De Lilongwe à Dar-Es-Salaam (4)
Mercredi 1 octobre 2008, bush camp à la sortie de la Ruaha
Le vent s’est mis à souffler alors que le camp s’endormait. Et il soufflait bien. Difficile dans ce cas de trouver le sommeil. C’est alors que les bouchons d’oreille se révèlent utiles pour une bonne nuit. Au réveil pas plus de visite des masaïs que la veille. Je pars marcher sur la piste le temps que les véhicules terminent leur préparation.
Nous reprenons ainsi notre progression vers Iringa. De bon matin, la piste est très empruntée autant par les enfants qui vont à l’école ou qui en reviennent (les mouvements sont surprenants par rapport à l’heure) et tous les gens qui partent travailler, aux champs ou à la ville. Certaines scènes donnent une atmosphère particulière lorsque les piétons se retrouvent dans la poussière soulevée par les véhicules et éclairée par le soleil à peine levé. On dirait des ombres sorties de nulle part. Nous apercevons encore quelques diks-diks.
Après une soixantaine de kilomètres, nous retrouvons Iringa et sa foule. L’animation est renforcée par le fait que ce soit une fête musulmane aujourd’hui. Le petit marché offre toujours aussi peu de variété mais Fred parvient à dégoter des chapatis et des samossas. L’achat des bananes se révèle plus périlleux. Ainsi parés, nous pouvons retrouver la Tanzam Highway abandonnée depuis quelques jours. Nous y retrouvons aussi les nombreux camions et les bus à la conduite totalement inconsciente et dangereuse.
Heureusement la route est plaisante. Très rapidement, nous descendons du plateau par une véritable route de montagne, ses virages et ses sommets qui nous dominent. Il faut juste faire attention aux camions forcés d’avancer au ralenti. Rapidement, la route longe un torrent qui crée autour de lui une bande de verdure contrastant avec l’univers minéral alentour. En bas, la végétation change littéralement, en même temps que la température. Les arbres sont tous limités en taille souvent d’aspect sec.
On pourrait croire à un avant-goût de désert. Mais en fait, quelques kilomètres plus loin apparaissent quelques-uns des milliers de baobabs qui couvrent la vallée et les flancs des montagnes. Il y en a encore plus que dans le parc de la Ruaha. De toutes tailles, de toutes formes. Là encore, la présence d’un cours d’eau permet à la végétation de se développer. Les cultures maraîchères y sont nombreuses quoi que peu variées. De multiples échoppes de fortune installées au bord de la route vendent tomates et oignons. Le maïs est probablement destiné à un usage personnel étant donné que nous n’en voyons jamais sur les étals. Divers troupeaux de chèvres ou de vaches paissent sous les arbustes rabougris. Pour la plupart, ils sont sous la garde de masaïs. Il n’est pas rare d’en voir sur le bord. Leur morphologie est immanquable, de même que leur tenue. Quelques accrocs à la tradition néanmoins : l’usage du portable et du vélo !
A Mbuyuni, nous retrouvons la rivière Great Ruaha longtemps longée dans le parc. Nous sommes surpris de traverser ensuite une vallée de conservation du baobab alors que nous en voyons des milliers depuis plusieurs kilomètres. Sur notre droite s’élèvent les monts Udzungwa Les gens sont aussi accueillants. Ainsi, on nous autorise à pique-niquer sur le terrain d’un particulier, à l’ombre, non loin de leur champ de manioc. La route l’est désormais beaucoup moins. Les trous y sont de plus en plus nombreux. La conduite devient périlleuse surtout par la présence de ces autobus.
Après Mikumi, nous découvrons une originalité. La route traverse le parc national éponyme. La vitesse y est évidemment limitée (enfin, en théorie). Mais quel dommage que les brûlis aient sévi là aussi. Néanmoins, nous apercevons quelques animaux sauvages : inévitablement des girafes, des impalas et des babouins, mais aussi quelques zèbres, des gnous un peu lointains, une poignée de buffles et quelques éléphants. Globalement, cette traversée est peu agréable et peu favorable à l’observation. D’autant plus que la chaleur pesante n’arrange rien.
En approchant de Morogoro, les montagnes se font plus marquées alors que la vallée s’élargit et accueille une végétation importante. Le retour à la ville est surprenant après tous ces bivouacs solitaires. C’est même trop. La ville grouille de monde ; la circulation dans le centre de la ville semble totalement anarchique. Il ne fait pas bon être conducteur étranger par ici. Nous parvenons néanmoins sans encombre au Morogoro Hotel Limited où nous allons passer la nuit. Un lieu agréable, très à l’extérieur de la ville. S’il y avait eu moins de monde, la piscine aurait été la bienvenue. Mais la chambre offre un confort convenable avant de repartir dans le bush. Ce soir, nous dînons au restaurant de l’hôtel entre deux coupures d’électricité. Comme quoi, même dans un hôtel, la lampe frontale se révèle utile. Ce soir, pas de nuit étoilée au-dessus de la moustiquaire. Il faut attendre la nuit prochaine.
Jeudi 2 octobre, Morogoro
L’hôtel amène son confort mais aussi ses contraintes. Nous ne pouvons petit-déjeuner avant sept heures. Le rythme pris depuis le début fait que le réveil naturel a lieu bien plus tôt. Les craintes de la veille au soir se confirment. Ils ont perdu notre commande et le buffet n’est pas prêt non plus ; il se fournit au fil des minutes, à un rythme de sénateur. Comme dans chaque hôtel, nous constatons qu’ils ont un peu de mal avec les notions d’hôtellerie. Nous arrivons quand même à prendre un bon petit-déjeuner avant de partir en ville. Nous y allons à pied, les véhicules nous rejoignent sur place. Assez bizarrement, la ville est très calme ce matin ; un réel contraste avec l’effervescence de la veille. Elle semble se réveiller assez tard. Du coup, la ballade à pied jusqu’au marché est tranquille. Contrairement à celui d’Iringa, celui-ci est bien achalandé en fruits et légumes variés, sans oublier les grains dont certains nous restent encore mystérieux. Autour de la halle principale et de ses échoppes serrées se rassemblent tous les autres produits autres qu’alimentaires. Sortis de là, le panier est plein à craquer. Il ne reste plus qu’à trouver quelques dernières bricoles, dont les chapatis avant de pouvoir quitter enfin la ville, non sans avoir déniché avec succès un pot de Nutella pour les accompagner.
Alors qu’au réveil, les monts Uluguru étaient bien visibles au-dessus de la ville, seulement surmontés d’un nuage lenticulaire, ils se sont petit à petit dissimulés dans d’épais nuages qui commencent à couvrir la ville. L’atmosphère n’en est d’ailleurs que plus douce. Mais plus de soleil pour offrir de belles lumières.
Rapidement, dès la sortie de la ville, le bitume laisse place à une belle piste rouge qui s’enfonce au milieu des plantations : bananiers, cocotiers, manguiers, etc … D’ailleurs, nous pouvons voir le manège des paniers pour aller vendre ces produits au marché. Nous retrouvons aussi plusieurs kapokiers, certains formant carrément des allées ! Là où les coques ont éclaté, nous pouvons voir la fibre cotonneuse, d’abord former une fleur ouateuse avant de se disperser au sol, formant un tapis blanc. L’habitat reste encore dense. Nous ne nous sentons jamais seuls et les minibus chargés plus qu’à ras bord restent aussi nombreux. Nous commençons le long et lent contournement des monts Uluguru. La route s’élève un peu avant de serpenter à travers les montagnes du massif. Assez rapidement, nous nous retrouvons au cœur d’une végétation luxuriante qui pourrait nous faire croire que nous sommes sous l’équateur. Souvent nous apercevons des cases nichées au cœur de ces nombreux bananiers et cocotiers. Il y a toujours des papayers et nous commençons à voir quelques arbres à pain. Partout il y a de la vie le long de cette piste. Les rires d’enfant se font souvent entendre.
Entre deux zones peuplées s’intercale une région encore plus sauvage, vide d’habitants. Les daliums, immenses arbres au tronc clair, dominent ce qui serait presque une jungle. Palmiers géants côtoient dracenas tout aussi immenses. Le sous-bois semble inextricable faisant même parfois penser à une mangrove. Au hasard d’un virage, nous tombons sur un pont d’un autre âge. Sa structure métallique inspire bien plus confiance que la bande de roulement en bois, parfois trouée, souvent mal fixée. Une vraie aventure. En contrebas, les femmes vaquent à leur lessive tandis que les bambins profitent du bain dans la rivière. Plus loin, dans une autre rivière, nous verrons même des hommes équipés de batées et fouillant le fond de l’eau en recherche de richesses. Plus nous avançons et moins les véhicules se font nombreux. Ne restent plus que les cyclistes et surtout les piétons. D’ailleurs, cette piste est l’occasion pour nous de diverses marches, en avance sur les véhicules. Cela permet de mieux profiter de cette ambiance, de profiter du décor minéral qui parvient à percer l’épaisse végétation.
Après plusieurs heures de piste à une allure mesurée, celle-ci descend enfin vers ce qui nous apparaît comme une vaste plaine. La végétation y est d’abord clairsemée avant de s’y réépaissir. Mais jamais nous ne sommes seuls. Au milieu de la plaine, nous retrouvons quelques masaïs alliant tradition des tenues et modernité portable, lunettes de soleil flashy, vélo). Tout ce petit monde croisé reste toujours très souriant. Les traversées de village pour la plupart non identifiés sont épiques lorsque nous jetons un œil à certains étals.
Malgré l’absence presque totale d’indication, nous finissons par approcher de la réserve du Selous plus tôt que prévu. Il est temps de dénicher un lieu de bivouac sauvage, ce que réussit par faire Fred malgré cette manie locale du brûlis. Au cours de cette recherche nous coupons même la voie ferrée Dar-Es-Salaam/ M’Beya qui nous surprendra un peu plus tard en début de nuit.
Nous finissons par nous installer juste à côté du lieu où nous apparaît un céphalophe de Grimm, une petite antilope, à peine plus grande que le Dik-Dik, que je n’avais encore jamais vue auparavant. Depuis le milieu de l’après-midi, les nuages ont commencé à se dissiper. Nous le constatons aisément en montant le camp. Une vraie suée en quelques secondes. Il va falloir s’y faire jusqu’à la fin du voyage.
Après une nouvelle fournée de butter nuts, Fred et Inno nous concoctent un dessert surprise : chapatis fourrés à la banane et au nutella, difficilement déniché ce matin.