Reco Tanganyika (3)
Samedi 9 Septembre, Katavi National Park, Ikuu Camp
Ce matin, nous partons directement à la recherche des lions. Ils se sont déplacés de quelques centaines de mètres toujours en surplomb de la piste. Les sept sont toujours là. Mais le spectacle est encore plus beau avec le lever de soleil en arrière-plan. Tour à tour, ils se lèvent et commencent à progresser vers la piste, la traversent, se regroupent dans le lit de la rivière avant de disparaître de notre vue le temps de descendre boire au bord de l’eau. Le même cérémonial à étapes se déroule pour rejoindre une zone plus « abritée ». Après plus d’une heure trente d’observation, nous les laissons faire pour approcher le pont. Nous faisons halte près d’une plage recouverte d’énormes crocodiles. Face à nous, une escadrille de cigognes à bec ouvert bat la mesure en claquant du bec. Les quatre hippopotames au sec finissent par mettre de l’ordre sur le sable. En quelques assauts dissuasifs, tous les crocodiles ont retrouvé la quiétude relative de l’eau. Nous abandonnons tout ce spectacle pour monter sur le pont afin de jeter un œil au marigot principal toujours aussi animé.
A la sortie du pont, nous bifurquons vers l’est en direction du lac Chada distant d’une dizaine de kilomètres. Après un parcours souvent bordé d’arbres, nous débouchons sur une immense plaine totalement asséchée et bordée de palmiers. Mais de faune, point ou quasi ! Il faut attendre le chemin du retour pour apercevoir quelques groupes d’impalas, une mangouste rouge avant de tomber enfin sur une famille d’éléphants, non loin du pont. Le dernier tronçon se déroule un peu plus près de la rivière jusqu’à rejoindre le puits et finalement le camp. Malgré l’arrivée tardive, nous commençons par des ateliers cuisine destinés à préparer la potée du soir avant de s’attaquer à la salade du midi. Du coup, la pause de l’heure chaude s’en trouve réduite. Nous avons tout de même le temps de profiter des douches.
Nous repartons comme hier vers quinze heures trente. Direction le nord du camp pour aborder la grande plaine de Katisunga. Malheureusement, elle reste bien vide : ce n’est pas faute de multiplier les postes d’observation. Les animaux restent très lointains … quand ils veulent bien apparaitre. Au sud de la plaine, nous découvrons deux lionnes venues se poser en plein soleil sur les berges de la rivière. Quel étonnant comportement ! Nous verrons ensuite plusieurs éléphants ainsi que des vervets. Notre progression nous a mené jusqu’à la pseudo-digue en contrebas de laquelle nous avions vu la lionne s’acharner sur un jeune hippopotame. Plus la moindre trace du repas Les charognards ont parfaitement rempli leur rôle. Seule subsiste l’odeur de charogne quand nous approchons du lieu. Vu l’heure, nous restons dans les parages en poussant jusqu’à l’extrémité de la langue de terre. Nous nous retrouvons ainsi en surplomb d’un marigot, aussi surpeuplé que les autres. Cette « terrasse » sera le lieu de l’apéritif en attendant le coucher de soleil, tout en sirotant une bière fraiche et en picorant de délicieuses noix de macadamia. Que la vie est dure ! De retour au campement, nous avons la surprise de découvrir des voisins, alors que nous pensions être seuls pendant tout le séjour. Sans la moindre préméditation, nous passons la soirée à rire aux éclats.
Dimanche 10 Septembre, Katavi National Park, Ikuu Camp
Même programme que les jours précédents si ce n’est que, petit à petit, nous devançons l’heure légale de quelques minutes de plus chaque matin. De ce fait, nous devançons les autres véhicules. Nous traversons la rivière non loin du camp en direction de l’aérodrome dans l’espoir de débusquer le léopard qui est censé trainer dans le coin, d’après notre voisin australien. De félin, point de trace, mais de nombreux impalas de l’autre côté de la piste. Ils semblent rester sagement en dehors de l’axe d’atterrissage ! Je suis étonné par les installations largement au-dessus de la moyenne pour ce genre de piste de brousse. Le début de matinée est bien calme : très peu de vie animale.
Non loin du pont d’Ikuu en partant vers la piste « routière », nous apercevons une hyène qui semble bien épuisée, la tête ne reste levée que quelques secondes à chaque fois. Elle dort la plupart du temps, complètement à découvert. Pendant cette observation, j’en profite pour mettre dans la boîte deux pies grièches fiscales qui sont posées dans l’arbre le plus proche du véhicule. Puis nous empruntons la piste du lac Chada, au sud de celle d’hier. C’est un parcours beaucoup plus forestier, mélangeant de nombreuses essences : de nombreux et beaux acacias, quelques ébènes blancs et de jolis arbres à pluie immanquables avec leurs fleurs roses. Nous allons jusqu’à l’aire de pique-nique qui donne sur le lac aussi sec que sur l’autre rive. Par contre, en revenant, nous croisons des girafes qui s’avancent à découvert. De retour près de notre rivière préférée, nous observons quelques éléphants ainsi qu’un groupe de six girafes qui traversent le lit assez large à cet endroit. La matinée se termine par le désormais traditionnel passage au puits pour faire le plein quotidien des jerricans. Aujourd’hui les rangers sont en train de faire de même sauf qu’ils ont une motopompe pour puiser directement dans le forage sans effort.
La pause au camp dure jusqu’à quinze heures trente. Nous repartons le long de la Katuma par la rive nord. Il faut dire que le lieu est assez exceptionnel : quelques kilomètres à peine de longueur mais de la vie en permanence et des observations chaque fois différentes. Et la première apparition vient confirmer ce constat : une femelle guib harnaché, une espèce d’habitude si farouche, se laisse photographier pendant plusieurs minutes. Quelques vervets s’amusent ici et là tandis qu’une cigogne tente longuement de gober le poisson qu’elle a attrapé : un bien complexe processus ! Si elle a du mal à avaler, nous avons du mal à identifier le petit rapace posé dans un arbre voisin. Il faut un long moment avant de s’accorder sur le faucon de l’Amour, une femelle immature. Plus loin, nous apercevons un éléphant mâle le long de la lisière opposée mais notre attention se porte rapidement sur ce trio de girafes qui assurent le spectacle dans le lit de la rivière. Une quatrième finit par les rejoindre. Une fois n’est pas coutume, nous apercevons enfin une femelle phacochère avec ses deux petits. Etonnamment, il semble que ce soit une espèce rare dans ce parc.
Depuis la rive, nous apercevons la famille de lions dispersée au milieu du lit. Ils n’ont pas beaucoup bougé depuis notre premier contact. Toujours paisibles et inactifs. Il n’y a guère que ce vanneau du Sénégal au premier-plan qui met un peu d’animation. Quant aux éléphants, ils restent bien lointains. Du coup, c’est nous qui les approchons un quart d’heure plus tard. Le groupe comprend onze individus dont un tout petit qui ne pense qu’à batifoler dans la boue. L’autre jeune, légèrement plus âgé, préfère se rouler dans le sable. Côté adultes ils sont au moins quatre à s’acharner contre la berge en collant leur front sur la paroi. Le reste du groupe assure la surveillance. Malgré toute cette agitation, l’ombrette posée près d’eux reste stoïque. Tout à leur excitation, les deux jeunes décident de s’affronter en se poussant front contre front. On dirait un combat de sumos, version pachyderme, sauf que la confrontation est déséquilibrée à cause de la différence d’âge.
Nous faisons une pause à l’ombre tandis que la famille s’éloigne sous la lisière opposée. Après cet intermède, nous repartons en direction des lions. Cinq d’entre eux ont traversé pour se retrouver de notre côté de la rivière. Près du « point d’eau » suivant, nous découvrons une plage densément peuplée de crocodiles et d’un héron Goliath. Parvenus au marigot près de l’ancien pont, nous tombons sur deux énormes crocodiles encore plus impressionnants avec la gueule ouverte. Pendant ce temps les hippopotames voisins assurent le fond sonore. Sur le chemin vers le camp, nous en croisons quatre autres à l’air libre alors que la nuit est encore loin. Ils ont décidément des mœurs très particulières ici. Arrivés près du poste de garde, nous le dépassons d’une centaine de mètres avant de retomber sur un trio d’éléphants. Nous observons aussi diverses espèces d’oiseaux : deux ibis hagedash qu’on entend plus souvent qu’on ne les voit, un duo de pigeons roussards facilement repérables avec leurs ailes rousses tachetées de blanc, et l’aigle pêcheur quotidien, cette fois branché sur la rive opposée. La fin de journée approchant, nous nous avançons au milieu du lit de la rivière pour profiter du soleil déclinant sur la plaine au loin, entourés par la faune, comme ses trois pachydermes qui passent à une centaine de mètres derrière nous. Ce long moment de quiétude est soudain troublé par les cris d’alertes des vervets et la position aux aguets des impalas. Ceci signale la présence d’un léopard dans les environs. Nous essayons évidemment de le trouver mais en vain. Nous reprenons donc le chemin de notre campement en passant par le gué. C’est là que nous assistons à un combat d’hippopotames, gueules ouvertes, le tout sous les yeux d’un couple d’aigles pêcheurs, d’un bihoreau et d’un héron Goliath, tous branchés ou dissimulés dans l’arbre mort tombé près du passage.
Nous retrouvons nos tentes largement après l’heure légale. D’ailleurs chaque jour, nous grapillons un peu plus, tout comme les journées s’allongent. Il fait clair plus tard. Il semblerait que nous ayons été assez bruyants hier puisqu’aucun voisin n’est là ce soir. Un des rangers nous fait bien rire en voulant allumer un feu avec tout le bois qu’il a collecté à l’heure chaude. Cela part d’un bon sentiment sauf que notre feu brûle déjà à quelques mètres. Inno l’interrompt juste à temps. Quant à Fred, il nous trouve bien calmes ce soir … Pourtant les rires se succèdent pendant le repas, toujours composée de potée : c’est la nouvelle technique. Au lieu de faire quatre services le même soir, c’est deux par soir. Et entre temps, la marmite se promène avec nous sur le toit d’un des véhicules.