Pachacutec, panorama andin (5)
Jeudi 21 Mai 2015, Arequipa
Réveil plus matinal ce matin. Il me faut même attendre que la terrasse du petit-déjeuner soit ouverte. J’en profite pour faire quelques photos depuis une des terrasses de toit et savourer le calme du jardin totalement désert. Une fois prêt à partir, nous découvrons un nouveau guide qui se joint à nous pour l’étape à travers le canyon de Colca. Il faut un long moment pour sortir d’Arequipa et s’extraire de tenaces embouteillages, passer l’aéroport, longer les bidonvilles et patienter dans la montée à cause des travaux. En chemin, certains ont fait provision de feuilles de coca au cas où le mal de l’altitude se ferait sentir. Petit à petit se révèle le paysage de l’altiplano, les grands espaces cernés par les chaines de montagnes ou de volcans enneigés.
Nous faisons une première halte un peu au-dessus de 400 mètres dans un genre de magasin qui s’est spécialisé dans la vente d’infusions de plantes sensées protéger des maux de la montagne (feuille de coca, muña et une autre plante dont je n’ai pas retenu le nom). Accessoirement, dedans comme dehors sont proposés de nombreux articles d’artisanat par des dizaines de femmes. Cet endroit semble être le point de rendez-vous de tous les véhicules de tourisme qui arrivent d’Arequipa. Je ressens les premiers effets des 4000. Il faut y aller doucement pour éviter les vertiges.
En poursuivant notre route, nous commençons à apercevoir nos premières vigognes. Il faut dire que nous sommes en train de traverser un parc national qui permet de les protéger. Les lamas font aussi leur apparition, parfois au milieu de quelques bofedals, ces zones humides qui semblent leur plaire tout particulièrement. Je reconnais aussi ces taches vertes spécifiques à ces paysages : les yareta qui ressemblent à une grosse boule de mousse alors qu’elles sont aussi dures que du bois. La végétation est désormais limitée à sa plus simple expression : quelques touffes d’herbe dure et jaune parsemant le plateau. Nous continuons à monter inexorablement vers les cimes, jusqu’à atteindre le mirador des volcans situé à plus de 4900 mètres. En plus de l’altitude, le vent froid s’est invité. Mais il en faut plus pour nous retenir de profiter du mirador et de repérer la poignée de volcans qui nous cernent. Pour être précis, ils sont au nombre de six. Nous avons enfin sous les yeux le fameux Ampato qui abritait Juanita et le Sambacay voisin qui a permis de la retrouver grâce une éruption. Il fume toujours formant un joli panache de fumée au-dessus de sa couverture de neige. Quant au Misti situé à l’opposé, il impressionne bien moins que la menace qu’il représente pour Arequipa le jour où il entrera en éruption.
Ce mirador constitue le point culminant de notre circuit au Pérou. Désormais, nous redescendons tranquillement toujours dans ce paysage d’altiplano jusqu’au village de Chivay. Notre première destination, vu l’heure assez tardive est une petite rue où se situe notre restaurant. De la rue, il faut savoir qu’il est là. Aucun signe ne prévient de sa présence. Un buffet nous est proposé : nous en profitons allégrement, comme si nous étions morts de faim. Nous tentons aussi quelques essais culinaires : du cuy bien trop cuit pour certains, un dessert gélatineux mais goûteux pour d’autres. Après avoir pris notre temps pour nous restaurer, nous rejoignons le marché situé dans l’angle de la place d’armes, non loin de l’église. Il ne présente pas de grande particularité ; en revanche, on peut y voir beaucoup de femmes plus ou moins jeunes portant le costume traditionnel local. Mais difficile d’en faire des photos. Le long de la halle qui abrite le marché ont été plantées des statues représentant différentes danses traditionnelles.
L’heure tourne et nous avons encore une randonnée à faire avant que la nuit tombe. Nous roulons donc jusqu’au village voisin de Coporaque où nous mettons pied à terre. C’est parti pour cette première épreuve qui doit nous conduire vers le site archéologique de Yuo Yuo avant de redescendre vers le village de Yanque. Les premiers mètres sont encourageants mais le chemin a vite fait de s’élever. A cette altitude, j’atteins rapidement mes limites et je ralentis le rythme immédiatement. Je servirai de serre-file. Qui plus est, le parcours est parfois décourageant : on croit avoir fini de monter mais derrière la crête visible, le chemin continue encore et toujours à monter. Heureusement que le soleil est là. Avec Sylvie, nous fermons la marche d’autant plus qu’on sort régulièrement nos appareils pour faire des photos. Jean-Michel, en pleine forme, fait même des allers-retours pour venir prendre de nos nouvelles à l’arrière. Quel répit quand enfin, nous sommes certains qu’il ne restera que de la descente. C’est d’ailleurs là que se trouve quelques murs en ruine et une maison reconstituée sur le site archéologique. Contrairement aux apparences, nous sommes encore loin du but. Petit à petit nous apercevons un minibus en contrebas, mais la piste pour y parvenir n’est pas directe. Plus nous descendons, plus le véhicule semble s’avancer pour nous épargner les derniers mètres. A croire que le guide assistant s’inquiète que nous finissions trop tard. Il faut dire qu’il veut nous emmener aux bains chauds pour nous détendre. Les candidats sont rares alors que la pénombre s’annonce. Il faut dire que nous n’étions pas prévenus et qu’il faut donc récupérer maillot de bain et serviette au fond des bagages sur le parking des thermes. Nous sommes seulement trois à vouloir en profiter. C’est dans le noir que nous descendons les escaliers qui mènent à l’unique bassin. Après avoir marché pendant presque trois heures, se prélasser dans une eau aux alentours de 35° C fait le plus grand bien. Par contre la sortie, en plein froid alors qu’il n’y a plus de vestiaire libre est plus difficile. Nous ne nous attardons pas trop longtemps pour ne pas faire attendre le reste du groupe resté dans le minibus.
C’est donc à la nuit que nous rejoignons notre hôtel à Yanque. Nous sommes accueillis en français ce qui nous surprend un peu : le patron est originaire de l’Ardèche et une de ses assistantes est québécoise. Après avoir jeté mes affaires dans la chambre, je reviens dans la salle commune où un feu de bois a été allumé. Un vrai plaisir de s’y tenir près en attendant l’heure du repas. Après un bon repas, le patron nous invite à le suivre dehors (évidemment, nous étions prévenu pour prévoir la tenue adéquate). Nous découvrons que l’hôtel dispose d’un observatoire dont la base a été aménagée en planétarium. Nous y pénétrons pour regarder un petit film d’une dizaine de minutes sur le système solaire. Après cette introduction, notre hôte nous fait profiter du spectacle céleste depuis la terrasse. J’avais déjà vu de magnifiques ciels nocturnes, mais jamais auparavant la Voie Lactée ne m’avait autant impressionné tant elle est imposante. Il nous montre aussi quelques unes des principales constellations visibles, en commençant par la Croix du Sud, ainsi que les planètes. Mais le clou de la soirée est à venir. Il nous invite à monter dans son observatoire. Nous observons tour à tour quatre objets célestes en terminant par Saturne, ses anneaux et quelques-unes de ses lunes. Le spectacle est féérique : grâce au télescope, nous voyons encore plus de points lumineux qu’à l’œil nu. On se croirait presque dans l’infini. Signe ou pas, une étoile filante passe dans l’ouverture de la coupole. Après ce début de nuit scientifique, il est temps de rejoindre nos couettes et de nous mettre au chaud pour récupérer de cette première journée un peu physique.
Vendredi 22 Mai, Yanque
Pour cette matinée destinée à nous montrer les condors, nous n’avons pas d’autre choix que de partir tôt. Il fait particulièrement frais en sortant de la couette. Et cela continue sur le chemin pour rejoindre la salle de restauration. Nous les voyons directement préparer notre petit-déjeuner en cuisine par-dessus le comptoir. Nous nous sommes presque levés trop tôt : le buffet n’est pas encore prêt quand nous arrivons. A 6 heures, nous sommes prêts à partir, limite transis par le froid mais admirant un joli lever de soleil qui s’annonce. Nous poursuivons notre exploration du canyon de Colca en nous dirigeant vers le mirador Cruz del Condor. Mais avant d’y arriver, nous faisons un détour par le village de Maca qui n’a pas encore émergé de la nuit. Nous comptions jeter un œil dans son église, mais nous devons finalement nous contenter d’en admirer l’extérieur. Elle est typique de ces églises toutes blanches qu’on trouve sur l’altiplano au Pérou comme dans les pays voisins. Nous avançons en montant lentement mais régulièrement. Nous faisons halte à divers belvédères. Depuis le premier, nous apercevons une grosse pierre en contrebas de la route. Il semblerait que les marques visibles à sa surface seraient l’ébauche des terrasses réalisées ensuite. Un peu comme un plan. Un peu plus loin, ce sont des tombes qui attirent notre regard. Elles sont creusées au milieu de la falaise dans les endroits les plus inaccessibles. Certaines sont encore murées mais beaucoup semblent avoir été pillées à en croire les trous visibles dans la paroi. Nous reprenons pour quelques kilomètres avant de débarquer définitivement. L’idée est de rejoindre la Cruz del Condor à pied en empruntant le chemin en bord de falaise. Celui-ci est ponctué de plusieurs points de vue à la fois sur le canyon mais surtout sur les airs. Ce matin, je ne suis pas en grande forme et cette marche d’une demi-heure dans le froid et en altitude n’arrangent pas les choses. Heureusement, nous sommes gâtés par la nature. Assez rapidement des ailes sombres apparaissent dans le ciel. Les condors sont là et commencent à faire leurs ronds sur fond azur. Certains, rares, ne font que passer tandis que la plupart restent autour du mirador. Quelques-uns nous font même le plaisir de se poser pas trop loin des objectifs. Plus on approche du mirador et plus la foule se fait dense. Il faut dire que la majorité des visiteurs montent en véhicule jusqu’au mirador. Nos guides en ont décidé autrement. Le spectacle de ces grands oiseaux se prolonge toute l’heure où nous restons sur place.
Après ce spectacle naturel, nous reprenons notre véhicule pour retourner dans un premier temps jusqu’à Chivay où nous récupérons des paniers repas et nous déposons notre guide assistant à la gare routière juste à temps pour qu’il prenne son bus pour rentrer à Arequipa. De notre côté, nous poussons jusqu’à la place pour permettre à Heidé d’acheter quelques ingrédients manquants en vu de préparer un Pisco Sour. Les courses faites, nous nous remettons en route. Nous reprenons la même route qu’à l’aller via le mirador des Volcans et le parc national. Lorsque nous arrivons au relais pour faire la pause repas, nous avons la surprise de le trouver totalement vide de touristes. Pas un seul véhicule sur le parking. Seuls les quelques employés sont là. Quel contraste avec notre passage la veille au matin où les lieux étaient animés et bruyants. Nous n’avons que l’embarras du choix pour nous poser, que ce soit à l’intérieur pour profiter de l’ombre ou à l’extérieur pour ceux qui préfèrent avant tout la chaleur du soleil. Malheureusement, le contenu du panier n’est pas forcément à la hauteur : pomme de terre et poulet grillé sont carrément secs à avaler. Les fruits et le sandwich passent un peu mieux. Aujourd’hui ce sera régime ! Non loin de là nous retrouvons la bifurcation qui nous permet de nous diriger vers Puno, la grande ville près du lac Titicaca. Les paysages restent aussi beaux et grandioses. Quelques flamants roses font leur apparition mais toujours très éloignés de la route. Nous contournons un immense lac, la lagune Lagunillas, à l’eau d’un bleu sombre, typique de ces lacs d’altitude.