Splendeurs du Pantanal, Mutum Expedições (6)

Publié le par Jérôme Voyageur

Le Mutum Expedições

Dès la fin du déjeuner, nous abandonnons Pascal et son camion brinquebalant pour un minibus fermé et climatisé. Nous allons éviter de manger de la poussière. Plus de cent quarante kilomètres sur la Transpantaneira nous séparent de notre destination, et accessoirement plus d’une centaine de ponts, dont certains qu’il faut contourner. Anne s’est même amusée à les compter. Moi, j’ai plutôt comaté. Trois heures sont finalement nécessaires pour rejoindre Porto Jofre en comptant une halte à mi-chemin dans l’hôtel installé au bord du Rio Sararé. Quelques kilomètres après cette pause, nous devinons au loin un jaguar qui traverse fugacement la piste. Espérons que nous ne resterons pas sur cette seule observation. Notre destination se révèle conforme à ce que j’avais pu deviner avant de partir en consultant Google Maps. Quelques hébergements mais rien de plus, pas le moindre village. Tout juste un vague embarcadère de fortune qui consiste en une berge sommairement creusée et quelques planches pour monter à bord des bateaux. Nous montons directement à bord du Mutum Expedições, sur lequel nous allons passer les prochains jours. Après l’embarquement, je découvre mon sac en partie déchiré et bien sali. Il semblerait que le matelot soit tombé en le montant. Le capitaine va être bon pour une séance de couture pour le rafistoler tant bien que mal. En attendant, il met en route le moteur pour remonter le cours du Rio Cuiaba pendant une grosse heure tandis que nous sirotons une boisson fraîche sur le pont, lentement enveloppés par la nuit. C’est en pleine obscurité que nous accostons le long d’une berge sauvage à quelques dizaines de mètres d’un autre navire du même genre. Nous sommes dans un hôtel privatif flottant pour les trois prochaines nuits. Dans les cabines, il faut calculer chacun de ses mouvements pour ne pas se marcher sur les pieds. L’espace est compté. Néanmoins, tout le confort est disponible et l’équipage aux petits soins pour nous.

Transfert de Piuval à Porto Jofre

 

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Samedi 21 Septembre, à bord du Mutum Expedições

Matinée du 21 Septembre

 

Autant le réveil d’hier pouvait être tardif, autant celui du jour est plus matinal. Nous prenons le petit-déjeuner à six heures avant de monter dans une des barques accrochées à l’arrière. C’est parti pour une matinée de quête du félin local, toujours en remontant le cours. Sur la rivière principale nous filons plutôt vite avant de passer au ralenti à chaque fois que nous bifurquons dans un des canaux ou affluents. Nous commençons par le canal Noir qui est déjà propice à de superbes observations ornithologiques : hérons cocoï, jabirus d’Amérique et jacanas noirs à plusieurs reprises, anhingas d’Amérique restés bien discrets depuis notre arrivée dans la région et de nombreux autres plus petits. La belle lumière matinale ne gâche rien. Nous poursuivons ensuite avec la rivière des Trois Frères qui dessert successivement les canaux du Charles, de l’Ile et de San Pedrinho. Ayant rebroussé chemin, nous refaisons une incursion dans le canal Noir avant de reprendre la remontée de la Cuiaba pendant une grosse demi-heure. En revanche, le seul mammifère à daigner se montrer est le capybara, ce massif rongeur dont Paulo ne comprends toujours pas l’intérêt qu’on lui porte ! Pas un seul jaguar en vue pour cette première demi-journée. Sur le retour ; nous faisons une halte près d’une petite plage où quatre espèces différentes sont visibles en quelques mètres à peine. Il y a une sterne à gros bec, a priori occupée à couver, le vanneau de Cayenne qui gambade en arrière-plan, un couple de becs-en-ciseaux noirs, immanquables avec leur appendice si particulier, et la sterne argentée, sorte de modèle réduit de la première mais pas du tout effrayée par les plus gros qu’elle. A tel point qu’elle attaque plusieurs fois un des becs-en-ciseaux. Après ce dernier stop, nous retournons directement et à vive allure au navire pour une pause déjeuner (plus de quatre heures de navigation, ça creuse !), assortie d’une sieste pour certains.

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Après-midi du 21 Septembre

Dès quatorze heures trente, nous remontons à bord de notre barque à moteur. Nous récupérons Paulo au passage sur le bateau voisin avant de reprendre l’exploration du réseau aquatique en débutant par le canal Noir comme ce matin. Nous commençons par les oiseaux, de loin les plus simples à repérer dans ce milieu plutôt dense en végétation. Grâce à l’œil aiguisé de Catherine, nous devinons une dizaine de petites chauves-souris, plaquées contre un tronc pour dormir paisiblement en attendant la nuit. Nous pouvons les approcher sans risquer le moindre décollage. Lorsque la radio annonce la présence de loutres géantes, nous rebroussons chemin pour rejoindre la Cuiaba. Nous les trouvons assez rapidement : trois individus. Elles s’amusent à plonger et remonter quelques minutes plus tard. Le jeu consiste à anticiper où les museaux vont bien pouvoir ressortir, sous peine de rater systématiquement les clichés. Comme elles sont joueuses, ce ne sont parfois que les jacinthes d’eau qui frémissent lorsqu’elles refont surface sous le tapis végétal.

Soudain, c’est le branle bas de combat. Notre pilote met plein gaz. Une seule explication possible à un tel départ : un jaguar a dû être annoncé sur les ondes. Pourtant je n’ai pas entendu la moindre conversation derrière moi. Nous filons à vive allure, à contre courant, coupant les méandres à la corde, remontant d’abord la rivière des Trois Frères puis nous engouffrant dans l’étroit canal du Charles, ce qui nous vaut un brusque ralentissement. Quelques centaines de mètres plus loin, nous tombons sur cinq ou six bateaux, tous tournés vers un arbre, serrés comme des sardines. Ce n’est qu’au dernier moment de notre approche finale que j’aperçois un bout de pelage tacheté au-dessus d’une grosse racine. Nous prenons place à côté des autres. Petit à petit, la foule se masse. Vu le milieu, c’est malheureusement incontournable. Je suis tout de même édifié par l’image donnée par certains : entre ceux qui ne peuvent s’empêcher de faire du bruit, ceux qui ne pensent qu’à boire des bières comme au spectacle, ou encore ces japonais qui ne peuvent s’empêcher de nous inonder d’insecticide. Mieux vaut se concentrer sur le jaguar même s’il ne bouge que très peu. Tantôt la queue fouette l’air, tantôt la tête se relève avant de retomber quelques secondes plus tard.

Nous attendons un bon quart d’heure avant qu’il ne se lève, enfin, qu’elle se lève, puisque le jaguar en question se révèle être une femelle. Quelques pas lents sur la gauche puis un bond dans la végétation, tout près des trois barques qui se tenaient un peu à l’écart. Pendant un moment, j’ai cru que l’observation était terminée ; nous ne voyons même plus les herbes frémir. Mais quelques minutes plus tard, elle remonte à l’ombre de l’arbre sans s’y arrêter, préférant poursuivre par une parade devant son public. D’une démarche lente, fière et assurée, elle redescend vers la berge, cette fois vers la droite, avant de longer le canal. Bien évidemment, les appareils crépitent à en exploser, les gens s’excitent, et les idiots … Cela vire même à la cohue, un indescriptible embouteillage, digne des heures de pointe dans le métro parisien, sans compter ce moteur qui fume et nous empeste. Les coques s’entrechoquent : mieux vaut garder ses bras à l’intérieur. Certains s’invectivent. Et pendant ce temps, la féline continue sa promenade, imperturbable. Nous sommes probablement plus gênés qu’elle. Madame Jaguar se pose un temps sur une butte au creux d’un méandre qui lui offre une sorte de promontoire d’où elle nous toise tous. Sans trop s’attarder, elle se met à l’eau pour traverser à la nage, entre les barques, avant de reprendre sa progression sur la rive opposée. Mais visiblement, c’est un chat qui doit aimer l’eau : elle traverse à nouveau non loin d’une nappe de joncs. Toutes les bonnes choses ont une fin ; elle disparait derrière la lisière. Nous préférons la laisser tranquille plutôt que d’attendre, peut-être en vain, de l’autre côté du méandre. Nous laissons cela à quelques rares acharnés. Le spectacle a tout de même duré plus d’une heure. Il est temps pour nous de rebrousser chemin.

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Nous retournons sur la Cuiaba avant de bifurquer une nouvelle fois vers le canal Noir. La lumière, de plus en plus rasante, est parfaite pour réaliser de sympathiques clichés. C’est un anhinga d’Amérique particulièrement coopératif qui s’y colle. Il reste longuement sur sa souche, juste à fleur d’eau avec ses ailes déployées face au soleil. Seuls son cou et sa tête bougent … dans toutes les positions imaginables, même les plus improbables. A un moment, nous avons même l’impression qu’il a fait un nœud avec ! Sevrés d’images magnifiques, nous le laissons tranquille. Quelques minutes plus tard, en repassant après avoir fait demi-tour à l’extrémité du canal, nous constatons qu’il est toujours en place, s’offrant aux objectifs d’une autre barque. La luminosité ayant trop décliné, nous commençons à retourner vers le bateau. Mais c’était sans compter cette famille de loutres géantes aperçue un peu par hasard sur la rive gauche. D’abord timides, nous n’apercevons qu’un bout de crâne et parfois un museau. Elles finissent par prendre une certaine assurance, faisant bouger les jacinthes devant leur nid avant de se montrer enfin à découvert. Elles sont trois, visiblement les parents et leur petit. Rapidement revenues à l’abri de leur paravent végétal, elles se signalent par un étonnant couinement. Nous leur tenons compagnie encore un moment jusqu’à ce qu’il ne soit plus possible de faire le moindre cliché acceptable.

De retour sur le navire, nous fêtons dignement notre premier jaguar, qui avec une bière, qui avec une caïpirinha. Encore une bien belle journée, parfaitement remplie.

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P
que de magiques rencontres avec des animaux sauvages en particulier le jaguar cordialement
Répondre
J
En effet Philae, c'est un endroit magique pour les amoureux de vie sauvage. Et pour voir les jaguars, cela reste un des rares endroits où on peut encore les voir