Dans les pas des Cathares (13)
2 Mai 2019
Une fois restauré, je peux reprendre la route jusqu'au dernier château de mon circuit. Je dois dire que je n'en avais jamais entendu parler avant d'étudier la carte des sites. Saissac se trouvant naturellement sur la route du retour vers la maison, je l'ai inclus dans mon parcours.
En arrivant dans le village, on ne le distingue même pas. Un vestige de tour au bord de la route m'induit en erreur. Je comprends vite qu'il n'a rien à voir avec le site recherché. Il ne reste qu'à se fier à la signalisation. Malheureusement, ici aussi, comme à Caunes-Minervois ce matin, elle se révèle assez aléatoire. Plusieurs fois il faut improviser pour dénicher le bon chemin faute d'un fléchage continu. Bien qu'édifié sur un éperon rocheux face à la plaine du Lauragais, il se trouve quasiment en contrebas du village. Il suffisait donc de descendre. L'espace d'accueil est niché contre le promontoire de la manière plus discrète possible.
L'esplanade mène directement au château. Ici il n'est nul besoin de marcher longtemps ou de grimper pour visiter. Il suffit de franchir un pont dormant qui enjambe le fossé désormais comblé. Cette construction dont les origines remontent au dixième siècle a vécu la croisades des Albigeois puis les guerres de religion. Il est parvenu à nous en lambeaux, certes de bonne taille, mais tout de même bien dégradé. De la première façade qui se présente ne subsiste qu'un mur assez bas et un morceau de tour carrée sur la gauche. Pas le moindre élément massif de défense. Trois terrasses successives composent Saissac, la première accueillant les vestiges les plus massifs : deux énormes et épais murs du donjon qui laissent imaginer la robustesse du lieu du temps de sa splendeur ainsi qu'une partie du logis nord, au moins les parois à défaut d'autre chose.
La deuxième terrasse, la plus petite et de loin, borde le grand logis est. C'est le seul bâtiment à avoir été restauré dans le style du seizième siècle avec une charpente en coque de bateau renversée afin d'aménager deux salles d'expositions. La première est consacrée aux différentes formes de trésors en référence au trésor de Saissac retrouvé dans les années 70, dont l'histoire est compté dans un petit film diffusé dans cette même pièce. Il s'agit de presque deux milles deniers royaux. La seconde salle se focalise sur l'histoire de la monnaie et du pouvoir à l'époque médiévale.
Quant à la dernière terrasse, elle s'étire toute en longueur vers l'extrémité de l'éperon, épousant la forme de celui-ci. Elle se termine par les deux seules tours rondes du site encadrant le mur sud. A part quelques casemates accolées au mur occidental, elle se limite à une vaste esplanade. La porte ouest conduit via une barbacane à l'extérieur de l'édifice. Un chemin permet de faire le tour du château par l'extérieur au pied des murailles.
En quittant le village vers Castelnaudary, on trouve un petit parc qui sert accessoirement de belvédère idéal pour bien comprendre l'ampleur du château et avoir un panorama global.
L'ultime étape de mon parcours se situe à moins d'une dizaine de kilomètres dans le petit village de Saint-Papoul. Heureusement que la route était simple à trouver car c'est le moment choisi par mon GPS pour se mettre rideau. Il retrouve son chemin, où plutôt le mien, juste devant l'abbaye. Dernier clin d'oeil facétieux de la signalétique. Deux flèches dans des directions opposées indiquent l'édifice pour situé à quelques dizaines de mètres à peine. Décidément, il y a encore quelques progrès à faire.
Il est possible de stationner sur le parvis et sinon sur un parking à cinquante mètres à peine. Extérieurement, l'abbaye bénédictine cache son jeu. On pourrait presque ne pas soupçonner sa présence. Les anciennes maisons des chanoines constituent une sorte d'écran. Juste après la salle d'accueil, on traverse le réfectoire qui sert d'espace d'exposition pour permettre de voir de près les éléments les plus emblématiques des lieux. Ainis des reproductions des sculptures du chevet sont présentées à hauteur d'homme. Il s'agit de l'oeuvre du maître de Cabestany, ce qui explique pourquoi je retrouve aussi une reproduction du sarcophage de Saint-Hilaire consacré à Saint-Sernin. C'est là le second lien : Saint-Papoul était un compagnon de Saint-Saturrnin (Sernin).
La visite se poursuit dans un cloître aux dimensions modestes, datant du quatorzième siècle. Sa charpente en bois supportant une couverture de tuiles traditionnelles dans la région repose sur une série de colonnettes dont la majorité sont en briques rouges et octogonales. C'est assez rare pour être noté. Je crois même que c'est la première fois que j'en vois de la sorte. En revanche aux angles et au milieu des côtés, ce sont huit piliers carrés et massifs tout en pierre. Le chapiteau du premier qu'on aperçoit raconte le martyr du saint patron des lieux du moins les morceaux qu'il en reste. Tout prés de l'accès à l'église, on distingue une toute petite pièce ouverte dans le mur sud du cloître. Cet ancienne chapelle de l'église a été modifiée pour devenir un baptistère tournée vers le cloître.
L'église abbatiale qui eut le rang de cathédrale en impose par son choeur au décor baroque et rutilant depuis la restauration de ses dorures. La chapelle au nord, bien minuscule en comparaison, affiche un style roman des plus épurés, tout en sobriété. Quant à celle du sud, elle est en pur style gothique avec certaines des croisées d'ogives sont encore couvertes de fresques. En quelques mètres, cette église propose un voyage dans le temps des plus étonnants.
Il faut repasser par le cloître pour accéder aux jardins, contourner l'édifice et rejoindre l'arrière du chevet. Là, en levant la tête, on peut distinguer différents chapiteaux et modillons, tous l'oeuvre du maître de Cabestany: représentations humaines pour les premiers, animaux et créatures pour les seconds. Juste au-dessus, la corniche est finement sculptée en forme de cordage. Et si le regard s'élève encore un peu, on découvre une toiture unique en son genre, constituée de dalles rectangulaires surmontées d'un cône taillé dans la masse. On penserait presque à des écailles de poissons. Cela forme un ensemble des plus esthétiques. Pour en voir de plus près, il faut regarder dans l'angle sud-est du cloître: un échantillon y est posé au sol.
Ainsi se termine un circuit qui me tentait depuis longtemps. On ne peut que soutenir la démarche visant à faire classer au patrimoine mondial de l'Unesco ces vestiges d'une lointaine mais passionnante histoire médiévale. Pour ceux qui souhaiteraient découvrir plusieurs des sites cathares, il ne faut pas hésiter à demander le passeport lors de votre première visite. Pour la modique somme de quatre euros, il vous fait bénéficier de un euro de réduction sur chaque entrée, et même deux pour celle du château comtal à Carcassonne. Autant dire qu'il est rapidement remboursé. En bonus, au bout de cinq et dix cachets, l'agence de développement touristique de l'Aude vous offrira un cadeau en rapport avec cette période de l'histoire.