Roadbook centraméricain (6)
Lundi 8 novembre 2004, West End, Roatan
4h30. Il fait encore nuit noire sur Roatan. Pourtant le réveil sonne déjà. Une nouvelle longue journée s’ouvre à nous. Après un café très léger, rapidement envoyé, et quelques gâteaux secs, nous sautons dans les taxis co, direction l’aéroport international de Roatan (attention les yeux !). Les deux chauffeurs s’en donnent à cœur joie seuls ou presque sur la route, parfois à l’encontre des règles de sécurité. Toujours est il que nous arrivons trop tôt: la barrière est encore fermée.
Après quelques dizaines de minutes d’attente dans un hall désert, nous enregistrons à l’ancienne : tout est fait à la main, même les cartes d’embarquement. Puis nous découvrons enfin l’avion. Je devrais plutôt parler d’un coucou. Il s’agit d’un SD3-60 (anglais ?) d’une trentaine de places seulement, et carrément vieillot. C’est carrément épique. D’un petit saut de puce de vingt minutes à peine, nous rejoignons La Ceiba sur le continent, l’occasion de découvrir l’île sous un autre angle. Nous devons alors patienter une trentaine de minutes dans l’avion, toutes portes ouvertes. Au moins, ça ventile !
Nous reprenons les airs pendant 45 minutes afin de rejoindre Tegucigalpa, la capitale du Honduras. Fin de la partie aérienne, place à la route, longue ! Car le chauffeur qui nous récupère que ce serait trop long de faire le tour de ville prévu ! Nous commençons par descendre vers la frontière au sud-ouest en traversant d’agréables paysages montagneux et verdoyants. Sans même nous en rendre compte, nous nous retrouvons au poste frontière hondurien de Guasaule. Le minibus est alors assailli de changeurs au black. On dirait des mouches !! Après discussions, les taux s’améliorent. Le « gagnant » peut monter, mais certains changent directement par la fenêtre. Un passage de pont et c’est le Nicaragua. En attendant que les formalités de douane soient remplies par notre « chère » accompagnatrice, nous observons le manège des triporteurs cyclistes. Ceux-ci transportent les gens d’un poste à l’autre, certaines fois au prix d’énormes efforts vu la pente du pont et le poids des passagers !
La première impression laissée par ce pays est assez bizarre : tout semble plus pauvre et plus sale. Quant à la route, n’en parlons pas. Elle est totalement défoncée jusqu’à Chinandega pour cause de réfection. Malgré tout, elle nous permet d’apercevoir le volcan San Cristobal sous toutes coutures. Il trône sur le paysage du nord-ouest du pays. Plus haut du pays et actif en permanence : nous apercevons son panache de fumée qui s’échappe. La photo est incontournable. En avançant encore, nous finissons par apercevoir l’océan Pacifique à l’horizon, sur la droite de la route-piste. C’est une première pour moi.
Enfin nous retrouvons une voirie normale qui nous mène jusqu’à Leon. C’est une ancienne ville coloniale espagnole. Comme à Antigua, nous retrouvons les rues pavées, les façades colorées, les grilles de fer forgé aux fenêtres, et bien évidemment de nombreuses églises. Par contre, la ville est beaucoup moins nette et moins entretenue. Les gens sont par contre très souriants voir curieux de découvrir des européens. Quelques gamins font l’aumône mais les locaux leur font rapidement comprendre qu’il ne faut pas importuner le touriste.
Etant, pour une fois, arrivés assez tôt à l’hôtel Europa, nous jetons nos valises dans les chambres et partons en ville de suite, espérant pouvoir réussir quelques clichés sympas avec la lumière du couchant.
Nous commençons la tournée par quelques maisons colorées avant l’église de San Juan, finalement la moins belle de toute avec sa seule tour à droite et une façade blanche plutôt décrépite. A quelques blocs de là, nous découvrons l’église de la Recoleccion. Sa façade, jaune aux motifs blancs, étincelle dans la chaude lumière du soir. Dommage qu’il traîne autant de câbles électriques devant. Nous terminons sur la place centrale face à la cathédrale. C’est la plus grande d’Amérique Centrale, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Elle impressionne par ses dimensions. Tout son pourtour ainsi que la fontaine de la place sont gardées par de massives statues léonines. En chemin, nous avons pu apercevoir certains intérieurs, bien agréables, constitués de patios bien verts comme on peut en voir en Espagne, où se rassemblent les familles à la nuit tombée, au frais
La nuit tombant, il est temps de penser aux rafraîchissements. C’est pourquoi nous nous installons au El Sesteo qui donne directement sur la place de la cathédrale. Le restaurant « libanais » est lui aussi tout prêt. Le patron, francophone, nous fait même réviser nos drapeaux à l’aide de la décoration de son établissement. Au passage, nous profitons de musique de rue traditionnelle jouée en terrasse, puis d’une troupe d’enfants maniant tambours et « marionnettes » géantes (une grande femme élégamment vêtue et un nain à grosse tête). Il semblerait qu’il s’agisse d’une tradition nicaraguayenne pour faire la fête. En l’occurrence, les gens fêtaient la victoire des sandinistes aux élections municipales.
Il est temps de rejoindre l’hôtel pour une nuit de sommeil bien méritée.
Mardi 9 novembre, Leon
Réveil tranquille à l’hôtel Europa, dans la ville de Leon. Il faut dire que nous avons un peu de temps devant nous. Surtout que le petit déjeuner qui nous est proposé est particulièrement conséquent : jus d’orange, gâteau et pain chaud, omelette aux oignons et tomates, riz et haricots (qu’on appelle ici « Gallo Pinto » ), et accessoirement du café. Avec cela, nous devrions tenir un petit moment.
Isidra, notre guide locale francophone, vient nous rejoindre pour nous faire découvrir sa ville. Comme nous l’avons fait la veille au soir, elle nous présente quelques unes des nombreuses églises de la ville : la Recoleccion, malheureusement fermée et la Merced, toute parée de gris. Mais cette fois, nous bénéficions d’explications très intéressantes sur le rapport de la population à la religion et à son environnement volcanique. Juste à côté, elle nous fait entrer dans l’université de Leon, une des plus anciennes du pays. Le cadre y est particulièrement agréable avec son jardin intérieur et ses coursives. Nous continuons à déambuler dans les petites rues jusqu’au musée Ruben Dario. Ce poète nicaraguayen est l’enfant chéri de la ville : c’est pourquoi ils ont transformé sa maison en lieu de mémoire. D’ailleurs, sa dépouille repose au cœur de la cathédrale, à droite du chœur. D’ailleurs, cet édifice constitue notre dernière visite dans la ville. Après un rapide tour de la nef, nous découvrons ce qu’il reste des souterrains. Anciennement, des tunnels reliaient la cathédrale aux sept principales églises de la ville. Par la suite, nous gravissons d’étroits escaliers pour rejoindre les toits. Voilà un formidable observatoire tant sur la ville, sous nos yeux, que sur la chaîne de volcans à l’horizon (San Cristobal, Casita, Telica, … ). J’oubliais de dire que, comme souvent dans la région, on trouve des églises de style baroque. Ici, un petit cloître à l’arrière, apporte une touche coloniale. Toutes ces églises et leur entretien prouvent bien la ferveur des autochtones. On y prie même pour les élections, contre les volcans !!
Après cette matinée bien occupée, Isidra nous mène jusqu’à Managua, la capitale du pays. Comme toute grande ville, il n’y a rien à voir si ce n’est le point de vue sur la lac éponyme, et vers le nord, juste au bord du lac, deux volcans, l’imposant Momotombo et le petit Momotombito. Sur la route, avant d’arriver, vous pouvez dénicher quelques belvédères pour les photos. Un des meilleurs points de vue depuis la ville est le grand centre commercial Plaza. Accessoirement, on peut y manger de manière très variée à l’image du restaurant international du carrousel du Louvre.
Après un rapide tour de ville qui permet de se rendre compte à la fois de l’américanisation, nous rejoignons le parc national de Masaya. Ce dernier a été conçu pour faire découvrir aux, encore, rares touristes, une des richesses (et des plaies) du pays : les volcans. Dans des temps reculés, les peuples indigènes jetaient dans le volcan Masaya des enfants ou des servantes en offrande pour apaiser la colère des dieux. Par la suite, les espagnols leur surnommèrent « Bouche de l’Enfer ». Celui-ci comporte un cratère qui fume encore, le Santiago, datant seulement de 1852. Il exhale en permanence des gaz sulfurés (principalement du dioxyde de soufre qui se transforme en acide sulfurique avec la pluie), ce qui peut rendre son approche risquée selon le sens du vent. Encore une fois, nous nous sentons tout petits par rapport à la nature. Malheureusement, nous ne verrons pas les perroquets qui nichent sur la lèvre du cratère. Ils sont les seuls à survivre à cet endroit-là. Par contre nous grimpons un peu plus haut sur les flancs du cratère San Fernando, désormais éteint , dont le fond a été recolonisé par la végétation. Plusieurs autres cratères sont visibles dans le parc, mais tous éteints. Il ne reste que quelques coulées de lave ayant dévalé depuis le Santiago. Après cette ballade manquant un peu d’effort physique, nous reprenons le minibus afin de rejoindre notre lieu de villégiature.
Il s’agit de la Laguna de Apoyo. En fait, nous sommes au bord d’un lac niché au fond d’un cratère large d’environ 7 kilomètres. L’endroit est presque idyllique avec sa nature plutôt exubérante. Les quelques habitations sont noyées dans la verdure. Nous avons dénombré en tout et pour tout seulement deux hôtels sur le pourtour du lac. Il est à souhaiter que ce lieu reste protégé à l’avenir. Et que dire de l’hôtel ; bien qu’encore en travaux, il dispose d’un cadre parfait avec ses immenses « petites » villas disposées sur le flanc intérieur du cratère. Effectivement, il faut grimper pour parvenir à son lit ! Mais en contrepartie, il y a une petite plage et un ponton de bois qui permettent de se baigner dans les eaux chaudes et douces de la Laguna. Nous avons mesuré sa température aux alentours de 30° C. Un véritable régal. Vivement demain que cela recommence !