Carnet de voyage au Kalahari (3)

Publié le par Jérôme Voyageur

Mercredi 1 mars 2006, pan de Mabuasehube

 

 

Nouvelle nuit calme. Fred, Claude et Elisabeth ont néanmoins entendu un léopard tout proche pendant la nuit. Ce matin, nous partons pour la « Khiding loop ». Direction donc le pan de Khiding. Au premier abord, on y voit toujours les mêmes espèces : springboks, outardes kori et oryx. Et pourtant, la prairie au fond du pan fourmille de vie. Il suffit de regarder à travers les jumelles pour s’en rendre compte. Des suricates commencent à pointer leur petit museau vers le soleil matinal qui commence à chauffer. Les sentinelles du désert sont en place ! Un peu plus loin, on aperçoit des paires d’oreilles. Il s’agit là de toute une famille de chacals avec quatre petits. Ce que nous croyons être un jeu entre eux semble être un repas sur une carcasse. Un petit peu plus loin, il semble qu’il y ait deux petites têtes d’otocyons mais difficile de réellement les distinguer. En nous déplaçant un peu plus loin sur le pan, nous retrouvons la famille autruche de la veille, la mère devant les petits et le père pour fermer la marche. Nous allons peut-être assister à une belle scène : les chacals guettent l’arrivée des autruchons. Mais gare aux parents. Tour à tour, la femelle et le mâle chargent au triple galop. Finalement les chacals se divisent en deux groupes avant de rebrousser définitivement chemin. A l’autre bout du pan, un bubale refait son apparition. Puis c’est au tour d’un tout jeune oryx de traverser la plaine au galop : il semble avoir perdu sa mère.

 

Après cette mise en bouche, nous partons pour notre boucle. La première étape est au pan de Malatso. Il est assez petit et sans eau. On y aperçoit un oryx et plusieurs suricates perchés sur leur monticule de terre. On poursuit ensuite sur Mogobewatihangwe Pan, le plus à l’ouest. La piste est plutôt sauvage ; par contre, on y croise de nombreux steenboks mâles ou femelles. Ils commencent à être un peu moins farouches. Il y a même un grand koudou mâle qui détale. Ce pan n’est pas vraiment intéressant, désert qu’il est. En plus, la piste ne fait que l’effleurer sans offrir le moindre point de vue. Un peu plus loin, on longe un pan sans nom avant d’atteindre Mokgalo Pan, lui aussi assez quelconque. C’est un peu plus loin sur un pan absent des cartes que nous tombons sur deux troupeaux, un d’oryx, et surtout, une quinzaine d’élans du Cap, une des plus grosses antilopes qui soit. Malheureusement, ils sont particulièrement craintifs et l’arrivée du second 4*4 est fatale à l’observation. Plus loin encore, nous trouvons un autre pan inconnu sur les plans. Nous finissons par retourner au campement pour la pause de la mi-journée. Ce matin est un jour particulier : nous avons enfin croisé deux véhicules, sud-africains d’origine. Nous ne sommes plus seuls, mais nous ne risquons pas encore la surpopulation touristique.

 

Après la désormais traditionnelle et incontournable partie de tarot (pendant que les autres font chauffer les appareils photos sur les écureuils, les calaos, le francolin ou encore l’outarde Korhaan particulièrement bruyante !), nous repartons sur les coups de 17 heures. Cette fois, il s’agit de refaire le tour du pan de Mabuasehube. La faune rencontrée est plutôt clairsemée : quelques rares steenboks, des springboks, des outardes kori et quelques autruches. Nous nous replions donc sur l’observation de l’avifaune, principalement les petits oiseaux, plus faciles à observer. En revanche, nous profitons de ce tour pour admirer encore une fois le paysage offert. Les dégradés de vert sont impressionnants. Quant à l’eau, elle change de couleur selon le point d’observation. L’Afrique comme ça est vraiment très belle. En chemin, nous tombons sur la trace d’une hyène (empreintes et excréments) qui doit dater de la veille, mais point d’animal alentour. Il faut dire qu’à cette période de l’année, la nature offre une telle possibilité de dissimulation qu’il serait vain de vouloir débusquer les animaux à tout prix. Patience et persévérance !

 

Nous terminons la journée sur les bords du pan. Les nuages arrivés en fin d’après-midi nous offre un couchant très coloré. Et c’est tout le pan qui bénéficie de cette lumière. Encore une belle journée dans le Kalahari qui se termine autour du feu de camp.

 

 

Jeudi 2 mars, pan de Mabuasehube

 

 

Comme d’habitude, j’ai dormi du sommeil du juste. Et donc, encore une fois, je n’ai pas entendu le léopard ni les chacals. Ce matin, nous partons à la découverte d’un nouveau pan, celui de Losoloago dès le petit matin. Nous parvenons à une cuvette verdoyante d’une taille respectable. A peine arrivons-nous qu’un groupe d’une quinzaine de gnous détale. Nous ne les verrons que dans les jumelles. A l’autre extrémité du pan, nous distinguons trois oryx bien tranquilles. Approchant d’une outarde kori, c’est tout un groupe de cinq gros oiseaux non identifiés qui décolle avec l’outarde au-dessus de la plaine. Nous faisons alors une pause sur l’un des lieux de bivouac. De ce point de vue, nous pouvons apercevoir un couple de chacals aller et venir sans objectif visiblement précis. Le jeu consiste à découvrir où ils vont réapparaître lorsqu’ils disparaissent dans les hautes herbes. En ce début de journée, l’endroit est plutôt calme. Il n’y a guère que les outardes Korhaan qui brisent le silence. De la taille d’une poule, de couleur noire, ces volatiles ont la particularité de pratiquer le parachute. Pour impressionner les femelles, les mâles s’envolent puis se laissent tomber en formant un parachute avec leurs ailes !  Nous allons pouvoir en observer une pendant un long moment à côté du véhicule. Claude s’amuse même à l’enregistrer puis à lui repasser la bande son. Le désarroi de cette pauvre outarde entendant quelqu’un d’autre chanter sur son territoire nous fait bien rire. Juste avant, c’est une mangouste jaune qui se dissimulait sous les buissons. La seule percée qu’elle tente sur la piste est fugace : pas de photo de la mignonne petite mangouste.

 

Le spectacle étant terminé, nous quittons ce lieu pour reprendre la piste vers les pans de Monamodi. En chemin, nous apercevons quelques steenboks cachés dans les hautes herbes et plusieurs couples de gangas Namaqua ( ex perdrix des sables) qui persistent à rester sur la piste malgré la présence des véhicules. Plusieurs fois, nous sommes à deux doigts de les écraser, même en faisant attention. A plusieurs reprises, nous constatons que les pistes sont très utilisées par la faune : les empreintes sont diverses et nombreuses ; il ne nous reste plus qu’à en voir les propriétaires.

 

Enfin, nous parvenons au premier des pans de Monamodi. Est ce l’heure plus tardive ou le lieu ? Toujours est-il que l’endroit est beaucoup plus vivant. Nous dénombrons pas moins de vingt-cinq oryx en train de paître. N’oublions pas les springboks qui sont enfin sortis, et un gnou solitaire au milieu de cette ménagerie. En contournant le pan, nous retrouvons à nouveau des oryx. On comprend mieux pourquoi le parc s’appelait Gemsbok National Park (gemsbok est le nom anglais de l’oryx) : c’est vraiment leur endroit. Un peu plus loin, nous tombons sur un groupe de suricates : ces bêtes son formidables à observer, dressées sur leur terrier à faire la vigie. Elles semblent totalement désarticulées pour guetter dans toutes les directions. Dressées ainsi, on pourrait croire à des petits humains ! Un peu plus loin encore, nous assistons à un face à face entre un suricate et un écureuil dressés face à face à quelques mètres de distance. Nous continuons notre progression, toujours accompagnés par les nombreux oryx du jour. Au détour du dernier pan, hormis les oryx, ce sont les petits springboks qui nous offrent leur show. D’abord très calme, ce groupe d’une bonne cinquantaine de têtes se met dans l’idée de déguerpir. Mais pas n’importe comment ! En effet, ils partent en bondissant, de leur saut caractéristique. Aucun ou presque ne touche la piste : ça saute d’un bord à l’autre. Ainsi, en quelques minutes, le troupeau se retrouve de l’autre côté du pan. Sur ces dernières images, nous reprenons la piste vers notre campement, croisant à nouveau quelques gangas Namaqua et steenboks.

 

Retour au camp sans nos calaos ! Serait ce jour de RTT pour eux ? En revanche, nos copains les écureuils sont toujours présents, toujours aussi actifs et malicieux. Ceci n’empêche pas nos acharnés de reprendre leur partie de tarot. Autour on s’occupe comme on peut : par la lecture, l’écriture ou même simplement par le spectacle comique offert par les joueurs. Et nos calaos finiront par revenir, que nous puissions les voir une dernière fois.

 

Vers 17 heures, nous rembarquons pour un dernier tour dans cette partie du parc national. Fred et Béa ont choisi un des endroits qui nous a le plus réussi, à savoir le pan de Khiding. Et nous ne sommes pas déçus. Dès notre arrivée, nous tombons sur un troupeau d’oryx au milieu duquel s’est perdu un gnou qui suit le mouvement. Comme d’habitude, ils détalent aux premières prémices de bruit. En levant les yeux, nous constatons qu’une fois encore cette plaine est bien habitée. Au loin, on peut apercevoir des troupeaux de gnous, d’oryx et de springboks. En plus des ruminants, on note aussi la présence des désormais traditionnelles outardes, la grande et majestueuse kori, et la petite et bruyante korhaan (ou « ventre noir »). En faisant le tour du pan, nous mettons plusieurs oryx et gnous en déroute. C’est fou ce que ces animaux sont craintifs. Des coups de jumelles réguliers sont nécessaires pour tenter de débusquer un prédateur mais rien à l’horizon. Ayant quasiment fait le tour de la cuvette, nous apercevons deux chacals partis en maraude dans la plaine. Mais soudain, c’est la reculade. Cinq otocyons sortent de nulle part et repoussent le premier chacal. Et cela dure de longues minutes : la poursuite continue à travers la plaine, s’arrête puis reprend un peu plus tard. Il est assez comique de voir ces deux petits mammifères aux grandes oreilles lutter ainsi, sans même déranger les autres autour. Les oryx mis en fuite précédemment reviennent lentement avant de repartir et revenir à nouveau. C’est le mouvement perpétuel : il se passe toujours quelque chose dans ce pan.

 

Nous repoussons l’heure du retour au-delà des limites espérant croiser un prédateur en chasse. Mais en vain. Idem pour la piste de retour en pleine nuit. A certains endroits, c’est tout juste si on distingue la piste, même avec les phares, tellement les graminées ont poussé. Retour au camp pour un dernier repas et une dernière veillée à Mabuasehube. Demain, nous partons plein ouest vers l’Afrique du Sud.

 

 

Vendredi 3 mars, pan de Mabuasehube

 

 

Ce matin, malgré un réveil toujours aussi ponctuel, nous décollons plus tard. Pas de safari au programme. En effet, nous plions le camp pour explorer une autre partie de cet immense parc de Kgalagadi. Après avoir fait place nette, nous partons vers le sud en direction tout d’abord du pan de Mpaathutlwa. Il est particulièrement grand au sein d’une cuvette bien formée. Ici encore, c’est un petit coin de paradis pour les ruminants. Les troupeaux d’oryx et de springboks sont nombreux. De temps en temps, un gnou traîne au milieu. Cette fois, on aperçoit même une petite famille avec un petit. Ils sont en train de lécher le sel à la surface du pan. De l’autre côté, c’est une bonne dizaine d’autruches qui gambadent tranquillement. Dans un coin, c’est un petit chacal qui erre. Nous essayons de trouver quelques prédateurs sur les hauteurs, postes d’observation idéaux pour voir ce qui se passe dans la plaine. Peine perdue. Ils ne sont pas là ! Il y a juste les traces fraîches du passage d’un lion, ainsi que plusieurs vanneaux couronnés.

 

Nous remettons alors le cap, toujours au sud vers le pan de Bosobogolo, le plus au sud de cette partie du parc. C’est la première fois que nous y passons du fait qu’il est très excentré. Nous utilisons la piste gaiement sans trop prendre garde à la vitesse. Quelle n’est pas notre surprise quand nous tombons nez à nez avec un tracteur en train de passer son gyrobroyeur pour nettoyer un peu le milieu de la piste ! Enfin, nous arrivons aux abords de ce dernier pan. Celui-ci aussi est particulièrement grand. On y aperçoit bien évidemment des oryx et des springboks mais aussi des gnous et des outardes, petites et grandes. Mais comme la plupart, l’eau y est totalement absente : à la place, on ne trouve qu’une verdure épaisse. D’ailleurs, à Mabuasehube, l’étang a rétréci à vue d’œil pendant notre séjour. Il y a fort à parier qu’au retour, Fred et Béa le trouveront à sec. Après environ un quart de tour pour contourner le pan, nous atteignons enfin un panneau important pour la suite du périple : « Nossob valley, 170 km ».

 

En effet, la prochaine étape de notre reconnaissance est prévue près du lit de la rivière délimitant la frontière entre le Botswana et l’Afrique du Sud, toujours en plein parc « international ». Mais pour l’atteindre, il faut traverser une bonne partie du Kalahari d’est en ouest. Et là, il s’agit réellement d’aventure. Aucune assistance n’est possible en cours de route (euh, de piste !). Nous devons partir en complète autonomie. Et nous voici en piste pour de longues heures. Celle-ci est bien tracée mais particulièrement étroite (gare aux croisements éventuels, quoi que rares, voir inexistants au cours de notre passage) et très sinueuse. On arrive bien à faire des pointes à 40 km/h !! Malgré tout, nous sommes tous surpris par les paysages. Tout le monde s’attendait à un désert de sable. Mais ce n’est pas réellement le cas. Le sol est effectivement composé de sable, alternativement rouge ou blanc. En revanche, il est recouvert d’une végétation impressionnante. Les arbres sont nombreux de bout en bout. Ne parlons pas des graminées qui recouvrent de larges surfaces laissant parfois penser que nous sommes au milieu d’un champ. Et que dire des nombreuses fleurs qui ajoutent des touches de couleur à ce tableau déjà riche.

 

Mais la piste n’est en rien monotone : le paysage change souvent, la végétation dense laissant petit à petit place à des zones plus « désertiques ». De temps en temps, le terrain se vallonne du fait de la présence de dunes herbacées. Il est difficile de décrire ces différents paysages mais toujours est-il qu’on en prend plein les mirettes. Qui plus est, dans la première partie de la piste, nous traversons régulièrement des petits pans sans nom, environ tous les dix à quinze kilomètres. Et c’est l’escalade à chaque fois. Sur le premier, c’est un groupe très dense d’oryx, environ trente-cinq, qui nous accueille. C’est plus une masse compacte que des individus qu’on observe. Au suivant, en plus d’une cinquantaine d’oryx, nous découvrons une vingtaine de bubales rouges accompagnés de petits, dont certains tètent leurs mères sous nos yeux. Au troisième, ce sont des élans du Cap qui accompagnent des oryx ainsi que des springboks.

 

Par la suite, nous continuerons à apercevoir un peu de vie : quelques oryx solitaires, quelques bubales mais surtout des steenboks, qui, bien que d’apparence frêle, semblent les plus résistants à ce milieu hostile. Les outardes sont toujours présentes, quoi que moins nombreuses. Par contre, on redécouvre les énormes nids collectifs de tisserins républicains sociaux.

 

Non loin du but, nous traversons un lit de rivière asséchée : voici ce qui reste de la Nossob, qui n’a plus coulé depuis des décennies. Elle accueille néanmoins quelques gnous, et parmi eux, un petit qui tète goulûment.

 

Ca y est, nous voici en terre sud-africaine (officieusement, car nous n’avons pas encore franchi la douane). En fait, on ne réalise les formalités douanières qu’aux limites du parc transfrontalier, quand on sort du parc. On pourrait même imaginer ressortir par l’endroit où on est arrivé sans jamais passer la douane !! En revanche, tant la piste que l’équipement du camp de Nossob ne laissent pas de doute sur le changement de pays. Ce campement se trouve à peu près au milieu de la partie sud-africaine du parc. L’épicerie reste tout de même faiblement achalandée(c’est que la civilisation est encore loin !) et personne n’accepte autre chose que du rand et difficilement du pula (la monnaie du Botswana). La piscine est, quant à elle, bien plus accueillante et bienvenue : quel plaisir que ce petit bain ! Et pour terminer, des sanitaires tout ce qu’il y a de plus moderne. Bien évidemment, de ce côté du parc, nous ne sommes plus seuls : les 4*4 sud-af’ avec leur équipement de campement sont bien présents. Et le camp est entièrement clôturé, là où la veille nous étions totalement en liberté !!

 

Voici pour notre première nuit en terre sud-africaine, nuit qui clôture une journée marquée par deux incidents mécaniques. Sans eux, la reco n’en aurait pas été une. Rien de grave tout de même. D’abord une crevaison pour Fred qui nous a obligé à creuser la piste pour réparer, et une surchauffe pour Béa suite à l’accumulation de graminées dans le radiateur et partout dans le véhicule !

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