Carnet de voyage au Kalahari (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

Samedi 4 mars 2006, camp de Nossob

 

 

Changement de pays et changement de température : le réveil est plus que frais ce matin, même avec le duvet. Il fait bon autour de la bouilloire ! Nous attendons 6h30 que les portes du camp ouvrent pour partir vers le nord de la vallée de Nossob. Ici, la piste est large et on ne craint pas grand chose pour les 4*4. en fait, elle est tracée dans ce qui fut le lit de la rivière. La dernière fois que l’eau a coulé, c’était dans les années soixante. Désormais, ce sont la plupart du temps des grandes prairies vertes piquées d’arbres. Et de part et d’autre, deux grandes dunes herbacées. Un paysage bien sympathique plein de contrastes.

 

Assez rapidement, nous apercevons deux chacals qui trottent tout près. Monsieur jappe pou sa femelle, tandis que Madame se fait les dents sur un morceau de bois. Nous sommes impressionnés par le nombre d’herbivores présents dans cette vallée. Les oryx sont présents par centaines (en différents troupeaux quand même !). On observe aussi de nombreux bubales rouges de tous âges. Pour la première fois, les gnous sont présents en nombre respectable. A un endroit, ils ont même fait coucher les petits en cercle au milieu du groupe. Un peu plus loin, arrivés à un trou d’eau artificiel, ce sont de nouveau des chacals qui nous font le spectacle. En venant boire, ils se reflètent joliment à la surface. Nos « amis » les chacals continuent à nous amuser. Cette fois, c’est un groupe de cinq qui essaie d’en chasser un sixième. Et ça cavale, et ça cavale. Nous avons enfin la chance d’apercevoir des otocyons d’un peu plus près et « entiers ». Ils sont trois, installés au pied d’une souche. Ils sont mignons avec leurs grandes oreilles et leur fourrure. En revanche, ils sont experts dans la technique de creusement. Le sable gicle à grandes volées derrière eux !

 

Pendant longtemps, nous sommes seuls sur la piste. Puis finissent par arriver les sud-af’, pas trop n ombreux, heureusement, avec leurs cigarettes et leurs canettes de bière !! Chemin faisant, nous les retrouvons arrêtés en bord de piste. A première vue, il n’y a rien de particulier à l’horizon hormis un troupeau de springboks et deux groupes d’oryx. Par acquis de conscience, nous sortons les jumelles pour être sûrs de la raison de cet attroupement. Et nous découvrons l’objet de tous les intérêts : un guépard assis dans la plaine au milieu des hautes herbes. Une longue attente débute. Très vite, nous n’apercevons plus que sa tête, puis plus rien. Alors nous attendons jusqu’à e qu’il se relève pour avancer de quelques mètres, tous les muscles tendus, toujours en direction des springboks, au milieu desquels se trouvent quelques cibles de choix, des petits. Et puis il se recouche à nouveau pour de très longues minutes. Nous finissons par monter sur le toit du 4*4, en plein cagnard, pour mieux voir la scène qui se trame. Quelques oryx passent non loin du guépard sans même le voir. Lui ne détourne même pas la tête : ces animaux sont bien trop gros pour lui. Et le manège continue ! Jusqu’à ce qu’un oryx finisse par apercevoir le guépard au moment où il s’avance. Le message semble passer au mâle springbok qui finit par faire reculer son groupe. Pour l’instant, la chasse semble avortée. Nous n’aurons récolté qu’un bon coup de soleil. L’heure avance et nous en profitons pour rentrer au camp. En chemin, nous retrouvons les oryx au même point d’eau, en train de lécher le sol, accompagnés de gnous qui font de même. Plus loin, c’est une dizaine d’autruches qui s’éloignent de la piste.

 

Pendant le repas de midi, décision est prise de participer au « night drive » organisé par l’administration du parc. Ceci annule, de fait, notre propre sortie de l’après-midi. Pour 110 rands (soit environ l’équivalent en francs), nous devrions faire un safari de 18 à 21 heures. En attendant, chacun profite de l’après-midi à sa façon. Les activités sont variées : lessive, lecture, écriture, baignade à la piscine et l’incontournable tarot. Vu que l’heure du repas sera tardive, Béa et Fred organisent un petit goûter, le tea-break de 17 heures, avec boissons chaudes et petits gâteaux. Grand luxe !

 

A 17h45, nous nous présentons à la réception avec un bon quart d’heure d’avance, histoire de faire bisquer la fille de l’accueil qui nous prenait pour des gros lourds ! Nous y attend un grand camion bâché sur le dessus et équipé d’une vingtaine de sièges. Nous y rejoint le chauffeur, un sud af’ blanc avec sa queue de cheval, équipé de son arme automatique, genre M16. Quel cinéma ! Quand on pense que cela fait sept jours que nous vivons dans la nature, sans arme. Enfin bon !! Après les consignes de sécurité et la signature d’une décharge en cas d’accident, nous partons en empruntant la piste du matin. Nous qui espérions prendre de nouvelles pistes, réservées !! A chaque groupe d’herbivores aperçu dans la plaine, il s’arrête pour nous les présenter. Certes intéressant mais pas vraiment l’objectif de notre sortie nocturne : ceux-là on peut les apercevoir toute la journée ! Nous avançons ainsi pendant plus de vingt kilomètres avant de faire  la pause (au bout d’une heure) au beau milieu de la piste, même pas à un endroit plaisant pour le coucher de soleil ! Et nous n’avons l’autorisation de descendre qu’à partir du moment où il a chargé son fusil mitrailleur. C’est vrai qu’on risque beaucoup en plein découvert dans un terrain plat. Quel cinéma encore une fois ! Néanmoins, l’endroit et l’atmosphère y sont reposants. La douceur après la chaleur de la journée, les grands espaces déserts, cette lumière faiblissante. Tout concourt à ce sentiment de sérénité. C’est en repartant qu’il nous fournit deux projecteurs, un pour chaque côté. A notre charge d’en faire bon usage et de débusquer la faune.

 

Nous avançons ainsi jusqu’au second trou d’eau où nous apercevons, de loin, un chacal venu boire. Désormais, avec Fred, nous avons la lourde tâche de trouver tout ce qui bouge, et sans faiblir ! Un co-passager (le seul pour être exact) est le premier à dégainer alors que la nuit n’est pas encore totalement tombée. Il nous signale un renard du Cap, le plus petit des renards, avec son épaisse queue noire qu’il remue pour impressionner les prédateurs. Son petit museau et sa petite tête le rendent craquant. Fred réplique avec un premier lièvre sauteur. Après l’avoir vu plusieurs fois juste par ses yeux, nous découvrons enfin l’aspect de la bête. Il faut imaginer un lapin qui aurait été croisé avec un kangourou : même démarche ! Nous en verrons par la suite plusieurs dizaines tout le long de la piste. Il ne me restait plus qu’à réagir. C’est chose faite lorsqu’un rare chat sauvage africain entre dans mon faisceau. Ce très gros chat reste très longtemps dans notre lumière. Nous pouvons admirer sa fourrure sable et sa façon de faire sa toilette comme nos matous domestiques. Plus tard, nous retrouvons quelques otocyons plutôt fugaces. Le chauffeur n’est pas en reste en trouvant tour à tour sur la piste une vipère Puff Adder, grosse vipère toxique, et un beau Grand-Duc africain. Il faut imaginer une grosse chouette aux tons gris avec une sorte d’épais pantalon blanc. Sur la fin, Béa découvre une paire d’yeux dans un arbre. Mais en guise de léopard, il s’agit d’une civette commune, sorte de chat élancé. A 21 heures pile, notre ranger nous ramène au camp. Dommage qu’il roule trop vite malgré nos injonctions, empêchant certaines observations ; dommage qu’il consacre autant de temps, au début, non pas aux prédateurs mais aux « cibles ». Heureusement que nous avons vu de nouvelles espèces ce soir.

 

Ce soir encore, nous sommes un peu décalés. Et les plus courageux vont faire un trou d’eau aménagé à l’entrée du camp. Malheureusement, nous n’y voyons qu’un oedicnème tacheté. Une bonne nuit de sommeil sera la bienvenue.

 

 

Dimanche 5 mars, camp de Nossob

 

 

Pour la première fois, j’ai fait une nuit complète sans réveil en pleine nuit, ni fraîcheur nocturne. Réveillé juste un peu avant l’heure, comme si j’avais avalé le réveil !! Le camp est plié encore plus vite que d’habitude. A croire qu’on prend le coup ! Avant de partir, nous faisons un dernier tour au trou d’eau du camp, mais, comme la veille au soir, il est plutôt désert : juste quelques oiseaux.

 

Nous prenons alors la piste vers le sud, direction le camp de Twee Rivieren, à environ 150 kilomètres, où se trouve l’entrée sud-africaine du parc Kgalagadi Transfrontier. Pendant les premiers kilomètres, le paysage est morne : je veux dire par là que la plaine est vide de tout animal, simplement la verdure et les dunes de part et d’autre de la vallée. Et puis, petit à petit, la vie s’éveille, de plus en plus. On ne compte pas les innombrables troupeaux d’oryx, toujours aussi beaux et photogéniques. Ils nous font même le plaisir d’être moins farouches ce qui nous permet de les photographier de plus près. C’est d’ailleurs une caractéristique de la plupart des animaux dans cette partie du parc : avec le nombre plus important de touristes, ils se sont un peu habitués, ce qui change du contact que nous avions côté Botswana. Nous retrouvons aussi de nombreux bubales, surtout pendant la première partie du trajet. Il y a même quelques jeunes dans les groupes. Nous avons, en revanche, la chance de voir beaucoup de gnous : quelques fois solitaires, d’autres fois en compagnie d’oryx ou de bubales, mais surtout pas mal de troupeaux avec des jeunes. Cet animal semble apprécier le réconfort de l’ombre car on l’aperçoit régulièrement couché au pied des arbres.

 

C’est aussi la journée des autruches : qu’elles sont nombreuses tout au long de la piste ! La plus belle scène est sans conteste cette nurserie que nous croisons à un point d’eau. De loin, nous ne distinguons qu’une dizaine d’adultes, en partie au milieu de la piste. Mais en approchant, nous découvrons une bonne trentaine d’autruchons de toutes tailles encadrés de près par quelques adultes, qui semblent les conduire, comme une institutrice avec ses petits élèves. Il faut profiter du spectacle car il ne dure pas longtemps : toute cette petite compagnie est rapidement conduite à l’abri, loin de la piste. Bien évidemment, comme depuis quelques jours, nous croisons énormément d’outardes kori. On pourrait presque parler de troupeaux. Par contre, nous avons une chance terrible avec les serpentaires. En tout, nous avons bien dû en voir une quinzaine. Cet oiseau est vraiment magnifique et majestueux. Il tient son nom de son aptitude à attaquer les serpents en les serrant avec ses pattes avant de les attaquer à coup de bec. Dans l’après-midi, nous avons l’occasion d’apercevoir deux rolliers : ils sont toujours aussi beaux avec leurs multiples couleurs. Au plus nous allons vers le sud et au plus nous remarquons la présence des énormes nids de tisserins républicains sociaux qui y vivent à plusieurs dizaines voir centaines. Certains arbres sont totalement envahis, hébergeant jusqu’à cinq ou six nids différents.

 

Un des derniers spectacles nous est offert par une mangouste à queue touffue, toute petite et d’un beau roux. Alors que nous tentons de l’approcher lorsqu’elle arrive sur la piste, elle disparaît dans le bas-côté avant de réapparaître vingt mètres plus loin. Evidemment, nous avançons pour tenter de l’observer de plus près. Et voici que le manège recommence ! Nous décidons alors de prendre de l’avance sur elle. Mais quelle n’est pas notre surprise de la voir courir sur le bord de la piste pendant de longues minutes ! Un dernier passage sur la piste et elle disparaît définitivement de notre vue. Quelle petite bête ! Elle devait être épuisée après une telle course.

 

Cette journée ne serait pas complète sans parler du paysage. Ca celui-ci change énormément au fil des kilomètres. Nous passons ainsi de zones « vertes » à une ambiance plus désertique où nous voyons de plus en plus de dunes rouges, à nu. Plus loin, des petites falaises de pierre encadrent la piste. Autant dire que le décor offert aux animaux et aux visiteurs est parfait. Il n’y a guère que le design des deux lieux de pique-nique installés au bord de la piste qui peut laisser à désirer. Mais ils ont le mérite d’exister. Et ils peuvent avoir une utilité insoupçonnée. En effet, en portant assistance à un couple de vieux sud-africains en panne d’alternateur, nous retrouvons les suisses francophones déjà croisés à Nossob. Et ne se souhaitant une dernière fois une bonne continuation, ils nous apprennent que le sud de la Namibie, là où nous souhaitons aller, a subi de grosses inondations, jamais vues de mémoire d’homme. Eux-même ont eu des soucis pour franchir les gués ! Ca promet ! Mais pour en revenir à la vallée de Nossob, il existe, tout au long, des trous d’eau artificiels ; néanmoins, la technique sud-af’ semble assez bizarre avec ces éoliennes bien voyantes, ces énormes réservoirs et souvent pas d’eau à portée des animaux. Etrange pour un pays aussi organisé !

 

Nous arrivons finalement en milieu d’après-midi au camp de Twee Rivieren où on nous renvoie presque immédiatement du côté botswanais, à quelques centaines de mètres. Il faut dire que ce parc a la particularité, comme son nom l’indique, d’être à cheval sur deux pays. Ainsi, en traversant le parc, on passe la frontière sans formalités mais il faut régulariser la situation en sortant, d’un côté ou de l’autre. Pour la première fois depuis que je voyage, les tampons sont obtenus en quelques minutes, et nous voici de nouveau en situation régulière officiellement en Afrique du Sud. Nous pouvons alors monter le camp mais malheureusement dans un coin un peu pierreux (heureusement, c’est pour une seule nuit !). Après cela, il est temps de faire un petit tour du propriétaire, histoire de trouver la piscine, malheureusement un peu petite et dont l’eau est plutôt trouble, et la boutique, bien mieux achalandée que celle de Nossob, mais inévitablement un peu chère et n’acceptant que les rands, dollars namibiens ou la carte bleue. Rien n’est vraiment fait pour le touriste côté change. Mais bon, on fait avec. Et puis cet endroit est l’occasion de trouver de belles cartes postales et quelques présents pour les proches.

 

Voici une nouvelle journée qui se termine. La dernière dans le parc de Kgalagadi. Désormais, c’est le sud de la Namibie et de nouveaux horizons qui nous attendent.

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