Terres du Mékong (3), halte dans la région de Champassak

Publié le par Jérôme Voyageur

Lundi 13 Novembre, Champassak

 

 

 

Une nouvelle nuit bizarre, ou plutôt des bouts de nuits. C’était néanmoins parfait pour profiter des premières lueurs de l’aube sur le Mékong. Les seuls sons proviennent de la nature, seulement perturbée par de rares barques effilées qui fendent les flots calmes non loin de ma terrasse. C’est ce qu’on peut appeler un réveil paisible au bord de l’eau. L’arrivée d’une lumière plus franche confirme mes premières impressions de la soirée : la végétation est particulièrement belle. De multiples orchidées se révèlent en flânant dans les jardins.

Le River Resort à l'aubeLe River Resort à l'aubeLe River Resort à l'aube
Le River Resort à l'aubeLe River Resort à l'aubeLe River Resort à l'aube
Le River Resort à l'aubeLe River Resort à l'aubeLe River Resort à l'aube

Le River Resort à l'aube

Contrairement à la veille, je suis prêt bien plutôt et nous quittons même l’hôtel avec cinq minutes d’avance sur le programme. Nous constatons très vite que nous étions en bordure de la ville de Champassak, et pourtant avec l’impression d’être en pleine campagne. Après seulement une vingtaine de minutes de route, nous rejoignons le site pré-angkorien de Vat Phu, implanté au sud de la cité. Satien affrète un tuk-tuk pour monter de l’aire d’accueil jusqu’aux abords immédiats du site, longeant ainsi l’ancien bassin sacré toujours en eau, qu’on appelle baray. Nous en profitons pour jeter un œil à la montagne qui se dresse en arrière-plan, appelée Phu Kao, qui est surtout connue pour être un endroit sacré car identifié à un Linga, le symbole phallique de Shiva. Nous descendons près de la plateforme qui surplombait les deux miroirs d’eau. A notre gauche s’ouvre une allée rectiligne pavée de grès bordée de bornes sculptées dans le même type de pierre. Une grosse centaine de mètres plus loin, nous parvenons au premier niveau du site où s’élèvent deux temples de part et d’autre de l’esplanade. Celui-ci du nord est dit palais des femmes tandis que celui du sud est consacré aux hommes. Ici, nous observons l’usage à la fois de grès pour les parois brutes et de grès pour toutes les parties sculptées, que ce soit le soubassement, les fausses portes ainsi que les frontons très finement sculptés pour représenter des scènes de la mythologie hindouiste. Les murs sont aussi percés de fenêtres fermées de colonnettes typiques de l’architecture angkorienne. Un peu plus loin, à gauche de l’allée, se dresse le petit temple de Nandin alors que s’avance déjà le premier escalier. C’est près de cette construction que commence la route royale qui mène jusqu’à Angkor, à environ 250 kilomètres. Mais il nous faudra beaucoup plus que cela par la route pour atteindre cette destination.

En levant les yeux, la suite semble vertigineuse, successions de volées de marches qui semblent de plus en plus raides. Une première terrasse se présente après une dizaine de marches. Je note que certaines sont faites de pierres sculptées probablement récupérées de linteaux écroulés. Dès lors, les frangipaniers ont pris agréablement la suite des bornes de pierre. En revanche, l’allée suivante a souffert : les dalles partent dans tous les sens. L’escalier suivant est le bienvenu, surtout qu’il est assez court. En revanche, le dernier se révèle une véritable épreuve. Maintenant que la chaleur a fait son apparition, la montée de ses marches démesurées et très raides impose un rythme des plus lents pour enfin rejoindre le sanctuaire lové au pied de la falaise. Lui-aussi a beaucoup souffert et seule la première partie est toujours accessible : on y a installé des statues de Bouddha qui font l’objet de rites religieux.

Juste derrière l’édifice, nous découvrons une Trimurti, la trinité hindouiste, gravé au bas de la paroi rocheuse. En remontant quelques dizaines de mètres sur la gauche, nous rejoignons une petite grotte, très basse de plafond, d’où s’écoule la source sacrée du complexe religieux. Mais le plus surprenant nécessite de rebrousser chemin pour suivre le pied de la falaise de l’autre côté du sanctuaire. Une énorme dalle sombre posé de guingois attire notre attention. Et pour cause, elle se révèle être creusée d’une forme qui ressemble à un crocodile, ce qui lui a donné son surnom « touristique ». Il semblerait qu’elle servait pour des sacrifices, les cavités servant à récolter le sang. Non loin de là, c’est un petit tronçon d’escalier qui surprend. Sa présence est totalement incongrue au milieu d’un chaos rocheux naturel. Enfin, en nous rapprochant vers la vallée, nous rejoignons un énorme rocher aux formes arrondies sur lequel a été gravé un éléphant. Depuis le promontoire, la vue est superbe, à la fois sur le site en contrebas, et jusqu’au Mékong plus loin dans la vallée. Il ne reste qu’à redescendre par les escaliers qui sont encore plus compliqués dans ce sens. Nous nous rendons compte que Satien a bien choisi l’heure de visite. Les touristes commencent à arriver en plus grand nombre alors que nous étions quasi seuls. De retour à l’angle du baray, nous retrouvons nos tuk-tuks qui nous ramènent jusqu’au musée. Photos interdites et visite pieds nus. Quelques-unes des sculptures retrouvées au cours des fouilles y sont exposées.

Vat PhuVat PhuVat Phu
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Vat Phu

Nous reprenons le véhicule pour rejoindre tranquillement le centre-ville. En chemin, nous faisons halte au grand bouddha assis qui fait face au grand fleuve. Accessoirement, nous signalons un départ de feu : les bougies déposées là ont enflammé la natte où viennent se prosterner les visiteurs. Parvenus en ville, nous terminons à pied, histoire de voir les quelques demeures coloniales toujours en état, qui furent des palais royaux au temps de leur splendeur. Leur aspect n’est pas spécialement exceptionnel mais cette architecture d’inspiration occidentale contraste avec l’habitat traditionnel en bois. Vingt minutes plus tard, nous rejoignons le restaurant dont les terrasses surplombent le cours du Mékong. Pendant le repas, nous observons les flots pour essayer de deviner quel genre d’embarcation nous attend pour l’après-midi. Alain et Michèle en profite pour tester des hamacs en bois, visiblement moyennement confortables.

En tout début d’après-midi, nous descendons sur la rive du fleuve, quelques dizaines de mètres plus loin. Nous faisons d’abord un simple saut de puce pour rejoindre la partie ancienne de Champassak en moins d’une trentaine de minutes. Nous mettons pied à terre dans le quartier catholique où nous commençons notre ballade à pied sur la rive droite. Après l’école, nous découvrons alors la plus ancienne église du Laos. On est loin de l’éclat de celles que nous avons l’habitude de voir en France. En revanche, le petit cimetière est immanquable : certaines pierres tombales sont peintes de couleurs criardes. Quelques centaines de mètres plus loin, nous retrouvons un quartier bouddhiste où s’élève cette fois la pagode Vat Muang Kang qui date de l’époque coloniale. Elle se compose de divers bâtiments en dur tous couverts de toitures en bois et tuiles reprenant le style traditionnel. Mais les lieux semblent bien déserts, à se demander si elle héberge encore des moines. La partie piétonne se termine un peu plus loin où nous retrouvons notre embarcation. Nous revoyons de plus bas les parcs de pisciculture aperçus depuis le haut de la berge.

ballade dans Champassakballade dans Champassakballade dans Champassak
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ballade dans Champassak

Nous continuons à descendre le cours tout en le traversant pour rejoindre l’autre rive près d’un autre vestige de l’époque khmère, l’un des rares pour ne pas dire le seul de la rive gauche. De part en part, les flots présentent une couleur boueuse bien uniforme. Mieux vaut ne pas tomber à l’eau. Parvenus de l’autre côté, il faut débarquer sur la plage en essayant de trouver le passage le plus ferme puis marcher quelques centaines de mètres pour rejoindre le site du temple de Tomo datant du 9ème siècle. Il faut s’avancer sous les grands arbres, principalement des fromagers et des figuiers étrangleurs ; pour le découvrir. Ce sont d’abord des bouts de pierres sculptées qui attirent l’œil dont divers nagas. Puis nous sommes ralentis par un petit serpent qui traverse le chemin entre Satien et moi. Presqu’aussi surpris que nous, il monte dans l’arbre en moins de temps qu’il ne faut pour le dire. Nous rejoignons alors les vestiges les mieux conservés du site, à savoir trois murs de latérite dont l’un est percé d’un porte dont le linteau est toujours en place. Pour le reste, c’est un tas de pierres attendant des archéologues de bonne volonté pour s’atteler à ce puzzle géant. Il faut pas mal d’imagination pour essayer de visualiser ce qu’a pu être l’édifice. La nature a largement repris le dessus sur les constructions humaines. Étant donné la taille et l’état du temple, notre visite ne dure pas très longtemps.

temple Tomotemple Tomotemple Tomo
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temple Tomo

Nous retournons donc au bateau qui nous attend sur la même langue de sable mou. Cette fois, nous remontons à contre-courant pour contourner l’île de Don Daeng qui s’étire dans la boucle du fleuve devant Champassak. Il nous faut une heure et demie pour rejoindre notre destination finale, soit a priori une douzaine de kilomètres à vue de nez. Cela fait du bien quand le bruit du moteur cesse enfin. Mais nous ne sommes pas encore au bout de nos efforts. Aucun ponton n’existe. Nous débarquons au pied d’une petite dune qu’il faut gravir avec en trainant les sacs tant bien que mal. Nous débouchons ainsi dans un petit village regroupant pêcheurs et agriculteurs. Quelques centaines de mètres plus loin, en suivant la seule rue, nous arrivons enfin au terme de notre journée. Ce soir, nous dormons chez l’habitant dans une maison traditionnelle en bois. Trois matelas surmontés de moustiquaires ont été installés pour nous à l’étage. Notre première priorité est de prendre une bonne douche après cette journée chaude et quelque peu usante et poussiéreuse.

Vers dix-neuf heures, nous descendons dans la pièce de vie au rez-de-chaussée pour rejoindre nos hôtes ainsi que le chaman du village. Tout le monde est assis autour du phakhouan qui a été préparé dans l’après-midi par les femmes de la maison : un plateau d’offrandes comportant une structure à base de feuilles de bananier et fleurs jaunes et oranges, au milieu desquelles ont été plantées des baguettes de bambou pour accueillir fils de cotons, bougies, des bols de nourriture et quelques billets. Devant le chaman, nous apercevons même des morceaux de poulet. Comme nos hôtes, nous prenons place sur le tapis pour compléter le cercle. La cérémonie du baci peut alors commencer. Ce rite animiste vise tout à la fois à nous souhaiter la bienvenue et attirer les influences bénéfiques sur nous en ce début de voyage. Le maître de cérémonie prononce alors une série d’incantations avant de nouer un premier fil de coton à nos poignets droits. Puis tous les membres de la famille en font de même. A la fin nous avons tous une petite dizaine de bracelets blancs : nous devrions avoir assez de prières positives pour boucler notre circuit sans encombre. Mais pour cela il faut les garder, au moins trois jours, et si possible jusqu’à usure naturelle. Le chaman et l’homme de la famille complètent le cérémonial avec un verre d’alcool de riz que nous devons tous avaler. Heureusement qu’ils n’étaient pas plus nombreux, sinon nous finissions couchés.

Trente minutes plus tard, nous passons à table, sous la maison, mais seuls. Nos hôtes vont manger plus tard à l’intérieur, et notre guide a déjà rejoint son hébergement. Nous avions beau avoir été prévenus de cet aspect, cela surprend quand même un peu. Malgré un menu appréciable, à trois, nous avons tôt fait de finir le repas. Que faire ? Rien à part attendre … il est encore bien tôt pour aller se coucher. Malgré tout à vingt heures trente, nous nous réfugions sous nos moustiquaires respectives. Le début d’une nuit très hachée. Tous les bruits nous parviennent sur notre terrasse : geckos, coqs dès minuit, grillons … jusqu’au motoculteur dès cinq heures du matin.

 

Mardi 20 Novembre, île Don Daeng

 

Le côté positif de ces réveils fréquents est que je suis debout pour voir l’aube se lever. Il suffit d’approcher la balustrade et d’ouvrir les yeux. De jolies couleurs chaudes sur un décor de palmiers forment l’arrière-plan. Autour de nous, la vie s’éveille tout doucement. Nous faisons de même.

Vers six heures quarante-cinq, notre hôtesse la plus âgée nous pare d’une écharpe en travers de la poitrine et nous donne un bol d’offrande en fer blanc à chacun. Ainsi équipés, nous la suivons jusqu’à l’autre bout du village où nous rejoignons d’autres bouddhistes qui attendent le passage du moine. Comme eux nous nous agenouillons au bord de la piste. A son passage, nous remplissons chacun à notre tour son  récipient de riz ainsi que quelques autres nourritures dans son sac. Puis il procède à une bénédiction de la maison devant laquelle nous sommes avant de poursuivre sa déambulation matinale devant les autres maisons.

Quant à nous, il est temps de rentrer à la maison pour prendre le petit-déjeuner. Nous aurions presque déjà faim. Le menu est peu commun : café « spécial », œufs au plat et riz cantonais. Nous constatons aussi que nos hôtes s’occupent des tâches agricoles avant de revêtir leurs tenues de ville pour aller travailler. A huit heures, nous rejoignons le fleuve en prenant un raccourci par l’arrière du jardin. Un bateau nous attend au pied de la dunette. Cette fois, le trajet ne dure qu’un petit quart d’heure pour rejoindre un « vrai » port sur la  rive gauche. Notre chauffeur nous y attend.

Sur l'île Don Daeng
Sur l'île Don Daeng
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