Carnet de piste au nord Botswana (2)
Lundi 8 avril, 7h00 2003, Kasane
La journée commence par un lever tranquille vers 7h00. C’était l’heure prévue mais nous avons réussi à nous réveiller avant l’heure et avant Dom qui dort encore sur le toit de son camion !! La journée à venir est une étape de liaison vers l’Okavongo.
Nous descendons donc plein sud sur la route de Nata. Il est temps de vous préciser que le Botswana doit posséder un des meilleurs réseaux routiers d’Afrique. Il est de plus en plus difficile d’y trouver des pistes de terre. Ceci est possible grâce à l’énorme richesse que les diamants apportent au pays. Globalement, le pays vit à son aise, les villes et villages sont bien équipés. Même si la pauvreté existe, il est difficile de la voir. Ces diamants ajoutés au fait que le pays n’a jamais subi la colonisation (seulement un protectorat anglais à la demande du roi de l’époque pour se protéger de l’ancienne Rhodésie) expliquent pourquoi le blanc est bien accueilli : pas de ressentiment ni de mendicité. Cette richesse a tout de même des inconvénients dans la mesure ou le gouvernement ne fait aucun effort pour former des élites. Les postes de médecins et autres professions nécessitant des études supérieures sont souvent occupés par des citoyens des états voisins. Pour en terminer avec les diamants, imaginez qu’ils ont été découverts seulement deux ans après le départ des anglais : ce n’est vraiment pas de chance !!
Nous sommes donc partis pour plus de trois heures de camion sans voir âme qui vive. On pourrait imaginer que cette matinée va être longue et ennuyeuse. Bien au contraire ! Cette longue route rectiligne se révèle en fait très riche en animaux. Comme si ici en France, nous rencontrions des vaches ou des moutons le long d’une route ! Bien évidemment, à chaque apparition animale, Dominique arrête le camion sur le bas-côté pour nous permettre de jouer les paparazzi. Nous commençons par apercevoir quelques autruches, encore loin qui ne semblent pas effrayées le moins du monde. Un peu plus loin, quatre girafes nous observent de loin : c’est quelles seraient presque curieuses celles-ci. En poursuivant notre route, nous avons enfin la chance d’apercevoir le roi de la forêt de près. C’est le summum ! Deux éléphants sont en train de pâturer sur le bas-côté. Nous nous faisons les plus silencieux possible pour ne pas les effrayer et en profiter au maximum. Malheureusement, ils se rendent compte de notre présence. Après un barrissement à notre intention, ils s’enfoncent dans la forêt et disparaissent. Pendant tout le voyage, nous continuons à apercevoir divers animaux.
Nous dépassons Nata pour nous rendre au sanctuaire. Cet endroit est une sorte de parc protégé au sud de la ville. On y trouve le pan de Sua qui fait parti du parc de Makgadikgadi. Un pan, c’est un ancien lac asséché ! En approchant du pan, la flore se raréfie rapidement : on se croirait en plein désert, prêts à apercevoir un mirage au loin. C’est d’ailleurs le cas puisqu’on croit apercevoir de l’eau au loin alors que le lac est totalement sec en ce moment. Quelques pistes permettent de le traverser mais nous nous arrêterons au bord où nous avons choisi de pique-niquer. Néanmoins, ce lac désertique est miraculeux. En effet, lors de très grosses pluies, il se rempli à nouveau (les dernières fois, c’était en 1982 et 2000). Comble du miracle, dès que l’eau revient, les poissons apparaissent !!! Visiblement, ce sont des poissons ou des larves qui hibernent dans le sous-sol. Sur cette terre désertique, les seuls animaux qui résistent sont les fameux springboks dans leur très belle livrée : nous avons la chance d’en apercevoir quelques-uns uns en revenant sur nos pas. Malheureusement, ils restent trop loin de nos objectifs !
Nous revenons vers Nata pour emprunter la route de Maun plein Ouest, route qui nous mènera demain au delta de l’Okavongo. Dominique nous a choisi un chouette campement de l’autre côté du pan de Sua. On s’arrête donc au Planète Baobab. Comme son nom l’indique nous y découvrons de nombreux baobabs, dont un va nous servir d’abri pour installer notre camp. Malgré sa situation au milieu de nulle part, loin de tout (Nata la ville la plus proche est à 100 km), ce camping est parfaitement équipé tant au niveau des sanitaires que du bar, bien agréable. Le cadre est vraiment génial ! Et quelle féerie lorsque la nuit tombe. Le ciel est étoilé comme jamais je ne l’avais vu auparavant. On est bien loin du ciel pollué de France. On distingue les trois quarts de la voie lactée, sans oublier les nuages de Magellan. Bien évidemment, nous apprenons à reconnaître la célèbre Croix du Sud ; nous en profitons car chez nous, dans l’hémisphère nord, elle n’est pas visible.
De quoi faire de beaux rêves avant de reprendre la route !
Mercredi 9 avril, 7h00, Planète Baobab
Une fois encore, Dominique nous accorde un lever pépère sur la planète Baobab. Il faut dire que la journée s’annonce tranquille puisque nous n’avons qu’un peu plus d’une heure de route pour rejoindre notre prochaine étape. Nous remettons donc en marche direction Maun, la porte d’entrée du delta de l’Okavongo. C’est la première grande ville que nous découvrons depuis notre arrivée. Néanmoins, Maun ne présente pas de réel intérêt ni de boutiques de souvenir. Seul sa situation en fait un passage obligé avant d’entrer dans le delta. Elle impressionne tout de même par son étendue !
Arrivés en plein cagnard, nous optons pour le montage des tentes avant de passer à table. Au programme, comme chaque midi, une bonne petite salade de crudités bien appréciable par cette chaleur ; enfin, quand je dis petite, ce n’est pas le terme le plus approprié ! Le début de l’après midi est mis à profit par certains pour faire un brin de lessive : vu la chaleur, cela devrait sécher très vite. D’autres prennent un bain dans la piscine de l’hôtel. Le moment fort de la journée est à venir.
Dominique nous dépose à l’aéroport de Maun où nous allons embarquer dans deux Cessna. Cela fait partie des plus, non prévus, de notre circuit. En ce qui me concerne, c’est la première fois que je monte à bord d’un si petit coucou ; en plus, j’ai la chance d’être à l’avant juste à côté du pilote, dans la position du copilote. D’ailleurs, je dois prendre garde à ne pas trop tendre mes jambes sous peine d’appuyer sur les commandes !! Les autres membres du groupe ne seraient pas forcément d’accord !!
Nous roulons jusqu’au bout de la piste ondulée de Maun ; voilà, c’est parti pour une heure de survol du delta de l’Okavongo. Nous allons enfin le découvrir ce fameux delta que nous avait fait découvrir Nicolas Hulot dans son émission, Opération Okavongo. Pour profiter au maximum du spectacle, le survol se fait à seulement une centaine de mètres du sol. Génial ! Splendide ! Les mots me manquent pour dire la vue qui nous est offerte. Nous apercevons les animaux sans les déranger, même si à bord le bruit est assourdissant. Tout commence par un troupeau d’éléphants, suivi par des buffles, puis des gnous. Dès qu’il aperçoit quelque chose, le pilote part en piqué pour nous montrer ce qu’il a vu. Bien évidemment, chaque mare est occupée par de nombreux oiseaux mais il n’est pas vraiment évident de les identifier. Il n’y a guère que les crocodiles que nous reconnaissons sur les rives.
Ce delta est vraiment paradoxal. Il éclate dans de nombreux tons de vert, par contre, il nous est difficile de voir de l’eau. Il n’y a guère qu’au moment de faire demi-tour que nous apercevons enfin des canaux. L’eau n’est pas encore arrivée là. Pour ceux qui ne le sauraient pas, le fleuve Okavongo prend sa source en Angola puis descend à travers la Namibie avant de venir se perdre dans les terres du Botswana. C’est, je crois, le seul fleuve qui ne se jette pas en mer et qui finit par s’assécher. C’est au sud du delta qu’a été créée la réserve de Moremi que nous survolons en partie. Quelques Impalas continuent à brouter sans même nous prêter attention. Soudain, nous apercevons une jeune girafe à découvert. Le pilote nous gratifie alors d’un passage en rase-mottes à seulement une dizaine de mètres de celle-ci : on pourrait presque la toucher, tout du moins on la regarde les yeux dans les yeux !! C’est une expérience inoubliable. Malheureusement, l’heure qui nous est accordée s’écoule vraiment trop vite. Dommage que l’avion soit si rapide, il est plutôt difficile de faire des photos : le numérique est le plus adapté sous peine de jeter de la pellicule.
Des images plein la tête, nous retournons au camping où nous attend un bon repas au restaurant de l’hôtel, une fois n’est pas coutume. Il faut dire que le programme des prochains jours promet d’être moins confortable !! Et puis nous devons préparer un sac allégé avec le strict minimum. Pas question de faire suivre le grand sac.
Jeudi 10 avril, 6h00
Jeudi, grand jour ! C’est en effet le départ pour l’aventure dans le delta : nous partons pour trois jours et deux nuits de bivouac au beau milieu du delta. Tout commence par deux heures de 4*4 afin de rejoindre le village des piroguiers à l’intérieur même de la réserve de Moremi. Après avoir passé une des nombreuses barrières du pays (celle-ci marque l’entrée de la réserve), nous arrivons enfin au « port ». En réalité, il s’agit d’un canal assez large sur les berges duquel sont entreposés les Mokoros, les pirogues locales. Nous embarquons à deux par pirogues assis sur des fauteuils confectionnés avec nos matelas, le fond étant garni par des feuilles de jonc. Dominique a droit, quant à lui, à sa pirogue. Enfin, une dernière pirogue est chargée avec l’essentiel du matériel, le reste ayant été réparti sur chacune de nos pirogues. Il faut avouer que nous ne sommes pas spécialement rassurés car le niveau de l’eau est proche du bord des Mokoros. Il ne manquerait plus que nous partions à la flotte !!
Nous partons alors pour près de deux heures de navigation mus par la force des piroguiers qui nous propulsent à l’aide d’une perche. Nous serons même amenés à nous déchausser et à descendre pour pousser car certains passages manquent d’eau. Cela confirme notre impression de la veille à bord de l’avion ! Nous voyageons au ras de l’eau le long des canaux étroits de l’Okavongo. Nous entendons juste le chant des oiseaux sans pouvoir les apercevoir, entourés que nous sommes par deux murs de végétation (on y aperçoit des papyrus, des bambous, des joncs, des roseaux, …). Un éléphant aperçu sur la berge par la pirogue de tête ralentit un temps notre avance. Nous repartons de plus belle !
Finalement, nous parvenons à notre camp de base sur l’île de Dicipi, un véritable havre de paix en pleine nature. Nous installons notre campement dans une grande clairière ombragée. Nous plantons nos tentes tandis que les piroguiers partent à la recherche d’eau et de bois. Il faut que je vous précise qu’ils vont rester avec nous pour surveiller le camp, faire le feu et faire le guet la nuit. Vu la température ambiante, je décide de monter la tente sans le toit ; ainsi à travers la moustiquaire supérieure je pourrais admirer le ciel. J’oubliais de vous dire que Dominique va enfin utiliser une tente ; pour être exact, il va partager la mienne. En attendant que la température baisse, nous « faisons du lard », après un repas léger à midi, étendus sur nos matelas bien à l’ombre ; matelas que nous avons du faire sécher après les fuites dans les Mokoros. Nous attendons juste le bruit du vent dans les feuilles. Un vrai bonheur, loin de la civilisation, en pleine nature !
Vers 15h30, notre guide-piroguier en chef sonne le rassemblement pour une ballade dans la savane. Nous partons sur les pistes en plein cagnard. Malheur à celui qui oublie sa gourde et sa casquette ou son chapeau. Idem pour les jumelles et l’appareil photo. Malheureusement, la marche se révèlera bien peu fructueuse : nous avons juste réussi à pister deux girafes mâles. Bien sûr nous avons beaucoup vu et entendu d’oiseaux, comme d’habitude. Cet endroit doit être réellement magique à la bonne saison !! Je dois vous avouer que nous sommes bien fatigués en rentrant au camp. D’ailleurs, nous n’avons pas été longs à trouver le sommeil. Pour nous délasser, nous demandons à nos piroguiers de nous conduire jusqu’à la piscine : il s’agit en fait d’un bras d’eau claire où il y a du courant, l’idéal pour se rafraîchir après cette longue marche sous le soleil. Après ce bain rassérénant, nous avons pu déguster la cuisine de Dominique, qui n’a rien à envier à celle de Percy qui est resté au camping pour garder le camion et faire les courses pour la suite du circuit. Il nous a donc grillé une succulente viande bœuf servie avec des pommes de terre à la crème. Pendant le repas, Dominique nous fait la preuve de ses talents en attirant une petite chouette, juste en imitant son chant !!
Vendredi 11 avril, Dicipi Island, 5h00
Branle bas de combat dès 5h du matin ! Il faut dire que le guide veut partir à l’aurore. Une fois encore, nous prenons le p’tit dèj’ à la lueur des lampes ! Pour une fois personne n’est « tombé » du lit. Tout le monde a dormi jusqu’au bout. Il faut dire qu’il n’y avait pas de douche à prendre !! Après ce déjeuner à la belle étoile rapidement expédié, nous nous mettons en marche alors que le soleil peine encore à se lever. Nous commençons par surprendre une famille de babouins qui s’éveillent et qui descendent de leurs palmiers. Nous les observons de longues minutes avant de continuer. C’est alors que nous tombons nez à trompe avec un jeune éléphant apeuré qui tournent les talons et s’enfuit rapidement. Nous le pistons pendant quelques temps sans jamais réussir à l’approcher vraiment. Notre guide nous conduit ensuite vers un épais massif d’herbes hautes qui semblent impénétrables. Pourtant, il y trouve un étroit sentier plutôt humide qui zigzague jusqu’à nous conduire au bord d’un étang. Et là, miracle, nous découvrons une famille d’hippopotames qui prend paisiblement son bain. Nous restons là un long moment à les observer et les photographier dans le plus grand silence. Quel moment magique avec le soleil qui se lève !! En poursuivant notre progression, nous découvrons quelques Tsessebe peu farouches (des Damalisques en français), puis encore un Stenbok et quelques Impalas. Sur le chemin nous recroisons la route des babouins en pleine savane. Tout au long du chemin, nous avons pu observer des traces d’animaux sans pouvoir tous les apercevoir : éléphant, girafe, buffle, léopard, …
Enfin, après quatre heures de marche, nous rentrons au camp pour un repos bien mérité. J’en profite pour écrire mes cartes postales au milieu de nulle part, puis mon carnet de route. Le départ de la ballade de l’après-midi est repoussé pour éviter les grosses chaleurs. Mais faute de combattants (eh oui les cons du groupe commencent à tomber le masque !!), elle se transforme en « croisière » sur les canaux ! Lors de la pause, nous découvrons même un tibia d’éléphant. Un moment très apaisant au son de l’eau et des oiseaux ! La dernière soirée dans le Delta s’annonce. D’ailleurs, ce soir, nous sommes quasiment cernés par les flammes du feu allumé par les autochtones pour faire fuir les éléphants, quel dommage !! Nous profitons de cette dernière dans ce quasi paradis.