Splendeurs du Pantanal, Pousada Piuval (3)

Trois heures de piste nous attendent : au menu, poussière, chaleur et piste façon tôle ondulée. Un pur bonheur ! Au moins, nous ne faisons quasiment aucune halte pour une bestiole encore inconnue ! Mais nous n’avons d’autre choix que de repasser par la ville de Poconé. Nous en profitons pour refaire le stock d’eau qui s’est tari au moment du déjeuner. C’était calculé au plus juste. Après un nouveau passage devant le restaurant du premier jour, nous nous engageons sur la Transpantaneira, le seul axe qui descend plein sud jusqu’à Porto Jofre sur les bords de la rivière Cuiaba.
A peine sortis de la ville, nous abandonnons le bitume pour une large piste façon latérite. Heureusement, au bout de quatre kilomètres à peine, nous bifurquons sur la gauche pour emprunter le chemin d’accès à la Pousada Piuval, une autre exploitation agricole à vocation touristique. Les trois kilomètres restants laissent augurer de sympathiques observations même si ici aussi le paysage apparait très sec. Difficile d’imaginer le même lieu sous l’eau. Léger choc à l’arrivée : l’ambiance familiale de Caranda a laissé place à un hébergement plus dans le style hôtel avec piscine et surtout un peu plus de clients, même si cela reste tout à fait acceptable. A peine les sacs ouverts, nous sommes une bonne moitié du groupe à nous retrouver dans l’eau. Quel meilleur moyen pour récupérer de l’éprouvante liaison qu’une baignade ? A dix sept heures quarante cinq, alors que la luminosité décline, nous tentons une sortie nocturne en quête du grand fourmilier. Paulo a beau balayer la nuit avec son spot, rien n’y fait. Pas plus à l’aller qu’au retour après un demi-tour au milieu de la Transpantaneira. Tout juste un nandou montre le bout de ses plumes grises dans le lointain. Nous sommes quittes pour revenir bredouille à la pousada prendre notre repas façon restaurant, sous forme de buffet.
Jeudi 19 Septembre, Pousada Piuval
Le réveil est légèrement plus matinal qu’à l’habitude, histoire de se donner plus de chance d’apercevoir le grand fourmilier. Nous démarrons à cinq heures trente alors que le jour se lève à peine. Nous restons bredouilles en remontant le chemin jusqu’à la Transpantaneira. Nous y faisons demi-tour comme hier soir. J’ai le sentiment que nous allons vite retourner à la pousada. Mais, à mi-chemin, Paulo descend du camion pour aller ouvrir un portail sur la droite, en contrebas du chemin. Nous poursuivons dans un des enclos de la propriété où paissent quelques vaches et chevaux. Nous bifurquons une seconde fois jusqu’à apercevoir deux véhicules apparemment arrêtés au milieu de nulle part. Notre guide essaie d’en savoir plus avec ses jumelles. Il reste muet mais nous continuons à avancer vers celui le plus au nord. Bloqués par une clôture, nous mettons pied à terre pour continuer de l’autre côté des fils de fer qui la constituent. Il reste à savoir pourquoi ils ont stoppé là. Dans un premier temps, nous ne bougeons pas tandis que Paulo part en éclaireur. Il finit par comprendre qu’un grand fourmilier serait dans les parages. Effectivement, avec les jumelles, nous devinons vaguement une forme sombre au loin.
Branle bas de combat. Nous essayons de rejoindre le groupe d’allemands au plus vite tout en gardant un œil sur la masse noire en mouvement derrière les herbes hautes. Mon entrain à réduire la distance au plus tôt n’est pas du tout du goût de la guide germanique. Mais c’est Olivier qui « charge » vu que Paulo n’a pas suivi. Nous sommes contraints, par la force des choses, de nous intégrer à leur groupe. Nous parvenons ainsi à observer ce fameux mammifère à l’apparence si particulière. Les marques claires sur son flanc me laissent penser l’espace d’un instant qu’ils pourraient être deux côte à côte. Son museau ressemble à une petite trompe tandis que sa large queue ferait plus songer à un grand éventail sombre. La traque à distance dure un moment. Par chance, il semble progresser de manière assez rectiligne : nous en faisons de même en restant derrière une nouvelle clôture. Lorsqu’il bifurque vers un bosquet d’arbres, nous passons sous les câbles pour essayer de maintenir la distance. Nous le voyons humer un des troncs avant qu’il ne finisse par s’éloigner et disparaître définitivement. Il ne nous reste qu’à rejoindre le camion où nous attend Paulo, puis la pousada par des chemins détournés au hasard desquels nous approchons enfin un jabiru.
Il est temps de prendre un petit-déjeuner plus copieux qu’à l’accoutumée. A croire que cette sortie à l’aube nous a creusé l’appétit. Nous repartons moins d’une heure plus tard, cette fois en nous enfonçant dans les terres à l’opposé de la grande piste. Les zones de forêts, souvent des palmiers, alternent avec des portions de plaines bien desséchées, pour ne pas dire désertiques. Beaucoup de mares sont visibles, mais inégalement occupées. Plusieurs fois nous essayons d’immortaliser la caurale soleil en plein vol avec une réussite mitigée : ses ailes à l’apparence de celles d’un papillon ne sont pas des plus simples à fixer sur la pellicule. En assemblant plusieurs photos, il y aurait peut être moyen de reconstituer un oiseau à peu près complet ! Les hérons et aigrettes apparaissent régulièrement sans déclencher le moindre intérêt de notre part. Par contre, il en va tout autrement lorsque nous distinguons un héron flûte-du-soleil à la magnifique parure et que dire de l’araçari à oreillons roux, le plus petit des toucans de la région. Un peu plus tard, c’est Pascal, notre chauffeur, qui nous impressionne. Non content de regarder la piste pour conduire en sécurité, il parvient à dénicher un grand ibijau posé sur une branche à quatre mètres au moins au-dessus de nos têtes. Quand on sait que cet oiseau nocturne a la particularité de se confondre avec les branches en restant immobile, on mesure le talent de notre conducteur. Nous mettons évidemment pied à terre pour le photographier sous tous les angles. Comme il dort d’un sommeil profond, il ne risque pas de décoller au moment où nous déclenchons.
Vers neuf heures trente, nous abordons une clairière aménagée tout près des berges de la Baia Piuval, un lac dont les rives sont largement colonisées par les jacinthes d’eau. Un véritable tintamarre nous fait lever les yeux. Un énorme nid de jabirus d’Amérique héberge une famille d’au moins quatre jeunes. Sur l’arbre voisin, j’aperçois un singe capucin qui progresse sur les branches avant de se rouler en boule au creux d’une fourche pour dormir sans être trop dérangé. Un peu plus bas sur le même tronc, un ara hyacinthe sort seulement sa tête du trou qui lui sert de nid. Avec quelques autres, je descends jusqu’au ponton voisin pour regarder de plus près les petits caïmans cachés dans la végétation aquatique sous les grilles qui forment le plancher. En remontant sur la terre ferme, j’aperçois deux ibis mandore sur la gauche. De retour sous les arbres, c’est désormais plusieurs singes hurleurs qui déambulent dans le feuillage. Le mâle, bien noir, est le plus imposant. Tout ce petit monde finit par se poser pour la sieste quasiment collés au petit capucin.
Après cette petite arche de Noé, nous rebroussons chemin, non sans pister encore quelques beaux spécimens comme cette buse échasse des plus élégantes, ou encore une énième tentative avec une autre caurale soleil. De retour à la pousada, j’en profite pour faire un peu de lessive (séchage express avec le chaud soleil) avant d’essayer d’approcher les mares voisines. Une quête vaine tant la chaleur a fait « fuir » tout le monde. Seuls les gros manguiers plantés au milieu de la pelouse devant les chambres laissent entrevoir un peu de vie : ici deux conures veuves s’attaquant à un fruit, là un geai bleu-noir. Même les capybaras de l’étang à l’arrière du restaurant se sont presque tous volatilisés. Du coup, je me replie sur une option régénératrice : la piscine.