Terres du Mékong (4), rive gauche face à Champassak
Une trentaine de minutes plus tard, après avoir été bien secoué par le dernier morceau de piste défoncée, nous arrivons au village de Nong Bueng, mêlant ethnies Lao et Taoy, dont la spécialité est le travail du bois. En ce début de matinée, l’activité est encore limitée. Néanmoins, en marchant au milieu des maisons, nous apercevons des morceaux de bois plus ou moins travaillés qui témoignent de cette prédilection. Nous finissons même par dénicher un villageois en train de commencer la sculpture d’un personnage à partir d’un petit rondin de bois clair. Nous rejoignons la route par le même chemin tout aussi cahoteux. Mais la portion de bitume ne dure pas longtemps. Notre chauffeur bifurque une nouvelle fois sur autre piste dans le même état que la précédente, l’orage de la nuit n’ayant pas aidé à améliorer les choses.
Il nous faut un bon moment avant de rejoindre le petit village de Ban Khiet Ngong, paisiblement lové au cœur de la forêt. Ainsi reculé de la route, les visiteurs sont rares. Quelques minutes après notre arrivée sur place, nous apercevons deux éléphants qui s’approchent. Chacun est équipé avec une banquette au sommet de son dos. Nous partons pour une promenade à dos de pachyderme. Heureusement qu’il y a une passerelle en hauteur pour pouvoir embarquer. Si le panier et les coussins semblent confortables, nous sommes vite ramenés à la réalité. Difficile de trouver une position qui le soit vraiment. Je ne sais pas trop où mettre mes pieds, surtout que mon cornac est assis sur le crâne de ma monture, juste devant moi. De temps en temps, l’éléphant vaporise du liquide sans se soucier de notre présence. Mieux vaut essayer de s’en protéger. Nous traversons d’abord les rizières qui bordent le village avant d’emprunter une piste qui s’élève doucement au milieu d’une végétation luxuriante. Le dernier quart d’heure du parcours se déroule en plein cagnard sur un plateau volcanique bien moins accueillant que la verdure qui l’a précédé. Il nous faut finalement une cinquantaine de minutes pour rejoindre les passerelles prévues au sommet pour pouvoir redescendre à terre. Nous finissons à pied pour atteindre Phou Asa, une sorte de citadelle édifiée là pour veiller sur le village et ses environs. De ce point culminant, j’aperçois de vastes zones humides non loin des habitations. Ceci explique donc la présence des tas de coquilles que nous avons aperçus en montant. Ce site est particulièrement étonnant. Une ceinture de pierres sèches nous apparait. Ce muret est très régulièrement surmonté de colonnes élevées de la même manière. Chacune est coiffée d’une large pierre, leur donnant un air de cheminée de fée. En fait, cette « citadelle » semble cernée de dizaines de gardes minéraux. Il est difficile de comprendre comment s’organiser les lieux : seuls quelques vagues vestiges de murs ont résisté au cœur du complexe, mais sa fonction est impossible à deviner. A l’opposé de l’entrée, nous découvrons ce qui devait correspondre à un bassin sacré ou à une citerne. D’ailleurs, un petit lieu de culte bouddhiste a été érigé dans une toute petite caverne en contrebas. La chaleur s’accentuant avec l’effet de réverbération sur le sol rocheux, nous rejoignons nos montures pour le voyage de retour. Je reconnais que je suis content quand cette déambulation chaloupée prend fin. C’était une expérience nouvelle et originale mais je préfère quand les éléphants paissent paisiblement sans bât. Vu l’heure, nous mangeons sur place dans un restaurant tout simple. J’ai la mauvaise surprise de voir débouler le couple boulet qui était dans l’avion et à l’immigration. Toujours aussi « intelligents », ils ont débarqué ici sans même réserver leur sortie à dos de pachydermes. Peu de chance qu’ils puissent en profiter aux dires de Satien. Je ne risque pas de compatir à leur déveine … Il est temps pour nous de repartir vers le sud. Nous roulons ainsi une bonne heure et demie, mise à profit pour somnoler, avant de rejoindre à nouveau le bord du Mékong.