Découverte de la Birmanie (2)
Dimanche 25 Octobre 2015, Yangon
Le sommeil a été très vite trouvé. Ceci doit expliquer pourquoi le réveil à 4h45 se passe sans trop de mal. Nous quittons l’hôtel avant même l’aube encombrés d’un paquet petit-déjeuner à consommer plus tard. En descendant dans le hall, je trouve le personnel endormi dans les canapés. J’essaie de ne pas trop faire de bruit pour ne pas les réveiller. L’heure bien matinale se justifie par notre billet de train. Depuis la gare centrale nous allons rejoindre la ville de Bago à l’est. Le bâtiment sûrement d’époque coloniale aurait tendance à mal vieillir mais propose encore de larges volumes d’accueil. Nous rejoignons le premier train à quai. J’avoue que sans Mya il serait bien difficile de l’identifier. Les voitures de seconde classe semblent très sommaires. Nous les remontons un bon moment avant de trouver notre voiture de première classe à l’extrémité du train. Ici nous avons des fauteuils rembourrés à la place des bancs en bois et un ventilateur par passager au lieu des vitres ouvertes, à condition qu’ils fonctionnent. Les vitres sont néanmoins bien cachées ! Et le wagon laisse tout même une impression de vieillerie. Mon petit-déjeuner ne survit pas à l’attente du départ. Celui-ci se fait d’ailleurs attendre. Finalement, le convoi bouge puis s’ébranle avant de brinquebaler en tous sens selon les tronçons. Ceci laisse imaginer l’état des voies. La voie ferrée semble faciliter les échanges : nous observons régulièrement des gens qui convergent vers les voies, ou patientent à leur voisinage. Dès la sortie de la ville et ce jusqu’à Bago, nous remarquons la présence de nombreuses zones marécageuses aux environs. Toujours ce vert et l’incontestable présence de l’eau. Des gens y vivent, y compris avec des troupeaux de bétail. Nous finissons par rejoindre Bago, pour la plupart à l’issue d’un petit somme, complément de la courte nuit. Le soleil nous y attend, tout comme deux contrôleurs sur la passerelle en bois qui enjambe les voies, et, Ô surprise, le chauffeur qui a fait la liaison par la route. Finalement, c’était juste pour nous faire essayer le train birman …
Mya nous apprend que dans la région, ce sont les femmes qui dirigent à la suite d’une légende qui raconte qu’un couple d’oiseaux venu se poser ne trouva que de l’eau et juste la place pour un seul. Le mâle se posa, puis la femelle sur son dos. Une sculpture rappelle cette histoire devant la gare. Les premiers mètres en ville nous laissent penser que des festivités se préparent : les partisans du NLD, la Ligue Démocratique, parti de la Lady, ne se cachent ni ne se taisent. Bien au contraire, ils rassemblent dans la rue en masse et font le plus de bruit possible, reprenant en cœur leur hymne. Mais le tout reste bon enfant. Quand je pense aux recommandations du quai d’Orsay de se tenir éloigné des évènements liés aux élections : ils viennent à nous ! Direction la pagode Shwe Tha Lyaung : elle abrite un immense bouddha couché. Ici aussi il apparait sous forme du repos. Sa construction initiale date du 9ème siècle mais la statue que nous avons sous les yeux date seulement du 20ème. Un grand hall métallique la protège des intempéries. Tout l’arrière du soubassement représente l’histoire de la création de ce bouddha par le roi local. Sous sa tête, ce sont divers moments de la vie du Bouddha qui sont figurés.
Dans ce qui semble être l’avenue principale de la ville, nous tombons sur un convoi de la NLD. Pas d’autre choix que de s’y plonger. Musique et chants à grand renfort de sonos hurlantes. Tout le monde arbore le drapeau rouge au paon doré et l’effigie de La Dame. Nul doute que la liesse monte. Nous les abandonnons pour rejoindre le palais royal. Trop tôt : bien que la grille soit entrouverte et le chien couché au milieu du passage, il est trop tôt. Plutôt que d’attendre une trentaine de minutes nous repartons vers la pagode voisine de Shwemawdaw. Dans ses formes elle ressemble à Shwedagon avec un majestueux stupa doré central. Avec ses cent quatorze mètres, il dépasse même celle de Yangon. Il est aussi plus ancien. Par contre, il est paré d’un échafaudage en prévision d’une restauration. Le résultat est étonnant : un entrelacs de bambou qui enserre l’édifice tout en conservant sa forme générale. Je me demande tout de même comment tout cela peut tenir. En faisant le tour, nous découvrons une partie du bulbe qui s’est effondré en 1907 pendant un séisme. Nous pouvons ainsi voir que la structure est pleine, intégralement bâtie en briques rouges.
Retour au palais royal qui ouvre grand ses grilles cette fois. Du complexe d’origine, il ne reste que quelques centaines de piliers en teck, parfois en partie brûlés suite à l’incendie du palais original. L’enceinte laisse deviner diverses zones de recherches ou des semblants de murs. Néanmoins, deux bâtiments ont été reconstruits. Sur notre gauche se dresse le « Bee Throne ». Tout en dorure et très élancé, il étonne. Pourquoi un plafond si haut ? Non loin de là, des pieux en teck ont été remis en place pour donner une idée des lieux tels qu’ils étaient quand ils ont été fouillés.
A l’autre bout du site, le hall de la Grande Audience en impose. Il fallait bien cela pour accueillir visiteurs et ambassadeurs, et surtout les impressionner. Il se présente sous la forme d’un grand U dont la partie centrale s’élance vers le ciel : quoi de plus normal quand on découvre un peu plus tard que le trône du monarque était installé juste à cet endroit. Les deux corridors présentent certains des anciens piliers. Quelques-uns sont même fixés à leurs remplaçants modernes. Deux canons gardent les lieux, un près de chaque escalier. Sait-on jamais ! Ainsi se clôt la visite de l’ancienne cité royale de Bago.
Je profite des suites de la route vers l’est par intermittence. Le sommeil est plus fort. Nous traversons de nombreuses zones de culture ; encore une fois l’eau reste omniprésente. Nous faisons halte dans un immense restaurant, quasi bondé : à croire que c’est le seul des environs. Tous, autochtones comme touristes, s’y retrouvent. Avant de s’installer, il faut d’abord aller faire son choix devant les vitrines. Je reconnais qu’au premier abord, j’ai eu quelques craintes, mais le repas s’est révélé bien bon.
Quelques dizaines de kilomètres plus loin, nous abandonnons notre chauffeur pour vingt quatre heures. A partir de Kin Pun Sakhan il faut changer de véhicule pour rejoindre la pagode Kyaiktiyo, plus connue sous l’appellation de Rocher d’Or. En fait la route est fermée à la circulation publique. Nous patientons dans un hangar surchauffé. Dessous, plusieurs camions sont stationnés à proximité de vagues escaliers-passerelles. Ces camions-bennes sont dotés de banquettes serrées. Au moins six personnes par rangée, en théorie. Pour les touristes qui paient plus, on tolère qu’ils soient moins tassés. Cela doit faire des chargements d’au moins une centaine de personnes. Mya se débrouille pour avoir des places au premier rang juste derrière la cabine. Apparemment il faut attendre que plusieurs véhicules soient chargés avant de démarrer. Et c’est parti … pas bien longtemps puisqu’une barrière nous force à passer au décompte des autorités Une petite quinzaine de kilomètres nous attend. D’abord en bitume tout récent puis en béton brut, les camions montent à pleine puissance. Il faut bien se tenir pour éviter de valser en tous sens. Je me demande comment nous parvenons à enchainer ainsi les épingles tant le chauffeur conduit vite. Certaines pentes sont vertigineuses. Nous progressons ainsi dans une végétation de plus en plus luxuriante. Les crêtes aux alentours semblent elles-aussi héberger des monastères. Pendant l’ascension, nous passons du soleil pesant en ville à la grisaille menaçante avant une bonne pluie sur le dernier tiers. C’est la panique à bord pour trouver à se protéger. On voit d’ailleurs subitement surgir des vendeurs ambulants de capes de pluie ! Le temps est assez joueur : à peine sommes-nous à l’abri du toit qui couvre l’aire d’arrivée que les gouttes cessent. Finalement, le dernier tronçon qui devait se faire à pied n’existe plus. La montée est motorisée sur toute la distance. Nous débarquons aux premiers abords des commerces qui précèdent la pagode de Kyaiktiyo.
Quelques minutes à pied nous séparent de notre hôtel : le choc des dizaines de touristes, c’est trop d’un coup pour moi. Il faut dire qu’il n’y a que trois établissements qui accueillent les étrangers. Nous nous reposons un peu dans nos chambres avant de nous remettre en route vers la pagode. Vers 17 heures, nous ressortons à peu près secs, récupérons nos passes dans le bâtiment voisin de l’hôtel, et continuons le chemin qui nous sépare de la pagode. Tout se passe à pied ici : des nuées de porteurs dotés de hottes transportent indifféremment des sacs de pèlerins, du ravitaillement pour les hôtels et restaurants ou même de quoi alimenter les différents chantiers. Nous croisons aussi des touristes et surtout de nombreux pèlerins birmans. C’est un mouvement permanent dans les deux sens. Seules les chaises à porteur semblent fonctionner à vide.
Il ne faut que cinq minutes pour rejoindre le bas des marches marquant l’entrée de la pagode. En plus de laisser ses chaussures, il faut présenter son sac à la fouille par les gardes. Etonnamment, nous marchons presque plus longtemps à l’intérieur de l’enceinte que pour y parvenir. Pour l’essentiel, le sol est couvert de carrelage ce qui est plus agréable pour les pieds ; il faut juste faire attention aux restes humides sous peine de glissade acrobatique. Petit à petit nous commençons à deviner le but de notre visite. La pointe d’un stupa doré est apparue avant de grandir progressivement. Impossible de se perdre sur cette vaste esplanade au sommet de la montagne. Il suffit de suivre le mouvement : les gens viennent ici avant tout pour voir la fameuse pierre. Voir enfin ce fameux Rocher d’Or comme suspendu au bord de la falaise sans vouloir tomber dans le vide, et ce malgré le stupa qui a été ajouté à son sommet. Il est le centre de toutes les attentions, pèlerins comme touristes, laïcs comme moines. Bien qu’il soit couvert de feuilles d’or, il ne brille quand même pas autant qu’on aurait pu le croire ou qu’on le présente sur les livres. Sur sa face accessible, des dizaines d’hommes se succèdent pour apposer des feuilles d’or ; les femmes en sont exclues et doivent faire réaliser cette tâche par un homme de leur choix. Ce n’est qu’avec l’allumage des nombreux projecteurs qu’il prend toute sa majesté, certes d’une dorure moins naturelle. Nous passons un moment en contrebas du rocher à rigoler avec deux jeunes moines en train de faire des photos avec leurs Smartphones. Pas besoin de se parler pour rire ensembles de la situation. Après ce long moment sous la divine roche, il est grand temps de rentrer pour se restaurer avant de profiter du confort des lits. En chemin, nous apercevons plusieurs familles qui s’installent directement sur l’esplanade pour dîner dans l’enceinte même de la pagode.