Découverte de la Birmanie (1)
Vendredi 23 Octobre 2015, Paris
Même pour partir en vacances, je ne suis décidément pas du matin. 5h30 c’est beaucoup trop tôt, pourtant c’était presque juste. Chargé du sac à dos et trainant derrière moi le gros sac à roulettes, je me mets en marche dans la nuit encore noire. Heureusement le temps est sec et la température supportable. Sûrement inconsciemment inquiet de ne pas être à l’heure, je crois que j’ai battu mon record pour descendre jusqu’à la gare RER. De fait, me voilà rassuré : je serai en avance. La faible affluence dans les transports en commun me surprend un peu. En ce dernier jour de la première semaine des vacances de Toussaint, je craignais une rame bien remplie. Au contraire, tout le long du trajet, le wagon reste clairsemé : aucun souci donc avec mes bagages. Je finis même par somnoler. Paisiblement, je rejoins l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Il y avait bien longtemps que je n’avais pas mis les pieds au terminal 1. Ici aussi les couloirs sont clairsemés. Quelques minutes après mon arrivée, je vois approcher la personne chargée de nous remettre nos billets d’avion. Nous patientons une bonne demi-heure avant d’être rejoints par les trois autres membres du groupe. Ils arrivent au moment où je suis en train d’enregistrer. Voici donc Nadine arrivant de Belgique, François et Josette de Perpignan. La dépose des bagages, l’immigration et le contrôle de sécurité sont expédiés assez rapidement. J’ai tout de même droit au contrôle chimique. Négatif évidemment ! Il reste une grosse demi-heure à patienter dans ce satellite bien vide. Heureusement, notre avion pour Doha est déjà là.
Six heures de vol sont prévus pour rejoindre notre escale au Qatar. Nous constatons grâce à la carte embarquée qu’un large détour est réalisé pour contourner par la Turquie et l’Iran les zones de conflit du moment. Atterrissant de nuit, il est bien difficile de définir une image de l’émirat tant décrié en France. L’aérogare semble surdimensionné par rapport au nombre d’avions présents sur la plateforme. C’est aussi un temple du luxe avec les tarifs associés, même en duty-free. Au centre des boutiques le grand hall propose même de devenir millionnaire ou de remporter la Mac Laren P4 ou une Aston Martin Vanquish, moyennant des billets de loterie variant entre 120 et 250 dollars, tout de même ! Du coup, je me dirige rapidement vers la porte d’embarquement du vol suivant. Au fil de mon attente, je finis par comprendre que nous serons accompagnés par un groupe de pèlerins de retour de pèlerinage à la Mecque (pas loin des deux tiers de l’A330 tout de même). Désordre assuré à l’embarquement malgré les groupes définis à cet effet. Idem à l’atterrissage.
Le second tronçon presque rectiligne jusqu’à Yangon ne dure qu’un peu plus de cinq heures. Autant dire bien trop court pour y glisser quelques heures de sommeil malgré le fait que nous soyons en pleine nuit. La journée continue d’être longue, et ce n’est pas terminé loin de là. Pour laisser passer la horde désordonnée, nous sommes dans les derniers à débarquer. Le contrôle d’immigration est bien lent surtout quand un des trois agents décident subitement de quitter son poste sans revenir. Pendant ce temps les bagages ont avancé et nous les récupérons en seulement quelques minutes, toujours dans la cohue. Le passage de douane est une simple formalité : tous les sacs passent dans un tunnel à rayons X. Malgré tout le temps écoulé, la foule est encore nombreuse mais nous trouvons facilement Mya qui sera notre guide, grâce au panneau de l’agence. S’en suit une traversée de l’aérogare façon étroite haie d’honneur : c’est une sensation assez hallucinante ! Tous ces gens attendent les pèlerins. Après l’incontournable passage par le bureau de change (ici on utilise le kyat qu’on prononce chiat, et on en obtient presque mille cinq cents pour un euro), nous quittons cette aérogare bruyante pour un parvis … qui l’est tout autant. Les véhicules circulent aussi mal que les piétons à l’intérieur. Notre van finit par arriver et avec lui le silence. Nous commençons à découvrir que, comme de nombreuses grandes métropoles, Yangon se développe de manière anarchique. Des bâtiments modernes voisinent des anciens, semblant se décrépir à vue d’œil. Nous faisons une première halte au bord du lac Inya pour nous dégourdir les jambes en marchant sur la jetée, sous le ciel gris. Posé en pleine ville, il pourrait presque faire penser au réservoir de Central Park. Un mystère persiste : pourquoi tous ces corbeaux ? Les birmans semblent très concernés par la pratique physique. Tout le long de la jetée et même en contrebas, nous pouvons en voir faire des étirements ou des mouvements de gymnastique. Nous constatons aussi que l’énorme majorité, hommes comme femmes, portent le longui, ce long « pagne » traditionnel noué à la taille. En poursuivant notre progression dans la capitale nous croisons le convoi de Aung San Suu Kyi avant de passer devant sa résidence, où elle fut assignée à résidence pendant une quinzaine d'années.
Nous atteignons finalement la pagode de Chaukhtatgyi, la première d’une longue série, qui présente la particularité d’abriter un des plus grands bouddhas couchés. Son imposante carcasse de presque soixante six mètres de long est installée sous une vague structure métallique. Il est représenté dans sa version repos, avec les yeux entrouverts et les pieds croisés. En faisant le tour, nous découvrons les fameuses marques de naissance qui recouvrent les plantes de ses pieds. Dans ce coin, nous profitons aussi d’une plateforme qui permet de prendre un peu de hauteur et mieux profiter de l’immense statue. Derrière sa tête, nous découvrons pour la première fois ce lieu d’hommage au bouddha basé sur les huit jours de la semaine bouddhique, chacun étant associé à un animal. Chacun, en fonction de son jour de naissance, vient faire ses vœux ou rendre ses hommages sur la statuette du jour. Avec cette première visite, nous découvrons l’usage qui consiste à se déchausser, chaussettes comprises, dès qu’on pénètre dans une enceinte religieuse. Les genoux et les épaules doivent être couverts. Evidemment, à peine débarqués d’Europe, nous sommes encore lourdement chaussés ce qui ne facilite pas les choses. Vivement demain !
Nous faisons ensuite une pause pendant laquelle Mya n’hésite pas à se remplir l’estomac avec des nouilles tandis que nous ne pouvons pas faire mieux qu’un simple thé au lait. Impossible de manger quoi que ce soit de bon matin. Sur la route du port nous continuons la découverte de bâtiments remarquables, sans nul doute d’origine coloniale, et d’autres particulièrement décatis. Nous attendons un long moment dans le hall d’attente du ferry : plongée directe dans la vie quotidienne des habitants de la capitale. Dès que le navire se présente, une véritable cohue se précipite sur le ponton jusqu’au quai. Il permet de traverser un des fleuves qui coulent à Yangon, se joignant dans l’estuaire au sud de la cité. A bord, c’est un ballet incessant de vendeurs en tous genres qui assurent un brouhaha important. C’est peut être utile pour nous empêcher de sombrer dans une certaine torpeur, la fatigue aidant. Quelques minutes plus tard, nous débarquons de l’autre côté dans le quartier de Dala. Mya nous a réservé un groupe de trickshaws, ces vélos avec un siège latéral pour le client. C’est ainsi que nous allons faire le tour de ce quartier principalement lacustre. Quel contraste avec la ville voisine de quelques centaines de mètres seulement de l’autre côté de l’eau. Les maisons de bois sur pilotis laissent une impression de dénuement, pas d’eau courante. Et pourtant se dégage une certaine sensation de sérénité. Etonnant ! Nous faisons halte dans une fabrique de bougies où travaillent de jeunes enfants. Le Myanmar a encore de gros progrès à faire dans ce domaine. Mon conducteur a mal choisi son passager : il est à la peine à chaque relance ou à la moindre pente. Nous retournons en ville par le même chemin, toujours avec la même animation à bord. Direction le restaurant, il commence à faire faim. Tout le monde y trouve son compte. Et que dire du cadre, au bord du lac Kandawgyi, celui-ci étant d’origine artificielle.
Nous avons bien mérité un détour par l’hôtel pour un peu moins de deux heures. Pas de sieste, ce serait trop risqué. Mais par contre, une bonne douche est la bienvenue : revigorant. A 16h30, Mya et le chauffeur viennent nous récupérer pour nous conduire à la fameuse grande pagode dorée de Shwedagon qui domine la ville par son implantation au sommet d’une colline. Nous allons découvrir un lieu insoupçonné et exceptionnel de beauté, de grandeur et de variété. Et de ferveur bien sûr. Le complexe religieux couvre près de soixante quatre hectares. Quatre immenses escaliers-coursives orientés sur les points cardinaux y mènent. Trois d’entre eux sont même doublés par des ascenseurs. Une fois les chaussures abandonnées devant ceux-ci, commence une longue ballade à travers stupas dorés, temples en tous genres et surtout cette majestueuse pagode de cent mètres de haut, entièrement dorée à l’or fin, depuis les terrasses jusqu’à l’ombrelle et à la girouette. Ombrelle dont nous découvrons par des photos qu’elle est constellée de bijoux et de pierres précieuses. Comment ne pas penser à ce diamant de 70 carats coiffant le bulbe. Au fur et à mesure que la nuit tombe, les projecteurs entrent en action pour la magnifier. Elle rayonne de mille feux là où elle pouvait sembler terne dans la relative grisaille de la fin de journée. Mya nous raconte toutes les histoires associées de près ou de loin à cet endroit. Elle nous montre aussi l’énorme cloche de vingt quatre tonnes qui fait la fierté de la pagode.
Après un restaurant et une coupure d’électricité alors que je notais quelques lignes, il est temps que se termine cette première et très très longue journée. Le sommeil devrait venir bien vite.