Pistes de Zambie et du Malawi (3)
Jeudi 21 juillet 2005, South Luangwa National Park, Lukonde Camp
Dernière journée dans le parc. Le planning est immuable. Encore une bonne nuit de sommeil : impossible de dire si nous avons eu des visites nocturnes. Nous partons donc avec Fred et Inno. Dès la barrière passée, à peu près là où nous les avions laissés hier soir, nous retrouvons une famille d’éléphants. Un des jeunes nous fait même face sur le bas-côté. Nous pouvons ainsi admirer sa technique et l’extrême dextérité de sa trompe pour attraper les herbes et les nettoyer en les secouant. Nous nous enfonçons ensuite vers le sud du parc. Ce matin, les animaux sont rares, nous profitons donc de la variété des paysages ; un nouveau s’offre à nous : de larges étendues sablonneuses au milieu de la verdure, un peu comme des lits de rivières asséchées. On y distingue très bien les traces des différentes espèces, en particulier les chemins d’hippos. Nous empruntons aussi de nombreuses pistes étroites cernées de hautes herbes qui commencent déjà à jaunir. Et pourtant, nous sommes en hiver ….. austral. Dans les espaces dégagés, nous retrouvons inévitablement l’ensemble des ruminants. Lors de nos incursions sur les berges, nous tombons systématiquement sur des groupes d’hippos ainsi que de respectables spécimens de crocodiles du Nil. Nous en verrons d’ailleurs un, au bord d’un trou d’eau, totalement recouvert de salades !! Et que dire de cet adorable puku d’à peine deux semaines en train de téter sa mère pendant de longues minutes, tout ça au bord d’une piste. Une longue matinée consacrée aux paysages. Nous verrons bien ce que ce dernier après-midi va nous réserver.
15 h marque le départ du dernier safari dans le parc de la Luangwa. Nous allons essayer d’en profiter au maximum. A force, nous reprenons des pistes connues mais peu importe. L’essentiel est ailleurs : profiter des paysages, de la nature protégée, regarder les animaux évoluer en toute quiétude. Hormis les prédateurs, tout le monde est au rendez-vous, même si certains dans le groupe sont blasés et attendent le léopard … qui ne viendra pas. Nous nous émerveillons devant un groupe d’inséparables verts qui sont décidément bien plus à l’heure place ici sur un bosquet plutôt que dans une oisellerie en Europe ! Nous retrouvons ensuite trois beaux mâles koudous, joliment cornés. Un peu plus loin, nous tombons sur une sorte d’arche de Noé. Cette prairie verte accueille de nombreuses espèces. Babouins, impalas et pukus s’alimentent çà et là tandis qu’un groupe d’éléphants traverse le décor. Deux jeunes mâles impalas jouent les durs en s’affrontant cornes contre cornes. Sur la gauche, à l’orée du bois, c’est un groupe de mangoustes rayées qui batifolent. Le Jabiru cherche, imperturbable, de quoi s’alimenter. Et tout ce petit monde vit en harmonie. Petite exception de l’après-midi, nous réussissons à trouver un bout de rivière sans hippopotames : si, si, cela existe.
Sinon, nous nous retrouvons coincés par deux éléphants sur une piste en bord de rivière. D’abord au milieu du passage nous empêchant toute progression, ils finissent par se placer de part et d’autre, nous menaçant à chaque tentative d’avancée. Il faudra de longues minutes de patience et un grand coup d’accélérateur pour s’en sortir, le tout ponctué par un sonore barrissement. Et pour nous qui sommes dans le second véhicule un grand nuage noir ! Plus loin encore nous retrouvons un autre groupe affairé autour d’un acacia : ils offrent un joli spectacle en s’étirant au maximum pour que leur trompe monte le plus haut possible. Pour clôturer la visite, nous finissons, évidemment, par des femelles guibs harnachées, que nous ne pourrons toujours pas photographier par manque de lumière. Avant la grille, nous faisons une ultime halte sur le pont, le temps de profiter du soleil rougeoyant, déclinant derrière les arbres ; le temps aussi de constater, attristés, le spectacle déplorable offert par ce groupe d’anglais affublés de casques coloniaux et la bière à la main sur ce même pont. Que rajouter de plus ?
Un ultime salut aux gardes que nous croisons depuis quatre jours et nous rejoignons le camp pour la dernière fois. Béa nous a préparé une de ses spécialités que nous avons baptisée la « potée africaine » : un mélange de chou, de pommes de terre, d’oignons et de saucisses mijoté au feu de bois de mopane. C’était très bon, du premier au troisième service, à chaque fois avec une nouvelle saveur, terminant sur des notes caramélisées. Il est temps de nous confier aux bras de Morphée, qu’elle peuple notre nuit de plein de belles images de ce parc aux allures de paradis.
Vendredi 22 juillet, South Luangwa National Park, Lukonde Camp
Dernier réveil au camp de Lukonde, mais ce matin, nous avons le temps : pas de départ aux aurores. Nous prenons le temps d’admirer le lever de soleil sur la Luangwa. Fred manque même de se faire mordre par une vipère en prenant du bois dans la pénombre matinale. Une fois le campement plié, rangé et nettoyé, nous nous mettons en route. Pas très loin à vrai dire puisque nous faisons halte au petit marché de Mfuwe à deux kilomètre à peine du camp. Il est encore endormi mais il y a déjà de la musique et ce qu’il nous faut pour le ravitaillement, tout particulièrement un excellent pain et de succulents beignets. Pour les amateurs, on y trouve aussi des montagnes de petits poissons séchés (genre friture) mais sur le p’tit dèj : sans façon !
Cette fois, nous sommes vraiment partis. A la sortie de Mfuwe, une piste sans la moindre indication part sur la gauche en direction du nord-est, parallèle à la rivière. Ce sera notre fil rouge pour les deux journées à venir. Nous commençons par traverser diverses cultures, dont des champs de coton, et surtout de nombreux villages. Les saluts sont quasi systématiques. Plusieurs fois, nous traversons des rivières asséchées, devenues cordons de sable, pièges à 4*4. Cette piste se révèle agréable par la variété des paysages et de la végétation qu’elle offre : il fait bon dans les forêts de mopanes. A certains endroits, les arbres ont pris leurs quartiers d’automne et toutes les feuilles sont rousses, alors que plus loin certaines essences sont bien vertes. Dans une même région, cela donne un contraste surprenant.
Finalement, nous retrouvons le parc de la South Luangwa. Une extension dite secteur de Nsefu, y a été rattachée de ce côté de la rivière car elle abrite une zone saline indispensable aux animaux pour les apports en sels minéraux. Cette fois-ci, la « gate » est plus typique : une vraie barrière, certes antique, ferme le passage entre les huttes abritant les rangers et leurs familles. D’abord constitué de forêts diverses, cette partie du parc s’anime lorsque nous parvenons aux espaces dégagés. C’est le cas le long de la rivière Chichele, un affluent de la Luangwa. Nous apercevons d’abord un important groupe de pukus mâles non loin de la piste. Mais en y prêtant attention, nous distinguons au loin, en direction de la Luangwa, une masse. Les jumelles nous en révèlent l’origine. Il s’agit d’un énorme rassemblement de grues royales. Nous approchons un peu sans les effrayer, pour pouvoir les détailler. C’est une sorte de parade d’une centaine de ces belles dames. Nous poursuivons en remontant, en pleine chaleur, vers la source de la Chichele. J’ai la fabuleuse chance d’apercevoir ce qui me semble être la queue et la patte postérieure d’un lion. En nous approchant prudemment et sans trop de bruit, nous découvrons qu’il y a non pas une mais deux lionnes tapies à l’ombre d’un bosquet. Effrayées quelque peu, elles bougent mais la plus âgée des deux restent à portée de nos objectifs. Un vrai régal pour lequel tout le monde me remercie. Pourtant je n’ai fait qu’ouvrir mes yeux ! Nous finissons tout de même par atteindre la fameuse source : il s’agit d’une source d’eau chaude et saline. On pourrait littéralement préparer un thé tellement elle est chaude. Néanmoins, certains oiseaux semblent apprécier, vu leur proximité du jaillissement.
Quelques centaines de mètres après la source, alors que nous rentrons dans une zone boisée, nous apercevons une chose assez banale : des impalas ! Sauf que cette fois, ils vont nous offrir un excellent spectacle. Ils arrivent par dizaines, à pleine vitesse de la gauche de la piste et font un bond pour la franchir. Pas un n’y risque le bout d’un sabot. C’est à celui qui fera le saut le plus long. Nous les regardons faire ; et puis si nous avancions, nous risquerions d’en retrouver un dans le véhicule.