Terres du Mékong (14), apothéose à Angkor Thom

Publié le par Jérôme Voyageur

Angkor Thom, porte de la Victoire

Cinq minutes plus tard, ou plus loin si on préfère, nous descendons du véhicule juste après les douves en eau devant la porte de la Victoire, un des cinq accès à l’immense cité royale d’Angkor Thom. La chaussée est bordée de dizaines de géants qui tiennent un naga tout aussi immense, le tout formant une majestueuse rambarde. Si les corps sont encore reconnaissables, les têtes ont bien souffert du temps. Mais la porte attire bien vite notre intérêt. Elle est surmontée des fameux quatre visages. Après avoir réussi à pénétrer dans l’enceinte, le passage ne permettant que de circuler dans un sens à la fois, nous mettons immédiatement pied à terre pour monter sur le rempart haut de près de huit mètres. Quel meilleur endroit pour approcher au plus près ces monumentales sculptures ? Nous pourrions presque les toucher du doigt. De ce point de vue surélevé, nous distinguons bien mieux la chaussée que nous venons d’emprunter. Côté intérieur, c’est une épaisse végétation qui occupe une bonne partie de la surface. De temps en temps, un singe chapardeur en surgit pour dérober ce qui pourrait l’intéresser, comme ces bananes que tenait un guide près de notre véhicule.

Nous reprenons notre progression, presque la plus longue depuis que nous sommes arrivés au Ta Prom ce matin. La route parfaitement rectiligne débouche sur une large esplanade où se multiplient les constructions de tous côtés ; mais vu l’heure, nous avons une autre priorité. Sur notre droite, nous découvrons une longue installation provisoire faite de poteaux en bois et de toits en tôle et en bâche plastique. C’est ce qui fait office de restaurants. De toute façon, il n’y a aucune autre option à l’intérieur de la cité. Les gargotes sont collées les unes aux autres. Nous suivons Sok qui a déjà réservé le repas. Heureusement, cette structure un peu sommaire dispose d’une multitude de ventilateurs. Ils sont les bienvenus en cette journée de plus en plus chaude. Une bière fraiche est elle-aussi bien agréable. Dès que nous quittons l’ombre après une bonne heure de pause, nous sentons immédiatement le poids de la chaleur de la mi-journée. Nous traversons à pied vers les terrasses qui longent la bordure occidentale de la place royale.

La plus proche de nous a été baptisée terrasse du roi lépreux même si rien ne prouve cette histoire, bien au contraire. Elle servait de crématorium royal. Ses murs sont entièrement recouverts de bas-reliefs répartis sur six bandes superposées. A de rares endroits, j’aperçois des blocs de latérite qui semblent avoir été utilisés lors de la restauration pour servir de squelette à cette œuvre d’art géante. Avant de l’explorer plus en détail, nous jetons un œil à la suivante, dites des éléphants. Nous sommes intrigués par ces grands éléphants à trois têtes qui parent le premier promontoire et tous les profils de pachydermes qui habillent tout le mur de la longue terrasse. En revenant sur nos pas, nous découvrons que cette terrasse dissimule en fait un couloir derrière la façade en grès. Celui-ci suit le promontoire donnant d’ailleurs l’illusion d’un petit labyrinthe quand on progresse à l’intérieur. Et je découvre aussi que la paroi extérieure n’était qu’un amuse-bouche. La coursive est encore plus riche. Les sculptures sont plus belles les unes que les autres. Au milieu des innombrables danseuses apsaras, nous pouvons distinguer plusieurs divinités, tel ces majestueux nagas, ou encore ce garuda d’angle. Si je m’écoutais, je prendrais encore plus de photos, mais ce ne serait pas raisonnable. Au sortir du couloir, un escalier permet de rejoindre la terrasse simplement ornée d’un bouddha assis. Après avoir profité du panorama, à la fois vers l’est où est déployée la série des douze tours du Prasat Suor Prat et vers le sud où s’étire la terrasse des éléphants, nous descendons quelques marches avant de remonter aussitôt sur le promontoire suivant. Nous y trouvons une énorme vasque en forme de fleur de lotus. Depuis ce surplomb, le roi pouvait venir s’adresser à ses sujets ou admirer le défilé de ses troupes victorieuses.

Angkor Thom, porte de la VictoireAngkor Thom, porte de la VictoireAngkor Thom, porte de la Victoire
Angkor Thom, porte de la VictoireAngkor Thom, porte de la VictoireAngkor Thom, porte de la Victoire

Angkor Thom, porte de la Victoire

Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants

Place royale, terrasses du roi lépreux et des éléphants

Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants
Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants

Angkor Thom, terrasses du roi lépreux et des éléphants

Après quelques centaines de mètres de déambulation, nous approchons d’une construction qui servait d’entrée pour le palais royal. Elle ressemble vaguement aux gopuras vus ce matin au Ta Prom ou au Chausey Tevoda, percée de trois ouvertures et coiffée en son centre d’une tour. De l’autre côté, nous débouchons sur une vaste esplanade assez vide. Il est difficile d’imaginer un palais royal ici. A part une terrasse de méditation sous les arbres, nous ne voyons rien d’autre. Enfin, jusqu’à ce que nous débouchions dans une clairière où trône le Phimeanakas. Cet édifice en latérite était la résidence du roi. Il ne comporte désormais plus que trois niveaux. Cette pyramide de taille modeste a tellement souffert du temps qu’il n’est désormais plus possible d’y monter. Seuls quelques moines doivent y être autorisés si j’en crois les offrandes et la parure du bouddha au sommet. Nous bifurquons donc vers le mur sud, sous les arbres, où nous trouvons une porte vers la construction voisine.

Palais royal et PhimeanakasPalais royal et Phimeanakas
Palais royal et PhimeanakasPalais royal et Phimeanakas

Palais royal et Phimeanakas

Par ses dimensions, elle écrase largement celle que nous venons de quitter. Sa base est presque cinq fois plus grande. Autant dire que nous nous sentons tout petits au pied de ce colosse de grès, toujours dans le style des temples pyramides. Le Baphuon (à prononcer Bapoun comme Sok nous l’a indiqué) se déploie sur cinq terrasses successives. Les escaliers qui nous font face sont vertigineux pour ne pas dire abrupts, encore plus que ceux d’Angkor Wat. Ceci explique pourquoi nous devons faire le tour de l’édifice pour monter. Il est hors de question d’y croiser quelqu’un. Sens unique obligatoire ! Comment imaginer que cet imposant temple était presque intégralement recouvert de terre au début du vingtième siècle ? En passant devant le temple nous découvrons une longue et étroite plateforme qui rejoint la terrasse des éléphants. Après l’avoir « enjambée », nous contournons l’enceinte pour rejoindre enfin l’escalier de la face sud. C’est parti pour ce que j’assimile à de l’ascension. Il n’y a aucun niveau intermédiaire à visiter. Parvenu au sommet, je constate que les travaux de restauration sont restés sommaires, voir même un peu expéditifs avec l’usage de bêton pour certains montants de la tour centrale ainsi que des blocs bruts de latérite. Etonnant ! La galerie périphérique, ou plutôt ce qu’il en subsiste, permet de profiter du panorama. La chaussée surélevée qui file plein ouest est superbe sous cet angle. D’ici, je découvre également qu’elle est flanqué de deux étangs, vestiges des anciens bassins sacrés. Mieux vaut par contre ne pas trop regarder vers le pied de la construction. Les sujets au vertige pourraient se sentir attirer par le vide. La descente confirme mes craintes : la plus grande prudence est de rigueur pour rejoindre le plancher des vaches. Direction l’arrière du temple. Celui-ci accueille un grand bouddha couché sur toute la longueur de la façade occidentale. Autant je distingue assez bien sa tête, autant le reste du corps devient indiscernable à mesure que le regard s’écarte vers les pieds. Il semblerait que cette représentation divine de près de soixante quinze mètres ait été ajoutée lors d’un réaménagement majeur du Baphuon.

temple du Baphuontemple du Baphuontemple du Baphuon
temple du Baphuontemple du Baphuon
temple du Baphuontemple du Baphuontemple du Baphuon
temple du Baphuontemple du Baphuon

temple du Baphuon

Nous quittons les lieux en longeant l’enceinte sud à l’ombre bienfaisante des arbres qui couvrent le chemin. Nous bifurquons à hauteur de l’atelier de découpe des blocs de pierre établi par l’Ecole Française d’Extrême-Orient pour produire des pièces de remplacement là où les dégâts sont trop importants. Petit à petit, nous approchons de la route près de laquelle nous découvrons un autre bouddha. Celui-ci est assis, moins grand mais tout de même imposant. Un toit a été déposé sur quatre piliers pour le préserver. Il fait naturellement l’objet d’un culte vivace. Cette petite ballade vient de nous conduire tout près du joyau de la cité d’Angkor Thom. Les derniers arbres le dissimulent encore mais plus pour très longtemps. De l’autre côté du petit ruban de bitume apparait enfin le temple du Bayon et ses majestueuses tours aux quatre visages. Malheureusement, Sok semble s’amuser à nous faire languir. Plutôt que rentrer directement, il nous fait asseoir juste avant les premiers murs pour nous conter l’histoire des lieux. Je le soupçonne presque d’attendre le moment adéquat pour débuter la découverte, comme il l’a fait hier. Malgré tout, cela s’annonce mal ; les nuages s’amoncellent au dessus de nos têtes.

Nous commençons à explorer le dernier des temples-montagnes, édifié au treizième siècle au centre de la cité angkorienne. Si sa base n’est pas plus large que celle du Baphuon, il dégage néanmoins une réelle exubérance minérale, sûrement un effet de la densité des tours, au nombre de trente sept (originellement, on en comptait plus de cinquante). Trois enceintes pour autant de niveaux. Le tout premier est ceint d’une galerie où nous nous attardons pour admirer de superbes frises sculptées illustrant la bataille entre khmers et chams. Nous montons presque en silence vers le dernier niveau, quasi religieusement. Ces immenses visages de bouddhas se font de plus en plus proches. Où que je tourne la tête, ils occupent tout mon champ de vision. C’est presque hallucinant. L’hallucination change de nature dès le premier pas sur la dernière plateforme. C’est pire qu’un brouhaha. Vu l’étroitesse des passages, j’ai l’impression que toute la Chine s’est donné rendez-vous ici. Pas de quartier ni de remords pour ces touristes particulièrement insupportables. Je préfère me concentrer sur mon appareil photo.

Où donner de la tête ? Je dois sûrement immortaliser plusieurs fois les mêmes visages étant donné que je fais plusieurs déambulations autour du sanctuaire central. Bien évidemment, Sok, fidèle à son habitude, nous indique un petit recoin contre celui-ci. C’est l’endroit unique d’où on peut admirer trois séries de têtes alignées. Comme d’habitude, personne d’autre ne semble le savoir. La place reste vide quand nous la laissons. Je flâne longuement dans ce lieu magique et magnétique. Je jette un dernier regard au petit bouddha sous la tour centrale avant de rejoindre notre guide. Toutes les bonnes choses ont une fin. Nous redescendons vers la première enceinte alors que les rayons du soleil reviennent en nombre. L’arrière du temple semble bien mieux conservé. Le point de vue est somptueux depuis l’angle sud-ouest de la première enceinte. Tout comme la galerie occidentale propose un dernier moment de beauté. Ses bas-reliefs en plus d’être très bien conservés sont une véritable encyclopédie sur la vie quotidienne des khmers de l’époque. Ici encore, nous pourrions y passer des heures et des centaines de photos.

le Bayon
le Bayon
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le Bayon

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le Bayon

Nous retrouvons notre chauffeur sur le parking à proximité. Aux abords de la porte sud, nous devons patienter un bon moment : il semble y avoir plus de véhicules pour entrer que pour sortir. Enfin, nous pouvons quitter la cité royale avec un certain regret, mais néanmoins ravis d’avoir eu la chance d’admirer de près ces richesses du patrimoine mondial. Nous rejoignons la ville en repassant à nouveau devant l’hôpital pour enfants avant de faire halte à Angkor Artisans. Cette association a pour vocation de promouvoir l’artisanat local et le commercialiser. Une visite est organisée dans leurs ateliers pour observer le travail de la pierre, du métal, la peinture, … En revanche, les tarifs en boutique sont plutôt décoiffants. En quête de poivre de Kompot, Sok nous conduit dans une petite boutique qui en vend du bon. Nous avons même droit à une dégustation pour faire notre choix. Nous terminons au vieux marché où Michèle déniche le curcuma racine qu’elle cherchait. De retour à l’hôtel, l’idée me vient de profiter du quartier libre de demain pour retourner une dernière fois à Angkor au moment du lever de soleil. Le pass permet une troisième entrée. Sok se charge de discuter avec la réception pour faire organiser le transport.

Ce soir, nous quittons nos chambres plus tôt. Pour notre dernier repas, nous avons droit à un spectacle de danse. L’heure du repas est donc avancée. Par chance, nous sommes installés à une des tables devant la scène. Vu la capacité de la salle, il valait mieux être placé ainsi. Les mets au menu sont des plus fins, et leur présentation rappelle la grande cuisine. Après cette mise en bouche plutôt succulente commence le spectacle : cinq tableaux vont se succéder, inspirés de la tradition apsaras. Et en effet, nous trouvons des ressemblances entre leurs diadèmes et ceux vus sur la plupart des bas-reliefs d’Angkor. De temps en temps, quelques danseurs participent, mais l’essentiel du spectacle est féminin, accompagné de musiciens traditionnels. Nous pensions avoir tout vu avec les chinois mais nous nous trompions. Les touristes occidentaux peuvent être aussi minables. A peine la représentation terminée, cinq personnes montent successivement sur scène pour se faire prendre en photo et faire les malins au bras des danseuses. Quel pitoyable spectacle ! Il est temps que nous rentrions.

Spectacle de danses apsarasSpectacle de danses apsarasSpectacle de danses apsaras
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