Découverte de la Birmanie (4)

Publié le par Jérôme Voyageur

Jeudi 29 Octobre 2015, Mandalay

 

Nous continuons notre rythme tranquille du matin auquel j’ai fini par prendre goût. Faute d’avoir pu s’y arrêter hier à cause de la foule, nous retournons visiter la pagode Mahamuni. Les galeries d’accès constituent un véritable marché artisanal. On en trouve pour tous les goûts. Il y a encore effervescence dans l’allée principale avec des jeunes filles parées pour un jour de fête : des pré-novices a priori. Ici mon bermuda n’est pas assez long au goût du contrôle. Je dois donc enfiler un longui qu’on me prête gentiment ou plus exactement je me laisse habiller par Mya et la préposée à l’accueil. Nous pouvons alors avancer dans le cœur de la pagode presqu’entièrement de couleur or à l’intérieur. Ici est exposée une statue de Bouddha réalisée en bronze, haute de quatre mètres et ramené d’Arakan au 19ème siècle. Depuis elle a bien changé au point d’être devenue totalement difforme et boudinée à force d’être recouverte de feuille d’or à longueur de journée. Seule la tête est préservée. Ici les femmes ne sont pas autorisées à approcher du centre de la pagode. Elles doivent demander à un homme de déposer les feuilles à leur place. D’ailleurs un système de vidéo retransmet en permanence tout ce qui se passe sur la statue. Dans un pavillon voisin, nous pouvons admirer un immense gong triangulaire soutenu par deux grandes statues. Dans celui juste à droite, nous pouvons découvrir des bronzes volés sur le site d’Angkor : deux hommes, un éléphant et un tigre. Dans un kiosque situé non loin, on a placé un énorme gong circulaire qui semble attirer de nombreux birmans. Dans la cour voisine, un genre de campanile se dresse et abrite au sommet un gros tambour suspendu. Serait-on dans la pagode des percussions ? Ainsi se termine notre séjour dans la capitale religieuse, Mandalay. En repassant à Sagaing, nous croisons de nombreux chars, avançant avec la sono à fond. Certains sont accompagnés de danseurs qui ne s’économisent pas à chaque arrêt. Ils voudraient même que nous les rejoignons. Les festivités semblent se poursuivre. C’est ainsi que nous parvenons à la pagode Kaunghmudaw. Certains considèrent que c’est le stupa le plus célèbre de la cité, pourtant bien servie avec sa colline sacrée. Mais il faut reconnaitre que son stupa est unique. Nulle pointe ici mais une boule dorée d’une cinquantaine de mètres de haut, dans le plus pur style du Sri Lanka. Ici aussi se sont assemblées les commerçantes : deux quarts pour les nourritures à grignoter, deux quarts pour les biens et parmi eux énormément de morceaux de Tanaka et des meules pour préparer la pâte de beauté traditionnelle. Cette boule dorée est si imposante qu’il est difficile de trouver assez de recul pour la photographier en entier.

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Nous reprenons alors la route vers Monywa à environ cent quarante kilomètres au nord-ouest de Mandalay. Encore une fois le trajet m’échappe ; je continue ma nuit ! Aux abords de la cité, nous faisons halte à distance d’un hallucinant complexe. Nous n’apercevons d’abord qu’un bouddha géant d’une centaine de mètres de haut à flanc de colline. C’est ce qui nous amène en premier lieu à faire un arrêt près de cet étang pour pouvoir photographier la statue. En fait, à ses pieds, nous découvrons la présence d’un second tout aussi grand mais couché, ainsi qu’un stupa. Et cela ne semble pas être terminé : ici, un échafaudage présume d’un autre stupa, là une forme en béton qui révèle une statue couchée sur le dos. Cet ensemble date des années 90. Autour de nous apparaissent aussi d’innombrables bouddhas assis sous leur ombrelle. Ils seraient ainsi près de mille à l’ombre sous les arbres. Nous sommes en pleine démesure mais c’est loin d’être fini. En entrant au village, nous tombons sur une allée d’éléphants triples portant la divinité Indra. En approchant, nous découvrons derrière cette première rangée plusieurs alignements de statues assises. Nous faisons la pause repas dans un boui-boui voisin.

En début d’après-midi, nous nous arrêtons près d’un ensemble à dominante rouge. Il s’agit du complexe religieux de Thanboddhay. Le bâtiment principal compte 582333 statues de bouddhas. Autant dire qu’il y en a partout et de toutes les tailles. C’est déjà troublant à l’extérieur, mais c’est encore plus marqué à l’intérieur. Les murs sont finalement de simples étagères qui s’étendent jusqu’au plafond. Tout bonnement insensé. Cela donnerait presque le tournis ; où que le regard se pose, une poignée de bouddhas plus ou moins grands apparaissent. Un petit détail nous intrigue : deux grands bouddhas à l’arrière du bâtiment sont vêtus en noir.

Encore quelques kilomètres sont nécessaires pour rejoindre la grande ville. Nous retrouvons de plus en plus de partisans de la NLD, à tel point qu’au début d’une avenue, nous sommes contraints d’avancer au ralenti, tant la foule est nombreuse de part et d’autre. Tout ceci s’explique par la proche arrivée de Aung San Suu Kyi. A croire que La Dame nous suit à la trace. L’installation à l’hôtel tarde un peu, deux chambres étant jugées impropres par le personnel parce que l’eau qui coule des robinets n’est pas suffisamment nette. Mais personne ne se décide à changer. Il faut la venue de Mya et encore quelques discussions avant que nous déménagions toujours face au lac, mais à l’autre bout de l’établissement.

Nous repartons à vingt-cinq kilomètres de là vers les grottes Po Win Daung. Pour les rejoindre, il faut franchir l’important affluent de l’Irrawaddy qu’est la Chindwin. Mais le pont ne dispose que d’une seule file. Comment cela marche-t-il ? Mystère ! Toujours est-il que nous sommes passés les deux fois sans attendre. Ce site est percé d’environ neuf cents grottes de toutes tailles abritant près de quatre cent mille statues de bouddhas. Ils se présentent aussi sous diverses formes. Mya nous fait remarquer une certaine influence chinoise sur les sculptures. Les plus grandes grottes abritent encore de formidables peintures réalisées entre le dix-septième et dix-huitième siècles. Une des toutes premières cavités représente le mont Meru au centre et sept colonnes de part et d’autre pour les sept chaines de montagnes. Attention aux babouins qui trainent sur le site et ne craignent plus l’homme. Il faut flâner et être curieux pour s’imprégner des lieux, ne pas hésiter parfois à suivre des passages un peu aventureux. Une des constructions me rappelle, toutes proportions gardées, Petra : il faut s’avancer dans une sorte de couloir taillé dans la roche avant de déboucher sur une construction dans la paroi. Le chemin du retour nous révèle que la circulation en campagne est carrément erratique dès que le soleil a disparu. Et ce d’autant plus que la route n’est plus assez large pour accueillir deux voies de circulation. Retour à l’hôtel où nous prenons le dîner.

 

Vendredi 30 Octobre, Monywa

 

Surprise en ouvrant la porte ce matin : la surface du lac est marquée des nombreuses gouttes qui tombent. Il tombe une fine pluie tropicale mais il fait toujours aussi chaud. Pas de quoi m’empêcher de rejoindre la salle du petit-déjeuner. Le programme du jour est assez léger. Quoi que Mya va bien l’agrémenter. Presque dès la sortie de l’hôtel, nous retrouvons les supporters du NLD, toujours en musique et même une danse de l’éléphant ! Cette mobilisation est vraiment impressionnante. Mya et le chauffeur ont d’ailleurs récupéré stickers et petits drapeaux alors qu’ils nous rejoignaient à l’hôtel. Que l’avenir puisse enfin leur sourire.

Nous nous arrêtons pour flâner dans le marché. Les vendeurs de poisson séché se repèrent de loin. Nous trouvons aussi les épices et légumes locaux, sans oublier les feuilles de bétel et les noix qui vont avec. La dernière section est allouée à la boucherie, pas forcément le coin le plus attirant.

Cette fois, nous quittons définitivement Monywa. Quelques kilomètres plus tard, nous faisons halte dans une exploitation de cacahuètes. Si l’activité de grillage fait relâche aujourd’hui, nous pouvons néanmoins jeter un œil aux installations, un peu sommaires. Les employées sont en train de trier les graines à la main. Une petite fille, a priori pas sage au goût des adultes, est menacée d’être emmenée par mes soins. Sa moue est immédiate. Nous picorons aussi dans les sacs pour goûter la production.

Mya nous propose une autre halte dans le village de Macouhle. A peine arrivés, nous regardons de jeunes filles fabriquer des bâtons d’encens. Avec un appareil assez sommaire, elles roulent les fines baguettes dans un mélange à base de Tanaka. En un aller-retour, le bâton est prêt. Elles ne semblent jamais s’arrêter. Au même endroit, une femme adulte nous fait admirer sa dextérité pour réaliser des vanneries. Elle arrive même à travailler avec ses pieds en plus de ses mains. Et à l’intérieur de la maison, trois couturières s’affairent sur de vieilles Singer mécaniques. Nous continuons en nous promenant dans les ruelles de ce hameau traditionnel, observant ici et là la vie quotidienne des paysans. Accessoirement, nous sommes rapidement entourés par une quinzaine de bambins qui nous accompagnent en nous tenant par la main. En quelques minutes, nous sommes privés tous les quatre de l’usage de nos mains. Et quand nous en récupérons une pour faire une photo, elle est vite reprise par l’enfant le plus proche. Nous sommes tenus de près. Nous avons même droit à une petite chansonnette en français. En passant devant la boutique de chaussures, nous finissons par comprendre le manège : ils attendaient de nous d’être chaussés. De retour dans la maison de départ, nous profitons d’un thé et de quelques friandises locales dont une à base de pois chiches mais sucrée.

Après cette pause bucolique, nous reprenons notre progression vers Pakkoku. Je crois que je n’ai vu que les dernières centaines de mètres en ville aux abords du restaurant. Nous faisons ensuite un détour par un monastère, non pas pour son aspect religieux, mais pour son commerce. En effet, sous la halle aux colonnes qui précède les bâtiments monastiques sont installées uniquement des vendeuses de bois de Tanaka. Il y en a de toutes les tailles et même quelques racines qui auraient, elles, des vertus médicinales. Etonnant commerce de bouts de bois. Et les allées pour circuler se limitent à la largeur d’un homme ! Juste après, nous descendons jeter un œil à la pagode Shwe Ku abritant une merveille d’ébénisterie. Un trône très finement ciselé dans la masse du bois de teck accueille une statue du Bouddha. La complexité du travail est énorme.

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Désormais, nous rejoignons les rives de l’Irrawaddy pour poursuivre notre périple. Parvenus à l’entrée du grand pont métallique long de trois kilomètres, nous plongeons vers le chemin en contrebas pour finir dans un village de paille qui fait office de port. Ce sont des jeunes filles qui viennent prendre nos sacs pour les transporter sur leurs têtes jusqu’au bateau. A notre tour de monter à bord en évitant l’embourbement au moindre faux pas. Une fois encore, le bateau n’est prévu que pour nous. Seul le pilote nous accompagne, assis sur le toit de son navire pour tenir la barre. Pendant une heure et demie, nous descendons le cours du fleuve croisant quelques pêcheurs et surtout des barges poussées par de puissants mais très bruyants bateaux. Le cours est si large et les bras multiples que nous avons tout le temps l’impression d’être cernés par les rivages. Ceci explique la navigation en zigzag de notre capitaine. Ici la ligne droite n’est pas le bon chemin.

Quelques dizaines de minutes avant le débarcadère, nous commençons à voir fleurir temples et stupas sur la rive gauche. Au sommet nous attend notre nouveau chauffeur pour nous conduire à l’hôtel à quelques kilomètres au cœur du vieux Bagan. Nous venons d’arriver dans un des lieux les plus emblématiques de la Birmanie. Nos chambres sont un peu lointaines, et pour cause, elles sont situées juste au-dessus des berges du fleuve. Vu l’heure, je me déleste de tout ce dont je peux et repars me promener aux alentours, découvrir les premières offrandes de la plaine de Bagan. Juste avant de sortir de l’enceinte, je passe quelques minutes près de ce qui ressemble à un terrain de volley. Sauf qu’on y joue au chinlon. Seuls les pieds, la poitrine et la tête sont autorisés pour toucher et manipuler cette petite balle en osier tressé. La première pagode, celle de Gaw Daw Palin, parée de blanc, si on met de côté les trainées noires de la pollution, est construite juste à côté de l’hôtel. Je décide ensuite de traverser la route pour emprunter un des chemins de terre tracés dans la végétation. Je croise d’abord deux stupas en briques brutes faisant partie du monastère de Mimalaung, puis plusieurs temples de petite taille, dont celui de Pahto Thamya, le stupa ovoïde Ngakywenadaung, la pagode Mahazedi, et enfin le monastère Nat Hlaung. En y prêtant l’œil, je constate au loin que les pointes de briques ou de pierres se multiplient au-dessus du mur végétal. C’est ainsi que je parviens à une seconde pagode blanche qui me sert d’objectif depuis que j’ai quitté la route. Celle-ci est baptisée Thatbyinniu et impose sa stature à quiconque l’approche. J’espérais un accès à la terrasse mais en vain. Je me contente d’en faire le tour. Mais il est déjà temps de faire demi-tour. Je fais un écart hors du chemin pour atteindre Mahazedi sur laquelle on peut grimper tant bien que mal en se plaquant à l’escalier quasi vertical. L’étroite terrasse offre un excellent point de vue sur les environs. Je rentre alors à l’hôtel en variant un peu le chemin ce qui me fait passer devant le musée archéologique qui surplombe notre hôtel. Ce soir, le repas est servi sur la terrasse. On nous prête des lampes torches pour pouvoir lire les cartes.

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