Découverte de la Birmanie (6)
Mardi 3 Novembre 2015, Bagan
Jour de départ, donc changement d’heure. Retour du beau temps aussi. Du coup, j’en suis presque à faire l’ouverture du petit-déjeuner sur la terrasse à six heures quarante à peine. A sept heures, nous sommes parés pour le transfert jusqu’à l’aéroport. Avec le soleil et l’heure matinale, nous apercevons des dizaines de montgolfières qui flottent au-dessus de la plaine de Bagan.
Il ne faut que quelques minutes pour rejoindre l’aérogare située au village de Nyaung U. A ma grande surprise, il y a du monde. Les vols se succèdent à un rythme soutenu. La salle d’embarquement offre un spectacle comique pour ne pas dire désolant. Les appels des vols sont quasi inaudibles et incompréhensibles. Pas de panneau écrit et les écrans sont éteints. Résultat, les personnels des compagnies passent dans les rangs pour repérer les couleurs des cartes d’embarquement et des stickers collés sur les vêtements. Nous finissons par voir arriver notre ATR en placement libre.
Trente cinq minutes de vol suffisent pour rejoindre Heho dans le sud de l’état Shan. L’arrivée des bagages est un peu chaotique mais c’est un détail ! Dès l’entrée dans l’aérogare et même une fois dehors, nous constatons immédiatement les différences ethniques, qui s’accompagnent même de changements vestimentaires. Ici les hommes ne portent pas le longui mais le classique pantalon. Il semblerait que nous ayons atterri sur un plateau : la route est surtout une grande descente en moyenne montagne. Au hasard d’un lacet, nous commençons à apercevoir un bout du lac Inlé. Nous bifurquons à Shwe Nyaung plein sud, direction le lac. Il ne faut que quelques kilomètres supplémentaires pour rejoindre Nyaung Shwe, but final de la partie terrestre. Nous nous arrêtons d’abord au monastère Shwe Yan Pyay. Construit en bois à la fin du dix-neuvième siècle, il présente la particularité d’avoir des fenêtres ovales, telles des hublots ouverts sur la rue. A l’intérieur, nous découvrons qu’il est encore habité, entre autres par des novices. Juste à côté, un stupa surmonte une galerie de petits bouddhas. Les murs sont percés de niches où sont déposées des petites statues à chaque donation. Certains sont habillés, d’autres ont droit à une petite bougie. Nous terminons quelques pâtés de maisons plus loin au bord d’un large canal où sont massées de nombreuses barques longues, effilées et pourvues d’un bruyant moteur à l’arrière. Pas de doute sur notre embarcation : elle arbore les couleurs de Tirawa à la proue.
Tous nos bagages y sont logés à l’avant et couverts d’une bâche puis nous prenons place sur les chaises placées en file indienne. C’est parti pour une bonne demi-heure de navigation. Le premier tiers se fait dans une sorte de large chenal où nous comprenons vite que ces bateaux servent à tout. Ils constituent le seul moyen de transport. Plusieurs fois, nous en croisons lourdement chargés de tomates. Dès la sortie de ce tronçon, nous tombons sur une poignée de pseudo-pêcheurs traditionnels à la nasse. Il ne faut pas longtemps pour comprendre qu’ils sont là juste pour les touristes, espérant probablement quelques billets pour leur singerie. Cela tient plus d’une chorégraphie que d’un réel dur labeur ! Inutile de trainer pour cela. D’ailleurs, en progressant, nous finissons par apercevoir les vrais pêcheurs en plein travail, non pas avec une nasse mais avec un filet. Nous naviguons ainsi jusqu’à notre hôtel tout en bois, installé sur pilotis, non loin de la rive est du lac. Le cadre est superbe et calme (aux moteurs près …).
Nous posons juste nos bagages dans nos chambres, toutes aux premières loges, face à l’étendue d’eau, avant de rembarquer pour une longue diagonale à travers le lac. Nous rejoignons le village de Nam Hu, passons devant sa pagode avant de nous « garer » sous un restaurant. Etonnamment, il se trouve toujours quelqu’un sur les pontons pour vous aider à débarquer. Depuis la terrasse où nous nous restaurons, nous observons le mouvement perpétuel de ces embarcations. C’est impressionnant ! Les courtes périodes de silence sont les bienvenues. Nous apercevons aussi quelques personnes coiffées de turbans multicolores : ce sont des paos, une ethnie résidant au sud du lac. Ils semblent toujours sourire.
Après le repas, nous explorons le village voisin totalement sur pilotis, non pas de rue en rue mais de canal en canal. Sous les planchers apparaissent souvent des filets qui servent de vivier pour garder vivant le produit de la pêche. Les voitures garées dans l’allée sont remplacées par les barques glissées entre les pilotis. Je vois même pas mal de plantes vertes sur l’eau. Nous croisons ensuite un improbable bureau de poste. Et que dire des lignes électriques qui passent elles-aussi sur des pilotis.
Après cette intéressante déambulation, nous poursuivons plus au sud pour emprunter le chenal menant au village de In Paw Khon. La première chose qui nous marque est que tout le monde semble faire sa lessive en même temps, évidemment dans les eaux pas forcément claires du canal. Le village est réputé pour ses ateliers de tissage où sont mélangés soie et lotus. Je ne soupçonnais pas que les tiges du lotus puissent contenir tous ces petits fils qui permettent de créer une fibre plus grosse, susceptible d’être tissée. La petite pièce à l’arrière de l’atelier sert aux teintures : un véritable capharnaüm de récipients contenant des liquides aux apparences bien sombres. Seuls les sachets de pigments apportent un peu de couleur. La musique d’ambiance est assurée par les navettes qui virevoltent et claquent sur les métiers à tisser. C’est dans la boutique que nous découvrons les prix stratosphériques du lotus. Il faut certes beaucoup de temps pour réaliser un produit, mais la petite chemise à sept cent cinquante dollars a de quoi refroidir les ardeurs d’achat. Du coup, je ne traîne pas longtemps préférant patienter dehors, sur les pontons. En tendant l’oreille, je devine d’autres ateliers de tissage dans les proches environs.
Nous remontons ensuite vers le nord, d’abord pour aller voir les forgerons. Ils produisent une variété de lames assez étonnante, allant du simple petit couteau jusqu’au sabre, en passant par la machette. On y trouve aussi divers gongs prisés des bouddhistes pour faire passer leurs prières ou leurs vœux. Plus loin, nous faisons halte dans une fabrique de cigares birmans, installée dans une grande maison largement ouverte sur le canal. Seules des femmes y travaillent. Tandis qu’une est chargée du tri des feuilles de tabac, toutes les autres participent à l’assemblage. Elles roulent les feuilles sèches avec un mélange de tabac et d’autres herbes, les collent, et apposent la bague. Rien à voir néanmoins avec les célèbres cubains. Nous revenons sur notre sillage, toujours dans le village de Nam Pan pour jeter un œil à la fabrication des barques. A quatre charpentiers, il faut un mois pour en réaliser une. Nous trouvons aussi sur place toute une série de petits objets en bois de teck, de quoi faire des petits présents.
Après cette ronde artisanale, nous reprenons notre avancée vers les jardins flottants de Kayla. Ces structures sont extraordinaires. Au milieu des eaux poussent des milliers de pieds de tomates. Nous comprenons mieux comment le lac Inlé parvient à exporter autant vers la capitale. Deux rangs de plantation par ruban flottant et un chenal pour circuler entre les alignements pour surveiller la pousse et récolter aisément. Les surfaces ainsi exploitées sont impressionnantes. Au nord de ces cultures est implanté le monastère Nga Phe Chaung. Historiquement c’était celui des chats sauteurs sauf que ceux-ci ne sautent plus. Mais ils restent bien présents à trainer sur les parquets, attirant l’intérêt des touristes qui les bichonnent, surtout qu’il y a une grande majorité de chatons. Au-delà de la touche animalière, cet édifice rassemble des dizaines de statues de bouddhas offertes au fil des années, quasiment tous dorés. Une coursive à l’arrière du bâtiment accueille les incontournables vendeurs touristiques.
Il est alors temps de rentrer. Je surveille alternativement le soleil et la distance qui nous sépare de l’hôtel pour savoir si nous arriverons à temps. Heureusement oui ! Et quel spectacle offert par le lac, le soleil couchant et les constructions sur l’eau. Les nuages rougissent … Pour arroser ce beau spectacle offert par Dame Nature, nous montons à l’étage de l’hôtel pour profiter de l’happy hour au bar, tout en profitant de la baie vitrée idéalement ouverte vers le soleil.
Nyaung Shwe, en diaporama
Mercredi 4 Novembre, lac Inlé
Aujourd’hui, nous devons explorer le sud du lac. Nous gardons notre horaire habituel. Nous partons ce matin pour de longues heures de navigation. Jusqu’à Nam Pan, nous connaissons. Au-delà du goulet et des drapeaux qui marquent la fin de cette zone, nous entrons en eaux inconnues. En ce début de matinée, avec le retour des nuages, une certaine fraîcheur se fait sentir, nous obligeant à nous couvrir. Notre pilote a même prévu des couvertures pour les plus frileux. D’ailleurs certaines commencent à migrer des fesses vers les genoux et les bras ! En chemin, nous croisons pas mal de ramasseurs d’algues à la place des pêcheurs. Les barques sont remplies au maximum, à se demander même comment elles ne prennent pas l’eau. Il semblerait que celles-ci servent de substrat pour les jardins flottants. Mais revenons à notre progression. Cette nouvelle portion comporte toujours des villages sur pilotis, mais peut être moins « commerciaux », plus « authentiques ». En revanche, le lac se resserre pour ressembler à une large rivière dessinant des méandres. Les plaques de jacinthes d’eau sont nombreuses à dériver avec le courant. Petit à petit les berges redeviennent vivables, encore et toujours cultivées. Des tomates évidemment. J’aperçois aussi des plantations de bambous ici et là. Au village de Hmawbe, nous passons sous un pont de bois, le seul avec son siamois en béton à permettre de traverser le lac Inlé. Un panier pend au milieu du passage mais nous ignorons encore son utilité.
Nous sommes aussi intrigués par la technique employée pour attacher les vaches dans leurs pâtures. Un pieu est fiché dans le sol, un morceau de bambou vient le couvrir tout en étant relié à une perche laissée mobile. Une de ses extrémités est fixée à un contrepoids tandis qu’une corde est nouée à l’autre bout. Ce lien sert à attacher le bétail. Ainsi ils peuvent tourner et même s’éloigner un peu autour du pieu central. Ingénieux !
Après environ deux heures vingt de navigation, nous arrivons au monastère Takhaung Mwetaw. Sous un soleil sans nuage, c’est vraiment parfait. Depuis l’eau, nous avons déjà eu un aperçu du champ de stupas aux couleurs variées. Le plus grand au centre domine largement et impose sa dorure, les autres oscillent entre le rouge brique, le gris, le blanc et l’ocre. Des voix finissent d’ailleurs par attirer notre attention : il y a quelques gamins perchés sur l’échafaudage léger qui l’enserre. Ici aussi on fait travailler les enfants. On retrouve la même variété dans la décoration de chaque stupa. Il faut tout simplement flâner, ouvrir l’œil et profiter des lieux empreints là-aussi de sérénité. Nous sommes arrivés en terre Pao, cette ethnie vivant au sud du lac. Hommes comme femmes, ils sont tous très élégants avec un turban ou une coiffe très colorée qui éclaire des vêtements entièrement noirs. Il y en a d’ailleurs quelques-uns que nous allons croiser toute la journée. Ils se prêtent volontiers à nos séances photos. D’après nos informations, ils seraient descendus des montagnes qui enserrent le lac en pèlerinage dans tous les monastères du coin.
Après cette lente et intéressante découverte des stupas, nous poursuivons, toujours à pied, à travers les sentiers du village. Heureusement que Mya sait où elle va : il n’y a pas la moindre indication. Tout semble paisible ici. A la sortie, nous parvenons à la distillerie d’alcool de riz. Dans une petite cahute tout en longueur est en train de fermenter le riz cuit à la vapeur avec la levure dans des dizaines de jarres rondes. Au centre de la pièce, quatre tubes de bambous posés entre d’autres types de jarres nous indiquent que nous sommes devant l’alambic local. Nous sommes loin de nos mécaniques en cuivre. Et pourtant cela marche. Deux cycles de distillation sont nécessaires. A la sortie, nous dégustons le résultat avec François. Si l’alcool pur à quarante degrés est plutôt raide en bouche, le même parfumé au fruit de Jacquier est très agréable ; même le soixante degrés parfumé au bambou est plus « doux ». Nous prenons notre repas sur place dans un restaurant perché sur des pilotis dans les terres : une véritable plateforme d’observation sur les alentours tant côté lac que côté champ.
En début d’après-midi, nous remontons dans notre embarcation pour traverser les eaux et rejoindre Sankar sur la rive opposée. Cette portion de navigation est la plus « aventurière » : les canaux sont de plus en plus étroits et dissimulés, pour finir à une simple largeur de barque par endroits. Il faut avoir l’œil pour repérer les passages. Nous contournons un stupa solitaire totalement éventré par les arbres qui ont poussé dessus. Enfin, nous débarquons à destination, où, visiblement, j’impressionne un pilote : il vient me palper les biceps, les cuisses ! Que veut-il ? Mystère. Quelques dizaines de mètres plus loin, nous découvrons un parc de stupas laissés à l’abandon. En fait, le village a tout à la fois été abandonné dans les années cinquante et inondé à cause de la construction d’un barrage. Désormais il revit, ce qui explique quelques stupas presque neufs un peu plus loin dans le hameau, à côté du monastère. Nous nous promenons dans les ruelles en terre battue jusqu’à un autre ancien lieu de culte où les stupas ont été un peu mieux conservés. Quant aux écoliers de l’école voisine, ils sont bien vifs : leurs chants portent. Retour au monastère où nous trouvons de nombreux Paos en train d’écouter un moine. Nous restons là de longues minutes, sereinement, à les regarder et les écouter. Le manège est partagé : certains d’entre eux se retournent pour nous observer aussi.
C’est désormais une longue navigation presque directe qui nous attend pour retourner à l’hôtel. Nous essayons de profiter de tout ce qui peut se passer sur les berges : ce paysan qui lave son bœuf dans le lac tandis que derrière lui deux jeunes font de même …. avec leurs scooters ; tous ces gens qui font leur toilette dans l’eau du lac, agenouillés sur le petit ponton de leur habitation. Nous avons même droit à l’arrêt carburant. Pas dans une station bien sûr mais au pied d’une maison comme les autres que rien de particulier ne semble signaler. Les nuages nous jouent des tours en masquant les ultimes lumières du soleil alors que le spectacle s’annonçait beau dix minutes avant.
Jeudi 5 Novembre, lac Inlé
Nous continuons sur le même rythme mais sans Josette qui souffre de troubles intestinaux et préfère rester à l’hôtel. Nous traversons le lac plein ouest direction In Dein pour le marché. Comme de coutume, nous commençons avec la brume matinale avant que le soleil ne perce quelques trouées de bleu. Nous repassons près de Nam Hu où nous avions mangé le premier jour mais nous bifurquons plein ouest. Jusque là, je pensais que le lac laissait place à la terre dans ce coin. Erreur. Celui-ci se transforme en un large canal. Il commence à sinuer entre les terres. Nous dépassons encore quelques monastères avant de nous sentir en pleine campagne. Petit à petit, nous passons de plus en plus de ponts plus ou moins solides, une nouveauté dans ce monde de barques. Les quelques villages que nous traversons adoptent toujours la technique du pilotis mais posé sur terre, l’eau n’occupant plus que les canaux. Une sorte de petite Venise. Nous apercevons aussi un certain nombre de locaux cheminant le long du sentier qui suit le canal en surplomb.
Nous finissons par arriver à In Dein. Des barques à profusion. A tel point que le ponton sert juste à débarquer ; les pilotes poursuivent plus en amont pour essayer de parquer leur coque. Visiblement, nous ne serons pas les seuls touristes. Nous sommes venus voir le marché. Contrairement à notre compréhension, ce n’est pas une version flottante, mais une bien terrestre. A priori, son lieu change de village tous les jours. S’il y a quelques commerces de bouche, l’essentiel des ventes concerne des objets pour les touristes. La moindre demande de prix fait automatiquement apparaitre une grille plastifiée : d’un côté des sommes en dollars, de l’autre en kyats. Le commerçant vous répond en pointant une case du bout du doigt. Ils font tous pareils, pourtant la plupart semble maitriser suffisamment l’anglais pour négocier. Après avoir traversé les étals, nous apercevons un pont de planches. Nous retrouvons aussi un embryon de convoi de supporters du NLD. Cela faisait bien cinq ou six jours que nous ne les voyions plus ! De l’autre côté débute la coursive d’accès à la pagode In Dein. Comme de coutume, des commerces touristiques sont installés de part et d’autre de l’allée. Rapidement nous quittons le couloir pour aller jeter un œil aux premiers stupas qui nous surplombent sur notre gauche. Ceux-ci sont particulièrement dégradés et laissés tels quels, la nature reprenant lentement tous ses droits. Nous rejoignons la coursive une centaine de mètres plus haut. Celle-ci semble interminable : nous avons beau avancer, jamais nous n’en voyons le bout. D’ailleurs, nous risquons de ne jamais le voir, puisque nous quittons à nouveau ce couloir. Le parc de stupas est tout proche. Ce monastère en rassemble mille cinquante quatre pour être précis. Nous remarquons que leur état semble dépendre de leur distance à la pagode. Les restaurations ont commencé au plus près. L’ensemble est encore une fois magnifique visuellement. Ils sont de toutes tailles, de toutes couleurs ; chacun a une décoration spécifique, le tout sur fond de ciel bleu azur. Les appareils crépitent. Il faut seulement patienter quelques minutes que les pénibles se sortent de devant. .Nous traversons le parc en long et en large jusqu’à atteindre le corridor latéral, bien court celui-ci. Après une rapide réflexion, nous donnons suite à la proposition de Mya de rejoindre la colline voisine où trône un stupa doré et solitaire. Un petit quart d’heure sous le soleil suffit pour rejoindre ce point de vue. Etonnamment, nous sommes les seuls à avoir cette idée. Pourtant, de là-haut, nous pouvons embrasser du regard l’intégralité de la pagode et de ses stupas. Nous dominons aussi le lac. D’ailleurs, vers le sud, on dirait presque qu’il n’existe pas, seules les terres sont visibles. La descente et plus rapide pour retrouver l’entrée de la pagode, ou plus exactement la limite où nous déposons nos sandales. Nous pouvons alors admirer les stupas du « premier cercle », les plus rutilants à défaut d’être forcément les plus beaux. Ceux-ci sont majoritairement dorés. Au cœur du temple, nous trouvons un groupe de Paos assis sur les tapis. Nous ne nous attardons pas, l’intérieur présentant assez peu d’intérêt, et nous repartons par le même chemin. A ceci près que nous quittons définitivement le corridor à mi-chemin pour déambuler le long d’un canal en bordure d’une forêt de bambous. La promenade à l’ombre est agréable dans ce qui semble être le quartier des vendeuses de longuis.
C’est ainsi que nous arrivons devant le restaurant du jour, spécialités italiennes. Le patron est au top pour faire la promotion de sa carte et de sa cuisine entièrement faite maison. Nous devons admettre que tagliatelles et gnocchis se laissent volontiers dévorer. En début d’après-midi, nous rembarquons. C’est un peu galère pour notre pilote de sortir sa barque de la masse de bateaux. Le soleil se fait toujours aussi mordant : le parapluie va se révéler utile, au moins jusqu’au prochain village, où nous faisons une halte pour voir un atelier d’argent. On y fabrique toutes sortes de choses à commencer par des bijoux mais aussi les poissons articulés que nous avions déjà vus à Bagan. Nous tâtonnons ensuite un peu pour dénicher une fabrique de bouddhas en poudre de fleurs séchées et laque. Le résultat est étonnamment léger mais bien onéreux pour si peu. Intrigués par quelques boules déposées devant l’atelier, nous avons droit à la visite de la maison des voisins qui les fabriquent, sur le même principe que les statuettes. Ils nous en montrent de toutes tailles depuis la bille jusqu’à une énorme boule de plusieurs dizaines de centimètres de diamètre.
La dernière halte se fait à Nam Hu dans la pagode sûrement la plus importante du lac. Juste avant de l’atteindre, nous apercevons deux énormes bateaux dorés accostés à l’abri d’un toit. Ils servent à la procession annuelle sur le lac. Manque de chance, celle-ci s’est terminée il y a quelques jours à peine. A l’intérieur de la pagode, nous découvrons les cinq statues de Bouddha qui font la fierté et l’objet de toutes les attentions des autochtones. Recouvertes à longueur de journée de feuilles d’or par les pèlerins, celles-ci se sont transformées en cinq boules dorées informes. Elles génèrent néanmoins une ferveur religieuse importante, à tel point que quatre d’entre elles sont promenées avec les deux bateaux tout autour du lac Inlé une fois l’an.
Après la pagode, nous faisons un dernier tour au cœur des maisons sur pilotis. Dans ce quartier, chacun semble avoir fait un petit jardin flottant, souvent agrémenté de quelques fleurs. Flâner ainsi à faible vitesse, sans trop de bruit, constitue un agréable moment de quiétude en essayant de déranger au minimum les habitants des lieux. Dernière traversée entre les jardins flottants avant de rallier l’hôtel vers seize heures. Nous nous retrouvons les seuls occupants des lieux. Nous avons même largement le temps de nous poser sur nos terrasses respectives pour attendre le coucher de soleil. Il manquerait presque quelques nuages aujourd’hui. Jamais content ! Ce ciel bleu et un chaud soleil créent vite un sentiment de torpeur qui a failli me faire manquer le coucher de l’astre solaire. C’eut été dommage ! Pendant le repas, nous découvrons qu’un autre groupe est arrivé. Notre exclusivité des lieux n’aura pas duré longtemps. Dernière nuit sur les eaux du lac Inlé. Les rêves birmans commencent à s’estomper.