Traversée sud-africaine (2)
Après quelques courses à la sortie du Kruger, nous traversons les plantations de canne à sucre avant de rejoindre la frontière avec le royaume du Swaziland. Ce petit pays enclavé entre l’Afrique du Sud et le Mozambique se présente d’abord sous un aspect montagneux avec de belles prairies bien vertes et des rochers à profusion. Je retrouve aussi cette ambiance africaine qui existe moins dans cette Afrique du Sud plus « occidentalisée ». La civilisation nous rattrape à l’approche de la capitale Mbabane.
Nous poursuivons quelques kilomètres jusqu’à la réserve de Mlilwane. Celle-ci présente la particularité de pouvoir être parcourue à pied, à vélo ou à cheval, du fait de l’absence de prédateurs. En revanche, les antilopes y sont nombreuses même dans le camp. Deux nouvelles espèces se présentent. D’abord les damalisques dans la grande plaine, puis ensuite les nyalas avec leur fourrure épaisse et sombre plus près du camp, voir à l’intérieur du camp pour certaines femelles et petits. Le long des petits rubans d’eau, les oiseaux sont légions. De nombreux guêpiers à front blanc tournicotent. Les martins-pêcheurs, qu’ils soient pies ou malachites, restent fugaces. En revanche, j’ai tout loisir d’observer deux bousiers en pleine action sur un sentier. Les autres espèces semblent avoir rejoint la plaine, un peu lointaine à pied. Nous nous consolons avec quelques phacochères et nyalas.
Jeudi 29 octobre 2009, Mliliwane Wildlife Sanctuary
Hier soir, l’orage menaçait avec ses multiples éclairs à l’horizon. En pleine nuit, il a éclaté une première fois puis une seconde sur le matin. Oublié le projet de faire une autre marche dans la réserve avant de partir. Chacun reste sous sa tente jusqu’à ce que je me lasse d’attendre en vain une accalmie. Finalement, nous plions le campement sous la pluie avant de profiter d’un petit-déjeuner dans la cuisine collective du camp. Nous sommes tous humides comme les tentes et les matelas.
Une bonne partie du trajet va se faire sous la pluie. Il s’agit de quitter le Swaziland par sa frontière sud. Après avoir traversé Manzini, capitale économique, nous filons plein est vers les montagnes qui forment la frontière avec le Mozambique. Puis direction le sud, l’absence de signalisation ou un panneautage dénué de toute logique nous conduisent à rallonger le trajet.
Vers midi, nous atteignons néanmoins le poste frontière de Lavumisa-Golela. Côté Afrique du Sud, la file d’attente est assez mystérieusement importante. Sans encombre, nous retrouvons le sol sud-africain. Grâce à de précises indications, nous rejoignons bien plus tôt que d’habitude notre hébergement près de Hluhluwe, ce qui n’eut pas été possible sans. Arrivés sur place, nos nous retrouvons devant un portail apparemment fermé et électrifié. Après tractation téléphonique et une intrusion, nous finissons par être guidés jusqu’à notre aire de camping. Nous nous installons à nos aises. Les tentes sont toujours trempées. Elles commencent à sécher après que nous les avons montées. Finalement, suite à un micmac à l’arrivée d’un camion « overlander », nous sommes transférés dans des chalets, au sec et dans un lit. « Qui se lève sous la pluie, se couche à l’abri ». Sinon, le terrain du lodge, bien qu’offrant quelques chemins ne se révèle pas des plus passionnants en dehors de la possibilité de marcher un peu dans la nature.
Vendredi 30 octobre, Elathini Bush Camp, False Bay
Est-ce un effet du chalet ou le manque de sommeil ? Toujours est-il que j’ouvre le premier œil à 6h passées bien plus tard que d’habitude. Heureusement que le planning du jour n’est pas trop serré. Nous prenons notre temps, d’abord à Hluhluwe pour le plein de carburant et d’eau.
Il est alors temps de mettre en route vers la réserve voisine de Hluhluwe-Imfolozi, connue pour avoir participé à la sauvegarde du rhinocéros blanc. Le temps reste le même, toujours très couvert et régulièrement arrosé. En route, nous apercevons des habitations traditionnelles du pays zoulou : huttes rondes en dur et toits de chaume, regroupées non par villages mais par familles.
Nous pénétrons enfin dans cette réserve qui apparaît très verte, limite végétation luxuriante, et surtout très vallonnée. Assez rapidement, nous distinguons les dos de deux rhinocéros dans ce qui semble être un ancien lit de rivière asséchée. Puis nous sommes ralentis par une ombrette africaine qui semble décidée à nous escorter et nous ouvrir la piste. De temps en temps, elle essaie d’avaler son ver de terre. Plus tard, ce sont les girafes qui apparaissent. Finalement, dans ce milieu dense, c’est la plus visible. Dès que nous sortons du véhicule, un vent frais nous accueille. Depuis un des points de vue sur une crête, Carrel aperçoit un lion. Malheureusement c’est le seul à le voir. Du coup, nous essayons de rejoindre la piste en contrebas dans l’espoir de mieux le discerner.
Celle-ci sinue au fond d’une vallée passant et repassant au-dessus de la rivière Hluhluwe. Au passage du premier gué, nous tombons sur un arbre qui sert de nichoir à une colonie de tisserins à tête rousse. Les branches sont lestées de nids individuels. Certains d’entre eux sont en pleine construction, ce qui explique le manège incessant de ces petits oiseaux jaunes vif à la face noire. Quelques mètres plus loin, de l’autre côté du lit, sur une petite plage, un crocodile est en train de se prélasser, sans le soleil ! Point de lion sur cette boucle mais plusieurs gros coucals de Burchell, facilement reconnaissables par leur taille, le blanc de leur poitrine, le gris de leur dos et le marron de leur tête. Sur la piste même, nous trouvons plusieurs paires de bousiers. Une des boules est énorme par rapport à la taille des insectes.
Nous rejoignons ensuite une aire de pique-nique fort bien aménagée. Dommage qu’il ne se passe rien en contrebas de la terrasse d’observation ni sur la falaise en face.
A peine repartis, la pluie fine reprend de plus belle sur la partie nord de la réserve. Nous tombons sur un nouveau groupe de girafes. Certaines sont même couchées au sol. Seul le cou se dresse. Un peu plus loin, au bord d’un étang, quelques cobs immobiles se tiennent serrés sous l’averse. Seules les énormes oies en arrière-plan semblent se plaire sous une telle météo.
Avant de quitter la réserve, nous décidons d’emprunter la boucle de Magangeni. Quelques centaines de mètres plus loin, j’aperçois deux rhinocéros derrière la végétation. Du coup, nous changeons d’option pour essayer de les approcher, sans grande réussite, malheureusement. Les hautes herbes ont beau être sèches, elles gênent la visibilité. Nous les laissons donc disparaître dans la végétation. Nous en apercevons bien trois autres mais au loin, à flanc de côteau. Plus loin sur la piste, nous tombons sur la colline aux zèbres. Ils sont plus d’une vingtaine dispersés. Le cadre est vraiment agréable, à la grisaille près. Juste en dessous de la crête, quelques nyalas les accompagnent.
Quelques mètres de plus pour observer une poignée d’oiseaux. Je jette un œil dans les jumelles vers la crête opposée : rien ! Et puis avant que le véhicule ne redémarre, un peu par hasard, je tourne la tête une dernière fois. Par bonheur, je tombe sur un beau mâle guépard couché là à découvert, peu dérangé par la pluie. Quelle belle surprise pour tout le monde. Surtout qu’il reste en place un long moment. Il nous faudra être patients pour le voir enfin se lever, faire quelques mètres et se recoucher plus loin. J’étais loin de m’attendre à en voir un à cet endroit, dans ce milieu vallonné et verdoyant.
Nous apercevons un dernier troupeau de buffles à moitié dissimulé en lisière de prairie. Trois derniers rhinocéros et nous aboutissons à l’entrée de la réserve. Après un tour rapide de la boutique d’artisanat, nous reprenons la N2 pour rejoindre le marché artisanal communautaire de Zamimpilo. Lui aussi est noyé sous la pluie. La visite est parfois comique dans ces conditions. Néanmoins, on y trouve toutes sortes de choses à des tarifs raisonnables. Divers fruits et légumes y sont aussi proposés. La production locale d’ananas y tient une bonne place à des prix défiant toute concurrence. Les petits vont se révéler succulents. De même que le sauté de bœuf aux petits légumes avec son riz. Voici qui termine bien une journée plutôt humide.
Samedi 31 octobre, Elathini Bush Camp, False Bay
Ce matin, pas de tente à plier. Tout ceci a été fait hier soir. Il n’y a qu’à charger le van et la remorque. Le terrain est toujours aussi détrempé. Pas de visite des zèbres de la veille. Nous repassons à Hluhluwe avant de reprendre la N2 en direction de Durban. Celle-ci descend vers la côte avant de la longer. De temps à autre, nous apercevons l’Océan Indien. Nous traversons aussi de nombreuses plantations de canne à sucre. Mais ici, elle ne sert qu’à produire du sucre, aucun liquide alcoolisé !!
Cette « autoroute » est vraiment bien roulante ce qui permet d’avaler rapidement les plus de cinq cent kilomètres de la liaison du jour. Arrivés dans la banlieue de Durban, le plus grand port du pays, nous bifurquons vers le nord en direction de Pietermarizburg, la capitale de la province du Kwazulu-Natal. Le paysage change totalement. Nous pourrions presque nous croire entre Normandie et Auvergne dans un paysage verdoyant et vallonné, parsemé d’élevages de bétail. Nous tombons même sur un autochtone charmant devant chez qui nous nous sommes arrêtés pour le pique-nique. Il vient d’abord nous proposer glaçons ou eau chaude. Puis il propose à Camille de rentrer voir les cochons. Avec Fabienne, elles auront même droit à la visite de toute la maison.
Nous poursuivons ainsi jusqu’à la petite ville de Winterton. Par sa structure et ses habitants, elle a gardé son apparence de cité de colons. En revanche, cela change quelques kilomètres plus loin sur la route qui mène à Cathedral Peak. Je retrouve cette Afrique avec ses petits villages, ici des huttes de briques, couvertes de chaume, et parfois peintes avec des frises colorées. C’est aussi les gens nombreux sur la route et un peu partout. Et toutes ces scènes se jouent dans un splendide décor de montagnes, celles du massif du Drakensberg que nous sommes en train d’aborder. Derrière les cimes, c’est le royaume du Lesotho, petit pays enclavé au centre de l’Afrique du Sud. Le mélange de la verdure et de la roche à dominante rougeâtre est parfait.
Nous finissons par nous installer dans un des camps du parc, non loin d’un torrent, mais au sec. Ce soir, c’est fête, Eric a 39 ans. Gâteau, glace et vin sont au programme. Avec en prime le premier joli coucher de soleil entre crêtes montagneuses et nuages rougeoyants.