Pistes de Zambie et du Malawi (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

A la sortie du parc, nous profitons de la mi-journée pour avaler un casse-croûte à l’ombre, au bord d’un nouveau lit de rivière asséchée. Et la piste reprend vers le nord-est. Après quelques heures plutôt soporifiques, nous atteignons, au milieu de l’après-midi, le parc national de Luambe, un petit parc de 274 km² qui n’est protégé et conservé que depuis peu. Nul doute que dans quelques années, la faune sera très riche. Ici nous ne risquons pas de rencontrer grand monde ; le touriste est rare. Après de longues palabres, bien africaines, les gardes finissent par nous laisser entrer. Le couvert végétal est plus dense et plus sauvage. Aucune autre piste n’est encore aménagée ici. Une nouvelle fois, nous manquons d’être chargés par une femelle éléphant : serions nous fâchés avec cette espèce ? C’est à croire en tout cas. En nous arrêtant au bord d’un cours d’eau, nous observons un phénomène assez étrange. Un arbre pousse quasiment hors sol : un racine a poussé verticalement servant de pivot tandis que les autres racines partent à l’horizontale vers la berge. Et tout cela pousse et verdit !

 

Finalement, nous tombons sur l’un des clous de la journée. Au détour d’une mare, nous tombons sur la carcasse d’un hippopotame. C’est véritablement la curée : des dizaines de vautours sont là (à dos blanc, oricous) ainsi que des marabouts. Tout cela semble très organisé : une partie est massé autour du cadavre, un groupe patiente sur la butte de terre juste au dessus, et dans les arbres alentours, nombreuses sont les branches occupées. Et ne parlons pas du ciel où ça tournicote ! La liste d’attente est longue ! C’est aussi cela la nature et ces charognards sont indispensables pour nettoyer la brousse. Le spectacle est assez impressionnant : les têtes disparaissent dans les entrailles comme aspirées. Nous assistons aussi à des combats assez tendus, dans le but d’avoir une place de choix. Nous nous étonnons qu’ils ne se blessent pas avec leurs becs crochus et leurs serres. Nous sommes aussi surpris de les voir prendre un bain avant de récupérer un peu et pouvoir redécoller. C’est que ça leste de s’empiffrer ! Nous restons là un long moment, surtout qu’il n’y a même pas d’odeur désagréable, à part pendant quelques secondes lors d’une rafale de vent ! Mais tous les spectacles ont une fin et il faut rejoindre notre bivouac.

 

Ce soir, nous avons droit à un bivouac sauvage intégral : nous sommes encore à l’intérieur du parc, en pleine nature sans le moindre aménagement. Fred et Béa nous ont réservé une très belle surprise. Nous camperons au bord de la Luangwa (pour changer !!) sous un énorme baobab presque millénaire si on juge à son diamètre. L’endroit est situé en surplomb du lit de la rivière à quelques mètres de hauteur. Celui-ci est d’ailleurs toujours aussi large avec une étendue d’eau toujours aussi réduite. Comment rêver meilleur cadre que ce camping aux milles étoiles ? Nous installons tous nos tentes le long de la berge, sous les branches bienveillantes du baobab, face au soleil qui se couche sur l’autre rive. Puis, à la nuit tombée, ce sont des milliers d’étoiles qui s’allument. Elles sont si nombreuses que, rapidement, nous avons du mal à distinguer les constellations dont la Croix du Sud et le Scorpion. Apparaît ensuite la Voie Lactée, immensément longue et si blanche, ici où aucune pollution lumineuse ne gêne ! Un vrai bonheur tout juste gâché par la gérante de l’unique lodge du parc qui cherche à nous faire déguerpir pour que nous venions dans son établissement. Elle en sera pour ses frais puisque nous avons reçu l’autorisation signée par les rangers de camper où bon nous semble. Encore une magnifique journée et une belle nuit sous le ciel zambien, nuit qui commence par les rugissements des lions et le cri des hyènes au loin, de l’autre côté de la rivière. Mais pas de visite nocturne. Gare tout de même aux sorties durant la nuit.

 

Samedi 23 juillet 2005, Luambe National Park

 

 

Réveil dans ce petit coin de paradis. Ce sont les adieux à la rivière Luangwa que nous ne reverrons plus. Devant nous, alors que le soleil émerge, une dizaine de cigognes à bec jaune se réveillent très lentement. Les mouvements sont comptés, et une à la fois ! Même les hippopotames, moins nombreux qu’à l’habitude, sont parfaitement paisibles ! Une raison de plus, si c’était nécessaire, de laisser l’endroit totalement vierge sans la moindre trace de notre passage. Même les cendres de notre feu sont enterrées. C’est à ce prix là que les gens pourront continuer à camper dans de tels endroits. Juste derrière le campement, en quittant les lieux, Béa aperçoit des traces fraîches de lions. Nous n’étions donc pas si seuls cette nuit ! Mais aucun risque à condition de respecter quelques règles de base. Cette constatation faite, nous reprenons la piste pour cette journée qu’on pourrait qualifier de liaison.

 

Après la sortie du parc, la piste est plus ou moins bien entretenue mais presque tout le temps dans des forêts quand nous ne traversons pas les nombreux petits villages. Nous sommes d’ailleurs impressionnés par leur propreté : elles sont nombreuses à « balayer » devant leur palier dans les premières heures du matin. Rien ne traîne, chaque objet est rangé à sa place. Certaines huttes sont même peintes avec des frises colorées. Tout au long du trajet, ce sont que sourires et bien sûr les incontournables bicyclettes, chargées au maximum, à tel point que nous nous demandons comment tout cela tient et comment ils réussissent à s’arrêter. Nous faisons une halte ou deux près de ces villages, histoire de nous rendre compte de la vie dans ces coins reculés de l’est zambien.

 

Plus on avance, plus le paysage change. Les mopanes laissent place aux miombos tandis que la route s’élève. Petit à petit nous prenons de l’altitude. Par contre, une fois encore nous traversons ces nombreux brûlis allumer traditionnellement pour débroussailler et faire repartir la végétation. Il est surprenant de voir que cela ne dégénère jamais en immense incendie. Par contre, cela laisse des zones noircies par forcément accueillantes ! Cette pratique semble même avoir cours dans les parcs nationaux comme nous avons pu le constater dans le secteur de Nsefu. Nous finissons par atteindre la dernière grande ville zambienne, Lundazi. Nous ne faisons que la traverser, mais cela nous laisse le temps de constater que c’est la première fois que nous voyons autant de monde depuis le départ. Mais toujours pas un blanc de la journée. Ils ne fréquentent pas ce coin méconnu et reculé de Zambie.

 

Une petite demi heure plus tard, nous atteignons la frontière ou plutôt ce qui fait office de ! A l’intérieur du poste, pas âme qui vive, ni même le moindre cahier de passage. Inno doit s’y reprendre à deux fois avant d’apprendre que les douaniers finissent leur café ! Pendant ce temps là, un vélo rentre en fraude en contournant le poste ! Attention à ne pas s’appuyer au comptoir sinon vous ferez le ménage dessus. Les passages sont rares ici, alors ne parlons pas des passages d’occidentaux. Si il y en a un par mois, c’est bien ! Finalement, nous obtenons notre tampon, mais, chose unique, la douanière a même noté notre adresse exacte en France sur son cahier !!! L’adresse « France » ne suffisait pas, comme partout ailleurs ! Excès de zèle ? Quelques mètres plus loin, c’est le poste douanier du Malawi que nous rejoignons à pied. En apparence, il est occupé ; on entend même de la musique. Erreur, la personne chargée de l’immigration prend son repas et son collègue ne semble pas décidé à le remplacer, s’occupant uniquement des quelques routiers. Il faut donc patienter ! Ils sont cools ici ! Bilan, il nous faudra une bonne heure pour franchir la frontière et passer de Zambie au Malawi.

 

La piste toujours la piste, direction le nord-est. Ce soir encore, il est prévu un bivouac sauvage au programme. Mais il y fera plus frais : nous sommes passé de 700 à 1600 mètres d’altitude et le vent souffle sur ce plateau du nord-ouest du Malawi. En revanche le cadre est agréable : dans la verdure non loin d’un « hameau », entouré par de nombreux bosquets, au pied d’une colline. Le montage se fait sous les yeux amusés et surpris des habitants voisins : mais quel est ce village de toile, mobile ? Il est alors temps d’effectuer la dernière activité « physique » de la journée. Déjà dans la journée, après quelques pauses, nous étions repartis à pied, récupérés au passage par les deux véhicules. Donc, pour terminer, nous gravissons ce petit escarpement, azimut sanglier puisque aucun chemin n’est tracé. Il nous faut une petite demi heure pour atteindre le sommet et profiter de la vue à 360° sur la région. Vers l’ouest, le paysage est assez plat parsemé par de nombreux villages. Vers l’est, le relief s’élève : nous sommes sur les contreforts du plissement de la Rift Valley mais toujours pas de lac à l’horizon.

 

Une fois n’est pas coutume, ce soir tout le monde est chaudement couvert. Je ne parle pas de Béa qui est équipée comme pour les sports d’hiver ! Nous apprécions d’autant plus la soupe chaude, et le cercle autour du feu est plus resserré que d’habitude ! Côté gastronomie, Inno nous a préparé une de ses spécialités : de la salsa (fariné de maïs) préparée façon polenta avec une sauce aux légumes et saucisses. Avec les rations servies, nous ne risquons pas de nous envoler. Les tentes seront bien lestées ce soir. Avec le vent qui souffle cette nuit, il fait bon emmitouflé dans le sac de couchage. Les sorties nocturnes incontournables sont « difficiles ».

 

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