Allons au marché antique !
3 Novembre 2007, Rome
Dernière grosse visite de mon séjour à Rome et dernier morceau de choix. Après la promenade aux thermes de Caracalla, mes pas m'ont ramené vers le centre de la ville, longeant longuement l'emplacement de l'ancien Circo Massimo ; passant non loin de Santa Maria in Cosmedin et sa célèbre Bocca della Verità, bien trop attendue par une foule bien nombreuse ; laissant sur la gauche les petits temples du forum Boarium (le rond d'Auguste et le rectangulaire de Portunus) ; longeant un bien surprenant théâtre de Marcellus, désormais coiffé d'habitations. C'est ainsi que je suis revenu au pied du Capitole et du mémorial à Victor Emmanuelle II, en surplomb du forum romain, cette fois sous le soleil pour refaire des clichés bien plus agréables. C'est ainsi qu'en quittant le forum, j'ai aperçu l'entrée de la prison Mamertine (ou encore Tullianum), qui accueillit des noms connus : Saint-Pierre, Vercingétorix, le conjuré Jugurtha. L'entrée en est payante mais uniquement sous forme de don ; néanmoins, l'endroit ne mérite pas vraiment qu'on s'y attarde : deux autels chrétiens et une plaque commémorative constituant l'essentiel.
Après ce retour sur quelques lieux déjà découverts l'avant-veille, la visite peut se poursuivre en traversant la Via dei Fori Imperiali au bout de laquelle s'élève le Colisée. On aboutit tout d'abord sur un large champ de fouilles en contrebas, parsemé de quelques portions de colonnes. Ce n'est qu'à l'arrière-plan que s'élève cet édifice antique aperçu depuis quelques jours et qu'on nomme marché de Trajan. Pour l'atteindre, le visiteur passe inévitablement aux pieds de la colonne Trajane. Elle ressemble étrangement à la colonne de la place Vendôme à Paris. Des plaques sculptées recouvrent toute sa surface sur les quarante mètres de haut et une sculpture coiffe le tout, à l'origine il s'agissait de Trajan lui-même, désormais il s'agit de Saint-Pierre. A l'intérieur, un escalier en colimaçon permet d'atteindre le sommet ; sa présence explique les fines meurtrières qu'on distingue sur toute la hauteur de la colonne. L'extérieur illustre les deux campagnes de l'empereur Trajan en Dacie (Roumanie actuelle). Il n'y a pas moins de 2500 personnages représentés sur 18 cylindres qui racontent par le détail les opérations militaires de cette conquête. La préservation des sculptures en regard de celles bien plus abîmées du forum romain.
Il faut contourner le marché pour en dénicher l'entrée, à l'arrière, dans la rue du 4 novembre. En plus d'être un vestige de l'époque antique, le marché et ses dépendances abritent le musée des forums impériaux, ce qui explique en partie le droit d'accès de 6€50. C'est en y pénétrant qu'on commence à deviner l'ampleur de ce bâtiment de briques aperçu depuis quelques jours et très reconnaissable à sa façade incurvé en forme d'hémicycle. Les premiers pas se font dans une haute halle voûtée, sur deux niveaux, qui héberge à la fois les services du musée ainsi que les premiers éléments d'expositions. Autrefois, les différentes alvéoles servaient de boutiques. Aujourd'hui s'y mélangent restes de statues plus ou moins complètes, portions de décorations mais aussi divers panneaux explicatifs concernant les différents forums (celui de César de l'autre côté de l'avenue, ceux de Trajan, Auguste et Nerva, de ce côté-ci). Parfois, il a même été prévu des reconstitutions multimédia permettant de se faire une meilleure idée de l'endroit au cours du premier siècle de notre ère. Cela se révèle très utile par exemple pour se représenter ce que pouvait être le colosse dont il ne reste qu'une « petite » phalange.
Le sens de la visite est libre et le visiteur peut donc aller où il veut au gré de ses envies. Mais j'aurais tendance à vous inviter à commencer par les salles du musée qui se situent dans les niveaux supérieurs. On en compte pas moins de six sur l'ensemble du marché ! Autant dire qu'il faut consacrer une poignée d'heure pour une visite tranquille. En sortant à l'arrière du bâtiment, vous pourrez accéder aux pieds de la tour des Milices ajoutée à l'édifice au cours du 13ème siècle. Elle aussi en brique, elle domine les lieux de son austère architecture. A ses pieds sont visibles quelques citernes sous les passerelles. En longeant à nouveau l'arrière du marché, on accède aux nombreuses terrasses qui chapeautent les différents éléments du marché. Celles-ci offrent un parfait point de vue à la fois sur le marché lui-même en contrebas, mais aussi sur les restes des forums ainsi que sur le forum romain et sur les alentours. D'ailleurs, deux plaques photos ont été judicieusement installées pour indiquer les différents édifices.
A l'extrémité du marché, on peut apercevoir la maison des Chevaliers de Rhodes voisine. Elle n'a rien de spectaculaire mais on la reconnaît à sa terrasse couverte. Elle abritait l'ancien prieuré romain des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, devenus Chevaliers de Rhodes puis de Malte. En redescendant, on aborde la Via Biberatica, une antique voie romaine conservée telle quelle au sein du marché, à mi-hauteur de l'édifice. Autrefois, elle était recouverte d'un toit soutenu par une série de fines colonnes. Côté marché, on peut voir quelques niches creusées dans la façade qui servaient de boutiques. De l'autre côté, on en devine la présence avec les petits murets qui ont survécu. En poursuivant sur cette ruelle, on finit par déboucher dans une impasse aux boutiques bien plus importantes. Il ne manquerait plus que quelques commerçants et acheteurs pour replonger dans l'antiquité, dans une atmosphère de tavernes et de boutiques d'épices. En entrant dans celles de gauche, on peut explorer une nouvelle partie du marché, plutôt souterraine, où on retrouve de nouvelles salles voûtées ainsi qu'un petit hémicycle de boutiques.
Un cran plus bas, et quelques marches assez raides, on aboutit à une coursive qui s'allonge sur toute le périmètre du grand hémicycle. Sous la voûte s'ouvrent les nombreux magasins. Une série de fenêtres très proches apportent la lumière indispensable et permettent aux visiteurs d'admirer le site. En bas de la dernière volée de marches, le visiteur atteint enfin le niveau le plus bas du marché. Ici pas de couloirs ni coursives, tout se passe dehors. Là encore, de grandes niches qui servaient de boutiques de détail sont percées dans les murs. Par endroits, on peut encore y voir quelques restes de mosaïques et même d'inscriptions d'époque. Le pavement antiques avec ses larges pierres plates tant elles ont dû être polies est assez pratique à emprunter. Il permet d'approcher des fouilles encore actives aux pieds du marché. Aux extrémités du site, c'est d'ailleurs plus un amas de pièces de puzzle qu'une exposition à ciel ouvert de vestiges archéologiques.
Au cœur de l'hémicycle pointe encore une colonne et son chapiteau ; bien mieux conservée que sa voisine dont il ne reste plus que le socle. Autour d'elles apparaissent quelques restes de pavement de marbre aux formes géométriques. Le muret tout proche qui épouse la forme de l'hémicycle séparait à l'époque le marché de Trajan du forum du même nom.
A la grande époque, le marché de Trajan fut considéré comme une merveille du monde classique. Ces 150 boutiques, entrepôts, bureaux et salles de négoce permettaient d'approvisionner la ville. On est désormais loin de cette splendeur mais il faut reconnaître que l'ensemble qui nous est parvenu reste tout de même impressionnant. D'ailleurs, je ne comprends pas pourquoi ce lieu est aussi méconnu ; jamais je n'en avais entendu parler contrairement à d'autres monuments de la ville.
Seul point négatif à mes yeux, la présence un peu partout, à tous les niveaux, de ces œuvres d'art d'un artiste japonais dont je n'ai pas retenu le nom : des sortes d'énormes cailloux aux formes plus ou moins naturelles, noirs ou blancs. Quel besoin de surcharger ce site antique bien conservé avec de tels objets aussi modernes ?