Pachacutec, panorama andin (1)
Samedi 16 Mai 2015, Paris
Heureusement qu’il y a une récompense au bout, sinon je ne pourrais pas me lever à 4h30. La nuit est bien trop courte mais je n’ai pas trop le choix pour respecter l’heure fixée par l’agence. Les sacs étant déjà bouclés depuis la veille, je ne traine pas pour me préparer. J’ai même l’impression d’être plus efficace sur le chemin qui mène à la gare. En vain ! Je le saurais pour la prochaine fois, le premier RER ne passe qu’à 5h43. Inutile d’arriver trop tôt. Du coup, je passe une bonne demi-heure sur le quai désert, froid et sombre de La Croix de Berny. Au moins, je ne risque pas de m’endormir. Un quart d’heure plus tard, je suis à l’aéroport d’Orly en train de déposer mon sac au comptoir d’Iberia. L’avantage d’arriver si tôt est net : quasi aucune file d’attente que ce soit pour la dépose-bagages ou au contrôle de sécurité. Ensuite, il faut résister au poids des paupières, au moins jusque dans l’avion. Pour m’occuper, j’essaie de repérer d’éventuels partenaires de voyage. Mais en vain, un faux espoir en voyant une étiquette de la bonne agence mais pour une autre destination ! Je n’ai quasiment pas vu passer le vol jusqu’à Madrid. Pour une fois, je reste dans le même terminal : pas de train automatique à dénicher. Je me contente de nombreux et longs couloirs, ainsi que divers escaliers mécaniques pour rejoindre l’immense hall des départs internationaux long-courrier. Le contrôle d’identité à l’immigration est carrément sommaire.
Désormais il faut patienter à nouveau avant que la porte d’embarquement soit fixée. Et attendre ensuite le personnel Ibéria pour un nouveau festival. L’embarquement est lancé sans équipage à bord. En conséquence, nous voyons petit à petit les gens s’entasser sur les deux passerelles. Ca en serait risible si ce n’était pas si affligeant. Quant aux groupes d’embarquement imprimés sur les cartes, ils y restent ! Bon gré mal gré, nous parvenons à embarquer et décoller avec un peu de retard. Les années passent mais le service de la compagnie ibérique ne s’arrange pas. C’est parti pour plus de douze heures de vol ; le tout de jour. Dur, dur ! Ces vols là sont les plus pénibles. J’alterne sommes et pauses restauration. Inutile de compter sur un système de vidéos. Il n’y en a pas. Seul l’écran général diffuse mais aucun écouteur n’est distribué ! Le temps est donc bien bien long.
Enfin, vers 18 heures, nous apercevons un superbe soleil couchant sur l’océan pacifique alors que le dernier virage nous annonce l’approche finale vers Lima où il fait déjà nuit. L’avantage d’avoir un siège à l’avant me permet de descendre rapidement puis de bien se placer dans les nombreuses files pour le passage de l’immigration. Une formalité vite expédiée au contraire des bagages. Le rythme de livraison semble terriblement lent, à tel point que je finis par imaginer que le mien n’arrivera pas. Par miracle mon sac finit par se présenter. Direction le contrôle douanier où seuls les bagages sont analysés dans le tunnel à rayons X mais la fiche de renseignements n’est même pas lue ! Derrière les guichets des loueurs de voiture attend une foule bruyante. Au milieu des dizaines de panneaux, j’en aperçois un sur lequel est inscrit mon nom : c’est un chauffeur mandaté pour me conduire jusqu’à l’hôtel Continental près du vieux centre de la capitale péruvienne. Vingt minutes plus tard, je suis à destination : pas de guide, un réceptionniste qui n’est pas sûr d’avoir une chambre pour moi. Il finit tout de même par me donner la clé d’une grande chambre à deux lits alors qu’il me cherchait une chambre single ! Enfin je peux me poser, me détendre et me préparer pour la nuit. Erreur, tout juste le temps de prendre une bonne douche et de commencer à profiter du lit ! Vers 20h30, une sonnerie me sort de ma torpeur et la réception me prévient que je n suis pas dans la bonne chambre (ils ont fait une erreur) et que je dois en changer. Youpi ! Une petite pièce où je peux tout juste caser mon sac sans qu’il soit dans le passage : du palace, je suis passé à la boite à chaussures. Et je n’ai toujours pas vu la guide : juste trois mots au téléphone pour m’indiquer qu’il y a erreur sur la chambre. Sur ce, il est bien temps de dormir : le réveil est bien loin, presque vingt quatre heures.
Dimanche 17 Mai, Lima
Avec le décalage horaire, le réveil est bien matinal ; peu après 7 h, j’ai l’impression que tous les français de l’hôtel sont déjà debout. Par hasard je tombe sur une personne qui me cherche ou plutôt qui demande à la réception où je suis. Guide ? Le mystère plane encore ! En attendant, je profite du buffet du petit-déjeuner en attendant l’heure du rendez-vous fixé autour de 8h30. Apparemment deux personnes viennent d’arriver. La désorganisation semble persister. Vivement que le ou les groupes se forment et prennent leur rythme.
Et enfin, tout finit par s’expliquer. Nous sommes bien un seul groupe de douze personnes arrivés sur trois vols différents dont le dernier tôt ce matin et tous inscrits via une autre agence. Je découvre que l’essentiel du groupe est arrivé par le vol KLM qui a atterri presqu’au même moment que le mien. La guide était bien là mais je n’ai pas vu son panneau en premier. Finalement l’intention de bien faire y était. Ce matin, nous avons deux guides, Heidé qui sera la principale et Brenda qui va assurer la visite de Lima.
Vers 9 heures nous quittons l’hôtel pour descendre d’un bloc vers la place San Martin. En tant que libérateur du pays, il occupe une position importante avec une place à son nom et une statue équestre plantée en son centre, bien en vue. On ne soupçonne pas que tous les bâtiments qui nous entourent ne sont que stucs plaqués sur des structures en bois, plus résistantes aux séismes. Nous en avons la preuve en toquant les murs du Grand Hôtel Bolivar, longtemps l’adresse la plus courue de Lima. En raison de son classement au patrimoine historique, nous avons la possibilité d’y pénétrer, de passer sous la belle coupole Art Déco qui baigne le hall de lumière. La réception et l’ascenseur ont conservé leur cachet d’antan. Il y a même une Ford T stationnée devant les guichets de la réception. Juste à côté un pupitre remémore les heures de gloire de l’établissement en rappelant les grands noms de ce monde qui ont été clients.
Après une pause financière pour faire du change juste à côté de l’hôtel, nous remontons par la rue de l’Union qui présente l’avantage d’être piétonne sur toute sa longueur. Elle est encore bien déserte, contrairement à la veille, à en croire ceux qui ont eu le courage de ressortir de l’hôtel hier soir. En fait il vaut mieux avoir le nez en l’air pour profiter des nombreuses façades stylées : diverses époques se côtoient du colonial à l’Art Déco. Au passage nous nous rendons compte que faute de budget celles-ci se dégradent sans parler des derniers étages souvent laissés à l’abandon. Seul semble compter le rez-de-chaussée pour accueillir des commerces.
A mi-chemin nous découvrons une façade étonnante. Très chargée dans le plus pur style baroque et relativement sombre à cause de la pierre de ballast employée pour la construire. Nous sommes face à l’église de la Merced. Ce lieu nous fait prendre conscience que les péruviens semblent très pieux. Un des autels, tout en bois noir, baroque assumé, nous donne l’impression d’être en chute permanente sur le visiteur. Nous poursuivons jusqu’à la place d’Armes, le cœur de toute ville américaine, au sens large, et a fortiori de la capitale péruvienne. Tous les pouvoirs y sont rassemblés : le palais présidentiel en face de nous, somme toute assez sobre, la cathédrale et l’archevêché à notre droite, et la mairie sur notre gauche. Dans un premier temps, nous nous limitons à la visite de la cathédrale : elle mélange divers styles des suites de destructions successives dues à différents séismes. Dans la première chapelle serait enterré le conquistador Pizarro. Il faut le deviner tant l’absence d’information pour celle-ci est flagrant. Et l’intérieur semble servir de rangement pour diverses choses. Tout juste arrive-t-on à voir sur le mur du fond une représentation de la conquête espagnole du Pérou réalisée en mosaïques.
A la sortie, nous rejoignons l’angle du palais présidentiel avant de longer son aile droite jusqu’à l’ancienne gare ferroviaire transformée depuis en bibliothèque. Deux énormes têtes de condor en métal trônent à l’entrée. Nous poursuivons ensuite sur une centaine de mètres pour rejoindre le couvent des Franciscains. En chemin, nous découvrons avec une pointe d’amusement qu’ici on adopte une façade (chez nous c’est plutôt un mec ! Ici ce sont des mécènes qui financent les restaurations). Nous laissons de côté l’église pour profiter du couvent lui-même. Toute photo y est malheureusement proscrite. Quel dommage : murs recouverts de mosaïques azulejos, cloitre magnifique, paré de céramiques et orné de tableaux géants dans les parties supérieures, quand il ne s’agit pas de fresques. Ce couvent permet aussi de découvrir les catacombes de Lima. De longs couloirs souvent bas de plafond permettent de voir de nombreux os humains rangés par types, souvent dans les fosses qui servaient à l’origine pour les dépouilles. Idem dans l’énorme puits central de huit mètres de diamètre : ceux qui ont fait le rangement semblent s’être amusés à faire quelque chose d’esthétique. J’ai un peu de mal à imaginer que les cadavres étaient déposés juste en-dessous de l’église, dont nous soupçonnons la présence toute proche via divers conduits. Revenu à la surface, nous découvrons aussi l’existence d’une étonnante bibliothèque qui m’a rappelé par certains côtés celle du Palais Bourbon, toutes proportions gardées, mais abritant tout de même pas loin de 25000 volumes. Autre surprise avant de sortir quand nous levons les yeux au-dessus du grand escalier : une coupole en bois de cèdre nous surplombe, de style mauresque. Celle-ci doit être au moins la troisième depuis la construction d’origine. Décidément les séismes entrainent de fréquents renouvellements.
De retour sur la place d’Armes, nous profitons d’une partie du spectacle livré. Déjà au moment de notre passage aux abords de la bibliothèque, des cavaliers vêtus de noir s’exerçaient ; puis d’autres, couverts de blanc, semblaient patienter dans la rue longeant l’archevêché. En ce dimanche a lieu la relève de la garde du palais présidentiel. Des estrades permanentes sont installées face à celui-ci assurant le confort de quelques-uns mais gênant la vue en permanence. C’est un choix pour le moins étonnant. J’essaie de suivre une partie du cérémonial sans en comprendre les codes ni les règles. Je profite surtout des évolutions des cavaliers que ce soit sur la place ou dans la cour du palais. J’en profite aussi pour faire quelques photos en attendant l’heure du rendez-vous à l’hôtel.