Prendre les airs avec le courrier
Toulouse Montaudran , Août 2021
Voilà un bon moment que je songeais à découvrir le dernier né des musées toulousains consacrés à l'aéronautique. Pandémie oblige, les longs mois d'exil sanitaire dans ma belle ville rose ne m'avaient pas donné l'opportunité d'y aller. Désormais, avec l'amélioration de la situation et la mise en place du pass sanitaire, l'accès au musée est possible sans encombre.
Direction donc le sud de la ville et le quartier Montaudran. Quel changement depuis mes années étudiantes. "Autrefois", le périphérique, qu'on appelait encore la rocade, était bordée par une vaste zone herbeuse qui longeait la piste d'aviation derrière laquelle se dressaient les grands hangars de maintenance d'Air France. Tout ceci a disparu ou presque. Seul un petit bâtiment subsiste. Des immeubles d'habitations ont fleuri ainsi qu'un multiplexe. Tous alignés le long de l'ancienne piste dont l'emprise a été conservée, comme une large avenue piétonne au coeur de ce nouveau quartier. Grâce à la signalétique, on déniche facilement le musée baptisé "L'Envol des pionniers" et ses différents parkings.
Mais pourquoi donc ce lieu supplémentaire dans la capitale de l'aviation et de l'espace, alors qu'on a déjà la Cité de l'Espace et Aéroscopia? Tout simplement parce qu'une page d'histoire s'est écrite le long de cette piste mythique et dans ses installations. Un certain Pierre-Georges Latécoère y fonda pendant la première guerre mondiale son entreprise de construction d'avions, avec une certaine prédilection pour la conception d'hydravions avant d'imaginer une ligne aérienne de courrier et de fret aérien qui deviendra la fameuse Aéropostale, qui reliera d'abord Toulouse à Barcelone, puis le sud de l'Espagne, puis le Maroc, le Sénégal avant le grand saut atlantique pour desservir le Brésil, l'Argentine et même le Chili. Cette idée géniale permit à quelques personnages de rentrer dans l'histoire, les fameux pionniers dont les plus connus restent Jean Mermoz, Henri Guillaumet et bien sûr, le père du petit prince, Antoine de Saint-Exupéry. C'est pour retracer l'histoire de ces hommes un tantinet casse-cous qu'une petite visite s'impose.
Avant d'atteindre le bâtiment principal, vous pouvez apercevoir un ancien wagon postal qui assurait le relais avec la ligne aérienne. Il semblerait que son accès soit possible en faisant la demande à l'accueil du musée. Quelques bips et autres messages sonores vous font tourner la tête vers la petite maison de la radio. Enfin, on atteint les grilles du musée puis l'accueil. Les options de tarifs sont multiples, du simple accès à l'envol des pionniers en passant par les activités annexes, tel le simulateur de vol à bord d'un Bréguet XIV, jusqu'au combiné avec l'attraction voisine, la Halle des Machines.
Muni du sésame, la visite débute dans un premier volume dit l'atelier de la "Ligne". On y a assemblé divers objets rappelant cette époque faste, qu'il s'agisse de maquettes d'avions, de tenues de vols, les lunettes paraissent d'ailleurs démesurées tandis que la combinaison en cuir parait peser des tonnes. Dans les vitrines quelques fac-similés de courrier rappellent qu'à l'époque, le trajet du courrier pouvait être plus que mouvementé, par exemple, lorsque les avions tombaient dans des zones dites "rebelles". Les délais pouvaient alors se compter en mois : chose hallucinante, ce courrier restait coûte que coûte la priorité de ses as du manche! On peut aussi apercevoir quelques versions anciennes de l'hippocampe, dit la crevette, qui deviendra l'emblème d'Air France. Quel étonnement aussi de voir les fauteuils en osier qui étaient utilisés à bord pour installer les passagers commerciaux. Un charme totalement désuet à l'heure du transport aérien moderne. Ce premier espace a aussi vocation à rappeler l'histoire industrielle de ces lieux.
Un petit diorama holographique retrace l'embauche de l'as Jean Mermoz : étonnamment, le directeur d'exploitation Didier Daurat n'avait que faire d'un sbire pareil. Quel contraste quand on sait ce que Mermoz a fait par la suite.
Le volume suivant est celui de l'exposition permanente, quasi entièrement dédiée à la Ligne, à ses petites et grandes histoires. Deux murs servent d'écrans géants pour quelques moments d'histoire. Le plus connu est certainement le crash de Guillaumet dans les Andes, en tentant de rallier le Chili en vain à cause du mauvais temps. Cinq jours d'enfer à errer sur les flancs argentins de la Cordillère avant de trouver de l'aide et survivre. Il dira de cet épisode que " ce que j'ai fait, je le jure, même une bête ne l'aurait fait". Là encore, le courrier finira par être récupéré sur les lieux du crash et livré à bon port. L'autre moment de bravoure concerne Jean Mermoz lors d'une traversée en Saint Louis du Sénégal et le Brésil, en pleine tempête dans le pot au noir. Quand son radio lui dit qu'ils ont cassé l'antenne radio, le pilote répond qu'ils ont du voler bien près des flots .... Une grande tour permet d'écouter certaines lettres, dont une écrite par Mermoz à Guillaumet, juste après son accident. C'est dans cet espace qu'est aménagé le simulateur de vol. On peut néanmoins regretter une bizarrerie muséographique avec ces panneaux explicatifs suspendus mais impossible à bouger : pour certains, il est quasiment impossible tant ils sont serrés : étrange approche!
Direction le "hangar", troisième espace du musée, où le visiteur est accueilli par un Salmson 2A2, bi-plan datant de la première guerre et restauré par les bénévoles des Ailes Anciennes, les mêmes qui contribuent à Aéroscopia ainsi qu'à leur propre musée près des usines Airbus à Blagnac. Ce modèle fut un des premiers construits en série par Latécoère avant qu'il se lance dans ses propres modèles. Pour un avion de reconnaissance, il reste tout de même impressionnant avec ses douze mètres d'envergure pour presque neuf de long et trois de haut. Les deux tiers de la salle sont consacrés au plus connu des pionniers, l'aviateur écrivain, Antoine de Saint Exupéry. Quel personnage, quelle histoire! Retracée par de nombreuses photos, des écrits de sa main, des agendas ... L'exposition se termine même avec un pièce récupéré sur l'épave de son P-38 où il perdit la vie pendant la seconde guerre mondiale au-dessus de la Méditerranée.
Le dernier espace est consacré aux expositions temporaires. Actuellement, elle prolonge naturellement l'espace précédent puisqu'elle est consacrée au Petit Prince, illustrations d'extraits du livre par des sculptures contemporaines mettant en volumes et en couleurs les dessins de l'oeuvre.
Pour les férus d'aviation, juste avant la sortie, la salle des Pionniers diffuse en boucle une série de documentaires d'Arte sur l'oeuvre de Latécoère et sur l'Aéropostale.
Après cette immersion historico-aérienne, il est temps de prendre la piste des géants pour rejoindre la halle des machines voisine.