Essaouira, et ça ira !
Août 2002
Encore un dicton marocain. Et c’est vrai que c’était bien ! il faut dire qu’Essaouira est une des perles du Maroc. Quel meilleur choix pour la dernière étape d’un voyage au Maroc (avant, bien sûr, le retour vers la cohue de Marrakech pour reprendre l’avion).
Essaouira, la ville qui semble flotter entre ,terre et mer. Ses vols de mouettes, son port de chalutiers, et surtout son enceinte de murs fortifiés évoquent rapidement la cité corsaire de Saint Malo. Mais nous ne sommes pas en Bretagne, quoi qu’au vu du climat, on se demande !! d’ailleurs, les minarets, les maisons blanches aux toits plats et les boiseries teintées de bleu marquent bien l’appartenance à l’Afrique. Essaouira est une ville hors du temps qui charme ses visiteurs au point qu’il est difficile de la quitter.
Et il y a longtemps que ça dure ! les premiers à occuper les lieux furent les Carthaginois en 500 avant J.C. qui y trouvèrent un mouillage abrité des alizés et riche en eau potable. Vinrent ensuite les Romains suite à la troisième guerre punique en 146 avant J.C. Ils y installèrent le bâtisseur de Volubilis, la cité romaine près de Meknès. Celui-ci développa entre autres les industries des salaisons et de la pourpre. D’où la renommée des Iles Purpuraires posées au large de la ville. Au Moyen-Age, ce fut le tour des Portugais qui baptisèrent la ville Mogador. Les juifs s’y installèrent avec un statut particulier : celui d’intermédiaire entre le sultan et les puissances étrangères qui doivent installés des consulats dans la ville. Ils ont aussi des monopoles commerciaux qui font leur richesse. En 1764, le sultan installe sa base navale pour abriter les corsaires chargés d’aller punir les Gadiris révoltés (cf mon avis sur Agadir). Il fait aussi appel à un architecte français, Théodore Cornut, pour réaliser la nouvelle ville (« au milieu du sable et du vent, là où il n’y avait rien », dixit le sultan Mohammed ben Abdellah). Il édifiera entre autres le port et la casbah, mais la seconde ceinture de remparts et la médina auraient été bâtis par la suite. A ce propos, Es Saouira signifie « La Bien Dessinée ».
L’importance de cette ville a continué à augmenter jusqu’au début du 20ème siècle. Cette prospérité fut en grande partie due à l’importante communauté juive, qui s’occupait de commerces florissants. Mais cette communauté quitta la ville après la guerre des Six Jours. L’autre raison de cete prospérité est le port qui fut longtemps le seul port marocain ouvert au commerce extérieur.
C’est d’ailleurs ce port qui est à l’origine du brassage culturel qu’on observe à Essaouira. Le fait d’avoir été le port de Tombouctou a fait venir les Gnaouas, descendants des esclaves noirs venus du Soudan, et d’autres ethnies venues d’Afrique, là où étaient installés des tribus arabophones et berbérophones autour de la ville. Un tel mixage culturel a fait de la ville un lieu privilégié où les gens s’adonnent facilement à des activités artistiques (artisanat, sculpture, peinture, musique, tissage, marqueterie). On trouve d’ailleurs de nombreuses galeries dans la vieille ville. Côté musical, c’est les Gnaouas qui font la réputation de la ville. A l’aide de trois instruments (le ganga, un gros tambour en peau de mouton ; les crotales, sorte de castagnettes en fer en forme de huit ; le guembri, constitué de trois cordes tendues), ils produisent des rythmes très lancinants, menant parfois jusqu’à la transe. Cette musique donne d’ailleurs lieu à un festival annuel en juin-juillet.
De la belle époque, il reste un certain nombre de témoins. Dirigez vous vers le port pour en profiter pleinement. Promenez vous sur les quais pour observer toute cette activité autour des chalutiers. Vous pourrez voir certains quais transformés en chantiers navals où sont encore construits des bateaux tout en bois. Du bout de la jetée, vous aurez un excellent point de vue sur la baie d’Essaouira et sur les îles Purpuraires. En retournant vers la vieille ville, vous passez par la porte de la Marine. Celle-ci fut bâtie à la fin du 18ème siècle afin de relier le port à la ville. Le sommet de la tour est occupé par une série de canons aux armoiries portugaises, espagnoles et flamandes.
Entre le port et la ville, vous passerez devant une série d’échoppes où on vous propose de déguster le fruit de la pêche. Pour ma part, j’ai préféré éviter : l’hygiène me paraissait limite mais je me trompe peut être. Arrivé devant la vieille ville, dirigez vous vers la place Moulay-el-Hassan afin de trouver la petite ruelle sur la gauche qui va vous mener au pied des remparts. Cette étroite ruelle vous mène le long des remparts séparant l’océan de la ville. Après avoir franchi un passage voûté, vous parvenez à la Sqala de la Casbah. Ce sont d’anciens entrepôts de munitions où sont installés les ateliers des marqueteurs. Leurs objets sont souvent magnifiques, réalisés à partir de thuya, de citronnier, d’ébène et même de fil de cuivre. En poursuivant, on débouche sur une plate-forme au sommet des remparts, longue d’environ 200 mètres, où sont installés des canons braqués vers l’océan, à travers les créneaux. A l’extrémité de cette plate-forme, le bastion nord, une tour creuse à ciel ouvert, offre un point de vue à la fois sur la plate-forme et sur le quartier du mellah. Le mellah est l’ancien quartier juif. Malheureusement, de part sa situation face à l’océan, ce quartier est sapé par la mer, les remparts s’effritent, certaines maisons s’écroulent. C’est assurément le quartier le plus triste de la ville. Mais on peut espérer que le classement de la ville au patrimoine mondial de l’Unesco permettra de réhabiliter le coin.
Revenez ensuite par la « grande avenue » de la vieille ville. C’est le coin le plus animé de la ville avec le port. L’essentiel des commerces y sont regroupés attirant donc les habitants de la ville : on y trouve pêle-mêle bouchers, épiciers, … Sur le côté gauche de la rue, c’est la médina, mais rien à voir avec celle de Marrakech. De l’autre côté, c’est le souk, beaucoup plus calme et accueillant que les autres. Dans la vieille ville, il ne faut pas hésiter à flâner dans les petites rues sans peur de se perdre (aucun risque vu la taille de la cité). Ainsi on découvre de petits ateliers, de magnifiques portes, ...
Une des spécificités de la ville est son climat. En effet, ici, aucun risque de coups de chaleur. La température est presque toujours inférieure à 25°C. malheureusement, cette température clémente s’accompagne d’un taux d’humidité très important. Ceci explique pourquoi la ville vieillit mal. C’est un des rares endroits au Maroc où la petite laine est bien utile en soirée.
L’autre spécificité de la ville est l’huile d’Argan. C’est le seul endroit au monde où on trouve l’arganier. Cet arbre est très prisé par les chèvres, à tel point qu’elles grimpent sur les branches pour en déguster les fruits. Ces fruits permettent de produire une huile aux vertus anti-cholestérol et vitaminiques. Méfiance toutefois si vous apercevez des chèvres perchées, il y a très probablement des bergers tout près pour vous demander la pièce : pour attirer le touriste, ils placent les chèvres dans les arbres !!
Cette ville mythique attire énormément de touristes européens. Il est regrettable, à certaines heures de la journée, de se croire presque en Europe tellement on voit peu de marocains et beaucoup de d’européens (il n’y a que là que j’ai eu une telle impression). C’est particulièrement vrai lorsqu’on s’installe à la terrasse de l’un des cafés de la place Moulay-elHassan. On peut y manger ou y boire pour pas cher et en même temps prendre le pouls de la ville. Côté loisirs, sachez que le coin est particulièrement fouetté par les vents. Du coup, la plage est le paradis des véliplanchistes.
Pour vous restaurer, essayez le Ramsès. Le cadre est magnifique, dans une demeure du 18ème joliment décorée. La cuisine y est originale mais de qualité, et surtout savoureuse. Vous dînerez aux chandelles sur fond de douce musique. Le Routard lui reproche un service très long et des portions peu copieuses mais nous n’avons pas eu de problèmes. Le tout pour un tarif très raisonnable.
Par contre, côté hôtellerie, je vous déconseille fortement l’hôtel des Remparts juste à côté du restaurant. Je sais qu’il est difficile de trouver une chambre en ville mais gardez cette adresse en dernier recours. Elle est littéralement à l’abandon. Vous verrez !!
Oups j’allais oublier de vous parler d’une artiste un peu particulière. Habiba est une tatoueuse au henné. Elle propose une large gamme de motifs en plus de tous ceux qu’elle invente. Et surtout quelle finesse dans le dessin ! Ca change des tatouages réalisés à la va vite à Marrakech. En plus, c’est quelqu’un de très sympa, chaleureuse et très ouverte à la discussion. Vous la trouverez sous l’enseigne « Au petit bonhomme la chance », juste sous les remparts.
Pour quitter la ville, le plus simple est d’utiliser les bus de la Supratours situés juste à côté des remparts, tout près du bastion sud ; la gare routière, quant à elle, est beaucoup plus loin. Aucune crainte à avoir, le service est le même qu’à la CTM. Par contre, ce bus vous déposera non pas à la gare routière mais à la gare ferroviaire de Marrakech, dans le quartier de Gueliz.
Sachez enfin que la vie à Essaouira est plus chère qu’ailleurs. Célébrité oblige !!!
Voilà qui met un point final à mon voyage au Maroc. Toutes les bonnes choses ont une fin ........... malheureusement !!