Reco Tanganyika (7)

Publié le par Jérôme Voyageur

Jeudi 14 Septembre, Mgambo

 

Comme d’habitude le réveil est anticipé. Ce matin il faut faire le tri entre ce qui reste dans les véhicules et ce qui part avec nous dans le bateau. Tout compte fait, cela finit par représenter un sacré volume. Il faut ensuite transférer tout ce chargement jusqu’à la plage où se fera l’embarquement, à plus d’une centaine de mètres du campement. A sept heures, pas la moindre coque à l’horizon. Et les rangers ne sont pas joignables. Mollel, l’employé du conservatoire, nous explique qu’il ne faut pas s’inquiéter, qu’ils vont arriver : c’est juste une question d’état du lac pour pouvoir naviguer ! Finalement, trois quarts d’heure après le rendez-vous, nous apercevons deux embarcations qui se dirigent vers nous. C’est parti pour le chargement à la chaine, en essayant de ne rien mouiller d’autre que les maillots de bain. Toute la logistique et les sacs sont disposés dans une grosse barque tandis que nous montons avec nos petits sacs dos dans un bateau pour passagers, certes rudimentaire et antique ; plus un seul cadran ne fonctionne. Espérons que la coque est encore étanche.

Avec une heure de retard sur le programme initial, nous enfilons et bouclons les gilets de sauvetage. Pour les plus sensibles au mal de mer, nous avons avalé les médicaments adéquats. Nous sommes parés à partir. Notre bateau file bon train et tape allègrement sur les vagues. Je ne regrette pas d’avoir pris un comprimé de Nautamine. Par contre, il n’y a aucune main courante pour se tenir. J’essaie de me caler à l’arrière, rafraichi par les embruns soulevés avec la vitesse. Heureusement le ciel reste couvert. Après une trentaine de minutes de navigation, nous mettons le cap vers la côte pour faire une halte à la piste d’aviation. C’est là que se trouve la guérite où sont délivrés les permis. Nous y sommes accueillis par le responsable du parc (ici ils appellent ça un warden). Nous débarquons sur la plage et longeons la piste sur la moitié de sa longueur pour rejoindre le bâtiment où se trouve un des trésoriers. Comme souvent, ces démarches trainent en longueur. En plus du permis d’accès au parc national de Mahale, nous prenons deux permis chimpanzés, la grande spécialité de cette zone protégée. Pendant ce temps nous voyons atterrir un petit avion venu chercher un couple d’allemands puis un second amenant de nouveaux visiteurs.

Il est temps pour nous de remonter à bord pour une autre demi-heure menée au même rythme. Le médicament a été efficace mais il n’aurait pas fallu que cela dure beaucoup plus. Vers dix heures nous débarquons sur une jolie plage devant le camp de Kasiha, au pied de l’escarpement qui isole Mahale du reste du pays. Ici plus qu’ailleurs les animaux sont parfaitement protégés : pas de route d’accès ni la moindre piste. Le point culminant, le Mont Nkungwe, s’élève tout de même à 2462 mètres, soit plus de mille cinq cents mètres au-dessus de la surface du lac. Pour résumer, nous sommes écrasés par l’environnement naturel. C’est là que nous allons passer les cinq prochains jours, à même la plage. La végétation luxuriante dissimule les structures d’hébergement à deux cents mètres en retrait. Nous n’en utiliserons que la cuisine et les sanitaires, puis quelques lits pour la sieste.

Avant même que nous accostions, nous voyons approcher une demi-douzaine de personnes, tous employés du parc, venus sur la place spécialement pour nous accueillir et nous aider à débarquer. Avec toute cette main d’œuvre, le chargement rejoint vite la bâche tendue sur le sable. Les tentes sont montées dans la foulée, le long de la lisière tandis qu’on nous installe une chaise longue à proximité de chaque toile. Fred abuse en leur faisant descendre une massive table en bois et des chaises tout aussi lourdes … Une fois le camp monté, nous pouvons profiter des chaudes eaux du lac pour prendre le premier d’une longue série de bains. Nous surveillons tout de même du coin de l’œil les babouins qui pourraient avoir la mauvaise idée de s’approcher de trop près. Après le repas, nous remontons avec Fred faire un somme à même le sol de la salle commune, le seul endroit où il fait frais, tandis que la plage est écrasée par le soleil.

A quinze heures trente s’annonce une dure corvée. Remettre les pieds dans des chaussures fermées. Mais nous n’avons pas le choix pour aller marcher en forêt. Nous faisons la connaissance de Peter qui sera notre guide pour tout le séjour. Il nous briefe sur les règles à respecter au sein de ce parc si particulier. A seize heures, nous commençons notre randonnée. Malgré l’existence de chemins bien tracés, la machette est souvent utilisée pour dégager la végétation luxuriante. Au fil de la progression, Peter nous montre tout ce qui peut servir aux chimpanzés : citrons, fruits étranges et même des plantes médicinales. Nous apercevons plus ou moins distinctement cercopithèques mitis dès les premiers arbres derrière le camp, apparemment une des proies préférées de nos cousins chimpanzés. Le cercopithèque ascagne avec sa longue queue rousse est beaucoup plus furtif, et que dire des colobes à queue blanche. Seuls les quelques babouins sont assez faciles à observer.

Après une première partie de parcours en sous-bois, nous poursuivons en remontant le lit de la rivière Kasiha. La progression est plus difficile à sauter de rocher en rocher sans savoir s’ils sont stables ou pas. Néanmoins, cela offre un superbe cadre de ballade, surtout quand nous atteignons les retenues naturelles : l’eau est limpide et pure. C’est d’ailleurs là que ce trouve le captage d’eau potable pour notre camp et tous les hébergements des employés du parc ainsi que les assistants des chercheurs. Plus nous avançons, plus cela devient compliqué avec des rochers de plus en plus gros à franchir façon escalade. Autant dire qu’une bonne partie du groupe commence à dire stop. Nous en restons donc là. Deux heures et demie de sortie pour une première, c’est déjà pas mal et nous avons commencé à tirer la langue. De retour à la salle commune, nous vidons nos gourdes et quittons immédiatement les chaussures de marche Nous sommes quand même mieux les orteils à l’air. Le repas s’effectue sur la plage à la lumière des lampes à pétrole disposées sur toute la plage à la tombée de la nuit.

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