Carnet de voyage au Kalahari (5)
Lundi 6 mars 2006, camp de Twee Rivieren
Dernier réveil en terre sud-africaine. Une petite pensée pour Papa qui fête son anniversaire aujourd’hui. Une fois encore, nous levons le camp en une vitesse record. C’est parti pour une longue journée de liaison qui doit nous conduire à un bivouac sauvage, non loin du canyon de la Fish River. Il faut pour cela descendre vers le sud, d’abord par une piste en complets travaux, qui nous fait longer les cordons de dunes bien rouges, un peu à l’image de ce qu’on peut voir dans le désert du Namib la civilisation reste néanmoins clairsemée, bien que présente depuis la sortie du parc. Et c’est bien avant la première ville, Upington, que nous bifurquons à l’ouest, sur une route bitumée en direction de la ville frontière de Rietfontein. Les premiers kilomètres nous font traverser de nouveaux pans, dont le premier, encore en eau, est certainement le plus beau. Il n’y a néanmoins aucune faune, juste pour le plaisir des yeux, pour ses multiples dégradés de vert et de rouge. Mais toutes les bonnes choses ont une finet la route se transforme en piste, certes roulante mais pour le moins déserte. C’est d’ailleurs là que nous tombons en panne : un des 4*4 commence par refuser de s’arrêter même en retirant la clé, puis refuse de redémarrer. Suite aux vibrations, un des câbles de la batterie s’est déconnecté. Nous parvenons enfin à la ville frontière : nous avons tous l’image du bagne en pénétrant dans cette ville tristounette à souhait et pas franchement accueillante. On se sent vraiment à la marge du pays. Qui plus est, il n’est pas évident de trouver le bon chemin pour rejoindre la frontière. Heureusement, la ville n’est pas très grande et on a vite fait le tour pour trouver le bon chemin.
Les formalités se déroulent vite et bien, hormis le fait que la police sud-africaine nous confisque le bois pour le feu (interdiction de franchir la frontière avec !!). En revanche, côté namibien, une fois n’est pas coutume, ils sont particulièrement sympathiques et nous fournissent quelques précieux renseignements concernant la meilleure piste à emprunter et les suites des inondations. Le douanier nous demande même si nous parlons espagnol et, trouvant quelques interlocuteurs parmi nous, discutent un peu dans cette langue. Cette scène est quelque peu ahurissante, au fin fond de la Namibie entre un groupe de français, un douanier et un policier namibiens, tous penchés sur la carte routière étalée sur le capot !! Nous voici désormais en Namibie, dans le sud du pays. Après Aroab, étape obligée pour acquitter une taxe routière (dans un pseudo restaurant !!), nous descendons au sud vers la ville de Karasburg, une ville indispensable pour effectuer le ravitaillement (bouffe, carburant, et fringues pour Dominique !).
En chemin, et pendant toute l’après-midi, nous découvrons les séquelles des inondations d’il y a une huitaine de jours, suites aux pluies torrentielles. Les lits de rivière ont quelque peu abîmé la piste. C’est d’ailleurs près d’une de ces rivières asséchées que nous faisons la pause à l’ombre d’un arbre abritant un immense nid de tisserins républicains sociaux. Le spectacle est impressionnant pendant toute la durée de notre pique-nique et les erreurs sont rares lorsque les volatiles rentrent au nid pour retrouver leur propre « appartement ». Et ça piaille drôlement quand c’est un adulte qui ramène de la nourriture. On a alors l’impression que tous les petits du nid réclament en même temps. A Karasburg, nous trouvons tout le nécessaire pour acheter ce qui manque. Il y a même deux banques, mais qui refusent les cartes bleues ; reste à faire la queue assez longuement pour faire du change. Nous nous rendons aussi compte que les gens du coin ne parlent pas anglais mais plutôt un semblant d’allemand ! Encore une fois, après quelques kilomètres de bitume, nous retrouvons la piste de graviers bien roulante. Il faut juste faire attention aux lits de rivières et aux indications kilométriques ; les cartes ne semblent pas correspondre à la réalité. Ces erreurs nous conduisent à faire la liaison d’une traite, là où nous pensions mettre deux jours !
Nous sommes contraints de faire 70 kilomètres de plus pour parvenir à Ai Ais, le campement installé au sud du canyon de la Fish River. Nous arrivons recouvert d’une fine couche de poussière bien uniforme sur la totalité des véhicules (extérieur et intérieur) et des passagers. Quand à Fred et Béa, ils finissent la journée exténués par ces très nombreux kilomètres. Le camping où nous arrivons est sensé être fermé depuis huit jours, des suites des inondations, dont on peut constater les nombreuses séquelles. Nous négocions auprès du garde pour aller voir l’état réel du terrain de camping et nous tombons sur une belle pelouse verte, à côté de la piscine. Malgré la boue présente un peu partout autour, nous décidons de nous installer là. Et nous verrons bien demain pour régulariser ce campement aux airs de squat ! Le parking ainsi que la plupart des blocs sanitaires sont remplis de boue en train de sécher mais bien heureusement, les sanitaires de la piscine ont été épargnés : nous devrions être bien ici ! Et puis, nous ne risquons pas d’avoir froid entre les deux proches falaises rocheuses qui renvoient la chaleur accumulée dans la journée.
Côté paysages, nous sommes bien en Namibie : c’est typique et cela commence, bizarrement, dès la frontière. C’est de suite les grandes étendues désertes sans âme qui vive, et toujours ces clôtures sans fin. Entre deux fermes, il faut bien compter une cinquantaine de kilomètres : pratique pour les apéros ou repas entre voisins ! Après les plaines viennent les décors de western, genre Arizona, puis des montagnes diverses et variées mais la plupart du temps sous la verdure. Nous commençons aussi à voir quelques Kokkerboom (ou arbres carquois) dans les zones rocheuses ainsi que des petits damans sur les tas de rochers. D’ailleurs, ici, ils ont la fourrure plus sombre pour se camoufler au milieu, contrairement à ce que j’avais vu au Malawi, plutôt gris. Les vingt derniers kilomètres se déroulent dans la descente du canyon. Petit à petit, nous avons l’impression de descendre dans les entrailles de la terre entre ces deux parois. Et la fournaise à l’arrivée ne fait que renforcer ce sentiment !
Après presque six cents kilomètres dans la journée, et une journée entière de poussière, le sommeil est trouvé rapidement par tout le monde. Ce soir, les duvets et les doubles toits des tentes ne sont pas vraiment nécessaires.
Mardi 7 mars, Camp de Ai Ais
Le réveil est doux, après cette nuit reposante sur l’herbe épaisse, au clair d’étoiles. Ce matin, nous ne sommes pas stressés : rien à démonter, pas de départ à l’aube. Nous prenons donc notre temps. Nous consacrons la matinée à profiter du sud du canyon. Nous stoppons très souvent pour prendre des photos du site. D’abord dans la montée où nous nous consacrons surtout aux fleurs, aux plantes et aussi, quand même, à la rivière qui a encore la couleur boueuse des inondations. Arrivés sur les hauteurs, nous zigzaguons entre les petites montagnes de pierre. Un peu partout poussent des kokkerboom, directement sur la roche. Malheureusement, souvent derrière des clôtures (comme trop souvent en Namibie). En coup de vent, nous apercevons un oréotrague sur une crête (une gazelle des montagnes), mais trop vite pour réussir à l’immortaliser. Nous sommes en plein univers minéral ; certains « monticules » offrent d’intéressants points de vue. Souvent nous trouvons de belles fleurs qui rajoutent des couleurs à la palette déjà fournie, de nombreuses euphorbes et aussi divers gros insectes dont l’impressionnant criquet cuirassé terrestre. Et quelques kilomètres plus loin, nous avons droit à l’éblouissement. Au détour d’une petite descente, nous découvrons une partie des falaises du canyon à l’image de celles du Grand Canyon américain. Autant dire que les appareils photo crépitent. De tous côtés le paysage est magnifique. On a vraiment hâte d’en découvrir plus, mais ce sera pour demain. Il est l’heure de retourner au camp, la température monte et la lumière n’est plus optimale. Arrivés à destination, tout le monde cherche l’ombre. L’eau coule à flots, et pas seulement dans le lit de la rivière. Nous expérimentons les méthodes de rafraîchissement (douches tout habillé, etc …). Mais cette chaleur n’empêche toujours pas les joueurs de se lancer dans leur tarot habituel. Je consacre pour ma part le début de l’après-midi à écrire mes cartes postales.
Vers 16 heures, je me décide à partir faire une ballade le long de la rivière alors qu’il fait encore chaud. Au passage, j’en profite pour découvrir le camp de Ai Ais. Cela ressemble à une sorte de village de vacances avec terrain de camping, aire pour les 4*4 camping car, appartements dits de luxe, boutique, bar-restaurant, station-service, piscine, et même un cinéma de plein air, le tout niché entre ces deux étroites falaises, au bord de l’eau. Il y a même une source d’eau chaude qui coule à environ 65°C, et qui a donné son nom au lieu. Mais pour l’instant, la source fait grise mine : va falloir attendre le nettoyage ! Couvert, crémé, et équipé de ma gourde bien pleine, je me lance vers le canyon. Le passage est souvent étroit soit sir le peu de sable au sec, soit sur les rochers qui rayonnent leur chaleur. On voit encore les nombreux stigmates de l’inondation. La montée des eaux a dû être d’environ deux à trois mètres !Nombreux sont encore les endroits humides et les falques ou bras morts qui croupissent. Pas d’ombre à l’horizon pour faciliter la progression. Du coup, j’essaie de suivre la trace des babouins qui se révèle souvent la bonne. Enfin presque ! Heureusement que j’ai enfilé les chaussures de randonnée pour les zones boueuses. Après une heure d’effort sous le cagnard, je décide de faire demi-tour, me rendant bien compte qu’il est quasi impossible d’atteindre une enfilade du canyon. Même la faune reste cachée : pas un oiseau ni un babouin. Et pourtant ! Chemin rentrant, je croise d’abord Sophie qui décide poursuivre, puis Nelly qui fait demi-tour pour rentrer avec moi, et tous les autres que nous rejoignons quasiment au camp. Une bonne ballade de deux heures qui aura au moins fait du bien à l’organisme, faute du plaisir des yeux. Au retour de Sophie, elle nous raconte qu’elle a eu une belle frayeur lorsqu’une dizaine de babouins s’est retrouvée sur son chemin.
Nous finissons la journée par un bon repas local à base de saucisses sud-af’ grillées et de « butter nuts » bouillis mais excellents (il s’agit d’une sorte de cucurbitacée à la chair orange et à la peau blanche). Jamais nous n’avons autant bu qu’aujourd’hui (6 à 8 litres chacun !!). Même le vent et la nuit restent chauds !
Mercredi 8 mars, camp de Ai Ais
Nous quittons Ai Ais et son camp désert pour remonter le cours de la Fish River et du canyon. Histoire de faire un peu d’effort physique, nous partons devant, à pied, en attendant que les véhicules nous récupèrent. Puis nous reprenons la piste que nous avions emprunté la veille, direction plein nord. Nous roulons bien pendant toute la première partie que nous avons déjà découvert la veille, jetant tout de même un coup d’œil à ce superbe paysage dès qu’apparaissent quelques falaises du canyon. Nous poursuivons notre route dans le même paysage. Les bords de la piste sont bien jaunes avec les parterres de fleurs sauvages. Partout autour, nous observons de nombreux bosquets d’euphorbes, et, de temps en temps, un kokkerboom. Le paysage reste toujours vert. Il semble que nous nous éloignons du canyon. Nous retrouvons alors quelques montagnes « tables ». Dernier embranchement et nous devrions atteindre Hobas en bas d’une bonne descente. D’ailleurs le panneau indiquant celle-ci nous fait sourire. Elle représente une voiture qui a percuté un camion sur une pente !! C’est à cet endroit qu’est situé le camp au nord du canyon. Contrairement à ce que nous pensions, Hobas est une impasse où se trouve seulement le camp. Mais pour atteindre le point de vue sur le canyon, il faut continuer plus loin par une piste caillouteuse d’une dizaine de kilomètres. En chemin, nous apercevons même un panneau indiquant un aéroport. Si, si !!! Mais d’avions, pas de traces ! Nous poursuivons donc jusqu’au point de vue principal.
Nous l’apercevons d’assez loin avec les paillotes installées pour abriter le public du soleil. De part et d’autre a été installée une barrière, des fois que quelqu’un voudrait sauter. Mais il faut vraiment s’approcher jusqu’à la terrasse d’observation pour se rendre compte du paysage. Et là, c’est la révélation ! Sous les yeux, nous retrouvons ce qu’on a pu voir sur les affiches, les cartes postales ou le Net. Le canyon fait une large boucle sous nos yeux, puis une autre un peu plus loin sur la droite. Au fond coule la Fish River, toujours aussi boueuse mais finalement bien assagie. Les appareils crépitent pour immortaliser ces deux falaises érodées pendant des millions d’années, falaises qui s’enfoncent dans la terre, créant une faille au milieu des plateaux de verdure. Au plus nous regardons, au plus nous trouvons de nouveaux sujets de clichés. La rivière et le canyon sinuent sous nos yeux. Que la nature fait de bien belles choses avec l’érosion, et surtout beaucoup de temps. Nous continuons jusqu’à un second point de vue, un peu sur la droite à trois kilomètres. C’est de cet endroit que part le chemin de randonnée qui parcourt le fond du canyon. Il faut tout de même savoir que le trajet fait 85 kilomètres sans logistique possible ! Et les premiers mètres de la descente laissent présager une descente abrupte et sportive. D’ailleurs, le passage est interdit pendant plusieurs mois, jusqu’au mois d’avril.
Nous nous contenterons des crêtes. De cet endroit, nous pouvons observer la fameuse boucle sous un autre angle. Nous apercevons en particulier la falaise située sous le point de vue principal, mais aussi les boucles suivantes. De cet endroit, l’arrière-plan est parfait pour faire des photos de groupe dans un décor grandiose. Retour en arrière pour aller voir un autre point de vue, à l’écart de la piste, à environ huit kilomètres. Ici plus de barrières. Nous pouvons approcher jusqu’au bord du précipice pour voir l’effet. Gare à ceux qui auraient le vertige. Au plus profond le canyon descend à près de 550 mètres pour une largeur maximale de 27 kilomètres ; d’ailleurs, nous n’avons jamais l’impression d’une telle distance, tellement le cadre écrase tout. De part et d’autre de notre point de vue, nous distinguons les zig-zag du canyon. L’endroit n’a vraiment rien à envier au Grand Canyon du Colorado. Après tous ces paysages, nous retournons à Hobas, laissant derrière nous divers autres points de vue en aval. En chemin, nous faisons une halte à l’étang situé juste avant le camp. Il y a quand même un couple de tadornes à tête grise, une sorte de canard d’un beau marron avec une tête grise.
Enfin, nous arrivons au camp. Un rapide tour à la réception et à la micro boutique, quasi vide (que ce soit en ravitaillement ou souvenirs), et nous nous installons sur un terrain quasi désert. L’endroit est bien sympa : beaucoup d’ombre sous les acacias, d’excellentes installations pour le feu, une robinetterie rutilante et même le tri des déchets. Nous occupons l’espace en posant nos tentes sur un large rayon !! Par contre, ce camp est beaucoup plus petit et moins développé que celui d’Ai Ais malgré sa plus grande proximité avec Windhoek. Peut être que les gens ne viennent ici que pour la journée. Pendant la partie de tarot quasi quotidienne, je me mue en chasseur d’images pour immortaliser les oiseaux qui tournent autour de nous : en particulier les bulbuls brunoirs, jolis oiseaux à tête noire, œil rouge, ventre jaune et dos brun, et aussi des colious à dos blanc, de petits oiseaux gris à huppette et à longue queue.
Vers 17 heures, nous repartons vers le canyon, abandonnant Béa sur le camp. A la sortie, nous tombons sur un gros mâle babouin chakma noir. Nous espérons voir le canyon sous un autre jour, et pourquoi pas réussir un beau coucher de soleil. En fait, le soleil descend juste derrière le méandre du point de vue. Autant dire que la lumière est pesante sur ce superbe paysage. Il n’y a guère qu’en marchant sur les côtés du précipice qu’on parvient en partie à éviter les contre-jour. Et là où la lumière se réfléchit, les falaises prennent une jolie teinte jaune-rouge. Ce n’est qu’en patientant jusqu’au coucher du soleil que nous sommes enfin récompensés. Non pas que le coucher soit réussi (la faute à un horizon plat), mais d’un coup, le canyon reprend une nouvelle lumière et les crêtes se nimbent de cette lumière rouge de fin de journée. Dernier regard au canyon de la Fish River avant de retourner au camp. En prenant tout de même le temps de faire une blague à « Doume » qui s’était éloigné. Un 4*4 s’éloigne tandis que nous cachons le second entre deux camions d’overlanders. Manque de pot, par manque de réactivité, le plan foire et il nous voit faire. Ce n’est que partie remise !
Sur le chemin du retour, que nous imaginions banal sur cette piste pierreuse, au milieu des champs de cailloux. Nous apercevons d’abord un, puis deux autres grands koudous mâles. Ils sont encore jeunes et cherchent à traverser la piste. Entre chien et loup, nous aurions pu tout aussi bien les manquer. Surtout que nous ne nous attendions pas à les voir dans un tel endroit. C’est ensuite un springbok qui apparaît sur la gauche. Et c’est en cherchant le reste du troupeau que Fred distingue une masse mouvante. Il s’agit en fait de sept zèbres des montagnes (ou zèbres de Hartmann) qui cherchaient à rejoindre l’étang pour se désaltérer. Nous les avons coupés dans leur élan. Ils sont marrants à observer, se déplaçant toujours serrés, au moins à six, comme s’ils étaient attelés. Là encore, une belle surprise de les trouver là alors qu’ils sont si rares. Nous rentrons enfin au camp qui s’est bien rempli depuis notre arrivée. Ce sera le lieu de la dernière blague du jour : alors que « Doume » (encore lui !) est parti prendre sa douche, nous déplaçons, avec Fred et Claude, sa tente de place. Manque de pot, désorienté par la nuit noire dans un camp très peu éclairé, il ne semble même pas s’en rendre compte. Affaire à suivre. Il faudra quand même qu’on lui en parle un de ces jours.
Jeudi 9 mars, camp de Hobas
Nuit agréable, température idéale quoi qu’un peu fraîche sur la fin. Toujours pas de remarque de ‘Doume’ sur sa tente ! Par contre, nous avons une mauvaise surprise : le pneu avant gauche de Fred est encore crevé. C’est la troisième fois ! Cependant, nous avons le bon rythme et ceci est réglé en quelques minutes à peine. Désormais, nous n’avons plus qu’une seule roue de secours pour les deux véhicules.
Pour rester dans l’esprit, la route du jour commence par une piste d’une centaine de kilomètres. Nous laissons Béa partir devant pour éviter la poussière soulevée. Une fois encore, nous constatons les ravages creusés par les dernières pluies. Régulièrement, des pans entiers de pistes sont partis ne laissant qu’une seule voie de circulation. Nous sommes aussi attentifs aux panneaux. En France, il n’y a qu’un panneau pour prévenir les traversées d’animaux sauvages ; mais ici, il y a presque un panneau par animal. Nous apercevons ainsi celui de l’autruche, celui du phacochère, … A quelques dizaines de kilomètres de Keetmanshop, nous sommes tout simplement déviés de notre axe. Nous suivons donc sans trop savoir où nous allons. Finalement, nous parvenons au pied du barrage de Naute, avec un passage à gué obligatoire ! C’est l’occasion de quelques photos sympas. Aigrettes et hérons nichent tout près en aval. On arrive à les distinguer en grimpant sur les rochers qui recouvrent l’eau qui s’écoule du barrage. A croire qu’il y a eu trop d’eau pendant les pluies et qu’ils ont été obligés de la lâcher, provoquant ce passage à gué. Certains se hasardent à retraverser de plot en plot le long de la route : mais quelle rigolade quand arrive un véhicule ; c’est alors la débandade pour éviter la douche. Seul bémol : les nombreux poissons morts sur le bord.
Finalement, nous retrouvons le bitume en rejoignant la route qui relie Lüderitz, sur la côte, à Keetmanshop. En y regardant de plus près sur une carte, nous nous rendons même compte que cette déviation se révèle en fait être un raccourci ! C’est aussi au moment où nous retrouvons le goudron que nous coupons la voie ferrée avant de la longer longuement. Les gares méritent le détour : un simple panneau avec un nom, rien de plus, pas même un semblant de quai. Un peu plus tard dans la journée, nous verrons enfin le train, mais nulle trace de passagers, juste un peu de fret et quelques citernes.
Keetmanshop, « grande ville » du sud, est contournée sans le moindre égard. Nous continuons notre route vers le nord. C’est là que Béa a droit à un contrôle de police, sans ceinture ni papiers. Nous continuons et nous cachons un peu plus loin pour les attendre. Mais rien ne se passe : l’agent voulait juste contrôler le permis de conduire. Un peu plus loin, nous assistons à la technique de comptage des véhicules en Namibie : une série de véhicules garés au bord de la route avec quelqu’un à bord qui compte les passages (ils ne connaissent pas les câbles que nous avons en France !). Quelques kilomètres encore et nous apercevons de très nombreuses autruches sur la droite : il s’agit d’un gros élevage, avec abattoir et tannerie. Les affaires se gâtent lorsque Béa crève à son tour. Le changement de roue au bord de la grande route, alors que les semi-remorques filent, n’est pas des plus aisés. Finalement, nous repartons assez vite avec une bonne suée. C’est que le soleil tape dans cette région sans ombre. En revanche, nous n’avons plus droit à l’erreur.
Mariental devient alors une étape indispensable. Il faut préciser que c’est la ville qui aurait été la plus touchée par les pluies avec deux mille habitants évacués. Les premières impressions confirment ce que nous avions entendu dire. Une marque sombre s’est imprimée un peu partout dans la ville à plus d’un mètre du sol ; partout des clôtures couchées ou colmatées par les débris. Ici des engins de chantier embourbés dans une gangue sèche, là des rues où trônent des tas de boue devant les habitations. Pas de doute, nous avons l’impression d’arriver après une guerre. La vie semble au ralenti mais elle a bien repris. Non sans difficultés, nous dénichons un garage qui veut bien réparer nos trois chambres à air. Je reste là avec Fred et Sophie tandis que les autres partent à la recherche de ravitaillement avec Béa, et deux derniers qui vont marcher dans la ville.
Il ne reste plus que quelques kilomètres avant d’atteindre le terme de l’étape du jour, à savoir le barrage de Hardap, le plus grand réservoir d’eau du pays avec ses 300 millions de mètres cubes sur 25 km², à une trentaine de kilomètres au nord de Mariental, sur la route de Windhoek. Autour de ce barrage et de son importante retenue d’eau ont été installés non seulement un complexe hôtelier (bungalows, camping, piscine, restaurant, boutique et une salle de conférence) mais aussi une réserve naturelle sur l’autre rive du lac. C’est pour cette raison que ce lieu a été choisi.
Dès le camp monté sur une belle pelouse, vers 16h30, nous repartons donc en ballade. Les paysages offerts sont splendides, toujours avec ces fameuses montagnes au sommet plat. Pour atteindre la réserve, nous devons retourner vers le barrage et le traverser. En chemin, plusieurs points de vue s’offrent à nous sur les îles formées au bord du lac par ces fameuses montagnes. Au pied du barrage, c’est un groupe de pélicans qui navigue paisiblement. Ce mur barre la fameuse Fish River qui a creusé le canyon éponyme quelques centaines de kilomètres plus au sud.
Enfin, juste après avoir traversé, nous parvenons à l’entrée de la réserve à proprement parler. L’endroit est très vallonné, ponctué de nombreuses collines rocheuses. Le paysage est toujours aussi vert, mais les arbres y sont rares, la plupart du temps des acacias assez petits. Nous retrouvons des springboks et des autruches, solitaires ou en groupe. Ils sont de plus en plus beaux au fur et à mesure que le soleil décline. La lumière est excellente avec ce ciel ponctué de quelques nuages plus ou moins gros. Mais pour être franc, nous sommes à la recherche des rhinocéros noirs qui sont sensés vivre dans ce parc depuis qu’ils ont été réintroduits. Nous avons beau chercher de tous les côtés, pas de traces. Même du haut du point de vue, nous ne distinguons rien de plus ; en revanche, le panorama sur le lac est bien sympathique. Coup sur coup, je débusque deux grands koudous (une femelle puis un mâle) à chaque fois cachés derrière les arbres. Un commentaire revient : « tu es bon pour travailler avec Fred ! ». Peut être qu’à force de fréquenter cette région, je suis plus attentif aux détails de la nature. Par contre, rien à faire pour le groupe de trois mâles qui tentaient d’approcher la femelle. Ils disparaissent derrière la crête sans laisser d’adresse. Nous retrouverons un peu plus loin une autre femelle, plus farouche, qui galope dans tous les sens : il faut avoir l’œil vif pour tenter de la suivre du regard.
Nous arrivons finalement près d’un étang dans lequel sont en train de pétrifier plusieurs dizaines d’arbres. Cela semble un petit havre de paix pour les oiseaux. D’ailleurs, quelques dizaines de pélicans semblent s’y complaire. L’heure tourne et le soleil commence à décliner. Ces étendues ondoyantes de graminées virent de l’argenté au rose-doré. Ce seul spectacle est magnifique. Il ne reste plus qu’à admirer le coucher de soleil. Mais du fait d’un relief vallonné, il n’est pas évident de trouver un bon endroit. En chemin, nous apercevons une troupe de babouins au sommet d’une colline. L’un d’eux attire notre attention par sa posture, assis de profil, les mains sur les genoux, sur fond de couchant. Déjà dans la journée, nous les avions trouvés au bord de la route, perchés au sommet des pylônes électriques, assis sur les isolateurs. Se prendraient-ils pour des tisserins ? Mais pour revenir au soleil, nous ne le verrons pas se coucher, bien que l’ayant surveiller dans le rétroviseur en roulant ! En revanche, l’embrasement de l’horizon est splendide. Nuages et rochers prennent cette chaude couleur dorée. Le lac prend une teinte rosée. Le spectacle est une fois encore superbe. Nous nous régalons. Mais la nuit est là et nous devons retourner au camp. C’est le dernier bivouac du circuit. Demain, nous coucherons dans de vrais lits. Pour ne pas rompre avec les habitudes, les amateurs se lancent dans une partie de tarot nocturne à la lumière de la frontale ! Ensuite, tout le monde profitera de sa dernière nuit sous la tente ; et pour la première fois, pas une tente n’a de double toit alors pourtant que les nuages menacent !!