Maginot me voilà!

Publié le par Jérôme Voyageur

Le bloc 1 vu depuis le centre d'accueil
Le bloc 1 vu depuis le centre d'accueil

Verdun, 23 Mai 2016

Il y avait bien longtemps que je songeais à visiter au moins une fois un élément de la fameuse ligne Maginot, mais sa situation géographique le long des frontières orientales du pays n'a pa favorisé les opportunités. Du coup, la visite de Montmédy, plu spécialement de son office du tourisme a été un déclic. Un prospectus indiquait la présence à quelques kilomètres à peine d'un ouvrage Maginot visitable à tout moment de la journée. Inutile de réfléchir plus longtemps, la suite du programme était toute tracée, d'autant plus que j'avais déjà constaté que les gros ouvrages les plus proches proposaient une ou deux visites par jour, pas plus, ce qui est totalement incompatible avec une visite au pied levé.

Direction La Ferté-sur-Chiers à une grosse quinzaine de kilomètres au nord-ouest de la citadelle de Montmédy, dans le département voisin des Ardennes. L'ouvrage de La Ferté ou encore Villy-La-Ferté trône sur la crête qui domine le village de la Ferté et de sa hauteur tenait en respect le village de Villy. Il est très facile de le rejoindre grâce aux indications le long de la route, et en dernier recours, il suffit d'y aller à vue. Un petit parking accueille les visiteurs tandis qu'une ancienne casemate fortifiée guette de l'autre côté de la route. Une structure en acier sert de bâtiment d'accueil pour les visiteurs. A l'intérieur, l'association qui a restauré les lieux a aménagé un petit musée expliquant l'histoire de cet ouvrage, à la fois avec des moyens multimédia et des objets retrouvés sur place.

Cet ensemble faisait partie du secteur fortifié de Montmédy. Son édification au titre de la ligne de défense Maginot date de 1935, dans la partie la plus septentrionale de la ligne, le secteur au nord, le long des Ardennes étant constitué de défenses plus légères. Il était prévu pour accueillir un équipage de cent quatre hommes encadrés par trois officiers, la plupart originaires des environs immédiats. On imaginait à l'époque que cela renforçait la motivation à tenir la ligne coûte que coûte. L'ouvrage est constitué de deux blocs de combats reliés par une galerie de deux cent quatre vingt mètres.

Ce fut le premier ouvrage de la ligne Maginot attaqué par les allemands en Mai 1940. Du 16 au 18 Mai, de féroces échanges d’artillerie ont lieu jusqu'à la chute du village de Villy. Le 19 Mai, l'équipage ne donne plus signe de vie. Tous sont morts dans l'ouvrage intoxiqués par les gaz émis par les explosions de munitions à l'intérieur même des blocs. Équipement non terminé, défauts de conception et stockage des munitions juste sous les tourelles se sont combinés dans un tragique enchainement. La plupart des soldats ont été retrouvés par les troupes d'assauts allemandes dans le tunnel, tous décédés.

Par chance, nous ne sommes que trois pour la visite, c'est quasi une visite privée. direction le bloc 1 pour commencer la découverte des entrailles d'une fortification Maginot. En chemin, on passe à travers les protections internes toujours en place, à savoir rangées de rails fichés dans le sol et multiples chevaux de frise. Étonnamment, ils sont presque entièrement intacts sur tout le pourtour de l'ouvrage. Devant la porte, on constate que tout a été pensé pour surveiller, repousser, et survivre. La porte s'ouvre alors sur ce qui fut un cercueil géant il y a 70 ans. On découvre alors les différents postes de combat, deux cloches pour fusils-mitrailleurs, deux cloches armes mixtes, un couplage entre une arme anti-char de 25 mm et une mitrailleuse. Les dégâts sont impressionnants : les portes étanches soufflées, les mur les plus proches fracassés.

Intérieur du bloc 1, niveau supérieurIntérieur du bloc 1, niveau supérieurIntérieur du bloc 1, niveau supérieur
Intérieur du bloc 1, niveau supérieurIntérieur du bloc 1, niveau supérieurIntérieur du bloc 1, niveau supérieur
Intérieur du bloc 1, niveau supérieurIntérieur du bloc 1, niveau supérieurIntérieur du bloc 1, niveau supérieur

Intérieur du bloc 1, niveau supérieur

Un étage plus bas, ce sont les pièces consacrées à la logistique. Les chambrées sont des plus rustiques : vivre ainsi sous terre sans air frais ni lumière devait être terrible. Non loin de là, la chambre du lieutenant Bourguignon qui commandait l'ouvrage reste un mystère : il fut retrouvé mort à l'intérieur, la pièce fermée. Les deux diesels qui fournissaient l'électricité à tout l'ouvrage sont encore en place et toujours opérationnels. Dans la salle voisine, on peut voir comment l'air de l'ouvrage était purifié : au besoin, une manivelle permettait de maintenir le fonctionnement en cas de panne de moteur.

Intérieur du bloc 1, niveau inférieurIntérieur du bloc 1, niveau inférieur
Intérieur du bloc 1, niveau inférieurIntérieur du bloc 1, niveau inférieur
Intérieur du bloc 1, niveau inférieurIntérieur du bloc 1, niveau inférieur
Intérieur du bloc 1, niveau inférieurIntérieur du bloc 1, niveau inférieur

Intérieur du bloc 1, niveau inférieur

C'est parti dans l'escalier pour rejoindre le niveau le plus bas d'où part l'égout mais surtout commence la galerie qui reliait les deux blocs. Les stocks de carburant étaient entreposés ici au plus profond, en sécurité. Quelques mètres plus loin, on atteint la cuisine encore équipée de ses fourneaux d'époque. On imagine la corvée pour remonter la nourriture aux hommes affectés dans les étages. Heureusement qu'il y a de la lumière dans ce boyau relativement étroit . On essaie d'oublier que l'équipage était réfugié ici, attendant lentement la mort venir les chercher. Après la cuisine, on passe devant le poste médical qui se réduisait à sa plus simple expression : une petite pièce, doté d'un seul lit pour les blessés. Pour la petite histoire, l'orientation des blocs d'éclairage d'époque permet de savoir où se trouve le bloc le plus proche.

Dans la galerie souterraine
Dans la galerie souterraineDans la galerie souterraine
Dans la galerie souterraineDans la galerie souterraine

Dans la galerie souterraine

Parvenus à l'extrémité du couloir, nous constatons immédiatement que le bloc 2 est beaucoup plus humide que l'autre. Un peu de motivation est nécessaire pour remonter l'ensemble des escaliers jusqu'à la surface, trente mètres plus haut. Arrivés au niveau supérieur, nous constatons les dégâts causés à la cloche AM à éclipse qui a littéralement sauté de son logement. Deux cloches GFM complètent l'équipement comme pour l'autre bloc. Ici aussi les mêmes causes ont conduit aux mêmes conséquences tragiques. Nous retrouvons alors l'air libre après une bonne heure sous terre.

Au-dessus du bloc 2, nous imaginons l'intensité des bombardements en voyant les traces d'impact sur les cloches. Nous jetons un oeil à la fosse commune où furent enterrés les cadavres de l'équipage puis nous rejoignons le centre d'accueil à travers le réseau de défense passive.

Cette visite inattendue fut vraiment instructive et à la fois symbolique de l'absurdité de la guerre : un équipage complet mort pour des économies et des défauts de conception .....

Bloc 2 et extérieursBloc 2 et extérieursBloc 2 et extérieurs
Bloc 2 et extérieursBloc 2 et extérieursBloc 2 et extérieurs
Bloc 2 et extérieursBloc 2 et extérieursBloc 2 et extérieurs

Bloc 2 et extérieurs

Publié dans Carnet de voyage, Europe, France

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Y
oui, c'est un site extraordinaire à visiter;
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Y
Merci pourt ce remarquable article<br /> Aucune idée sur la situation exacte de ce site; mes photos sont de 2009<br /> Bonne soirée
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