Itinéraire bucolique entre terre et mer (5)
A l’issue de la visite, nous reprenons la route pendant environ trois quarts d’heure en direction d’Ubud. A peu de chose près, nous l’avons déjà empruntée ce matin pour rejoindre le volcan. Nous longeons de nombreuses plantations de café Luwak (il doit sa particularité au fait que les grains de café sont prédigérés par les civettes). Ce café est vendu à des prix stratosphériques, mais la multiplication des soi-disant producteurs laisse de gros doute sur la réalité du processus naturel, d’autant plus qu’il semblerait que le goût ne soit pas foncièrement différent. Autant dire que cette longue série nous laisse indifférents. Nous traversons ensuite un coin dominé par la sculpture sur bois. C’est d’ailleurs dans cette région que nous faisons halte, dans le village de Sebatu. Pour la troisième nuit consécutive, nous allons loger chez l’habitant, a priori une famille d’artistes. A première vue, nous nous arrêtons chez un des nombreux sculpteurs. Mais nous apprenons rapidement que cet hôte nous réserve une bien plus grande surprise. Ce soir, nous aurons droit à un spectacle privé de musique et de danse balinaises. La troupe mixe des villageois voisins et des membres de la famille de notre hôte. Devant nous, ils seront en répétition. Nous découvrons que ce groupe s’est déjà produit en dehors de l’Indonésie. Ils ont même donné un spectacle en France. Quelle chance nous avons de profiter de ce moment. Mais en attendant, nous découvrons nos micro-chambres, un peu sommaires, alignées dans un même bâtiment, avec point d’eau privatif en plein air, à l’arrière. Du coup, à part pendant les périodes de sieste, nous passons la plupart de notre temps sur la terrasse.
A l’heure du repas, nous quittons notre terrasse pour le bâtiment voisin, une sorte de terrasse couverte perchée à cinq ou six mètres de haut. La première partie de celle-ci nous sert de salle de restaurant : le repas est copieux, varié mais un peu trop épicé pour certains plats. Après cet appréciable dîner, nous faisons quelques mètres pour nous installer dans la partie spectacle, évidemment au premier rang devant la scène. De part et d’autre, nous distinguons toute une série de percussions qui compose le gamelan, ensemble musical traditionnel de Bali. Apparaissent alors pas moins de dix-huit musiciens qui viennent prendre place sur les côtés et au fond de la scène pour les deux tambours. Ils sont rejoints après une introduction purement musicale qui permet déjà d’apprécier le talent du groupe par une dizaine de danseurs et danseuses. Le spectacle dure ainsi plus d’une heure trente, déclinant six tableaux dont la cérémonie, le guerrier, la cour et les courtisans, les adolescents et l’amour. Le maquillage est tellement marqué qu’il décuple l’expression du regard. C’est d’ailleurs assez impressionnant de voir comme tous en joue, multipliant ainsi les sentiments ressentis. Et que dire de la gestuelle, les mains se contorsionnent en tous sens. La danse balinaise utilise toutes les expressions corporelles possibles : le résultat est ahurissant mais surtout captivant. Et ça virevolte dans tous les coins de la scène. Les costumes tout en dorures étincellent sous la lumière des projecteurs. Même la musique à elle-seule est expressive. Quel ensemble ! Quelle synchronisation ! Et dire que nous n’assistons qu’à une répétition. Nous essayons de récompenser chaque tableau par des applaudissements, mais à six, nous peinons à faire beaucoup de bruit. L’intention est là. Nous pouvons alors rejoindre nos lits la tête pleine d’images de la soirée. Quand au costume du guerrier, nous allons le revoir à plusieurs reprises sur des peintures pendant la suite du voyage.