ou sur les berges. Quelques hippopotames alternent bain de soleil et bain tout court. Plusieurs ombrettes africaines volètent. Deux cobs Defassa profitent de l’herbe grasse. Depuis le pont qui enjambe la rivière, nous pouvons voir l’autre partie de la rivière, moins accidentée et plus en eau. Des dizaines d’ibis tantales, ou cigognes à bec jaune, y ont élu résidence. Un couple de jabirus pêche là.
Les formalités faites, Fred nous annonce qu’il nous offre une nuit supplémentaire dans le parc, celle-ci étant prévue au départ en bivouac sauvage. Cinq jours et cinq nuits dans la Ruaha, cela devrait être sympa. Nous rembarquons pour rejoindre notre emplacement de campement. Sur le chemin, nous profitons des paysages du parc : de nombreuses collines parsemées de nombreux baobabs. Quelques montagnes complètent le décor. Telle est notre première vision. La végétation, sèche en cette saison, reste de taille restreinte, ce qui offre de larges espaces ouverts. Non loin du quartier général des gardes, nous bifurquons en direction de la rivière. Le campement est situé juste au bord de la Great Ruaha, les tentes auront vue sur son lit. Un arbre à saucisse offrira une ombre bienvenue à l’heure chaude. Une paillote sert la fois de salon et de salle à manger. Une hutte-toilettes complète le paysage. Et pour profiter pleinement de ce coin de paradis, nous sommes seuls. Un hippopotame est là dans la rivière pour nous accueillir, ainsi qu’un pygargue vocifer (ex aigle pêcheur), un couple de jabirus et une cinquantaine d’ibis tantales qui courent littéralement dans la partie encore en eau de la rivière tout en pêchant. Face à elles s’avancent cinq éléphants venus se désaltérer. Quel endroit merveilleux que nous offre cette rivière, au tiers en eau, le reste du lit étant constitué soit de sable, soit de petits îlots verts.
Nous prenons notre repas sous une magnifique voûte céleste, parfaitement étoilée, la Voie Lactée traversant le ciel d’un bout à l’autre. Je ne me lasserai jamais du spectacle offert par les ciels nocturnes africains. Il y a tant d’étoiles que nous peinons parfois à reconnaître les constellations. La nuit d’abord douce et calme devient fraîche et animée. A partir de minuit, et pendant trois heures durant, des lions vont rugir de tous côtés, environ toutes les vingt minutes. De nombreuses hyènes participent au concert. Même un hippopotame ajoute sa note. Autant dire que la nuit fut un peu raccourcie.
Vendredi 26 septembre 2008, Ruaha National Park
A 5h30, nous sommes tous debout pour être prêts à partir dès 6 heures, l’heure légale de circulation dans le parc. Le jour se lève à peine. Dans l’aube naissante, un gros vol de cigognes à bec jaune nous survole avant de se poser dans la rivière. Nous commençons par monter au point de vue voisin pour profiter du lever de soleil. De là, nous surplombons un des méandres de la rivière. A cette heure matinale, seuls les oiseaux sont déjà réveillés. Les calaos sont les plus faciles à reconnaître.
Une fois le soleil levé, nous redescendons explorer la rivière vers l’Est. En approchant du quartier général des gardes, une petite famille de chacals nous croise la piste. Le petit est adorable ; il fait boule de poils. Un peu plus loin, depuis le carrefour des pistes, nous apercevons ici un trio de zèbres, là un duo d’éléphants, tous en train de paître tranquillement. Il faut ensuite franchir une colline avant de se retrouver près de la rivière dans des zones plus planes et arborées, près des berges. Pour l’instant, seuls les oiseaux semblent de sortie. Nous apercevons ainsi énormément de francolins à bec rouge, et des perdrix des sables. Sur les arbres et en l’air, ce sont surtout les calaos qui répondent présents, rejoints ensuite par des perroquets de Meyer, quelques inséparables et des colious. Un touraco inconnu croise mon regard. J’apprendrai qu’il s’agit du touraco des bananiers.
Les premiers mammifères à se réveiller sont les impalas que nous croisons régulièrement, soit en hardes, soit en groupes de mâles. Deux petites familles de phacochères pointent aussi le bout de leur queue. Petit à petit, les impalas sont accompagnés : soit par les petits vervets, soit encore par des babouins. Dans le lit de la rivière, nous distinguons de nombreux couples de jabirus et quelques pygargues vocifer. En fait, le parc s’éveille à mesure que le soleil monte et chauffe. Quelques girafes masaïs apparaissent sous les acacias. Un groupe de mangoustes rayées détale au loin ainsi qu’une petite mangouste rousse dont j’ai juste le temps d’apercevoir la queue disparaître dans un terrier.
C’est au hasard d’une pause sur un point de vue au-dessus de la rivière que tout s’accélère. A l’aide des jumelles, je crois apercevoir un groupe de lions au loin dans la rivière, impression vite confirmée par Fred. Nous partons illico dans leur direction. Arrivés sur place, nous assistons au début d’une lente procession léonine. Ils se succèdent en file indienne dans le lit de la rivière Ruaha. Les passages des bras encore en eau se font de manière très féline, c’est à dire inquiète. Quel spectacle ! Nous en dénombrons douze, cinq mâles et sept femelles, une fratrie âgée de 18 à 36 mois environ. Nous les retrouvons quelques centaines de mètres plus loin, tous étendus sous un semblant d’ombre offert par un bosquet d’acacias. Quelques minutes plus tard, ils se remettent en mouvement passant tout près du véhicule en direction d’un bouquet d’arbres à l’ombre sûrement plus agréable.
Ce faisant, ils mettent en émoi les proies potentielles qui se trouvaient là. Impalas et babouins se mettent à grogner, restant en alerte. Les lions finissent par se remettre en marche sur quelques dizaines de mètres pour rejoindre des postes d’observation sur la rivière. Là encore certains passent tout près . Quelle scène quand après quelques éclaireurs, nous voyons arriver sur la rive opposée un troupeau de buffles d’au moins quatre cents têtes qui vient se désaltérer, tout ceci en bon ordre pour descendre de la berge et y remonter. De notre côté, tous les lions sont aux aguets, comme en repérage mais pas décidés à chasser en cette matinée. Ils semblent surveiller le garde-manger. C’est là que nous les laissons après 1h30 de compagnie.
Le chemin du retour nous permet d’apercevoir de nombreux herbivores poussés par le soleil à descendre vers la rivière. Nous croisons ainsi plusieurs groupes de zèbres, de nouvelles girafes, de plus en plus d’impalas, des koudous, et quelques cobs Defassa. Nous avons aussi l’occasion de revoir quelques éléphants. Ainsi se termine une matinée riche en émotions et en beaux paysages offerts par la rivière, mélange de vert, de bleu et d’ocre.
Nous retrouvons Inno au campement pour la pause de la mi-journée. La chaleur y est déjà pesante : la paillote devient alors un abri de prédilection. Face au camp, les babouins se sont installés. De ce côté, chacun cherche un coin d’ombre, rare, pour s’étendre. Les nattes négociées au Malawi se révèlent fort utiles. Pendant ce temps, les deux éléphants aperçus en arrivant font leur réapparition. Accablés eux aussi par la chaleur, ils se réfugient à l’ombre du baobab qui domine le camp. Nous en verrons même un se coucher littéralement au sol. Plus tard, un hippopotame expulsé de la mare voisine fait son apparition dans le décor. Mais il ne rejoint pas les éléphants, il les contourne juste pour rejoindre un petit trou boueux qui semble convenir à ses besoins.
Nous repartons vers 16 heures, cette fois vers l’ouest du camp. Les rencontres sont rares ; surtout des perdrix des sables. Quelques babouins traînent le long de la rivière. De même que quelques familles de girafes ou d’éléphants. En revanche, nous parvenons à voir à quatre reprises des dik-dik, la plus petite des antilopes qui soit. Habituellement très craintive, elle semble encline à nous laisser l’observer.
Dans cette partie du parc, la rivière change complètement pour devenir beaucoup plus rocheuse. C’est le paradis des crocodiles et des hippopotames. En repartant, nous retrouvons une famille d’éléphants aperçue précédemment. Cette fois, ils sont beaucoup plus proches. Sur la quinzaine d’individus, beaucoup sont des jeunes. Le petit dernier ne lâche pas sa mère d’une trompe, cherchant à téter dès qu’il peut. Les deux femelles les plus âgées s’évertuent à pousser les acacias pour les coucher. Un n’y résistera pas !
Viennent ensuite de nouveaux dik-dik ainsi que des damans des rochers dont un est étrangement branché au lieu d’être sur les rochers voisins. Le clou de l’après-midi aurait pu être la rencontre avec un léopard. Malheureusement, nous ne le voyons que furtivement pendant qu’il s’enfuit et impossible de le retrouver dans un relief peu adapté à la traque visuelle. Nous finissons donc près d’une hippo and croc pool. Eux sont bien au rendez-vous dans ce bout de rivière plus large qu’ailleurs. Tandis que les hippopotames se baignent, les crocodiles dorent sur les berges, certains de taille impressionnante. Quelques damans nous surveillent depuis les rochers voisins.
L’heure étant bien avancée, il est largement temps de retourner au campement, non sans jeter un œil au dortoir à marabouts en bordure de piste. Nos deux éléphants ont quitté leur baobab …. pour notre camp. Ils ont tenu compagnie à Inno pendant notre absence. Ils gambadent tranquillement au milieu du terrain. Hors de question donc de rejoindre les tentes ou les toilettes. Ils finissent par partir lorsque nous mangeons. Quelle journée !!!
Quant à la nuit, contrairement à la précédente, elle fut très calme. Seules les hyènes se sont faites entendre ainsi que quelques lions lointains et quelques hippopotames.
Samedi 27 septembre, Ruaha national park
A 5h30, tout le monde est déjà levé. Nouveau petit-déjeuner au clair de lune, du moins ce qu’il en reste. Dès 6h, nous nous mettons en route vers l’est direct vers la zone où nous avions vu les lions la veille. Nous retrouvons la famille de chacals non loin du coin des gardes. Est-ce la fraîcheur plus marquée qu’hier ? Toujours est il que la faune se fait rare. Seuls quelques impalas courageux se montrent. Quelques grands calaos terrestres sont déjà réveillés. Il doit bien y avoir quelques outardes mais nous ne les avons toujours pas vues, seulement entendues. Petite nouveauté, nous apercevons trois gazelles de Grant, assez rares. Elles font penser aux springboks par leurs couleurs mais en plus grand et avec des cornes qui lui sont propres. Quelques girafes commencent aussi à se montrer.
Arrivés là où nous avions abandonné les lions, rien. Pas la moindre trace de félin ni de chasse nocturne. Nous suivons donc le lit de la Ruaha. Les paysages changent beaucoup dans cette partie du parc. Ce ne sont plus quelques baobabs mais des forêts entières qui couvrent les petites collines. Des bouquets d’acacias-parasols parachèvent le décor totalement africain, magnifié par la belle lumière du matin. Nous y croisons de nombreuses girafes, solitaires ou en petits groupes. Un couple d’outardes se montre enfin ; ces outardes de Rüppell sont de couleur sable et finalement un peu plus silencieuses que leurs cousines. Les impalas ne sont jamais absents. Quelques trompes montent à l’assaut des branches épineuses d’acacia. Nous avançons ainsi jusqu’à la confluence de la Mwagusi avec la Great Ruaha. En fait de confluence le paysage offre une large langue de sable. Seule la Ruaha coule encore un peu. D’ailleurs, nous traversons ce lit asséché pour continuer notre ballade avant de la recouper à nouveau. Girafes et éléphants semblent se multiplier. Et que dire des calaos habituellement en couples : là, nous les voyons décoller une vingtaine à la fois. Aurions nous perturbé une assemblée ?
Nous passons aussi de longues minutes avec cette énième famille d’éléphants comportant encore une fois beaucoup de jeunes. Certains approchent très près du véhicule. Un gros mâle s’acharne sur un acacia tandis qu’une femelle nous montre comment elle s’y prend pour arracher l’écorce de baobab dont elle raffole. Et quelle surprise lorsqu’un autre gros mâle parvient à secouer le baobab en faisant tomber les fruits au sol. Ni une, ni deux, sans le moindre signal, tous les individus du groupe se jettent sur cette manne tombée du ciel.
Les girafes succèdent aux éléphants. Puis les nombreux herbivores désormais bien visibles sur la fin de matinée. C’est le tour des zèbres puis d’un nouveau trio de gazelles de Grant. Dans le lit de la rivière, la vie fourmille. Un véritable brassage d’espèces où principalement tous les herbivores, quelle que soit leur taille, se côtoient. Et les babouins ne sont jamais absents. Les koudous savent se faire rares et craintifs à notre approche. Depuis ce matin, les rolliers à longs brins et les touracos des bananiers ne sont pas avares en apparitions. Une place toute particulière aux pintades de Numidie qui sont partout. Elles arrivent même à créer des nuages de poussière en grattant le sol. Elles oublient aussi qu’elles savent voler, mais uniquement lorsqu’elles sont au milieu du chemin.
Sur la piste nous reliant au camp des gardes, nous manquons de rouler sur une chose jaune vif. Il s’agit d’un caméléon traversant la piste à un train de sénateur. Il est très amusant de voir son style de progression, tout comme il est surprenant de le voir changer de couleur mais qu’à moitié ! Non loin du camp, un arbre à saucisses sert de parasol à tout un groupe d’impalas. Au camp, l’animation se situe sur la rive opposée de la rivière. Tout le monde y passe ou s’installe. Quelques têtes de girafes apparaissent derrière la colline, descendant boire puis disparaissant. Les impalas viennent en masse boire et paître à l’ombre. Les babouins les suivent de près. Tout ce petit monde arrive même à cohabiter avec trois koudous, tous sous le même arbre. Pendant le repas, un hippopotame descend de la colline en pleine chaleur pour rejoindre l’eau salvatrice de la rivière. Il ne bougera d’ailleurs plus de place.
Après avoir tous comatés à l’ombre, étendus sur les nattes, nous profitons des quelques minutes avant 16 heures pour aller marcher vers la pointe du camp et au-delà. Heureusement que nous sommes prudents car nous apercevons une patrouille qui ne passe pas très loin. Nous nous avançons ainsi le long de la rivière jusqu’à déranger quelques babouins qui fuient dans le lit de la Ruaha, tout surpris de nous voir là.
Cet après-midi, nous partons nous balader vers le Nord autour de la Kililamatonge Hill. Le fil rouge sera les girafes que nous dénichons toutes les cinq minutes. Nous avons l’impression d’en avoir vu plus de deux cents depuis le réveil. Nous verrons aussi un couple de perdrix des sables, déjà petites, avec leurs deux poussins, chacun ne lâchant pas son parent d’une plume. C’est adorable.
Cette montagne semble être le point culminant du parc. On ne peut pas manquer les nombreux énormes blocs de granit qui la couvrent, tantôt sous forme de chaos, tantôt solitaires, tantôt sous forme d’empilements. On pourrait presque penser à une éruption volcanique qui aurait modelé cet endroit. Les flancs sont couverts de baobabs et d’euphorbes. Les rocs les plus ensoleillés semblent être bien prisés par les agames des rochers, immanquables avec leurs teintes dominantes bleue et orange. Nous tombons même sur un baobab doté d’une passerelle d’observation. Nous ne pouvons pas faire moins que d’y monter. Nous sommes accueillis par une nuée de petites mouches. Quant au baobab, il est déjà couvert de bourgeons tout verts. Au sortir du tour, lorsque nous retrouvons le soleil, nous tombons sur de superbes paysages vers la vallée, parfaitement éclairés.
Non loin du camp des gardes, nous apercevons un aigle huppard, reconnaissable à sa livrée sombre et sa crête. Avant de rentrer au camp, nous montons jusqu’au point de vue voisin. De là, nous voyons une bonne partie de la rivière. Tandis que les jabirus essaient de pêcher jusqu’au coucher du soleil, les cigognes à bec jaune se rassemblent pour passer la nuit. Il en est de même pour les marabouts qui squattent quelques arbres-dortoirs. De là haut, nous nous rendons compte que nous avons loupé la visite de la rivière par une famille d’éléphants. Après ces longues minutes de contemplation, il est temps de rentrer. Comme dans l’après-midi, Fred relance après le repas son jeu où il faut deviner l’animal auquel pense le précédent gagnant. Encore une occasion de bien rire tout en apprenant.
Dimanche 28 septembre, Ruaha National Park
Nuit calme et longue. Pour la première fois, j’ai dormi d’une traite. C’est même Robert qui vient me réveiller. Je me sens la pêche. Cela va être une bonne journée. Et il ne fait même pas frais. Nous attendons l’heure pour démarrer.
Comme tous les matins, nous partons vers l’est du parc. Au bout d’une demi-heure, nous sommes déjà arrêtés sur la colline au-dessus du camp des gardes. Quelques impalas à l’arrêt et grognant ont attiré notre attention. Trois têtes de lionnes finissent par apparaître sous les bosquets. Nous en verrons une quatrième à quelques mètres sur la crête. Nous finissons par tous monter sur le toit pour mieux les voir et surtout dénicher le reste du groupe qui doit certainement se trouver en contrebas de l’autre côté de la route. Là aussi les animaux semblent en alerte. Mais malgré cinq paires de jumelles, nous n’en verrons pas plus.
Nous redescendons donc jusqu’à la rivière, au point de vue du gros baobab. Le lit est encore tranquille. Quelques oiseaux pêcheurs sont déjà là. Ici et là, dans les fourrés, les impalas commencent à se montrer. Nous continuons ainsi le long de la Ruaha entre sous-bois et espaces ouverts. Les girafes se font plus rares que la veille.
Et puis subitement, au hasard d’une trouée dans la végétation, nous apercevons tous un gros mâle lion avec sa belle crinière en train de traverser nonchalamment le lit de la rivière. Quel spectacle en ce début de matinée ! Depuis notre oint d’observation sur la berge, nous en apercevons un second complètement vautré de l’autre côté de la rivière, toujours dans son lit. En suivant la progression du premier sur la rive opposée, nous finissons par distinguer un troisième mâle et une femelle. Là encore, nul doute qu’il y en a d’autres. Cette répartition n’est pas naturelle. Depuis ce point de vue, nous profitons aussi des oiseaux qui veulent bien approcher. Et nous sommes gâtés. C’est d’abord un guêpier nain qui daigne rester en place pour que nous puissions admirer ses couleurs jaune et verte. Peu après, trois perroquets de Meyer viennent se brancher près de nous. Contrairement à leurs cousins, ils sont assez peu colorés. La couleur dominante est un gris-marron rehaussé par des touches vives sur les épaules et le front. C’est aussi un martin-pêcheur pie qui finit par se poser sur une tige voisine. C’est aussi de cet endroit que Fred entend deux grand-ducs de Verreaux communiquer. En nous enfonçant de quelques dizaines de mètres dans le sous-bois, nous finissons par apercevoir le couple perché sur une branche juste sous le feuillage. Notre approche en met un en fuite, mais l’autre reste là tout le temps de notre observation. Il impressionne tant par sa taille (c’est d’ailleurs la plus grande chouette d’Afrique) que par son faciès avec ses paupières violettes et cette marque noire qui ceint ses yeux.
Quelques kilomètres plus loin, un phénomène attire nos yeux. Il n’est pas sensé y avoir de rochers au milieu du lit de la rivière dans cette partie là. En y regardant de plus près, au travers des jumelles, nous découvrons plusieurs dizaines de vautours attablés. Certains dorment déjà par terre sur le sable. D’autres se sont branchés sur les arbres les plus proches. Mais la plupart sont encore actifs. Nous pouvons distinguer un oricou mais surtout des vautours charognards et des vautours africains. Le seul os aperçu, par sa taille, pourrait laisser penser qu’il s’agissait d’un buffle. Toujours est-il qu’il ne reste pas grand chose de la proie chassée cette nuit.
Nous quittons le bord de la rivière pour rejoindre la zone dense en baobabs. Au hasard d’une piste, nous tombons sur une jeune mère éléphante postée au milieu du passage. Nous distinguons la trompe du petit dépassant du bosquet. Ce petit monde ne paraît pas rassuré par notre présence. Les trois autres occupés à manger sur la droite nous surveillent aussi. En faisant un écart hors piste pour les éviter, nous constatons qu’il y avait là une quinzaine d’éléphants dont plusieurs petits.
Quelques kilomètres encore plus loin, nous apercevons une lionne couchée à l’ombre, tout près de la piste. Décidément c’est la journée. En dépassant le buisson, il s’avère qu’ils sont en fait huit à dormir, quatre mâles et quatre femelles. Nous pouvons les observer de très près. Il s’agit très probablement du groupe vu le premier jour et probablement du groupe ayant laissé la carcasse. Tous ne pensent qu’à dormir. Un seul semble chargé de nous surveiller d’un œil. Nous assistons même à la toilette. Quel spectacle ! Pendant quelques minutes, une des femelles nous regarde fixement. Un léger frisson parcourt le véhicule. Derrière elle, un mâle et une femelle sont étendus dos à dos comme pourraient le faire des humains. Idem pour deux des frères couchés au bord de la piste, l’un à côté de l’autre, le second posant ses pattes sur le dos et le flanc du premier. Nouveau frisson au moment de repartir quand le véhicule cal en voulant sortir du creux où nous sommes. Un « C’est pas bon là » descend du toit alors que le véhicule repart en arrière ! Mais la lionne ne bouge pas !
Nous continuons notre chemin après de longues minutes de contemplation. Alternativement, nous apercevons des zèbres, quelques girafes, toujours autant de pintades de Numidie et des petits groupes d’éléphants. Et voilà qu’à nouveau, une tête de lion apparaît au loin, cette fois un gros mâle à crinière. En fait, il est accompagné d’une jeune femelle, et un second mâle s’est installé non loin. Réflexion faite, après la pause gâteaux, nous décidons de les approcher hors piste, donc hors la loi. Tout est fait pour faire le moins de traces possible. Alors que nous ne sommes qu’à quelques mètres du but, Robert nous signale qu’un véhicule approche. Nous faisons immédiatement demi-tour. Vérification faite, il n’y a personne. Le véhicule n’était qu’un groupe de zèbres ! Nous optons pour une seconde tentative, fructueuse celle-ci. La femelle ne semble pas très rassurée, tapie qu’elle est au sol. Et là, nous assistons subitement à leur accouplement. Comme quoi, si nous étions arrivés au premier essai, nous ne l’aurions pas vu. Avec ces derniers lions, nous en sommes à dix-neuf depuis ce matin, en quatre observations et trente-deux depuis notre arrivée dans la Ruaha. C’était assurément la journée des lions.
La piste du retour peut paraître un peu morne après cela, même s’il est toujours plaisant de voir impalas, zèbres, koudous et éléphants. Sur le chemin des douches du camp en dur, nous apercevons deux phacochères littéralement vautrés dans la boue. Au « tourist bandas », des huttes en tôle aménagées pour accueillir les touristes, nous profitons d’une douche finalement appréciable même si nous avions fini par nous habituer à son absence. En arrivant à notre propre camp, nous voyons plus d’une vingtaine de mangoustes rayées débouler d’un bosquet voisin. Je les reverrai d’ailleurs plus tard à l’autre bout du campement. Les heures chaudes se suivent et se ressemblent : sieste, écriture, lecture, …
Cet après-midi, l’idée est de découvrir un nouveau milieu entre l’entrée du parc et la montagne de la veille. La végétation bien que très sèche (et prête à partir en fumée à la moindre erreur) se révèle bien épaisse. Nous retrouvons à nouveau dans ce coin de nombreux baobabs de toutes tailles. Les mammifères ne semblent pas s’y basculer : quelques girafes, vervets et éléphants. De nombreuses tsé-tsé ne nous ont pas oubliés. Elles enfoncent toutes nos défenses. C’est une autre forme de vie !! Nous rentrons quasi bredouilles.
Pour terminer la journée, Fred nous convie à la Croc et Hippo pool. Nous pouvons encore y observer de la vie. Tout près de nous, une girafe hésite à boire mais finit par se décider et s’abreuver gaiement malgré notre présence. De nombreux crocodiles flottent à la surface de la rivière ou se dorent sur la plage. Quelques ombrettes tentent de pêcher ici et là. Les hippopotames du coin se font attendre. Sur l’autre berge, nous distinguons au loin un groupe d’impalas et, plus près de nous, des babouins. Un grand koudou mâle descend jusqu’à l’eau et prend peur avant de rebrousser chemin. Il faut attendre de longues minutes avant de les voir se lancer dans la traversée de la rivière. Il leur faut pour cela une bonne maîtrise du saut de pierre en pierre. Ce petit manège semble avoir convaincu le koudou de l’absence de prédateur ; celui-ci se lance alors à son tour mais sans bonds. Voici un comportement très surprenant, mais efficace. Un mâle babouin resté au milieu du gué restera là jusqu’au passage du dernier membre du groupe.
Quant au repas, la mise en bouche est légère. Il faut laisser de la place pour ce qui va suivre : la potée africaine. C’est toujours un régal à déguster. Au moins trois fois, cela va sans dire. Pendant que nous mangeons, deux hippopotames passent derrière nous quasi incognito ; un simple bruissement de feuilles a attiré notre attention.
Lundi 29 septembre, Ruaha National Park
Nouvelle nuit calme sur la rive de la Ruaha. Seuls quelques hippopotames ont perturbé le silence nocturne accompagnés de quelques hyènes. Le réveil est plus frais que la veille : les polaires sont les bienvenues. Nous arrivons à partir quelques minutes avant l’heure légale. Il n’y a pas foule dans le bush.
A l’approche du camp des gardes, nous retrouvons le couple de chacals que nous croisons tous les jours. En s’éloignant de ce camp, nous observons furtivement un petit chat sauvage à pattes noires qui déboule devant le véhicule avant de se cacher dans les hautes herbes à quelques mètres de la piste. C’est ensuite sur la colline que nous trouvons un nouveau couple de chacals, ceux-ci plus costauds. Ils nous ouvrent le chemin pendant quelques minutes. Puis nous redescendons vers la rivière à hauteur du grand baobab. La vie ne s’est pas encore trop éveillée aujourd’hui. Après quelques kilomètres à remonter la rivière, nous inversons la boucle habituelle pour filer directement vers la rivière Mwagusi, du moins son lit, dans l’espoir d’y observer un guépard qui y trouve un milieu adapté. Ce sera peine perdue. Les rencontres sont rares : quelques girafes ici et là, deux zèbres, une poignée d’éléphants, … A croire que les animaux ont décidé de rester couchés.
Nous parvenons ainsi jusqu’à la confluence où nous faisons une petite pause. En repartant, nous ne trouvons pas trace des derniers lions vus la veille. En revanche, leurs empreintes sont bien visibles dans le fesh-fesh qui sert de piste à cet endroit-là. Quelques kilomètres plus loin deux paires de grandes oreilles attirent notre attention. Ce sont celles d’un couple d’otocyons (renard au oreilles de chauve-souris en anglais) en train de prendre le soleil. C’est la première fois que j’en vois d’aussi près.
Après avoir rejoint la rivière, le parc semble avoir retrouvé vie. Nous passons tout près d’une famille d’éléphants. Les groupes d’impalas se multiplient que ce soit dans le sous-bois ou dans le lit de la rivière. Plus loin, c’est une famille de babouins de tous âges qui se sont installés carrément sur la piste. Et parfois, nous trouvons les deux espèces mélangées. Nous pouvons même parfois voir une ou deux girafes dans le lot. Au milieu du lit, celles-ci offrent un sympathique ballet avec les nombreux jabirus qui ne se préoccupent que de pêcher. Quelques crocodiles vont prendre un bain tandis que les autres viennent sécher. Plusieurs diks-diks croisent notre chemin, pas tous coopératifs.
Vers dix heures, alors que nous repassons sur une piste déjà empruntée le matin, ce qui paraissait n’être qu’un morceau de bois se révèle être une lionne. Mais nous ne sommes pas au bout de nos surprises. En approchant, nous découvrons qu’ils sont neuf à sommeiller l’ombre. Le tour du bosquet voisin nous en révèle quatre autres. Nous venons de tomber sur une famille de treize individus, trois gros mâles à crinière, quatre femelles particulièrement massives et six lionceaux très joueurs. Quel régal ! Tout n’est que jeux, léchouilles, papouilles. Même les gros mâles se prêtent au jeu. Nous sentons une parfaite quiétude. Et quelle sensation de puissance lorsqu’ils se déplacent tour à tour pour trouver meilleure ombre. Nous ne nous lassons pas de les regarder pendant de longues minutes. Nous en sommes désormais au nombre ahurissant de quarante-quatre lions observés. Sur le chemin du retour, nous croisons des espèces souvent craintives ou vues de loin. D’abord une petite famille de cobs Defassa, puis une famille de gazelles de Grant toujours aussi distantes. Et enfin quatre koudous mâles qui restent près de la piste.
Il est temps de rentrer au camp après cette matinée qui s’est terminée de fort belle manière. Le lit de la rivière, calme à notre arrivée au campement, s’anime peu à peu. Il suffit pour cela qu’arrive une famille de babouins ; surtout si dans le lot il y a des jeunes qui s’éclatent littéralement à jouer dans l’eau puis dans la poussière. Cela n’empêche pas la poignée de phacochères de brouter paisiblement à genoux sur la pelouse voisine. Les impalas, non plus, n’y prêtent pas la moindre attention. Même une girafe ose venir boire au milieu de ce cirque. Pendant la pause de l’heure chaude, les visites se multiplient. C’est d’abord un vieux mâle girafe qui vient sur le campement où il trouve des feuilles vertes à son goût. Puis c’est le tour de l’hippopotame qui fait son passage désormais quotidien derrière notre camp, en plein cagnard.
Nous sommes « rafraîchis » par le vent qui souffle fort aujourd’hui. Mais c’est sur les nattes à l’ombre qu’il fait quand même meilleur. Cette fois, nous repartons trente minutes plus tôt ; nous voulons retourner voir nos lions. Mais toute la liaison jusqu’au bord de la rivière est consacrée aux girafes qui pointent leur long cou un peu partout. Là quelques éléphants, un peu fous, sont dehors à l’heure chaude. Ils essaient de se masser tant bien que mal à l’ombre d’un baobab. Evidemment, tous ne rentrent pas. Puis nous retrouvons les impalas. Cet après-midi, les groupes sont importants : impressionnants et compacts, uniquement des femelles et le mâle dominant.
Rapidement, nous retrouvons la zone où nous avions laissé les gros chats. Nous les retrouvons quasiment au même endroit. Ils ont juste tourné autour de l’arbre pour suivre l’ombre. Tous sont là, bien endormis. C’est tout juste si une tête se lève lorsque nous arrivons, avant de se rabaisser aussitôt. Il est amusant d’en voir certains dormir sur le dos, les pattes en l’air. Globalement, leurs positions pour la sieste sont originales et variées. Nous décidons de revenir plus tard les voir et nous continuons dans le sous-bois le long de la rivière. Nous observons de loin une famille d’éléphants au milieu du lit. Les petits semblent prendre un grand plaisir à la baignade. Une seconde famille nous apparaît sous les arbres, affairés à manger sans faire cas de notre présence. Quelques rares vervets refont leur apparition.
A nouveau dans la Ruaha, nous apercevons un petit groupe de cobs Defassa en train de brouter l’herbe verte. Une vingtaine de jabirus les entourent. Cette cigogne semble vraiment se plaire ici. Plus loin, des crocodiles de toutes tailles se montrent. Un gros n’a même plus assez d’eau pour avancer incognito. Nous observons aussi quelques oiseaux. Un groupe de martin-pêcheurs pies est occupé devant nous. Alors que l’un d’eux se branche, nous découvrons qu’il y a aussi un martin-pêcheur géant qui, malheureusement, ne nous laissera pas trop de temps pour l’admirer. Grâce au soleil qui le met en valeur, j’aperçois un long et fin varan du Nil littéralement collé à une branche morte tombée dans la rivière. Son jaune ressort tout particulièrement de la teinte du bois. Pendant ce temps là, les zèbres semblent vouloir nous encercler. Il en apparaît un peu partout dans le sous-bois. Décidément, tous les animaux semblent avoir décidé de sortir en masse.
C’est le cas de cet énorme troupeau de buffles qui déboule probablement de la rivière alors que nous venons de passer dans le sous-bois sans les avoir vus. Il en apparaît partout des plus vieux aux plus jeunes, des mâles et des femelles. Nous essayons de les approcher tout en gardant des distances avec cette espèce réputée agressive et dangereuse. Nous estimons leur nombre à trois ou quatre cents. Sur le chemin du retour, des dizaines de perroquets de Meyer volètent autour de nous. Après moult zèbres et impalas, nous recroisons … zèbres et impalas. Finalement, nous retrouvons notre famille. Seule une lionne commence à bouger. Le mouvement associe ses sœurs et petits. Mais que le réveil est dur, surtout les gros mâles qui retombent assez vite. Les lionceaux n’ont toujours pas perdu l’envie de jouer. Cette fois, nous les laissons définitivement, en espérant qu’ils attrapent un buffle pendant la nuit.
Dans l’après-midi, nous avons réussi à apercevoir à nouveau quelques gazelles de Grant à une distance plus intéressante. Quant aux phacochères, rien ne semble pouvoir les perturber : brouter avant tout. Alors qu’il est déjà trop tard et que nous devons absolument retourner au camp, nous soupçonnons la présence d’un prédateur (léopard ?) tant les impalas et gazelles sont en alerte. Mais dans la pénombre, il est difficile d’apercevoir l’origine de cette crainte.
Nous sommes accueillis au camp par un vent soutenu qui nous incite à installer la table près des véhicules. Ce soir, nous dégustons la spécialité d’Inno, salza et sauce. C’est toujours aussi bon. Pendant la veillée qui consiste depuis quelques soirs à deviner des animaux, nous entendons de nouveau les cris d’alertes d’impalas, face à notre camp. Là encore, un prédateur doit rôder sans se montrer.
Mardi 30 septembre, Ruaha National Park
Dernier réveil sous le ciel magnifiquement étoilé du parc national de la Ruaha. Une dernière nuit qui fut aussi calme que les précédentes. Le démontage de la tente se fait de nuit pour éviter la chaleur au retour. Nous partons finalement du camp un gros quart d’heure plus tard que d’habitude. Du coup, nous manquons le jeune couple de chacals.
Les girafes sont toujours présentes, fidèles au poste. Quelques éléphants et impalas sont déjà réveillés. Nous voulons essayer de retrouver la famille de lions d’hier. Pour cela, nous prenons la piste Nord pour tenter de les croiser. Dans la brume du matin nous apercevons en même temps une troupe d’éléphants et l’énorme troupeau de buffles de la veille. Le contact est tendu. Les plus gros jouent du barrissement pour s’imposer, faire reculer l’avant-garde des buffles et traverser la piste. Après leur passage, le troupeau ne retrouve pas son calme. Nous sommes surveillés par des dizaines de paires d’yeux et de cornes. Les premiers sont prêts à charger. Du coup, nous ne traînons pas trop près d’eux. Nous allons essayer de les contourner dans l’espoir de dénicher les lions sur leurs arrières.
Par chance, nous tombons sur une piste non répertoriée qui permet de contourner le troupeau au plus près. Nous y croisons furtivement une massive hyène qui semble s’y diriger. A sa suite, le chacal paraît bien petit. Nous retrouvons ainsi la piste de la veille où nous avions trouvé les buffles. En fait, ils ont assez peu bougé dans la nuit. Par contre, nous n’apercevons pas l’ombre d’une moustache de lion. Seules leurs traces sur la piste nous confirment qu’ils ont suivi le troupeau. Mais le terrain est trop grand et sans piste pour le traverser. Nous poursuivons donc notre ballade pour rejoindre le bord de la rivière. En chemin, nous croisons un petit groupe d’éléphants bien tranquilles.
Dans le sous-bois près de la rivière, nous sommes accueillis par les inévitables impalas. Nous retrouvons le varan à la place où nous l’avions laissé hier. Il n’a pas du tout bougé. C’est épuisant une telle vie ! Sur le même arbre mort, nous retrouvons aussi les martin-pêcheurs. Un couple d’ombrettes les accompagne. Plus loin, au milieu du lit, nous apercevons des jabirus. Et dans les désormais minces filets d’eau se profilent quelques crocodiles imposants. Un peu plus loin, nous restons un moment devant un groupe de vervets. Autant les adultes sont calmes, occupés pour la plupart à grignoter, autant les jeunes sont surexcités. Ils sautent partout, se chamaillent, tout cela juste au bord de la berge, à la limite de tomber dans la rivière en contrebas. Un moment qui nous fait beaucoup rire. On croirait des enfants. A quelques dizaines de mètres, un héron Goliath, le plus grand de tous, est en train de pêcher.
Nous poursuivons ensuite vers le coin de la rivière Mwagusi. En chemin, nous retrouvons plusieurs petits groupes de gazelles de Grant toujours aussi distantes. Quelques girafons ont aussi été laissés là pendant que les parents sont partis manger. Le cadre est superbe. Il paraît plus sauvage encore que le reste du parc. De hautes herbes nous entourent. Les clairières sont bordées d’un mélange d’acacias, de baobabs et de palmiers. Un lieu empreint de sérénité. Mais toujours pas de guépard à l’horizon. Seules les empreintes avec celles d’un petit confirment ce qu’on nous avait dit la veille. Un instant, nous avons un espoir en voyant tournoyer une dizaine de charognards dans le ciel. Peine perdue, ils finissent par prendre les courants ascendants et partir.
Alors nous insistons, tantôt longeant la rivière asséchée, tantôt en la coupant. Mais rien ne se montre. Jusqu’à ce que nous la recoupions à nouveau par une nouvelle piste non répertoriée. Et là, au sommet d’une butte, nous tombons sur une femelle léopard. Elle ne reste pas bien longtemps près de la piste, mais néanmoins visible un petit moment tandis qu’elle s’éloigne vers un amas de rochers qui semble lui servir de grotte. En tout cas, l’endroit semble idéal : à l’abri et en surplomb pour guetter proies et dangers. Nous poursuivons notre chemin sans trop savoir où, étant donné que les pistes semblent avoir changé dans ce coin. Plusieurs fois, nous distinguons des diks-diks seuls ou en couple. Plus tard, nous tombons sur tout un groupe de koudous, un mâle avec ses femelles. Nous avons tout juste le temps de les photographier avant qu’ils ne coupent la piste et filent en courant.
En retournant vers le campement, nous jetons nos derniers regards à cette rivière si surprenante, presque vide mais si pleine de vie, carrefour de toutes les espèces. Sur les portions vertes, nous apercevons à nouveau quelques cobs Defassa, et de nombreux oiseaux en train de pêcher.
A peine arrivés au camp, Inno nous fait signe de vite descendre du véhicule et d’approcher. Il veut nous montrer le groupe de lions qui a passé la matinée à l’ombre juste en face du camp de l’autre côté de la rivière. Dans un premier temps, nous pensons à notre famille d’hier. Et voilà qu’entre en scène une famille de sept éléphants qui descendent de la colline. Plus les minutes passent, plus nous avons le sentiment que les éléphants vont vers les lions, du moins veulent la place à l’ombre de l’arbre. Quelques lions avaient déjà levé le camp lorsque les éléphants approchent vraiment, toutes oreilles écartées. Et là, la famille lion se lève d’un seul bloc et part au pas de course. Nous en dénombrons au moins une vingtaine. C’est donc une nouvelle famille. Nous en sommes donc à soixante-quatre lions dans la Ruaha. La scène à laquelle nous venons d’assister est invraisemblable mais loin d’être terminée. Les lions n’ont fait que s’éloigner et menacent un peu les éléphants qui repartent alors à la charge. Cette fois, c’est la débandade, il y a des lions qui courent dans tous les sens sur la colline. Chacun se débrouille, y compris les lionceaux qui se retrouvent seuls dans cette histoire. La situation se stabilise pendant un bon quart d’heure. Les éléphants profitent de l’ombre volée, tandis que les lions se regroupent petit à petit, tant bien que mal, à l’ombre de l’arbre suivant. Mais voilà que le manège recommence. Les éléphants virent à nouveau les lions du second arbre. A partir de là, nous ne les verrons plus, sauf ceux éparpillés encore sur la colline. C’est effarant !
Quant aux éléphants, ils vont continuer leur promenade, d’abord dans le lit de la rivière, puis ensuite derrière notre camp. Par chance, ils ne cherchent pas notre ombre. Comment trouver le temps de manger quand il y a autant d’agitation ? Mais il faut plier le camp définitivement et quitter ce qui ressemble quand même à un coin de paradis tant la nature a été généreuse avec nous. En quittant le camp, nous retrouvons les éléphants au bord de la piste. Notre passage semble les déranger ; et nous avons droit à une mimique de charge.
La piste jusqu’à l’entrée du parc sera bien plus calme, même le crochet par les douches à côté du quartier général des gardes. Nous jetons un dernier coup d’œil à la rivière depuis le pont avant de dire au revoir à ce parc national. Direction Iringa. Enfin, pas tout à fait, car nous allons faire un bivouac sauvage. Nous roulons pendant environ deux heures après la sortie du parc avant d’emprunter une petite piste latérale où nous dénichons une clairière qui fera un parfait lieu de bivouac. Nous y croisons seulement deux ânes. Le village masaï installé quelques centaines de mètres plus haut semble vide hormis deux chiens.