Reco Tanganyika (5)
Mardi 12 Septembre, Katavi National Park, Ikuu Camp
La nuit fut ventée et fraîche. Mais cela ne nous empêche pas de partir toujours plus tôt. Le passage devant les gardes avant l’heure légale ne produit aucune réaction. Etonnamment le marigot du vieux pont est particulièrement calme. Ce n’est qu’une grosse vingtaine de minutes après notre départ que nous apercevons un semblant d’activité avec ces trois éléphants qui traversent le lit asséché avant de disparaitre sous les arbres. Quelques minutes plus tard, nous tombons sur trois grands calaos terrestres. Ils nous font la surprise de se brancher dans le même arbre. Vu leur taille, je n’aurais jamais pensé les voir ailleurs qu’au sol.
Vers sept heures, nous faisons notre pause traditionnelle sur le pont. Alors que nous regardons ce qui se passe en contrebas dans le marigot, nous commençons à entendre des cris d’alertes de tous les vervets du quartier. Grâce à ses jumelles, Fred réussit à identifier que la menace doit venir de la rive nord, près de la piste partant vers le lac Chada. Et effectivement, nous sommes trois à voir la furtive apparition d’un nouveau léopard. C’est tout de même le troisième en une douzaine d’heures. Illico, nous sautons à bord pour essayer de le suivre. Mais il reste introuvable dans cette épaisse végétation. Alors que nous continuons à le chercher, nous tombons nez à trompe avec un gros mâle éléphant qui nous barre le passage sur la piste principale. Il faut attendre son bon vouloir avant de pouvoir repartir. Et dire que cette portion de piste est empruntée par les bus qui traversent le parc… Direction la rive sud de la Katuma où nous tombons sur un hippopotame lui aussi sur la piste. Il promène sur son dos plusieurs buphages.
Un quart d’heure plus tard, nous recevons un appel radio d’Inno nous signalant un bébé lion. Nous faisons demi-tour en quatrième vitesse. Ayant rejoint l’autre véhicule, ce n’est pas un mais trois lionceaux qui apparaissent au bout des objectifs. Un seul des trois est à peu prés visible : des autres nous ne distinguons que des bouts d’oreille. Ils sont adorables : on dirait des peluches. Bizarrement ils sont cachés quasi à découvert à seulement une quinzaine de mètres de la piste, et sans adulte pour les surveiller. On descendrait presque les caresser comme on le fait avec des chats domestiques. Mignons à souhait. Fred tente de les approcher pour nous permettre de mieux les voir. Le bruit qui en résulte a pour effet de les faire bouger à découvert. Bien heureusement, ils trouvent une meilleure cachette quelques mètres plus loin. Nous nous en serions voulu de leur causer du mal, juste pour faire une photo. Encore un formidable moment avec les félins. Katavi est décidément plein de ressources insoupçonnées. Nous ne les importunons pas trop longtemps et poursuivons jusqu’à tomber sur une compagnie de vervets avec pas mal de tout petits. C’est la série nurserie en ce début de matinée.
Nous faisons ensuite halte près du gué. Comme souvent, deux bihoreaux y sont présents, branchés dans l’arbre mort couché près du marigot. Le spectacle de la cigogne qui pêche est déjà vu mais il est toujours aussi amusant. Cela n’a rien de simple quand on ne dispose que d’un bec pour pouvoir gober un poisson-chat. La pêche est bien plus aisée que l’ingestion. Une dizaine de minutes plus tard, nous voyons passer juste derrière la mare un groupe de sept éléphants de tous âges avant de traverser entièrement le lit asséché de la rivière. Restés en arrière, nous finissons par comprendre qu’un des membres du groupe veut charger l’autre véhicule. Cela commence par un tête-à-tête qui incite Inno à faire marche arrière à deux reprises. Viennent ensuite de très sonores barrissements. Du coup, nous restons sur nos positions au milieu du lit. Mieux vaut garder ses distances dans ces cas-là. L’heure tourne et le groupe n’a pas l’air décidé à bouger. Après une demi-heure d’attente, nous décidons de rebrousser chemin pour faire un détour en longeant la grande plaine de Katisunga.
En chemin, nous commençons par croiser des girafes dont une mère et son petit, puis trois petits phacochères mâles. Il nous faut une bonne trentaine de minutes pour rejoindre notre campement, alors que nous étions tout près à vol d’oiseau. Tandis que je sors des sanitaires et que je reviens vers les tentes, on me dit de rester près des voitures. D’abord intrigué, je comprends rapidement que des éléphants approchent. C’est la même famille que tout à l’heure qui a décidé de traverser notre emplacement. A croire qu’ils nous en veulent ! Finalement, ils passent sans faire de dégât. Nous pouvons tranquillement déjeuner puis démonter le camp. Avant de quitter définitivement Ikuu, nous faisons un dernier détour par le puits. Cette fois, nous sommes parés pour reprendre la piste du quartier général. Un quart d’heure plus tard, un miracle se produit. Les topis qui restaient à l’autre bout de la plaine, hors de portée de nos objectifs, semblent avoir changé de comportement à notre égard. Nous en trouvons deux à seulement une dizaine de mètres de la piste. Inno a pu enfin observer de près cette espèce cousine du bubale qu’il ne connaissait pas.