Reco Tanganyika (10)

Publié le par Jérôme Voyageur

Dimanche 17 Septembre, Mahale NP, Kasiha Camp

 

Yves me réveille bien tôt ce matin. Aucun risque d’être en retard. Peter nous rejoint peu après sept heures, en retard pour la première fois. Ce matin, nous partons pour une ballade a priori plus tranquille que la traque d’hier. Rebecca reste au camp. Nous marchons bien plus lentement, attentifs au moindre mouvement ou appel dans la végétation. Ainsi, nous apercevons fugacement un céphalophe bleu encore plus petit que les précédents. Plus loin, c’est l’effervescence dans la canopée. Babouins et cercopithèques ascagne s’excitent un bon moment. Les feuilles mortes tombent régulièrement sous l’effet de leurs cavalcades aériennes.

Nous reprenons notre marche en remontant un lit de rivière asséchée pendant un bon moment, pas forcément la section la plus agréable, le meilleur moyen d’y laisser une cheville avec les pierres branlantes. Au loin, nous finissons par entendre les appels caractéristiques des chimpanzés. Trop éloignés pour imaginer tomber sur eux par hasard. Une pintade casquée se prend à courir dans le sous-bois tandis qu’un touraco de Lady Ross s’envole à notre arrivée : nous n’aurons pu profiter que de son superbe chant. Finalement, nous faisons demi-tour pour épargner Fred qui traine de plus en plus la patte. A dix heures quinze, nous sommes de retour au camp. Je poursuis jusqu’à la plage espérant trouver Rebecca qui a gardé la clé de la salle commune. Coup de chance, elle remontait vers nous. Une fois débarrassés de la tenue de marche, la baignade nous tend les bras. Certains préfèrent partir faire des photos au bord de l’eau.

Pendant le déjeuner, nous subissons la première pluie du séjour. Nous ne sommes que deux à mettre les doubles toits avant de remonter prendre café et gourmandises dans la salle commune. Pendant la douche survient cette fois une vraie averse. Il semblerait que les autres aient enfin fait le nécessaire pour les tentes alors que je m’installais pour une bonne sieste. Après celle-ci je tente d’observer la faune environnante : les babouins trainent au sol tandis que les cercopithèques ascagne restent dans les sommets des arbres voisins. Vient le moment « d’opérer » le talon de Fred. Couché sur une table, il nous interdit toute photo compromettante. Avec Isabelle, nous assistons Rebecca. Mais nous reprenons vite nos habitudes de faire crépiter les appareils photos dès qu’un frémissement se fait entendre dans le feuillage.

Comme les jours précédents, Peter débarque vers seize heures, sauf qu’il n’y a pas le moindre candidat, entre les éclopés, les « chaussures en vrac » et les fatigués. Du coup, je redescends vers la plage pour tenter un affut sur les rochers au bord de l’eau. J’arrive ainsi à observer longuement un couple d’œdicnèmes ainsi que plusieurs tisserins « Vieillot », ce qui explique les nids suspendus aux joncs juste au-dessus de la surface du lac. Je migre ensuite vers un autre tas de rochers en compagnie de Bruno sauf que rien ne se présente au bout du téléobjectif. Je finis par l’abandonner pour retourner à la tente et me jeter à l’eau tout seul. Une fois n’est pas coutume ! Mais le plaisir est toujours aussi grand avec ce décor grandiose que forme l’escarpement. Pendant le café après le repas, Fred s’attaque à une nouvelle réparation de pompes : c’est la quatrième paire qui lâche depuis notre arrivée à Mahale. Les tongs des bandas deviennent très prisées. L’heure est venue de notre désormais traditionnelle sortie nocturne quotidienne. C’est la troisième soirée potamochères à côté de la cantine des assistants chercheurs. Aujourd’hui nous avons amené nos propres restes organiques. L’observation commence très calmement avant qu’ils ne rappliquent. Nous en voyons jusqu’à sept simultanément. Il semblerait que l’avocat et la pastèque ne soient pas leurs mets préférés. L’observation est encore différente d’hier. Nous essayons de discerner leurs caractéristiques pour essayer de les reconnaître, comme la jeune femelle que je surnomme Iroquette. Ce qui ne change pas, ce sont les règles de pouvoir pour approcher le festin.

De retour sur la plage, comme chaque soir, je m’étends sur le bain de « lune » pour me plonger dans le ciel étoilé sur fond de blanche et laiteuse Voie Lactée, le tout avec le chant des grillons locaux et un très léger ressac en fond sonore.

Mahale NPMahale NPMahale NP
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Lundi 18 Septembre, Mahale NP, Kasiha Camp

 

Aujourd’hui, je me réveille naturellement. Ayant décliné la troisième traque aux chimpanzés, j’ai quartier libre, tout comme Rebecca, Yves et Christian. Malgré tout, j’arrive à la salle commune avant leur départ. Tout le monde est focalisé sur un arbre où un cercopithèque ascagne se pavane, le tout sur fond de ciel bien gris. Pendant une bonne heure, je me ballade autour des bâtiments, puis à travers la forêt jusqu’à rejoindre la plage. J’en profite pour pousser jusqu’à l’étang. Mais il est impossible d’y rester tant les mouches tsé-tsé sont agressives. Du coup, je retourne faire un petit somme qui est interrompu par la pluie. Arrivé sur la plage, les gouttes ont cessé. J’hésite un moment à monter le double toit jusqu’à regarder le ciel bien sombre … Et c’est une deuxième averse qui survient nous poussant à équiper toutes les tentes. Une demi-heure plus tard, le temps vire à l’orage avec force éclairs et tonnerre. Cette fois, les cieux déversent des seaux d’eau. Nous sommes coincés dans la salle commune en attendant que cela passe. Vers onze heures, l’orage cesse enfin, nous permettant de retourner voir les dégâts sur la plage. Si les toiles n’ont pas l’air trop humide à l’intérieur, on ne peut pas en dire autant des grosses chaises en bois dont les assises se sont gorgées d’eau.

Vers midi, les trois courageux rentrent de leur traque avec le sourire aux lèvres. Néanmoins, nous n’avons aucun remord en apprenant le profil particulièrement escarpé de leur sortie. En ce début d’après-midi, nous sommes tous au ralenti. Une nouvelle sieste s’impose. Ainsi, la forme est de retour pour aller prendre un bain en compagnie de Fred. Après la météo tourmentée, l’eau du lac nous semble plus fraîche que d’habitude. Nous mettons juste quelques secondes plus pour y rentrer. Au loin, nous assistons à un incongru défilé de cargos. Nous trouvons enfin l’occasion de nous « venger » des filles. Alors qu’elles sont installées à l’extrémité de la jetée tandis que nous approchons dans l’eau tout en discutant avec elles l’air de rien. Jusqu’à ce que Fred prononce le code : arrosage massif réussi ! De vrais gamins !

Vers seize heures, nous partons en compagnie de Peter pour la dernière ballade de notre séjour à Mahale. Les trois de la traque du matin se reposant, nous ne sommes que trois à suivre : Christian, Yves et moi. Nous empruntons une belle piste en sous-bois jusqu’au camp abandonné de Flycatcher que j’avais déjà approché par la plage. En chemin, nous observons un groupe de fourmis noires particulièrement excitées. Et notre guide s’amuse à les titiller pour nous faire entendre leur « cri » bien furtif et difficile à identifier. Plus loin c’est un bousier d’un vert éclatant qui attire notre regard sur le sol recouvert de feuilles sèches. Nous prenons aussi une dernière leçon de botanique : une « feuille à pardon » qui, déposée devant la porte de celui qu’on a offensé, ramène le calme, une plante aux saveurs anisées dont une tisane aurait pu remplacer un apéritif célèbre, ou encore un viagra végétal à fumer … Près du camp, nous apercevons furtivement quelques cercopithèques toujours aussi farouches.

De retour aux tentes, je m’empresse de quitter ma tenue de randonnée pour la remplacer par un maillot de bain : l’heure est venue de la dernière baignade dans ce lac toujours aussi accueillant et agréable. Le dîner se déroule sur fond de coucher de soleil, quelque peu gâché par les nuages. Ce soir, nous rendons aussi une dernière visite aux potamochères. Nous ne sommes plus que quatre. Sur place, nous reconnaissons rapidement Catherine et Hector (baptisé par Fred hier). Les allées et venues sont fréquentes, ce mâle dominant ayant tendance à écarter tout son monde. Ce n’est qu’en fait d’observation que nous voyons apparaître les deux petites femelles dont Iroquette. Ces « cochons sauvages » auront bien assuré le spectacle à chacune de nos visites nocturnes. De retour à la tente, il faut s’occuper de préparer le sac pour demain. Les toiles sont encore humides de l’orage de ce matin. Espérons que cela sèche dans la nuit !

Mahale NPMahale NPMahale NP

Mahale NP

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