Dans les pas des Cathares (12)
2 Mai 2019
Nouveau saut depuis Caunes-Minervois pour rejoindre un lieu que je connaissais de nom depuis bien longtemps sans jamais avoir vu d'image. Il était donc temps de remédier à cela. Par hasard, mais finalement pas chance, je suis arrivé aux abords du village de Lastours par Salsigne, j'ai ainsi découvert qu'il existait un belvédère sur le site. Après les dernières indications, j'ai cru de nouveau à une signalétique fantaisiste en débarquant devant un camping du Belvédère. C'est au moment de faire demi-tour que j'ai aperçu un petit panneau qui annonçait un accueil. J'étais bien au bon endroit mais l'entrée est plutôt discrète. On peut acheter le billet d'entrée ici, et avec un petit supplément, on accède au point de vue, quasiment un des uniques endroits de la vallée où on peut admirer l'intégralité du site d'un seul regard.
Ici on parle de châteaux au pluriel. C'est qui donne son caractère unique à Lastours. Au lieu d'avoir un seul édifice imposant, ce sont pas moins de quatre constructions réparties sur une crête. Rien que pour cette originalité, il faut faire un détour par là. La famille Cabaret régnait sur cette partie de l'Aude et protégeait les cathares pendant la croisade. Malgré un siège, les troupes de Simon de Montfort ne prirent pas les lieux. Au contraire, un de ces lieutenants fut pris en otage. En représailles, le chef de la croisade fit défiler devant Lastours une centaine de prisonniers de Bram auxquels il avait fait couper le nez et crever les yeux (on ne lésinait devant aucun moyen à l'époque pour impressionner son adversaire!). Après avoir profité du panorama, il ne faut que quelques minutes pour redescendre dans la vallée jusqu'au village de Lastours. Sur les conseils de la dame du belvédère, je dépasse l'ancienne usine de textile où je déniche effectivement quelques places de stationnement à quelques dizaines de mètres de l'accueil du site principal. Celui-ci a été aménagé au coeur de cet ancien site industriel et des passerelles permettent de rejoindre les "falaises" de l'autre côté de la route. Le tour complet est annoncé entre une heure trente et deux heures. Je vais rapidement comprendre que cette fois, je ne ferai pas plus court. A partir de là, il n'y a pour ainsi dire plus la moindre portion de plat, au mieux quelques faux-plats où on arrive à reprendre son souffle entre deux châteaux. Ce ne sont que montées et descentes qui se succèdent, tantôt sous forme d'escaliers, tantôt sous forme de sentiers empierrés ou au pire de sentes à même la roche brute. Si on ajoute à cela, un bon vent frais qui m'accompagne depuis quelques jours, le tableau est idyllique. Cela aurait pu être pire, il aurait pu faire grand soleil: l'éclairage aurait été meilleur mais la promenade plus usante.
Après avoir commencé à mitrailler les tours qui se présentaient devant mon objectif, j'approche un premier amas de pierres dont le panneau précise qu'il s'agissait d'une ancienne église. A posteriori, on peut s'en douter mais sans l'information cela aurait été difficile à deviner. On traverse ensuite un grotte dans les galeries de laquelle fut retrouvé un corps de près de quatre mille ans et qui fut baptisée la Princesse de Lastours à cause de son collier.
Juste après débute un long escalier aux marches bien hautes qui mène jusqu'aux abords de Quertinheux, le plus au sud de la crête. Il faut tout de même continuer à monter cette fois en pente plus douce pour rejoindre la terrasse au pied de la tour, ceinte par les restes de la courtine. Celle-ci affiche un profil bizarrement ovale: c'est simplement la tourelle accolée qui donne cette impression. Si la courtine a plutôt souffert, la tour présente un aspect quasi complet. Arrivé au milieu d'un groupe d'espagnols particulièrement bruyants et envahissants, je m'empresse de faire des photos tant qu'il est temps avant de m'éloigner du vacarme.
Une descente et une montée plus tard, je rejoins Surdespine. C'est certainement l'édifice qui a le plus souffert. Les quelques pans de murs qui subsistent indiquent une tour carrée qui devait être dotée d'une courtine qui comporte quelques rares créneaux et d'un corps de logis. Étonnamment, je n'y aperçois presque pas de meurtrières, à se demander comment la défense était assurée, sauf à se reposer sur les voisins. Assurément, c'est probablement le moins intéressant des quatre constructions, quand bien même c'est la plus haute.
Et c'est reparti pour rejoindre le troisième château. Toujours avec les mêmes montagnes russes, à la différence près qu'une sorte de Y permet de desservir aussi l'ultime construction, ce qui évite de redescendre jusqu'au chemin "de ronde" beaucoup plus bas. Je rejoins ainsi la tour Régine, le plus récent et le plus petit des quatre. Cette tour quasi intacte est simplement complétée par un pan de courtine au sud. Grâce à un escalier en bois construit à l'extérieur, on peut y pénétrer puis utiliser le colimaçon bien étroit dans la tourelle pour rejoindre l'étage. Cela semble être un paradis pour les pigeons si j'en crois l'état du plancher. Le plafond est composée d'une coupole en pierres sèches dite en limaçon tandis que la tourelle n'est pas couverte formant comme un petit puits de lumière. Une archère plus large que les autres offre un sympathique point de vue sur Quertinheux alors qu'un rayon de soleil vient de percer les nuages.
Les efforts à fournir sont moins importants pour atteindre le dernier des châteaux, le plus grand de tous, baptisé du nom de la famille qui "régnait" sur la région : Cabaret. C'est le seul qui présente un plan plus classique de château malgré ses dimensions limitées si on le compare à tous ceux que j'ai déjà visité ces derniers jours. A l'intérieur de la courtine on peut donc distinguer une tour carrée, un corps de logis, un donjon ainsi que deux cours. Sur une des façades du logis, on devine encore un escalier qui devait monter jusqu'au chemin de ronde en trois rampes. A l'étage du donjon, je peux enfin voir de près cette croisée d'ogives que j'aperçois depuis mon arrivée, depuis chacun des trois premiers châteaux à travers le mur éventré et jamais comblé.
Revenu sur le chemin du flanc ouest, je zappe la branche qui descend vers l’extrémité de l'éperon où se trouvent les vestiges du castrum, l'ancien village niché près des fortifications et opte pour le nouveau chemin qu'on m'avait indiqué à l'accueil. Plutôt que de revenir sur ses pas, on peut désormais faire une sorte de boucle par l'est. Après avoir suivi le ruisseau du Grésillou, c'est désormais l'Orbiel qu'on surplombe. Le sentier étant tracé plus près de la ligne de crête, j'ai l'impression d'être écrasé lorsque je passe sous les différentes tours. Comme sur le flanc ouest se succèdent une série de marches, régulières, mais parfois bien pentues. Une toute petite grotte se présente mais bien vite traversée. Le circuit se termine au pied de la Surdespine dont il faut à nouveau descendre.
Le premier escalier sous Quertinheux se révèle presque plus difficile dans le sens de la descente. Après une bonne heure et demie d'efforts, ravi de ma visite, je ne suis pas mécontent de revenir au village et d'y découvrir un restaurant pour me remettre.