Reco Tanganyika (6)
Mardi 12 Septembre 2017
En tout début d’après-midi nous rejoignons le poste de garde. Il faut une bonne heure de discussion pour que Fred essaie d’obtenir le maximum d’informations pour Mahale. Malgré tout, cela reste incertain et imprécis. Un seul garde s’est proposé pour nous aider, le même qu’à l’aller d’ailleurs. A Mpemba, la ville la plus proche de Katavi, nous faisons une halte pour ravitailler en carburant et en provisions. Autant la station d’essence est facile à dénicher, autant les boutiques de nourriture sont bien plus rares et discrètes. Puis nous reprenons notre route vers le nord. Celle-ci fait l’objet d’importants travaux, à tel point qu’elle se transforme en large piste. Comme nous l’avions déjà expérimenté après Mbeya, les indications routières sont plus que déconcertantes. Grâce à la carte nous repérons la piste qui part vers l’ouest en direction du lac Tanganyika, sauf que le panneau indicateur couché par terre comporte des noms qui ne sont pas sur la carte, tandis que ceux de la carte ne sont pas sur le panneau. Le premier motard qui se présente est intercepté : il nous confirme que c’est bien la bonne piste à prendre.
C’est déjà ça de gagné. Cet axe secondaire reste bien roulant et il semble moins compliqué d’y dénicher un lieu de bivouac que notre dernière expérience. Nous sommes néanmoins contraints de nous écarter longuement de la piste et de franchir plusieurs collines avant de pouvoir nous poser, tout de même vers dix huit heures trente. Nos voisins d’un soir, en fait les propriétaires de la maisonnette la plus proche, viennent voir ce qui se passe. Fred leur explique que nous voulons camper et leur demande leur accord. Ils restent un bon moment à nous observer, voyant probablement pour la première fois un village de blancs se monter au milieu des arbres. Alors que nous sommes en train de prendre notre repas, la mère vient nous apporter une pleine marmite de manioc : un sacré signe d’hospitalité qu’on peine à imaginer dans l’autre sens en France … Bien évidemment, Fred leur rend la pareille en leur amenant un peu plus tard un assortiment de nourriture.
Mercredi 13 Septembre, près de Mpanda Ndogo
Ce matin, nous partons largement plus tard que les jours précédents. Nous partons marcher à sept heures trente en avant des véhicules. Les vélos sont tellement chargés que nous les dépassons les uns après les autres. Impossible d’identifier ce que les sacs peuvent contenir mais ils doivent allégrement peser dans les quarante à cinquante kilos. Nous sommes rejoints au bout d’une grosse demi-heure avant d’atteindre la piste principale. Il ne s’écoule que cinq minutes avant que Fred ne repère une case « restaurant ». Par chance, la propriétaire de lieux prépare des chapatis. Fred en commande plusieurs dizaines qu’elle prépare devant nous et que nous goûtons dans la foulée, nappés de pate à tartiner. A croire que le petit-déjeuner n’était pas suffisant. Cette pause imprévue dure de longues dizaines de minutes … et se poursuit dans le village suivant où Fred redemande des chapatis. La première heure n’a pas été très efficace en distance parcourue. Cette fois, nous progressons sérieusement. Ainsi nous traversons les gros villages que sont Mpembe et Mwese. Ce dernier marque le terminus du bus de ligne qui va jusqu’à la grande route. Etrangement, on nous y souhaite bonne chance quand nous demandons la direction de Rukoma, le village près du lac Tanganyika où nous devons passer pour bifurquer vers Mahale.
Quelques centaines de mètres après la sortie du village, nous commençons à comprendre les raisons de cet encouragement. La piste s’arrête devant un pont en béton qui a la particularité de ne pas être terminé : la piste ne passe pas encore dessus et aucune ne contourne le chantier visiblement abandonné. A gauche, nous trouvons une série de mares peu engageantes et à droite une petite rivière. Fred opte pour cette seconde option ; je reste avec lui à bord. Malheureusement, à peine engagés dans l’eau, nous nous embourbons. Ca s’annonce mal. Nous descendons tant bien que mal avant que Fred ne tente de sortir. Débarrassé de mes sandales, je passe sous le pont pour essayer de le guider. Du fait de l’angle réduit pour tourner, Fred décide de tenter le passage en marche arrière tandis que j’essaie de guider au mieux ; La situation empire : le véhicule se retrouve bloqué le flanc contre une butte de terre : pas d’autre choix que de l’attaquer à coup de pelle. Malgré tout, les choses ne s’arrangent pas. Le Toyota a beau fumer noir, rien n’y fait ; impossible d’arriver à prendre contact avec la dalle de béton. Fred s’entête au point d’être à la limite d’embourber pour longtemps le 4*4. Juste à temps, il jette l’éponge et nous tractons le véhicule hors de ce bourbier grâce l’autre engin. Il ne reste qu’à tenter le coup par l’autre côté. Des bois ont déjà été jetés dans les mares, et les quelques autochtones venus nous aider en rajoutent quelques-uns de plus. Après plusieurs tentatives, de grands coups de gaz, des patinages et un nouvel embourbement frôlé de peu, Fred réussit enfin à franchir l’obstacle sous un tonnerre d’applaudissements et de hourras. Au tour d’Inno de tenter de passer. Il est à deux doigts de se coincer au milieu du gué. Fred est même contraint de monter sur le capot pour faire du poids et forcer l’adhérence, avant de sortir la corde. Il aura fallu deux heures pour traverser un simple pont. Après une telle perte de temps, nous décidons à l’unanimité de sauter le repas pour rattraper un peu du temps perdu.
La journée s’annonce encore longue après une telle épreuve. Cela tient du miracle que nous soyons passés, un peu aussi grâce à l’aide locale bien précieuse. Nous reprenons notre progression sur une piste de plus en plus hostile et même défoncée par endroits. Certains secteurs tiennent de l’épreuve de trial. Nous affrontons aussi un nouveau gué, beaucoup plus difficile qu’il n’y parait. Avec un tel environnement, notre vitesse tourne autour des dix kilomètres par heure. A ce rythme, nous aurons du mal à atteindre notre but avant la nuit. Vu la piste, il est à peu près certain qu’aucun véhicule n’est passé là depuis bien longtemps. Même les motos semblent galérer. Nous empruntons plusieurs descentes escarpées, traversons plusieurs plantations de bambous mais le bout des deux escarpements qui nous cernent semble toujours aussi loin. Finalement après plusieurs heures d’efforts pour les deux conducteurs, nous en terminons enfin avec les escarpements. Quelle surprise de trouver une large piste nord-sud qui semble même remonter vers Kigoma. Encore un mystère de notre carte !
Bien évidemment, nous continuons pour la énième fois à demander la direction de Rukoma. Au moins, tout le mode connait ce qui est plutôt rassurant. Malgré tout nous loupons la dernière bifurcation : une dizaine de kilomètres pour rien jusqu’à atteindre le bout de la piste. Nouvelles demandes pour enfin trouver la petite piste qui atteint le lac et rejoint le gros village de Rukoma. Enfin, nous apercevons les eaux du mythique lac Tanganyika. Après avoir sinué dans Rukoma au jugé, il nous reste à trouver comment rejoindre Mgambo où nous devons embarquer demain. Nous avançons cahin-caha jusqu’à croiser par miracle un des rares véhicules de la région qui s’avère appartenir au parc national de Mahale. Nous le stoppons immédiatement certains d’obtenir de précieuses informations auprès d’eux. Bingo ! Les gardes partent passer quelques jours de congés à Kigoma mais ils nous appellent une connaissance qui vient à notre rencontre à moto pour ensuite nous guider jusqu’à destination. A y réfléchir, cela tient du miracle d’être tombés sur eux.
Quelques kilomètres plus loin, nous voyons arriver un motard qui nous prend en charge. Désormais, nous sommes détendus, quoi que fourbus. A dix-sept heures trente, nous arrivons sur la plage près des installations de la société de protection animale de Francfort. Les bateaux sont bien réservés pour demain. Une fois les tentes montées à même le sable, nous filons tous à l’eau à l’exception d’Inno. Quel plaisir procuré par ce bain tiède après une journée mouvementée et secouante. Avant de passer à table, nous préparons le sac léger pour partir à Mahale : le gros du barda restera dans les véhicules avec Inno. Ce soir, nous nous régalons avec des spaghettis carbonara à la façon zimbabwéenne. Dans la nuit, le ressac se fait de plus en plus bruyant malgré l’absence de vent.