La pièce maitresse de la défense de Verdun
Douaumont, 21 Mai 2016
Depuis l'ossuaire, il ne faut parcourir que quelques kilomètres pour rejoindre le fort de Douaumont. Sur la route, on aperçoit de nombreuses flèches qui indique en sous-bois la présence de restes remarquables de la bataille de Verdun. Tels par exemples les abris TD1 2 et 3, tous devenus des blocs informes de béton après les innombrables bombardements, ou encore le boyau de Londres qui longe la route sur quelques centaines de mètres: de la tranchée, on ne voit plus que les pieux métalliques de part et d'autre qui permettent de visualiser parfaitement le cheminement.
Arrivé sur place, on peine à imaginer ce à quoi pouvait ressembler le fort avant-guerre. Le pilonnage a été tel que les extérieurs ont totalement été bouleversés. Difficile de croire qu'il s'agissait du plus grand fort de la ceinture de défense de Verdun. On n'aperçoit que des morceaux de murs percés de trous plus ou moins grand. Il s'agit là de la façade des casernements qui se trouvait initialement au centre, mais l'enceinte extérieure a presque totalement disparu. Une des ouvertures est une porte qui permet d’accéder à l'intérieur pour la visite des lieux. Cette fois, je tenais absolument à découvrir ce qui se dissimulait désormais sous les bosses vertes et les quelques coupoles de métal.
Muni d'un guide de visite sous plastique, je me lance dans les entrailles. La première sensation est une certaine fraicheur tout particulièrement renforcée par l'humidité permanente. Si on tend l'oreille, on entend de l'eau s'écouler, les sols sont humides, le salpêtre suinte, et on distingue même par endroits des petites stalactites ou des stalagmites ...
On commence par découvrir des chambrées encore équipées de leurs lits doubles, qui semblent bien peu confortables. La plupart des galeries sont relativement étroites et toutes sombres sauf lorsqu'on tombe sur un éclairage. A mi-chemin, on débouche dans une vaste galerie qui fait penser à une rue vu qu'elle dispose de trottoirs de part et d'autre. Il s'agissait d'une galerie principale mais elle est désormais coupée en deux par une paroi. D'ailleurs, plus tard dans la visite, on revoit les mêmes trottoirs.
Petit à petit, on atteint une pièce maîtresse du fort. Cette large salle cylindrique accueille une tourelle Galopin de équipée d'un canon de 155 mm raccourci. On peut encore voir tout le système qui permet d'éclipser la tourelle et notamment l'imposant contrepoids. Quand on voit une coupole de l'extérieur, on ne soupçonne pas tout le mécanisme qu'il y a en-dessous. Quelques mètres plus loin, une étroite coursive sombre et interdite ressemble à l'accès au point d’observation de la grande tourelle.
Un peu plus loin, un escalier conduit au niveau inférieur. On continue de descendre dans les entrailles du fort. L'humidité se renforce encore. Et dire que ce sous-sol servait en grande partie à l'hébergement des troupes, dont le poste de commandement des Allemands après le prise de l'édifice. Dans un des pièces, en y prêtant attention, on distingue deux sculptures dans les murs : un tête de christ et un bateau. Le profond puits creusé au milieu de la grande galerie du sous-sol donne une sensation de vertige tant il s'enfonce profondément. Non loin de là, une des parois pote encore les stigmates d'une explosion imprévu de munitions françaises pendant l'occupation par les allemands. Plus loin la cuisine quoi que spacieuse parait bien sous-dimensionnée par rapport à la taille du fort. A l'extrémité du parcours, on découvre qu'un bout de galerie a été transformé en chapelle pour les soldats allemands morts sur place ensevelis à cause d'explosion de stocks de munitions.
Sur le chemin du retour, une plaque qu mur rappelle que le capitaine Charles de Gaulle fut blessé pendant les combats de Verdun en mars 1916, et reçus deux citations à l'ordre du régiment. Un épisode méconnu de cet illustre personnage ... Retour près de la sortie dans des pièces un peu plus épargnées par l'humidité, l'une aménagée en dortoir, l'autre servant de mini-musée. On peut y voir un échantillon des obus utilisés à l'époque : le plus gros, de 400 mm, est vraiment impressionnant. On comprend mieux l'ampleur des bouleversements du terrain avec de telles munitions.
Retour à l'air libre, au soleil et au sec. Direction le toit du fort. Un chemin est marqué au milieu de la végétation qui recouvre le fort. Le sol est encore marqué de nombreux cratères. Ici et là on peut voir les coupoles des tourelles à canon ou à mitrailleuses ainsi que les petites coupoles d'observation. En s'approchant du bord, enfin ce qui devait l'être, on arrive à deviner le fossé extérieur.
Désormais, trois drapeaux flottent sur Douaumont : le français, l'allemand et l'européen, signe d'une paix et d'une amitié durable.
Côté histoire, le fort fut édifié par le général de Serré de Rivière, un parmi les nombreux édifices que celui-ci conçut après la guerre de 1870 pour protéger la France. Début 1916, il n'est occupé que par une poignée de soldats français, l'état-major ne comptant plus vraiment sur les forts pour la protection de Verdun. Il ne fallut que quatre jours après le déclenchement de la bataille pour que les allemands prennent Douaumont quasiment sans combattre le 25 février 1916. Ils l'occuperont pendant huit mois, résistant à une contre-offensive française avant que les troupes coloniales de Mangin reprennent le fort le 24 octobre 1916 et rétablissent la ligne de front de février 1916.