Carnet de voyage au Kalahari (2)

Publié le par Jérôme Voyageur

Lundi 27 février 2006, au milieu de nulle part dans le Kalahari

 

 

L’orage a finalement été court mais violent. Aux dires de Fred et Béa, c’est un de leurs plus gros orages depuis qu’ils sont en Afrique. Ce matin, tout est humide. Les matelas, les toiles de tente, et même certains sacs. Et que dire de la végétation ! Le moindre pas vous trempe. Puisque le soleil ne daigne pas se montrer, nous finissons par lever le camp sans attendre le séchage. Heureusement, la piste est bien plus roulante que celle de la veille. Nous avançons donc avec un bon rythme. La piste est magnifique, pleine de verdure, avec de nombreuses plaques fleuries. Dès que nous passons au sommet des petites bosses, la vue se révèle magnifique, avec de grandes prairies vertes.

 

Histoire de perdre un peu de temps, nous trouvons le moyen de mettre une roue dans un trou, malgré la mise en garde de Fred. Dommage, il y en avait deux ! Comme la radio ne passe plus et que nous sommes le second véhicule, il ne reste plus qu’à attraper la pelle pour sortir de là. Quelques pelletées plus tard, le trou est adouci et nous pouvons repartir. Nous commençons aussi à apercevoir quelques animaux : deux oryx par-ci, un phacochère par-là, une outarde kori et un serpentaire (deux énormes oiseaux qui arrivent quand même à voler). Nous finissons par atteindre une grande piste à « chaussées séparées ». Nous virons à droite persuadés que c’est la bonne direction, en roulant côté à côte. Il nous faut bien une dizaine de kilomètres avant de nous rendre compte que nous faisons fausse route. Le raccourci d’hier nous a fait ressortir plus au nord que prévu.

 

Un demi-tour et trente cinq kilomètres plus tard, nous atteignons enfin notre but, l’entrée du parc transfrontalier de Kgalagadi (ex Gemsbok National Park côté Botswana et Kalahari National Park côté sud-africain). En langage buhsman, Kgalagadi signifie lieu de la soif, tout un programme ! L’endroit est quasi neuf et visiblement assez peu fréquenté à en lire les registres de passage. Les derniers français sont passés au mois d’octobre ! Et nous serons les seuls touristes dans le parc pendant les premiers jours. Après de longues minutes de palabres, nous finissons par entrer dans le parc. Là aussi, la nature est très verte et opulente. Cela change beaucoup quand on a eu l’habitude de voir le bush desséché. Plus que quelques kilomètres avant d’atteindre notre lieu de bivouac. A hauteur du pan de Monamodi, nous apercevons un troupeau d’une dizaine d’oryx déambulant paisiblement sur le vert tapis recouvrant le pan asséché. Un peu plus loin, nous retrouvons de nouveau des oryx au milieu de la piste, et, de part et d’autre, de nombreux springboks (cela faisait bien deux ans et demi que je n’en avais plus vu !).

 

Finalement, nous débouchons sur une cuvette inondée ; voici notre lieu de villégiature, le pan de Mabuasehube, littéralement « l’endroit où la terre est rouge ». L’endroit est excellent, aménagé avec toutes les commodités (même une douche de plein air) et surtout une superbe vue sur le pan. Accessoirement, l’endroit est habité par une colonie d’écureuils terrestres dont les galeries débouchent un peu partout au milieu du camp. Et pendant le repas, c’est un couple de calaos à bec jaune qui nous rend visite, ou plus exactement au 4*4. Ils commencent par y rentrer avant de s’intéresser aux rétroviseurs. Le miroir semble à la fois les intriguer et les déranger. Ils les attaquent à coups de bec croyant avoir à faire à des intrus ! Un bon moment de rigolade en perspective ! Après un bon repas, nous finissons de nous installer, de faire sécher toutes les affaires : ceci se fait assez vite avec la chaleur et le vent. Une bonne douche finit de nous ragaillardir.

 

Vers 16h30, nous embarquons dans les véhicules pour le premier safari du voyage. Nous commençons simplement en contournant le pan où nous sommes installés. Après les quelques gouttes du départ, de superbes couleurs s’offrent à nous avec un ciel constellé de nuages, un dégradé de vert surprenant et quelques reflets rouges du sol. En observant quelques oiseaux, dont l’énorme outarde kori, nous finissons par apercevoir, avec Béa, la tête d’une lionne, un peu plus loin, dépassant des graminées qui cernent le pan. Après une approche assez silencieuse, nous finissons par apercevoir le mâle et quatre jeunes (deux femelles, et deux mâles d’environ 1 à 2 ans) sur les rochers tout proches. Le plus fascinant est que nous les voyons petit à petit. Car dans un premier temps, nous n’en apercevons que deux, dont le mâle. Après de longues minutes, il finit par descendre de son poste d’observation et traverse le champ herbeux pour rejoindre sa dulcinée. Quelques minutes plus tard, c’est le tour des jeunes (un, puis deux autres, puis le dernier) qui en profitent pour jouer. C’est donc finalement six lions qui finissent par se retrouver à quelques mètres à peine de nous. Ils font preuve de beaucoup de curiosité, surtout les plus jeunes, et n’hésitent pas à approcher très près. Un véritable régal ! Instant d’angoisse très court dans les véhicules aux vitres ouvertes. Mais ils n’ont rien à faire de nous ! Ils nous passent devant, poursuivant vers la piste que nous venons d’emprunter. C’est finalement qu milieu de celle-ci qu’ils finissent par s’installer. Il ne nous reste plus qu’à patienter en les observant. Le moment est magique avec cette lumière post-orage. Mieux que dans un film ! Un des jeunes mâles vient s’installer tout près pour faire sa toilette : comme un gros matou, mais particulièrement musculeux !! Après plus d’une heure d’observation, nous décidons de couper hors piste pour les contourner et rejoindre la piste un peu plus haut, à la jonction avec la piste principale. Là encore, ils nous suivent. Seul le mâle dominant reste à sa place tout en surveillant. Les autres finissent par nous cerner, mais de loin, cachés dans les herbes (seules les oreilles et le haut de la tête dépassent). Nous refaisons donc une pause, surtout que cette fois, l’arrière-plan est constitué par le pan.

 

Sur le chemin du retour, nous faisons une halte au niveau du lieu de bivouac voisin du nôtre afin d’observer le pan sous un autre angle. Nous voyons alors détaler un gnou puis un autre, probablement effrayés par la présence voisine des lions. Un vol de cigognes passe au-dessus de nos têtes et viennent se « brancher » derrière nous. Il s’agit de cigognes d’Abdim. Mais cette fois, c’est l’heure de rentrer au bivouac. Juste à temps pour profiter du couchant, sur le côté du pan. Puis nous finissons par apercevoir les silhouettes léonines marchant le long du pan, en contrebas de notre camp, juste à la lisière des graminées. Désormais, ils peuvent être n’importe où près du camp. Un court instant de crainte parcourt le groupe : il faut désormais respecter les consignes à la lettre ; ne pas s’éloigner du campement, rester dans les tentes la nuit et tout se passera bien ! Et l’ambiance revient, Domi continuant à nous amuser. Pendant le café, nous profitons du ciel étoilé : il est tout simplement extraordinaire, merveilleux, et surtout difficile à décrire ; il faut le vivre. En quatre fois, je crois n’en avoir jamais vu d’aussi chargé. Des étoiles à perte de vue, une Voie Lactée qui s’étire, qui s’étire … d’un horizon à l’autre. Et dans les jumelles, c’est encore plus merveilleux. Nous retrouvons assez facilement la Croix du Sud tandis que Béa nous montre les Nuages de Magellan. Il y a même quelques étoiles filantes qui fendent le ciel. C’est le moment de faire un vœu. Les observations se poursuivent à l’aide du projecteur. Des paires d’yeux nous guettent. Probablement celles de lièvres sauteurs. Finalement, chacun regagne sa tente, escorté par le faisceau lumineux. Une belle nuit en perspective … et sèche !!

 

 

Mardi 28 février, pan de Mabuasehube

 

 

Réveil matin vers 6 heures et même avant. Les premières lueurs de l’aube apparaissent alors que s’éteignent les dernières étoiles. Finalement, nous n’avons pas eu de visite nocturne de la part des lions. La nuit fut donc calme et un peu fraîche sur la fin. Après un léger petit-déjeuner, nous partons en direction du pan de Khiding à l’ouest.

 

Les premières minutes ne nous permettent que d’admirer les paysages, avec cette piste rouge contrastant avec le vert des graminées de part et d’autre, et le bleu pur du ciel. En chemin, nous apercevons un couple de francolins du Kalahari, directement sur la piste. En levant un peu les yeux, c’est un lièvre qui saute d’un côté à l’autre. Finalement, nous débouchons sur les « hauteurs » de Khiding pan. Un rapide coup d’œil nous laisse présager de belles choses. En lieu et place de l’eau, ce pan est recouvert d’une grande prairie herbeuse sur laquelle broutent paisiblement de nombreux animaux.

 

Les premiers sont deux bubales rouges au cuir magnifique. Ces antilopes sont facilement reconnaissables à leurs cornes au bout recourbé vers l’arrière. A gauche et à droite paissent plusieurs oryx. Derrières les bubales, ce sont de jeunes autruches. Mais c’est rapidement la cavalcade à l’arrivée d’un mâle adulte qui traverse le pan à pleine vitesse à leur poursuite. Nous découvrirons un peu plus tard qu’il éloignait les gêneurs de sa femelle et de sa toute jeune progéniture (les petites têtes apparaissent de temps en temps au-dessus des herbes). Un peu plus sur la gauche, nous apercevons des mouvements dans les graminées. Un coup de jumelles nous laisse apercevoir de grandes oreilles Il s’agit en fait d’otocyons, un genre de renard à grandes oreilles (en anglais, on l’appelle « bat eared fox »), emblème des parcs nationaux au Botswana.

 

Sur la droite, c’est une dizaine de gnous bleus qui broutent paisiblement, pas du tout perturbés par ce qui se passe autour. De ci, de là, bien évidemment, les traditionnels springboks. Nous faisons lentement le tour du pan pour admirer toute cette faune évoluant paisiblement sans perturbation humaine, ni prédateur. En faisant une pause sur un des lieux de bivouac de ce pan, nous découvrons une empreinte de léopard. Si seulement on pouvait en voir un ! En attendant, nous profitons des jolis tapis de fleurs, au choix jaunes, bleues, ou rouges. En repartant de là, c’est toute la famille bubale, avec trois jeunes, qui défile sur le pan. Un dernier coup d’œil et nous partons vers le pan de Mpaathutlwa.

 

Celui-ci est en eau et offre des couleurs surprenantes. Par moment, la surface semble être de sel tellement elle est blanche. Pour voir les animaux, il faut des jumelles : ils sont tous de l’autre côté, encore une fois des oryx et une centaine de springboks qui n’apparaissent même pas à l’œil nu. Trois autruches flânent aussi par-là. Avec toutes ces belles images dans les yeux, nous reprenons la direction de « notre » pan, en empruntant une piste bien rouge cernée de hauts murs verts. Soudain, nous apercevons trois vautours installés sur des arbres à droite de la piste (un tête blanche massif et deux dos blancs). Dans le ciel, trois autres font des cercles. Il y a sûrement une charogne dans les environs mais impossible de l’apercevoir depuis notre position. Du coup, nous retournons au campement pour déguster une bonne salade. Nos amis les calaos sont de retour après leur visite du petit déj’.

 

La pause de l’heure chaude est écrasée par le soleil de plomb. Tous les nuages ont disparu et le moindre passage au soleil se ressent ! Il doit bien faire 35°C. Mais cela pourrait être pire. Dès le repas, les écureuils terrestres installés sous le camp tentent une approche. Ils sont de moins en moins craintifs, venant jusque sous la table ! Il suffit de se poster devant un terrier et de patienter pour être sûr de réussir un cliché sympa. Certains se lancent dans une partie de tarot acharnée pendant que les autres bouquinent.

 

Vers 16 heures, nous levons le camp. Cet après-midi, nous allons essayer de faire le tour de notre « pan ». Il faut dire que la veille, nous n’avons fait que cinq cents mètres, la faute aux lions. Pour la faune aussi, la chaleur est accablante et nous les voyons assez peu. Seuls les plus solides sont là : on retrouve donc oryx et springboks broutant autour du pan. Plusieurs outardes kori les accompagnent. Nous apercevons deux grands koudous, au loin, sur la rive opposée. Petit à petit, nous progressons dans les paysages splendides de savane encore richement herbacée, piquée de quelques arbres et arbustes. A l’un des autres lieux de bivouac nous trouvons à nouveau de nombreux écureuils très affairés. Ayant bouclé notre tour, nous apercevons à nouveau des otocyons en contrebas de la piste, dans les hautes herbes. Ils traversent même la piste mais impossible de les suivre bien longtemps. Nous changeons alors de piste croyant aller vers un autre pan plus au nord. Peine perdue, nous avons repris celle conduisant à l’entrée du parc. Néanmoins, avant de faire demi-tour, nous avons pu observer sur la piste un lièvre ainsi qu’un couple de perdrix namaqua. Sur le chemin du retour, nous commençons par croiser un steenbok mâle, bien moins farouche que ses congénères. Cette petite antilope aux grandes oreilles et aux petites cornes est vraiment adorable. Revenus près du pan, nous pensons encore avoir à faire aux otocyons, toujours au même endroit. Des petites têtes progressent parmi les herbes : ce n’est qu’au débouché sur le pan que nous constatons qu’il s’agit en fait d’un couple de chacals.

 

Dernier détour par GMA2, le bivouac voisin qui nous sert de poste d’observation, puis nous retournons au camp. Après un repas agrémenté d’un succulent filet de bœuf, aussi fondant que du beurre, nous finissons autour du feu en sirotant nos cafés et nos tisanes. La voûte céleste est encore plus magnifique que la veille tellement le ciel est pur ce soir. La Voie Lactée court d’un bout à l’autre du ciel. Des milliers d’étoiles scintillent dans le ciel africain. On aperçoit même, de temps en temps, quelques étoiles filantes. Quel spectacle magnifique à rester au coin du feu à regarder le ciel et à écouter les bruits nocturnes de la nature ! Encore une belle journée, quoi que moins riche en moments forts.

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