Retour en terre bavaroise (6)
Munich, Jeudi 30 Mai 2019
Dernière journée en Bavière. Autant le programme des trois jours précédents était à peu près défini, autant aujourd’hui, je pars plutôt dans l’improvisation, au gré de l’inspiration et de la météo.
Il y a tout de même un dernier lieu que je souhaitais absolument voir avant de partir. Le vaste Englischer Garten fait la fierté des munichois. Son titre de plus vaste parc urbain d’Allemagne n’y est pas étranger. Descendu du U-Bahn au cœur du quartier de Schwabing, il suffit alors de se diriger plein est, face au soleil puisque les nuages se sont largement dissipés ce matin. Ici toutes les rues ne mènent pas à Rome mais au parc, véritable poumon vert urbain.
En quelques mètres, j’ai l’impression de changer de monde. Je bascule instantanément de la dureté urbaine à la douceur de la nature. Étonnamment, les bruits de la ville disparaissent très rapidement pour laisser place au pépiement des nombreux oiseaux. Débouchant près du lac Kleinerhesseloher, je trouve des dizaines de canards encore endormis sur les berges tandis que quelques cygnes naviguent déjà. Sur les allées, les joggeurs matinaux sont déjà réveillés tout comme les promeneurs de chien.
Je décide de contourner le plan d’eau par le nord, ayant largement le temps de flâner. Cette portion semble propice aux activités nautiques : divers pontons encore fermés et embarcations variées attendent sur les berges. La multiplication des chemins n’aide pas forcément à bien s’orienter et trouver son chemin si on a une destination précise, ce qui est mon cas. Mes circonvolutions végétales laissent le temps au soleil de prendre le dessus sur les nuages, si bien qu’en débouchant sur la clairière de la tour chinoise, un beau ciel bleu et une atmosphère réchauffée m’accueillent. Il est encore trop tôt pour que l’ambiance soit chaude elle aussi. Le fameux biergarten de la tour n’en est qu’au stade du nettoyage et des préparatifs. Néanmoins, le nombre de tables me laisse imaginer un lieu animé et bruyant aux heures d’affluence. Du coup, je peux en profiter sereinement sans personne pour gâcher les photos de la tour en bois qui veille sur la clairière.
Quelques centaines de mètres plus loin, je fais un détour pour monter jusqu’au Menopteros, petit temple rond à colonnades d’inspiration antique. Si son architecture surprend un peu au cœur de toute cette verdure, c’est surtout son point de vue qui mérite d’y monter. Au pied de la colline s’étend une vaste prairie déjà sillonnée par les gens du quartier en ce début de jour férié. L’apparition du soleil a même incité certains à s’étendre dans l’herbe pour profiter des douces caresses solaires. Au-delà de la cime des arbres apparaissent les toits de la ville ainsi que les principaux monuments qui dépassent allègrement. Le clocher de Peterskirche, la tour de l’hôtel de ville, les deux tours de la cathédrale et les bulbes de Theatinenkirche se détachent. Désormais, ils sont tous devenus facilement reconnaissables pour moi.
Poursuivant ma ballade, je passe tout près des « rapides » : un grand mot pour une chute d’eau d’au moins un mètre. Le débit du ruisseau est certes plus important à cet endroit mais rien de bien spectaculaire. Plus étonnant est le dernier spectacle que j’observe à la sortie du parc. Je savais que ce lieu existait sans connaitre précisément sa localisation. Le hasard m’y a conduit. Munich dispose de spot de surf en pleine ville. Sur ce même ruisseau, les amateurs de planche courte semblent s’éclater en surfant sur la seule vague qui se forme, essayant d’ailler d’une berge à l’autre tant qu’ils gardent l’équilibre. Ils sont une petite poignée, couverts d’épaisses combinaisons néoprènes, à se succéder avant de disparaitre momentanément dans les remous. Il y a rapidement plus de spectateurs au sec que d’amateurs dans l’eau.
J’abandonne ces énergumènes pour rejoindre le musée national de Bavière voisin. L’immense bâtisse laisse penser à un ancien château ou palais alors même que sa construction ne date que de la seconde moitié du dix-neuvième siècle. L’endroit semble désert : pas la moindre affiche ou panneau qui pourrait laisser croire que l’accès est ouvert. Je m’apprête à rebrousser chemin pensant une fermeture pour cause de jour férié quand soudain la porte s’ouvre automatiquement devant moi. Les visites sont possibles mais il semblerait que les candidats soient rares. Autant dire que je ne traine pas pour déposer mon sac à la consigne ni pour obtenir un billet. Direction l’étage pour découvrir les collections couvrant presque deux mille ans d'arts décoratifs européens. Celles-ci sont plutôt éclectiques, allant des vestiges antiques aux porcelaines du dix-neuvième siècle en passant par l’art religieux et la chose militaire. Pour l'essentiel, elles proviennent de la famille Wittelsbach Le sens de visite peut sembler parfois déroutant mais si on essaie d’être attentif aux petites flèches disséminées ici et là, on arrive à suivre le fil. Ici encore, des travaux de rénovation bloquent l’accès à quelques salles mais la grande majorité reste ouverte. Au sous-sol,plus que la boutique, je vous invite à traverser les quelques reconstitutions d'intérieurs typiques, tout en bois et au plafond très bas.
En retrouvant l'extérieur, je constate que le temps semble se maintenir à peu près au beau temps. C'est décidé, je ne vais pas rester sur la frustration de mardi et ce sentiment d'amertume. Direction l'Odeonsplatz où je pourrai redescendre dans le métro pour retourner au parc olympique. Pour rejoindre la station, je traverse l'Hofgarten, le grand jardin derrière la Residenz. De retour sur le site olympique, je commence par m'installer dans la cafétéria au pied de la tour pour prendre mon déjeuner. J'aurais presque faim.
Le temps du repas permet au ciel de se dégager plus encore. Je ne perds pas de temps à flâner. Je monte direction à l'assaut de la colline où j'avais été contrait de faire demi-tour. Aujourd'hui l'ascension me parait plus longue. Il y a aussi beaucoup plus de monde (il aurait été difficile de faire moins!). L'objectif en valait la peine: il aurait été domamge de ne pas pouvoir en profiter. Depuis ce belvédère, on peut profiter d'un large panorama sur les installations olympiques de 1972. De la gauche à la droite, le stade, la salle omnisports et le centre nautique, le tout sous la surveillance de la tour. Quant au lac, il accueille quelques barques ainsi que de grosses structures gonflables dans lesquelles les gamins s'éclatent à la surface de l'eau. En me retournant, je découvre que le panorama sur la ville est tout aussi sympathique même s'il est plus lointain. Désormais, je peux prendre le temps de redescendre et de refaire plus sereinement le même parcours à travers les installations. De loin j'aperçois des visiteurs marchant sur le rebord du toit du stade. Quelques cris (d'effroi?) s'élèvent parfois!
Il ne me reste désormais qu'à retourner en ville pour passer les dernières heures du séjour. L'option de descendre à la gare centrale n'est vraiment pas la meilleure. Comme tout quartier du genre, il n'y a pas grand chose à y voir, ça grouille et ce n'est pas forcément très net. Du coup, je me dirige vers la Sendlinger Tor pour rejoindre tranquillement via la zone piétonnière l'hyper-centre. Mon attention est captée par une façade peu ordinaire. Au milieu des vitrines modernes, deux façades "boursouflées" contrastent tout particulièrement. En m'approchant, je découvre l'Asamkirche. On peut juste entrer dans le hall mais une grille cadenassée empêche de pénétrer dans la petite nef. On peut néanmoins apercevoir une décoration particulièrement chargée dans le plus pur style rococo. Lentement mais sûrement je rejoins le marché que je parcours une dernière fois (rapidement vu qu'il est fermé) avant de me rapprocher de l'hôtel. Cette déambulation a confirmé mon impression de dimanche: quand les munichois, jeunes comme vieux, ne travaillent pas, ils n'hésitent pas à endosser la tenue traditionnelle et à se promener en ville ainsi vêtus. C'est un festival de culottes de peau et de grosses chaussures. Etrangement, on ne croise presque pas de femmes faisant de même.
Ayant épuisé toutes mes idées, je me pose sur un banc avant de passer à l'hôtel récupérer ma valise. Le S-Bahn qui me ramène à l'aéroport se semble bien plus court qu'à l'aller alors que c'est exactement le même parcours. Le contrôle de sécurité à l'aéroport est plutôt spécial. On me fait passer dans un scanner d'un nouveau genre qui détecte quelque chose qui n'existe pas, ce qui me vaut néanmoins une palpation prolongée ... Puis je dois faire la preuve que mon appareil photo en est bien un: la dernière fois qu'on m'avait demandé une telle chose, c'était à Athènes quelques jours après le 11 septembre 2001. Bizarre, bizarre! Deux longues heures d'attente m'attendent avant de décoller. Une fois n'est pas coutume nous décollons en avance et le vol est plus court qu'annoncé.