Terres du Mékong (5), au coeur des 4000 îles
Nous abandonnons à nouveau le véhicule pour embarquer à bord d’un nouveau bateau, direction les quatre mille îles. Le fleuve commence à devenir très large mais son cours ne doit pas être si simple à naviguer à voir les bornes qui sinuent et notre embarcation qui zigzague régulièrement d’une rive à l’autre. Puis nous voyons apparaître les premières îles. Il semble y en avoir de toutes tailles, du simple îlot couvert de verdure à celle plus vaste et habitée. Là aussi, nous effectuons une sorte de slaloms croisant régulièrement des petites barques de pêcheurs. Au plus large, le Mékong atteint les quatorze kilomètres dans cette portion. Nous finissons par passer sous un rare pont de style relativement ancien. Peu après nous effectuons un demi-tour : nous venons d’arriver à Don Khone terme de notre journée, une île sans route ni voiture. Grand luxe : nous débarquons directement sur le quai de l’hôte qui installé au bord d’un des nombreux bras du fleuve. Après avoir posé mes affaires, je pars explorer les alentours d’abord le pont voisin puis l’unique rue envahie par les écoliers qui rentrent de l’école. Je découvre un peu par hasard une vieille locomotive bien patinée par la rouille. Elle rappelle que les français ont installé une voie ferrée sur cette île au dix-neuvième siècle pour permettre aux bateaux de contourner les rapides qui empêchaient toute navigation vers l’amont. Le but des premières expéditions coloniales était d’établir une route commerciale depuis les côtes de l’Indochine jusqu’à la Chine. Ce petit train permettait de faire traverser l’île aux embarcations qui étaient démontées pour l’occasion. Après cette reconnaissance, je rentre à l’hôtel pour profiter d’une baignade dans la piscine. Il y a presque trop de touristes à mon goût : presqu’une petite dizaine ! Je rejoins ensuite le restaurant installé en terrasse au dessus des flots pour déguster une bonne bière bien fraîche, pour trois fois rien. Les rares occasions de dépenses que nous avons grèvent très légèrement le budget : le coût de la vie est très faible pour nous. Je suis aux premières loges pour admirer le coucher de soleil sur les eaux du Mékong. Après le repas, je pars pour une petite ballade digestive. Mais vu l’intense animation du quartier, j’ai vite fait de rejoindre mon lit : pas âme qui vive. Nos nuits continuent à commencer très tôt.
Mercredi 21 Novembre, Don Khone
Ce mercredi marque la première nuit complète. Il était temps … Du temps, il en faut aussi pour pouvoir prendre le petit-déjeuner. Nous avons bien fait de nous présenter assez tôt sur la terrasse. Les plateaux arrivent au compte-goutte. Sur le pont, nous voyons défiler les écoliers en uniforme, qui à pied, qui à vélo, et même quelques rares en scooter. Dix minutes avant l’heure du départ, je teste les vélos mis à disposition par l’hôtel pour trouver le moins pire. Pendant ce temps, Satien part chercher un tuk-tuk pour Alain et Michèle. A huit heures, nous sommes parés pour partir en ballade bucolique vers le sud de l’île. Le chemin suit en bonne partie l’ancien tracé de la voie ferrée jusqu’à la pointe. D’ailleurs, nous posons pied à terre très vite pour (re)voir la locomotive. Les cinq kilomètres qui nous attendent sont plats mais très souvent caillouteux, ce qui n’arrange rien avec nos vélos de ville hors d’âge. Du coup, nous laissons rapidement le tuk-tuk prendre du champ, profitant ainsi d’une ambiance plus calme, seulement dérangée par les bruits de la nature et des quelques villageois que nous croisons.
Il faut une quarantaine de minutes pour rejoindre l’embarcadère puis encore une grosse poignée de minutes pour voir arriver notre bateau au bas des marches abruptes qui suivent le plan incliné qui servait à transborder les bateaux entre les flots et la berge. De l’autre côté du bras du fleuve, c’est le Cambodge. Mais pour l’instant, nous restons sur l’eau en remontant à contre-courant pendant une vingtaine de minutes. Les alentours nous rappellent que le Mékong peut être tumultueux. En cette fin de saison des pluies, de nombreux arbres sont encore au milieu des eaux. Et les multiples débris accroché aux branches les plus hautes laissent imaginer la puissance des dernières crues. Notre pilote coupe le moteur près d’un îlot sablonneux qui offre un mouillage calme au cœur du sanctuaire de protection des dauphins Irrawady. Maintenant il faut ouvrir l’œil et surveiller attentivement la surface toujours aussi boueuse ce qui n’aide pas à distinguer le dos grisâtre des mammifères aquatiques. Malgré tout, nous observons régulièrement des nageoires, plus rarement des dos ou une queue. Ce sont deux, peut-être trois spécimens qui évoluent dans le coin. Ils restent longtemps au fond et se révèlent assez imprévisibles. J’apprécie beaucoup ces moments de quiétude profitant de ces instants de magie que la nature veut bien nous offrir. Le charme se rompt un peu lorsqu’un second bateau arrive près de nous dont le guide et le pilote se révèle particulièrement peu discrets. Nous restons ainsi une quarantaine de minutes avant de nous laisser dériver pour tenter de les approcher en silence. Les contacts restent néanmoins fugaces. Il est temps de les laisser tranquille surtout que de nouvelles embarcations arrivent au loin. Satien a bien fait de nous emmener le plus tôt possible. De retour à l’embarcadère, nous faisons une pause rafraichissement avant de renfourcher nos vélos.
Don Kohne et le sanctuaire des dauphins Irrawady
Je fais quelques pauses photos me retrouvant vite seul vu que notre guide continue devant au même rythme. Par chance, j’arrive à ne pas me perdre. Nous reprenons le même chemin qu’aller avant de bifurquer sur la gauche pour rejoindre les chutes Somphamit Liphi. Elles permettre de comprendre pourquoi a germé l’idée de la voie ferrée. Il faut d’abord traverser une véritable forêt de bambous regroupés en bosquets. J’entends vaguement un bruit d’eau qui forcit un peu plus à chaque pas. Puis nous débouchons sur une vaste pelouse où trône une grande roue à aubes. Là encore, les traces des dernières crues sont encore bien visibles. Les lieux doivent être effrayants en pleine saison des pluies. Les chutes présentent assez peu de dénivelé. En revanche, le bruit des flots s’écrasant sur les rochers est puissant. Jamais on ne soupçonnerait un tel endroit quand on arrive sur l’île ni même quand on passe à bonne distance. Un chemin longe la berge en hauteur permettant d’en profiter sous tous les angles. On peut même monter sur les plateformes des tyroliennes pour prendre de la hauteur et profiter d’une vue plongeante et panoramique. D’étape en étape, nous rejoignons une véritable plage. Mais ni la couleur de l’eau ni la température brûlante du sable n’invitent à la baignade. Il fait bon à l’ombre des paillotes à siroter un jus de fruits frais.
En repartant du site en tête, je manque évidemment le raccourci proposé par Satien. Ce chemin permet de s’immerger dans les activités agricoles de l’île, ici une rizière, là des buffles à l’ombre ou bien totalement enfoncés dans un trou d’eau boueux. Encore une fois, je le perds rapidement de vue tant il y a de scènes à immortaliser. A l’approche du village, le chemin traverse un monastère particulièrement vaste comparé à la population aperçue. Ce devait être journée blanchisserie : les toges des moines sont en train de sécher. Finalement, je retrouve sans trop de difficulté l’itinéraire ramenant à l’hôtel. Après ces efforts, une bonne douche est la bienvenue avant de refermer le sac. Nous déjeunons sur place avant de reprendre le bateau pour rejoindre la rive gauche en amont. Comme à son habitude, notre chauffeur nous y attend, fidèle au poste et ponctuel. Il ne faut qu’un petit quart d’heure avant d’atteindre le poste de douane. Surprise, il faut s’acquitter d’une taxe de sortie imprévue de deux dollars. Mieux vaut avoir des petites coupures. Il est temps de faire nos adieux à Satien et à notre conducteur avant de poursuivre à pied jusqu’à la barrière frontalière.