Marrakech, journée palais
Marrakech, Dimanche 23 Décembre 2018
Soit on avait besoin de sommeil, soit on se trouvait bien au lit. Toujours est il qu'on se lève encore plus tard qu'hier. La fraîcheur matinale est toujours aussi saisissante. Les premiers rayons de soleil même timides sont les bienvenus en grimpant jusque sur la dernière terrasse.
Nous ne partons que vers dix heures. Le chemin est des plus simples. En suivant la rue qui longe les remparts, nous devrions finir par aborder le palais de la Bahia. Quelques porte à angle droit font frémir quand nous voyons certaines voitures ou motos couper sans visibilité. En tant que piéton, il vaut mieux viser, juste derrière un véhicule, sans trainer sous l'arche. En avançant ainsi, nous finissons par rejoindre l'entrée qui est située à l'extrémité est du palais qui s'étire tout en longueur. Nous ne serons pas seuls. Plusieurs groupes patientent dans la cour d'entrée.
Nous allons les subir tout le long dans les étroits couloirs comme dans les petits patios. Cet immense résidence princière renferme de splendides plafonds de bois peints, tous différents les un des autres. Tous les arcs ainsi que de nombreux piliers et linteaux sont décorés de stucs traditionnels. Quant aux murs, comme la plupart des pavements, ils présentent des zelliges multicolores. Dans les patios, agrumes, palmiers et bananiers se partagent l'espace. En raison d'importants travaux de rénovation, quelques cours ne sont actuellement pas accessibles mais il en reste largement assez à découvrir. Parmi les plus marquantes, on peut citer la grande cour d'honneur au bout de laquelle s'ouvre la salle d'honneur, ou encore la chambre de la Bahia, la même qui a donné son nom au palais tout entier. Il ne faut pas hésiter à musarder dans les petites pièces ici et là, on peut y voir de petites merveilles que les groupes semblent ignorer, filant derrière les guides.
De retour dans l'effervescence de la rue Riad Zitoun El Djid, nous essayons de trouver le restaurant indiqué par Mohammed. Malgré l'étroitesse de la voie, il nous faut trois passages et autant de demandes de renseignements avant de dénicher enfin cette adresse bien chichement affichée, et qui plus est fermée en ce dimanche. Tout ça pour ça. Nous réessaierons un autre jour. Nous revenons donc sur nos pas pour rejoindre la place des Ferblantiers toute proche du palais. Alors que nous pensions chercher directement un autre restaurant, nous faisons une halte imprévue chez un herboriste au coin de la place. La pause s'étire en longueur. Après les différentes poudres à usage cosmétique et onguents de beauté, on passe aux herbes médicinales pour finir sur les infusions et le thé berbère que nous finissons par déguster (rien à voir avec le thé à la menthe sucré: celui-ci. C'est finalement une heure plus tard que nous traversons pour rejoindre le restaurant en face. Le serveur assure le chaud, plaisir des papilles et plaisir des oreilles. Et zygomatiques détendues en bonus. Depuis la terrasse du El Badia, nous apercevons même plusieurs cigognes qui nichent sur les remparts tout proches, les premières du séjour. Comme dans mon souvenir, elles nichent toujours dans le même quartier de la Kasbah.
Palais de la Bahia
Avant de poursuivre notre tour des palais, nous faisons un détour par le souk des épices qui se trouve à l'entrée de la place. Deux larges couloirs accueillent quasi exclusivement des herboristes et leurs devantures aux multiples saveurs et couleurs, mélange de grands sacs et de cônes de poudre colorés. Un peu par hasard, nous stoppons devant une double boutique dont le propriétaire est particulièrement affable et prolixe en conseils sur l'usage de chaque épice ou mélange d'épice. Une fois, le choix fait, il passe le tout au moulin et n'oublie pas de noter au marqueur l'usage de chaque contenu.
Après ces quelques emplettes à visée gastronomique, nous revenons sur nos pas pour passer la porte Bab Berrima par laquelle on accède rapidement au palais El Badi en s'avançant entre deux hauts murs de pisé. Assez bizarrement, il n'y a aucun contrôle des billets. On pourrait presque rentre sans payer. Cet imposant édifice a été construit au seizième siècle pour fêter la victoire sur le portugais. De la fastueuse construction, il ne reste que la massive enceinte extérieure, la grande cour accueillant bassins et jardins d'orangers logés dans quatre grands carrés semi-enterrés, ainsi que quelques salles d'exposition et vestiges révélés par les travaux des archéologues.
Naturellement, on a tendance à passer sous la grande arche juste à côté de l'accueil. Pourtant, c'est vers l'escalier collé au mur qu'il vaut mieux se diriger pour commencer la visite. Celui-ci conduit à une partie des souterrains où est rappelé une partie de l'histoire des lieux. On ressort à l'air libre dans ce qui devait être une série de bassins engoncés entre deux épaisses murailles, bassins dont subsistent encore la forme des bassins et le pavement de zelliges. L'escalier à l'autre bout permet d'avoir une meilleure vue d'ensemble.
On débouche alors dans la grande cour non loin du seul pavillon à avoir résisté au temps, celui dit des audiences, en fait un grand cube de pierre où le sultan accueillait ses visiteurs. A l'opposé, il ne reste que les traces au sol de son vis-à-vis, celui de cristal. La promenade est un véritable bain de soleil en l'absence de la moindre ombre. A l'angle nord-est, il ne faut surtout pas manquer l'accès à la terrasse qui permet d'avoir une vue plongeante sur l'ensemble du palais. Au delà du mur sud, on peut apercevoir nettement les sommets enneigés du Haut-Atlas tout proche. Vers l'est comme vers l'ouest, on peut voir de plus près la bonne dizaine de cigognes qui ont élu domicile au sommets des murs. On les entends craqueter assez régulièrement. Nous en apercevons même deux nicher au sommet d'un faux palmier dissimulant une antenne GSM.
A l'angle sud-est on peut admirer un véritable trésor, le minbar de la Koutoubia qui date du douzième siècle. Cette chaire en bois a magnifique traversé les âges, mais aucune photo n'est possible. Tout près de son écrin, on peut descendre dans de nouveaux souterrains sinuant dans les pièces où été logés les esclaves. Au milieu du mur sud, la salle de l'Héliotrope sert désormais de salle d'exposition pour des oeuvres d'art contemporain.
Ainsi se termine la visite du deuxième palais du quartier. Le troisième, celui du roi, reste interdit à la visite.
Palais El Badi
Pour poursuivre notre visite, le plus court chemin se révèle ne pas être le bon. Il faut revenir jusqu'à l'entrée de la place pour trouver la rue qui rejoint la mosquée Al-Mansour pourtant toute proche. Juste derrière celle-ci, un passage étroit conduit jusqu'aux tombeaux Saadiens, du nom d'une dynastie de seigneurs locaux enterrés là. Trois salles sont lovées dans ces lieux exigus dont la plus prestigieuse est le mausolée aux douze colonnes avec son marbre de Carrare et sa coupole en cèdre finement sculpté. Les pelouses accueillent aussi des sépultures moins prestigieuses, celles de soldats ou de serviteurs des Al Mansour. J'hallucine en voyant la file d'attente pour voir et photographier la fameuse salle royale. Mais il serait dommage de passer à côté.
Après un détour par la porte Bab Agnaou qu'il sera impossible de photographier sans personne devant, nous rejoignons notre riad par le même chemin pour une pause bien méritée. Vers dix-huit heures trente, nous repartons vers la Médina en quête d'une table pour le dîner. Le besoin de changement de gastronomie étant général, nous nous arrêtons avant même la place à une adresse référencée par le Routard dans le souk Dabachi. Le lieu semble prisé des touristes et se retrouve rapidement bien plein. Il propose un mélange de plats locaux et internationaux (je devrais plutôt écrire italiens vu leur origine).
Si le brouhaha de la ruelle ne monte pas jusqu'à la terrasse, où il serait de toute façon couvert par les deux musiciens qui assurent un fond sonore parfois surprenant (nous reconnaissons une danse des canards aux sonorités orientales plutôt surprenante), il cache néanmoins une intense activité. En débouchant au pied de l'escalier, nous découvrons que la rue est totalement saturée. Il semble presque impossible de se déplacer sur une cinquantaine de mètres. Agoraphobes s'abstenir! Finalement, la circulation piétonne finit par se fluidifier à nouveau.